Chapitre 4
Ecrit par kadijolie04
Sourd, muet, aveugle, j'entendais ni les chahutements des enfants, ni les cris des oiseaux. Incapable de prononcer un seul mot et ne voyant plus rien autour de moi ; tout était inhabituel. Mes pensées étaient complètement occupées par cette situation. Une vie qui chamboulait du jour au lendemain, des rêves qui tombaient à l’eau, j'étais complètement perdu. A l'idée de m’enfuir loin pour échapper à tout cela laissant derrière moi ma famille ou de me marié malgré moi était un dilemme. D'un côté je pensais à ma mère et à ma petite sœur qui étaient les personnes qui m'était le plus cher. Et devoir me séparer d'eux constituait un lourd poids. De l'autre côté ma vie, mon bonheur mes rêves, mes espoirs étaient en jeu. Quoi faire ? Quel décision prendre ?, étaient les questions que je me posais sans cesse. Marchant tranquillement , toujours dans mes pensées, je croisa un vieillard ce jour là. C'était un vieux mendiant, portant des haillons et tenant un bâton sur le quel il s'appuyait. Il demandait l’aumône. Je lui donna le peu de sous que j’avais noué sur ma pagne. Après avoir formulé quelques prières il me remercia et disa ceci'' Jeune fille, ton bonheur n'est pas dans ce village. Tu te poses beaucoup de questions en ce moment. Mais ne perd pas de temps, va , court le plus loin pour chercher ton bonheur et surtout soit courageuse. La route est longue, il y’aura des obstacles mais tu reussiras si seulement tu te bats. Alors bat toi !'’ Il s'en alla après m'avoir fait cette prédication. Je me retourna pour revoir le visage de ce vieillard que je n’ai jamais vu dans ce village mais celui-ci avait subitement disparu. Je compris alors que c'était pas un hasard et que j'ai été guidé. Je décida alors de suivre les conseils du mendiant, les mêmes que m'avait conseillé aussi Latifa. Il venait de me donner les réponses à ma question.
Rentré à la maison, je trouva ma mère qui m’attendait dans la cour. Le regard inquièt, elle se précipita à ma rencontre. Elle me posa des tas de questions. Je lui expliqua que j'étais allé voir Latifa pour l'inviter demain à la cérémonie. Ma mère fit un ouf de soulagement et souris. Mais elle me rappela que mon père avait interdit à Latifa de venir à la maison. Je lui fit comprendre que la présence de Latifa était obligatoire à ce jour si important de ma vie. Elle me demanda alors d’essayer de parler à Baba. Je hocha la tête puis faufila dans la chambre. Le soir venu, après le dîner je partis voir Baba dans sa chambre. Assis sur son tapis de prière, il venait tout juste de terminer la prière du soir. Je m'agenouilla à ses pieds et lui demanda pardon en versant des torrents de larmes. Touché un peu par tout cela, il me demanda de me relever. Le sourire aux lèvres, je lui fis croire que j’acceptais ce mariage. Étonné, baba me repéta à nouveau que sa décision était indiscutable et que c'est mieux que je l'ai compris maintenant. Après cette conversation, mon père accepta gentiment mes excuses et autorisa Latifa à assister au mariage. En sortant je murmurais encore des'' pardons à baba, pardon pour ce que j'allais faire.
Mes grands-mères avaient étalé leur nattes dehors et s'étaient déjà couché. Ma mère dormait seul aussi quand je suis rentré dans la chambre. Vu cette chaleur ,Aïcha avait préféré dormir avec mes grands-parents. J'éteignis la lampe à pétrole et me coucha près de ma mère. Je me retournais sur la natte sans cesse. J'arrivais pas à dormir. Je pensais à demain. Je pensais aussi à ma mère quand elle me verra plus demain. Latifa m'avait demandé de ne rien dire à néné mais je ne pouvais pas. Même s'il sera contre cette décision Il fallait que je lui dise quand même. Il était vraiment tard mais je ne pouvais pas attendre. Je la secoua un peu, elle se réveilla. Prise de peur, elle me demanda ce qui ce passait. Elle alluma vite la lampe à pétrole et s’asseya près de moi. Et me parla ainsi
- Lalia, qu'est ce qu’il y'a ? T'as fais un mauvais rêve ?
- Non néné ! Je voudrais te parler
- Il est tard. Demain on pourra parler.
- Non ça peut pas attendre
- Tu me fais peur, dis moi !
- Néné je veux pas de ce mariage, je vais m'enfuir
- Quoi ! T'es folle ? Écoute tu ferais mieux de te recoucher.
Le visage serré, elle m'ordonna de me recoucher. Je refusa catégoriquement. Je lui expliqua que je serais pas heureuse dans ce mariage. Je lui posa alors cette question :
-Néné voudrais tu me voir malheureuse toute ma vie avec un homme que j'aime pas ?
Elle commença à fondre en larmes et me répondit
- Je ne veux que ton bonheur mais je ne peux rien contre la décision de ton père
- Toujours mon père ! Dis moi comment as-tu pu te marier avec un tel homme ? Étais ce un mariage forcé ? Et…
N'ayant même pas terminé ma phrase ma mère me gifla et me menaça de ne plus jamais dire de tel bêtises. Elle se mit à pleurer à nouveau. Je lui demanda pardon. Elle commença à me raconter son histoire avec mon père. Elle me disa au contraire qu'elle s’était marié avec mon père par amour. Et que pour cet amour elle avait fait beaucoup de sacrifices. Elle m'expliqua en détail toute l'histoire, une histoire que je n'avais jamais su jusqu’à ce jour.
En effet, ma mère était issue d'une famille aisée dans la ville de Nouakchott. Elle a connu mon père lorsqu'elle n' avait que 20 ans. Mon père venait à cette époque à la Mauritanie pour acheter des marchandises et les revendre au Sénégal. Et c’est là qu’ils s’étaient rencontré. Son père était contre cette union car mon père venait d'une famille modeste et n'avait pas la même culture. Malgré tout ils finirent par se marier et s'installèrent au Sénégal. A cette période mon père commençait à faire fortune et avait même quitter la maison familiale ou vivait ses parents, son frère et son oncle pour s'installer dans une nouvelle maison qu'il avait acheté. Ma mère commença à s'habituer à sa nouvelle vie avec mon père et mes frères. Ils étaient heureuses jusqu’au au jour où son oncle Sori lui vola tous ses biens, son argent, ses marchandises et ses quelques bœufs. Ce dernier partit se réfugier en Guinée. Mon père le chercha partout hélas personne ne savait où il était. Baba finit ainsi par abandonné les recherches. Il commença à travailler avec son frère Yoro dans la vente des fruits. Avec le peu d'argent gagné mon père décida de s'installer à Nouakchott mais par faute de moyens mes parents finirent dans ce petit village.
A cette époque j'avais que huit mois. Maman était enceinte. La grossesse fut difficile pour elle. Elle accoucha à la maison avec l'aide d'une vieille matrone. Ma mère resta un mois dans l’hôpital du village. Mais vu son état qui s’améliorait guerre, mon père l'amena en ville. Ma grand-mère maternelle décida de s'occuper de moi mais mon grand père maternel refusa car il ne voulait plus rien savoir de ma mère ni de tout ce qui pourrait provenir d'elle. Il n'avait jamais pu accepter ce mariage. Ma grand-mère préféra quitter la maison au lieu d'abandonner sa petite fille. C'est ainsi qu'elle rejoigna mon père dans ce village. Elle prit soin de moi jusqu’à ce que ma mère guérisse complètement. Ma mère m'expliqua qu'elle m'avait donné le nom de cette vieille femme qui l'avait aidé àaccoucher. C'est ainsi qu'on m’appela Lalia. Ce nom traditionnel représentait la femme batante. Après la mort de mon grand père paternel, ma grand-mère paternel Mami Aïcha décida de rejoindre mon père. C'est ainsi que je grandis au près de mes deux grands-mères.
Ma mère me fit comprendre que après cette mésaventure lié à la trahison de l’oncle de mon père, baba a changé radicalement. Il était devenu cet homme renfermé et si colérique. Après tout ce que néné m'avait raconté je compris l'attitude de mon père. Mais c’était injuste qu'il s'en prenne à tout le monde de cette manière. Ma mère pensait que cette attitude n'était que temporaire mais hélas. Pour moi c'était impossible que mon père change après ces treize longue années.
Je remis le sujet sur le tapis et fit comprendre à ma mère que de la même manière qu'elle s'était battu pour son bonheur au côté de mon père je ferais pareil. Après toute une nuit à discuter comme cela, ma mère finit par comprendre et m'autorisa à partir. Elle avait peur de la réaction de mon père mais aussi de me voir partir si loin. Mais elle était un peu rassuré car elle savait que l'oncle yoro, le frère de mon père qui vivait à Dakar m’accueillirait à bras ouvert. Je l’avais promis que je reviendrais très vite lorsque la situation s'arrangera. Je lui expliqua le plan qu'on avait prévu de faire Latifa et moi. Elle s'inquiéta à ce sujet mais je la rassura. Elle fit des prières et me donna sa bénédiction. Ma mère se leva et m’aida à ranger tous mes affaires. Puis elle sortit son coffret et me donna tout l'argent qu'elle avait économisé. Je refusa parce que Latifa allait m'aider pour le transport. Ma mère insista et me disa que j'en aurais besoin. Elle me donna dix mille ougiyas qui équivaut à peu près à huit mille franc. Après avoir terminé de tout ranger, nous nous endormîmes jusqu’au petit matin.
Le matin de bonheur, la maison était déjà remplie de monde. Il y’avait les cuisinières du village, à qui l'on faisait appel a chaque cérémonie. Quelques invités étaient déjà là. Mon père était occupé avec eux. J'en profitais pour pénétrer dans sa chambre à son insu. Je cherchais l'adresse de mon oncle Yoro. Je fouilla partout en faisant attention aux bagages de mon père. Je cherchais en vain. Sur le point de sortir, je voyais un petit carnet posé sur une vieille malette. Je me précipita et priais de pouvoir trouver ce que je cherchais dans ce carnet. Je feuilletais et tomba sur un bout de papier. C'était l'adresse de l'oncle Yoro. Il était écrit : Yoro, adresse : pikine et il y’avait un numéro de téléphone. Je pris vite le bout de papier et rangea le petit carnet. Je sortis rapidement de la chambre. Le moment était venu de partir. Comme dans la coutume, la futur marié devait faire le linge très tôt le matin. Cela montrait le sens de la responsabilité de la femme. C’était le moment idéal pour moi de pouvoir m'enfuir. Avant de partir j'allais voir mes grands-mères et leur présenté mes salutations du matin. Ne pouvant rien dire, je leur lançais un dernier regard. Mes frères étaient entrain de discuter avec mon père sur les préparatifs. Je les saluaient respectueusement. Moctar et Rachid n'hésitèrent pas à se moquer de moi en disant que maintenant j'avais finis de pleurer comme un bébé et de jouer à la têtu. Je faisais pas attention à leur remarque. Salim me disa juste ceci '’ soit heureuse là où tu iras''. Je la remercia et versa quelques larmes. Mon père me demanda d'aller vite faire le linge. J’entra dans la chambre, ma mère me donna mes quelques vêtements qui étaient noués dans une pagne. Elle me sera dans ses bras une dernière fois et me demanda de faire attention et de ne jamais oublier qui j'étais et d’où je venais. A ce moment ma petite sœur Aïcha entra dans la chambre. Sans la laisser dire quoi que se soit je la serra fort dans mes bras. Je les regardèrent longuement avant de partir.
Tenant mon nœud d'habits, vêtu comme d'habitude d'une pagne et d'un tee shirt, portant des sandales en caoutchouc je courais. Je courais pour échapper à tout cela, je courais pour partir loin, partir pour chercher mon bonheur….