Chapitre 39

Ecrit par Myss StaDou

Chapitre 39


Victor me lance un regard perdu et fait un pas vers moi. Je recule d’un pas.

 

− Non, reste où tu es et parles.

 

Il s’arrête, baisse les bras et me regarde, résigné.

 

− Chou, je sais qu’il est plus que temps qu’on ouvre ce sujet. Asseyons-nous au salon, nous serons plus à l’aise.

 

Je le regarde et pense d’abord à refuser. Et puis bon, qu’est-ce que ça fera si nous nous asseyons ? Je me dirige vers un fauteuil et lui fait face. Il s’assied, se passe les deux mains de la tête à son visage et reste ainsi les mains jointe devant le visage à me regarder. Seulement alors je me jette dans le fauteuil. Nous restons ainsi quelques minutes et j’attends, impatiente.

 

− Il n’est jamais facile d’ouvrir les portes de son passé, tu sais, dit Victor. Surtout quand on s’est battu pour les fermer.

 

Ce genre de phrase philosophique peut embrouiller le cerveau de quelqu’un… Ça veut dire quoi ? Je veux la clarté dans toute cette histoire. Je commence à perdre patience. Je vois tellement d’émotions passer sur son visage. Mais aujourd’hui, j’attends juste mes réponses. On met les sentiments d’abord de côté,nous allons recommencer l’amour et les «Ma ding wa » (je t’aime) après. Qu’il parle d’abord.

 

− Tu veux savoir qui est Élise ?

− Oui !

 

Je dis ça comme ça, comme si ce n’était rien. Mais mon cœur bat tellement fort que je suis sûre  qu’il l’entend d’où il est assis.

 

− Qui t’a parlé d’elle ? demande Victor, l’air intrigué.

− D’où je connais ce nom n’a pas d’importance. Mais à ta réaction, je devine que ta réponse à cette question est importante. Alors je t’écoute.

− Elle n’est pas si importante. Surtout plus maintenant dans ma vie, car c’est toi qui es maintenant la chandelle qui brille dans mon cœur.

− C’est-à-dire ? Ne m’embrouille pas, je t’en prie. Qui est-elle vraiment ?

− C’est une de mes ex-petites amies.

− Et pourquoi en fais-tu autant un mystère ?

− Parce que je n’ai pas trop envie de parler d’elle !

 

Je me lève brusquement, jetant de ce geste au sol mon sac qui était posé sur mes genoux.

 

− Mais moi je veux parler d’elle ! Je veux tout savoir. Je suis fatiguée de tes cachotteries Vic, tu comprends ?

 

Il soupire et me regarde.

 

− Que veux-tu exactement savoir ?

 

Je vais m’asseoir. Je ramasse mon sac et je réfléchis quelques secondes.

 

− Je veux savoir qui elle est, votre parcours ensemble. J’ai l’impression qu’elle est une menace pour notre histoire.

 

Victor secoue la tête négativement :

 

− Rien n’y personne ne me séparera de toi. Je t’ai trop longtemps cherché pour te laisser partir.

 

Je lui lance un regard narquois.

 

− C’est bon. Je te raconte. Élise est une femme avec laquelle j’ai été quelques temps quand je vivais encore en France.

− Une vraie copine ? Une aventure ?

− Je l’aimais vraiment et je voulais faire ma vie avec elle, dit-il avec un sourire triste. Au point où je l’ai d’ailleurs présenté à mes parents lors d’une de leur visite là-bas. Malheureusement des différends s’installaient peu à peu entre nous et ce qui devait arriver arriva.

− Quels genres de différends ?

− Je n’entrerai pas dans les détails car je ne peux pas étaler sa vie ici. Mais elle m’a fait beaucoup de peine.

 

Il s’arrête un instant, comme pour prendre son souffle. Je le regarde et j’éprouve quand même de la peine pour lui. Je l’oblige à fouiller dans son passé et ce n’est visiblement pas plaisant pour lui. Victor  est perdu dans ses pensées :

 

− Peu de gens ici et même là-bas savent ce que j’ai enduré avec elle. Même pas Jeanne, qui est pourtant une confidente. Elle a l’air candide mais…

− Qu’a-t-elle fait ?

− Je concède que j’étais jeune et inexpérimenté. Je n’ai peut être pas fait comme elle le voulait ou au moment où elle voulait. Mais je l’aimais vraiment ! Et elle…

− Elle quoi ?

− Elle m’a trompé !

 

J’ouvre les yeux, étonnée. Comment une femme peut-elle tromper un homme comme Victor ?

Mais lui-même, veut-il me dire qu’il n’est jamais allé voir si l’herbe est plus verte chez le voisin ?

 

− Tu veux me dire que tu ne l’as jamais trompé ? Vous les hommes…

− Je n’aurais même pas pu, tellement elle me hantait. Je ne voyais qu’elle partout.

 

Je l’observe alors qu’il semble chercher les mots.

 

− Ce n’est pas une, ni deux, ni trois infidélités que j’ai du pardonner. Je ne les comptais même plus. Mais par amour, je fermais les yeux.

− Oh mon Dieu…

− Il a fallu du temps… Elle a posé un acte que je n’ai pas pu lui pardonner et j’ai préféré prendre mes distances.

 

Je le regarde, attendant qu’il approfondisse, mais rien. Je sens qu’il restera muet sur ce point là. Autant fouiller ailleurs.

 

− Et ta famille dans tout ça ? 

− C’est un peu compliqué.

− Comment ? Explique-moi.

− J’ai perdu ma grand-mère paternelle il y a quelques années de cela. Elle a été longtemps malade. Quand mon père a senti que son âme voulait aller se reposer, il m’a fait revenir illico presto pour que je puisse lui dire au revoir car elle me réclamait sans cesse. J’ai voyagé avec Élise. Ma grand-mère était très soucieuse de mon avenir et m’a demandé d’être un bon fils pour mon père. Elle m’a fait promettre de préserver l’honneur et le nom de notre famille, que je serais un homme sérieux et stable, un bon père de famille. Dans l’engouement, je lui ai présenté Élise…

− Et ?

− Et j’ai promis sur son lit de mort que je l’épouserais car mon cœur lui appartenait.

 

Il a baissé la tête en disant cela, visiblement honteux. C’est terrible ce qu’il a fait. Je suis horrifiée qu’il ait déjà fait cette promesse à une autre. Je dois amasser le maximum de courage. L’avenir de notre histoire en dépend.

 

− Et après ?

− Après je me suis séparé d’elle. J’ai décidé de revenir au pays pour seconder mon père. Mais c’est difficile de faire accepter cela aux parents qui se disent que tout problème de couple peut s’arranger.

 

Il se met à ricaner. Je le regarde, étonnée. Il rit de quoi tout seul ? Il devient fou ? Yémalé… Voilà comment je rends l’enfant d’autrui fou oh, pensé-je en riant dans mon cœur.

 

− Le plus étrange dans tout ça, c’est l’attitude de mes parents depuis ce temps. Ils disent avoir peur de représailles. Car l’esprit de ma grand-mère pourrait ne pas apprécier cette promesse non tenue.

 

Hum… Ça commence à me faire un peu peur. Quand je repense au cauchemar que j’ai eu le week-end de la fête et à ce que ma grand-mère m’avait dit. Aurait-ce un rapport avec tout ça ? 

 

− Et maintenant ?

− Maintenant, tout ça est derrière moi, dit-il avec désinvolture. Elle appartient au passé et je tiens à ce qu’elle y reste !

− Je ne peux que souhaiter la même chose.

 

Il se lève et s’approche de moi. Je le regarde prendre mes mains pour m’aider à me lever.

 

− Mon amour, je suis désolé de ne pas t’en avoir parlé jusqu’aujourd’hui. Juste trop de préoccupations dans ma tête en même temps. Tu as vu ma mère tout à l’heure. Je t’assure que ça va  dans tous les sens. Mais saches que je suis vraiment sincère et que je veux faire ma vie avec toi.

− Et tes parents ?

− Je suppose qu’ils s’inquiètent juste vu que je leur ai juste dit que je ne voulais plus d’Élise. Mais je ne leur ai présenté personne jusque-là.

− Hum… Ça  a l’air trop simple, Vic.

− Crois-moi, je peux te le jurer sur n’importe quelle bible. C’est toi que j’aime et personne d’autre. Laisse le passé où il est et vivons le présent.

− Comment vas-tu gérer avec ta famille ? Ce n’est pas une histoire à prendre à la légère.

 

Il réfléchit quelques secondes la tête levée au plafond. Quand il la baisse, il a un immense sourire aux lèvres.

 

− Je vais te présenter mes parents.

− Quoi ?!

− Oui. Ce weekend même ! Nous irons manger là-bas dimanche et tu les rencontreras.

− Juste comme ça ?   Sans se préparer ? Je ne sais même pas si j’ai quelque chose à me mettre.

− Les femmes… Toutes pareilles ! se moque-t-il.

 

Je commence à réfléchir à toute allure avant de m’arrêter brusquement.

 

− Tu es sûr de ce que tu veux faire ? Tu es vraiment sérieux ?

− Oui, je le suis. J’irais même plus loin en venant rencontrer les tiens plus tard. J’aimerais pouvoir prendre soin de toi, m’occuper de scolarité. Aimerais-tu avoir ta chambre à Soa ?

− Bien sûr. Je ne rêve que de ça !

− Ok, je m’en occuperai. Jeanne m’a dit que c’est le moment pour marchander avec ceux qui libèrent leurs chambres.

 

Je m’exclame de joie :

 

− C’est vrai ça ?  !

 

Je saute dans ses bras :

 

− Oh… Merci Vic ! Tu es un amour.

− Non. Toi, tu es mon amour.

 

Il me tient dans ses bras quelques minutes après m’avoir appliqué un baiser hollywoodien sur les lèvres. Je sais qu’il ne m’aurait pas raconté tous les détails vu la présentation de la situation. Mais j’en sais un peu plus sur ce mystère et peux ainsi comprendre certaines positions. C’est un grand pas pour un homme, surtout un comme lui sur lequel reposait tous les espoirs de sa famille, de présenter une femme à ses parents. C’est plus qu’une marque de confiance. J’espère qu’il m’aidera à passer cette épreuve haut la main, car je ne me représente pas la vie sans lui. Affaire de belle famille, ce n’est jamais aisé.

 

Je sens mon téléphone vibrer dans mon sac. Mais la personne va seulement rappeler ! Je profite de la chaleur de mon homme. Est-ce que je fabrique ?

 

− Chou, tu as déjà mangé quelque chose ? Tu veux qu’on aille quelque part ?

− J’ai l’estomac dans les talons, dis-je en souriant. Et ça fait un bout que nous ne sommes pas allés manger ensemble.

− Ok. Laisse-moi mettre quelque chose de plus confortable et on y va.

 

Il se dirige vers sa chambre où il passe une chemisette et un jean, et enfile une paire de sneakers aux pieds. Il vient me prendre par la hanche et on sort. Nous allons manger dans un petit restau pas loin de chez lui. Nous bavardons de tout et de rien. Il est presque 18h quand nous nous mettons en route pour ma maison. Mon téléphone sonne dans mon sac et je le prends pour décrocher. Quelle est ma surprise de voir le nom d’Olivier affiché sur l’écran. Ce n’est pas le moment pour ça. J’hésite à décrocher. Mais je n’ai pas trop de choix. Sinon Victor se doutera de quelque chose.

 

− A… Allô ?

− Allô. Nicole, c’est comment ?

− Ça va.

− Je voulais avoir de tes nouvelles. Depuis que je suis rentré…

− Tu sais quoi ? demandé-je en lui coupant la parole. Rappelle-moi plus tard, s’il te plaît. Ce n’est pas le moment.

− Ok. Comme tu veux. À plus tard.

 

Je raccroche le téléphone rapidement et le remet dans mon sac.

 

− C’était qui ?

 

Je sursaute en entendant sa voix grave. Tellement je paniquais que j’avais presqu’oublié qu’il était là.

 

− Juste un ami qui est à Douala.

− Qu’est-ce qu’il voulait ?

− Rien d’important.

− Ok. Nous arrivons bientôt chez toi.

 

Nous roulons encore quelques minutes en silence avant qu’il ne gare pas loin de la maison.

 

− Quel est le programme ? demandé-je. Demain est un peu chargé car je dois aider maman à faire le marché.

− Je vois. Je vais venir te prendre dimanche matin, disons vers 11h30. Mes parents vivent à Bastos et on ira manger et passer l’après-midi avec eux.

− Ok. Devrais-je porter une tenue spéciale ?

− Habille-toi juste convenablement. Si tu veux, ensuite nous irons passer un moment à la maison et je te ramènerais plus tard.

− Ça me va. On se dit bonne nuit ?

 

Victor se penche sur moi et on échange un baiser passionné qui réveille tous les sens de mon corps. Il me caresse la joue de son pouce et pose son front contre le mien. Je sens nos cœurs dans une fusion totale. Je pose un dernier baiser avant de descendre de la voiture.

 

− Chou, tu dors bien, dis-je en souriant. N’oublie pas mon SMS pour bien dormir.

− Je n’y manquerais pas. Je t’aime, Nic d’amour.

− Je t’aime, Vic d’amour.

− Bonne nuit, chou.

− Bonne nuit.

 

Je fais un signe de la main en voyant la voiture s’éloigner. Je m’avance rapidement. Je ne suis même pas étonnée de voir Junior et Stéphane près du portail en train de discuter. Je les salue d’une voix  froide et continue vers la maison d’un pas pressée. J’entre et me dirige directement dans ma chambre. Je suis super contente et me met à sauter dans le vide. J’entends la porte qui s’ouvre et je me tourne pour voir qui c’est. Je vois Junior et je lui saute dans les bras. Je le tire et l’oblige à faire comme moi. Il rit, un peu perdu par ce qui se passe.

 

− Nini, qu’est-ce qui t’arrive ? demande Junior. Que fêtons-nous ?

− Je suis trop contente. Tu ne peux pas savoir. Je suis en haut !

− Raconte-moi. Au lieu de me donner le tournis.

 

Je pousse un cri de joie avant de le regarder, souriant à pleines dents.

 

− Victor veut me présenter à ses parents !

− Mais c’est super ça !

− Nous allons manger chez eux dimanche. Je suis whaouh ! Je ne trouve même pas les mots.

− Eh beh, je me réjouis pour toi.

 

Soudain un bruit sourd vient de la porte et nous nous tournons, effrayés.

 

− Vous pouvez faire moins de bruit, s’il vous plaît ? hurle Carole. Ceci n’est pas une cour de recréation.

 

Je ne l’ai pas entendu venir, malgré ses talons. Elle entre dans la chambre et nous toise comme si on était des extraterrestres ou les cousins de Lady Gaga.

 

− Ah ! m’exclamé-je en tchipant. Les jaloux vont maigrir. Pardon Papi, viensnous allons dans ta chambre. La maitresse d’école veut sa paix.

 

Nous allons bavarder chez lui. Nous passons ensuite la soirée devant la télé et il  me montre des trucs qu’il a installés sur mon ordinateur portable. Vers 23h, Carole ressort, fraîchement habillée. Je n’ai pas pu m’empêcher de la charrier.

 

− Bonne nuit, Ma’a, dis-je narquoisement.

 

Elle me toise.

 

− Fous-moi la paix ! Je ne suis pas ta mère.

− Ok oh. Je voulais seulement te souhaiter une bonne nuit… Si tu dors bien sûr, dis-je en riant sous cape.

− Je n’ai pas le temps pour les parasites comme toi.

− Moi au moins je suis nuisible à un seul homme. Contrairement à certaines…

 

Elle me jette un regard haineux avant de sortir bruyamment.

 

− Vous deux, remarque Junior. Hum !

− Ah, elle dérange, dis donc !

 

Nous continuons à visionner, jusqu’a ce que la fatigue se fasse ressentir et qu’on aille se coucher. En regardant la liste de mes appels sur mon téléphone, je me rends compte que c’est Olivier qui m’appelait plus tôt dans l’après-midi. Que veut-il encore ?

 

Je lis le SMS de Victor avant de fermer les yeux et rêver de ses bras :

 

« Je t’aime plus que tout. Tu es mon présent et mon avenir. Dors bien princesse ».

 

Le samedi matin se déroule comme à l’habituel depuis quelques semaines. Marché dès 7h, travaux ménagers, lessive et cuisine. Maman vient me rejoindre à la cuisine vers 13h.

 

− Nicole ma fille, viens. Je  veux te parler.

 

Je laisse les assiettes que je lave à l’arrière de la maison pour m’approcher d’elle.

 

− Apporte-moi un banc pour que je m’asseye.

 

Je prends un banc pas loin et je le pose sur le rebord de la sortie de la cuisine. Je m’assieds à même le sol.

 

− Ma fille, je veux que tu m’écoutes !

 

Hum ! m’exclamé-je intérieurement, inquiète. Qu’y a-t-il pour que ma mère parle de la sorte ?   J’espère que ce n’est rien de grave.

 

− Je veux que tu m’écoutes très bien et que tu fasses ce que je te dis. Comme je sais que tu es têtue.

− Ok, Ma’a.

− Ma’a Pau est venue ici l’autre jour avec son fils. Je crois qu’il est plus que clair qu’elle veut que tu sortes avec son fils.

− Hum, marmonné-je.

− Tu sais que je veux que tu te maries au plus vite. Stéphane est un enfant bien. Vois sa famille. Sa mère ne marche pas au quartier. Les gens les respectent pour leur intégrité. Je veux que tu passes le plus de temps possible avec lui. Fais tout pour qu’il t’épouse.

− Mais Ma’a…

− Bebela Zamba ! Tais-toi ! s’exclame Maman, énervée. Je ne veux rien entendre ! Ton père est déjà au courant et il est d’accord. Tu es une belle femme. Fais ce qu’il faut. Mais ce garçon doit t’épouser !

Mon amour, mon comba...