Chapitre 4

Ecrit par Nasty girl

Elayane

J’ai finalement accepté la proposition de Manuel. Je dois avouer qu’au départ l’idée ne m’enchantait pas du tout mais l’enthousiasme de Mammy Jo et de Manuel me réconforte que j’ai fait le bon choix. Maintenant je laisse peu à peu l’euphorie me gagner et je me retrouve à préparer avec joie mes futures vacances au pays. Tout comme mon ami, je me suis organisé pour avoir trois mois entiers au soleil. Même que je me plais à imaginer la sensation que je vais éprouver en ressentant sur ma peau la chaleur qui doit actuellement régner au pays. Le départ est prévu pour dans une semaine et je pense qu’il est plus que temps que je commence à préparer mes valises. Depuis un mois que j’ai annoncé à Manuel mon accord, il n’a pas arrêté de m’appeler chaque jour pour qu’on s’organise pour les cadeaux. Le cri qu’il avait poussé au téléphone quand je lui avais annoncé que je n’avais rien prévu en ce sens avait failli me percer un tympan. A partir de ce moment-là, il a décidé de superviser mes préparatifs à distance. Il a même commencé à nous prévoir de bons plans pour les vacances, bref il s’était autoproclamé « Event planner ». Moi cela m’arrange bien alors je le laisse déverser son trop-plein d’énergie dans nos préparatifs. Il est totalement fou Manuel mais je l’aime comme un frère et il me le rend bien. Il a toujours été là pour moi et n’a pas une seule seconde porté de jugement sur moi depuis que nous sommes amis.


Aujourd’hui est mon dernier jour de travail et c’est avec joie que j’ai fait il y a une heure la passation à Hervé, l’intérimaire qui assumera mes fonctions pendant mon absence. Je lui avais préparé un compte-rendu détaillé de mes activités, la liste de tous les partenaires avec lesquels j’étais en relation d’affaire et de tous mes prospects. Durant la semaine que nous avons passé Hervé et moi pour le familiariser à notre activité, il m’a semblé être un gars futé alors je ne m’inquiète pas trop pour lui et pour la continuité du service Innovation et Recherches de ECO RECYCLING. De toute façon, je lui communiquerai mon numéro une fois arrivé au pays afin qu’il puisse me joindre «UNIQUEMENT » pour les cas d’extrême urgence. Manuel avait insisté là-dessus. Tout allait donc pour le mieux et c’est en sifflotant que je rangeais mes affaires ce vendredi soir. Tout le personnel de la société ne cessait de m’épier à travers les parois transparentes de mon bureau. Au début de la journée cela m’avait agacé mais j’ai fini par m’y faire. Je les comprends quand même parce que je suis conscient que l’image toute joyeuse que je donne en ce moment est très différente de celle à laquelle j’ai habitué mes collègues. Absorbé par mon rangement, mes yeux se posèrent sur la photo où Bernard me remettait en souriant, le diplôme de l’employé de l’année. Que de chemin parcouru en deux années ! Et oui, je suis arrivé en tant que stagiaire à ECO RECYCLING, une société qui évolue dans le recyclage et la conversion de déchets et matériaux usés à Paris. Elle a des filiales un peu partout en France et en Belgique et prévoit d’ouvrir bientôt une filiale en Afrique de l’ouest. En seulement trois mois de stage, ma détermination, ma rigueur et la passion qui transparaissait dans tout ce que je faisais m’a fait remarquer par le patron. Je me rappelle encore de ce jour où par pur hasard j’ai rencontré Bernard L’OLIVIER, le PDG de ECO RECYCLING, dans la salle de tri des déchets. Je ne le connaissais que de nom et franchement tout ce qui m’importait à ce moment était de m’immerger dans le travail pour ne pas sombrer dans la dépression. C’est donc sans arrière-pensée que je lui ai fait remarquer qu’ECO RECYCLING pourrait en plus du traitement des produits recyclés qu’il renvoyait aux usines, produire du mobilier et autres accessoires par des artisans locaux et les commercialiser. Avec la vague de prise de conscience écologique qui inondait le monde, il n’y aurait eu aucune peine pour écouler les marchandises. Je pensais m’adresser à un simple ouvrier. Dix jours plus tard j’étais convoqué dans le bureau du PDG et quelle ne fut ma surprise quand je découvris que le PDG est question n’était nul autre que Bernard. Il avait trouvé mon idée formidable et une première étude le confortait dans l’idée que j’avais eu une idée de génie. Il a donc créé expressément un service à la tête duquel il m’a nommé Chef. J’étais donc promu Chef du service Innovation et Recherches de l’une des plus imposantes sociétés de recyclage en France. En gros, j’étais chargé avec l’aide de mes collaborateurs de trouver des idées innovatrices qui pourraient tout en maintenant l’activité principale de la société, servir à diversifier son champ d’action. Je gérais également la relation entre les artisans, nos partenaires et les galeries de meubles, les distributeurs. Cela n’a pas été du tout facile mais la productivité et les impacts que cette idée avait eu sur l’économie de la région était indiscutable. Les artisans et galeries locaux avaient trouvé une source de revenus supplémentaire et nous tout en nous faisant un max de bénéfices, continuions à entretenir notre statut de société citoyenne et éco-responsable.

J’entendis quelqu’un toquer à ma porte et cela me ramena sur terre, c’était Alexandrine, la chef du service Commercial, une femme que j’appréciais bien. Je remarquai qu’elle avait les yeux brillants et rougis comme si elle avait pleuré. Je lui fis signe de rentrer.

-       Je ne sais pas pourquoi Elayane mais j’ai l’impression de te voir pour la dernière fois, commença-t-elle.

-       Ah bon ? Et pourquoi dis-tu cela ? répondis-je en souriant. Ce n’est que des vacances Lex. Soit je l’admets que c’est de longues vacances mais je reviendrai tu sais.

-       Je n’en suis pas si sûre moi. C’est mon petit doigt qui me le dit et tu sais que mon petit doigt a toujours raison, insista-t-elle. Je suis certaine que je ne te reverrai pas de si tôt.

-       Eh ben peut-être que cette fois tu te trompes, dis-je en souriant tout en continuant à ranger mes affaires.

-       Elayane…

-       Oui ? fis-je en relevant les yeux.

-       Je t’aime tu le sais n’est-ce pas ? Je suis tombée amoureuse de toi le premier jour que nous nous sommes croisés, déclara-t-elle.

-       … 

-       Dis quelque chose s’il te plaît. Ne restes pas silencieux, reprit-elle avec un sanglot dans la voix comme je restais silencieux. J’ai l’impression qu’avec ce voyage je vais te perdre, je t’en prie ne me laisse pas.

Je ne répondis pas tout de suite mais je m’affalai dans mon fauteuil. Cette situation, je la sentais venir mais je faisais tout pour l’éviter. Ou plutôt je faisais semblant de ne pas remarquer l’attention qu’elle me portait. Je levai mes yeux vers elle et vit quelques gouttes de larmes tomber sur sa joue. Alexandrine ou Lex comme je l’appelais est une chique femme mais moi je n’ai pas besoin de ça en ce moment. Elle ne minaudait pas en ma présence, ne se servait pas de prétextes absurdes pour m’aborder et surtout ne se comportait pas de façon aguicheuse comme le faisaient la plupart des femmes employées dans la société. Mais malgré tout ça, je ne peux tout simplement pas lui offrir ce qu’elle veut parce que mon cœur est indisponible. Je ne suis pas du genre à profiter des autres tout en sachant pertinemment que je ne peux respecter les promesses que je leur ferai.

-       Lex, s’il te plaît… je suis désolé si… si je t’ai laissé penser quoi que ce soit. Excuse-moi si à un moment où à un autre mes actes ont traduit autre chose que la profonde amitié que je te voue. Je ne peux tout simplement pas ! déclarai-je d’une traite.

-       Essayons, donne-nous une chance s’il te plaît ! reprit-elle

-       Je suis désolé …je ne peux pas. Je me levai de mon fauteuil et lui tendit un mouchoir. Je t’en prie cesse de pleurer. Je ne veux pas te voir malheureuse. Et puis tu sais, tout le monde nous regarde et ce n’est pas bien pour ta réputation.

-       Tout le monde dans cette boite sait que je suis amoureuse de toi depuis un bout de temps. Tu es le seul qui semblait ne pas le remarquer, me dit-elle en me regardant droit dans les yeux.

-       Hum…, à ces mots je baissai la tête et ce mouvement trahit le fond de ma pensée.

-       En fait tu le savais n’est-ce pas ? Mais tu as fait comme si tu ne voyais rien.

-       Je ne voulais pas te blesser. C’est peut-être lâche de ma part mais je me disais que tu finirais par m’oublier et passer à autre chose. Lex, je ne suis pas l’homme qu’il te faut. Je ne pourrai pas, repris-je en me rapprochant un peu plus d’elle malgré moi et en saisissant ses mains dans les miennes pour calmer ses tremblements.

-       Alors laisse-moi un souvenir... Je voudrais garder un souvenir de toi.

-       Dis-moi et si je le peux je le ferai.

-       Passes cette nuit avec moi. Juste une nuit, rien qu’une seule.

Comme je la regardais ahuri, elle enchaina :

-       Je veux juste un souvenir que je pourrai chérir le reste de ma vie parce que je suis sûre que je n’aimerai plus aucun homme comme je t’aime toi.

-       Désolé Lex, je peux t’offrir beaucoup de choses mais ce que tu me demandes m’est impossible, lui répondis-je en la regardant droit dans les yeux.

-       Elle a de la chance celle qui occupe cette place dans ton cœur, finit-elle par dire après un long moment de silence. Et bien je pense m’être assez fait ridiculiser pour aujourd’hui. Elle s’approcha de moi et me fit une bise sur la joue après quoi elle sortit rapidement de mon bureau.

Oh mon Dieu je ne pensais pas que le fait de prendre des vacances susciterait de pareilles émotions !


La discussion avec Alexandrine m’avait pris beaucoup plus de temps que je le pensais et le temps de finir de ranger mes affaires, de passer dire au revoir à Bernard et de fermer mon bureau, il sonnait presque dix-neuf heures. Ouf ! Enfin je peux me relaxer pensai-je mais à peine fus-je sorti sur le parking que mon téléphone sonna. Je choisis de ne pas répondre mais la personne insista tellement que je fini par répondre mais seulement une fois installé dans ma voiture.

-       Allô ?

-       Bonsoir monsieur Elayane, c’est Marie-Madeleine la concierge de votre immeuble.

-       Ah bonsoir Marie, je vous ai déjà dit que vous pouvez m’appeler Elayane tout simplement. Que puis-je pour vous ? J’espère qu’il ne se passe rien de grave ?

-       Eh bien figurez-vous qu’il y a un…monsieur ici avec des valises…beaucoup de valises qui prétend être votre frère.

-       Mon frère ? Je n’ai pas de frère, c’est sûrement une erreur.

-       Il a pourtant bien donné votre nom. Le problème c’est qu’il fait peur à tous les résidents et qu’il traîne dans le hall au rez-de-chaussée avec toutes ses valises et moi je ne peux le laisser ici. Alors je voulais vérifier qu’il s’agissait bien de l’une de vos connaissances avant de le chasser dehors.

-       Je n’attends pas de visite répétai-je

-       D’accord je peux le mettre dehors alors, répondis Marie avec un soupir de contentement.

Au même moment, j’entendis à l’autre bout du fil :

-       Yanuelitooooo ? Tu ne vas quand même pas me mettre dehors, moi ton ami, ton frère et me laisser geler dans ce froid de canard?

Je reconnu la voix de Manuel. Mais que fait-il à Paris, chez moi alors qu’on avait prévu se retrouver à Lomé dans une semaine ? Je ne comprends pas mais c’est avec sourire que je repris la parole pour m’adresser à la concierge.

-       Marie, désolé de vous déranger mais s’il vous plait, gardez-moi ce petit con bien au chaud le temps que j’arrive. Je suis déjà en route et je serai là dans vingt minutes tout au plus.

-       Bien monsieur.

Manuel ! Ce gars ne cessera jamais de me surprendre. Je conduisis le plus vite que je pouvais et arriva au pied de mon immeuble quinze minutes plus tard comme je l’avais annoncé. C’est avec un immense plaisir que je suis passé récupérer Manuel avec ses quatre valises ! Marie n’avait pas menti à ce sujet. Je les trouvai entrain de discuter comme de vieux amis et même que la concierge souriait. Cela m’a étonné car Marie est une femme dans la quarantaine qui était comme on le dit de la vieille époque. Elle souriait peu et gardait tout le temps un air guindé. Je pris quand même la peine de la remercier et elle me répondit toujours avec le sourire que cela lui avait fait plaisir de me rendre ce service.

L’instant d’après je râlais dans les escaliers avec deux des grosses valises de Manuel. L’ascenseur était tombé en panne dans la journée. Il a fallu donc traîner les lourdes valises dans les escaliers. Au bout de la quatrième marche, je n’ai pas pu m’empêcher de lui jeter à la figure :

-       Mais qu’est-ce que tu as mis dans ces valises à la fin pour qu’elles pèsent autant !

-       Ta tête que j’ai mis dedans ! Tais-toi et avance ! Et réjouis-toi, cet effort fera pousser tes biceps maigrichons.

-       Et tu fais le malin en plus. Je ne sais pas ce qui me retient de te laisser gérer tout seul.

-       Ne t’avise même pas ! Je te le ferai payer cher. N’oublie pas que c’est moi qui gère le programme d’enfer que JE nous ai concocté pour nos vacances, déclara Manuel.

-       Finalement, je ne sais plus si j’ai bien fait de te laisser le faire, lui répondis-je d’un air soucieux.

-       T’inquiète pas ma poulette ! Ça va être génial me dit Manuel avec une lueur que je ne connaissais que trop bien dans les yeux. Ouf ! Est-ce qu’on est bientôt arrivé hein ? Geignit-il.

-       Je pensais que tu assumais ? le taquinai-je.

-       Même les hommes costauds ont besoin de prendre des énergies. Ah enfin ! soupira-t-il en me voyant avancer sur un palier. Ouvre vite cette porte.

Tant bien que mal on a fait rentrer toutes les valises de Manuel dans mon vestibule. L’appartement que j’occupe à Paris appartient à Mammy Jo. Il dispose d’un salon très spacieux ouvert sur une cuisine à l’américaine, de deux grandes chambres ayant chacune une salle de bain privée. Il y avait en plus des toilettes visiteurs et le tout était agréablement meublé. Ma mammy, elle avait du goût ça c’est certain ! J’installai Manuel dans une des chambres et nous commanda des pizzas à manger pendant qu’il se rafraîchissait. Il me rejoignit au salon dès qu’il finit.

-       Alors dis-moi tout ! cria-t-il.

-       Te dire quoi ? C’est plutôt toi qui a des choses à me dire en commençant par ce que tu fais ici à Paris alors qu’on devait se retrouver dans une semaine à Lomé ; et pourquoi je te découvre entrain de séduire ma concierge après t’être fait passé pour un SDF ?

-       Oooorh n’exagère pas hein ! La vielle il fallait bien que quelqu’un la déride un peu et je ne me suis pas fait passer pour un SDF ; ce sont tes snobinards de voisins qui m’ont pris pour ce qu’ils voulaient. Après quoi, il s’installa confortablement dans le canapé. Voyant que je gardais le silence, il me regarda d’un air innocent avec de gros yeux.

-       Et ?

-       Quoi et ? fit-il en hochant l’épaule. Je passais par là pour acheter des chocolats et je me suis dit : tiens et si je passais voir mon poto Elayane. Tu ne me sers rien à boire ?

-      Des chocolats? Ne me prends pas pour un idiot Manuel, lui répondis-je un peu agacé tout en me dirigeant vers le réfrigérateur. Tu avais plutôt peur que je ne me dégonfle et tu es venu t’assurer que je tienne parole !

-       Ne m’en veux pas s’il te plaît !

-       Tu pourrais au moins me faire confiance. Malgré tout, je ne pense pas être jamais revenu sur ma parole une fois l’avoir donné.

-       Je sais…je sais bien Elayane. Je voulais juste qu’on le fasse ensemble…Et puis, ça ne te fait pas un tout petit  peu plaisir de me voir ? continua-t-il en souriant de toutes ses dents.

-       Mais qu’est-ce que je vais bien pouvoir faire de toi !

On s’est mis à parler de tout et de rien et même si je l’ai boudé les premiers instants, Manuel savait que je lui en étais reconnaissant d’avoir pensé une fois encore à moi. On a mangé les pizzas qui ont été livrées et comme on était vendredi soir, on est sorti plus tard en boite lancer officiellement les vacances pour reprendre les mots de Manuel. Il a pris la liberté d’inviter quelques amis à lui et on s’est donné rendez-vous au « Rex Club » l’une des boites de nuit les plus branchées de Paris. Nous étions les premiers arrivés et à peine s’est-on installé que des filles se sont approchées de nous.  

-       Bas les pattes ma jolie ! Je suis un homme déjà pris mais mon pote lui il est célibataire, cria Manuel à l’une des filles à cause de la musique qui résonnait très fort comme d’habitude dans les boites.

-       Ne l’écoutez-pas mesdemoiselles. Nous attendons nos amis et merci encore. Une prochaine fois peut-être ? m’adressai-je aux filles qui s’en allèrent sans un regard en arrière.

-       Ne fais pas fuir les nanas, me dit Manuel en passant notre commande. Laisse-toi aller mon frère. Ce soir c’est la fête !

-       C’est Christiane qui te fera ta fête si jamais tu déconnes !

-       Ah en fait, je ne te l’ai pas dit. Elle va me rejoindre dans un mois à Lomé !

-       Non…sérieux ? lui répondis-je surpris.

-       Si…Plus on est de fous, plus on rit ! on va s’amuser comme des petits fous !

-       Je suis totalement foutu alors !

-       Je ne te le fais pas dire, me répondit Manuel.

Sur ce, nos commandes arrivèrent suivis de peu par les amis de Manuel. Ils s’étaient tous retrouvés par hasard à l’entrée de la boite. Il faut avouer que ce soir-là j’ai passé un agréable moment. Cela faisait longtemps que je ne m’étais pas autant amusé. Nos vacances promettent. C’est tout détendu qu’une semaine plus tard, Manuel et moi nous envolions pour Lomé. 

De la Haine à l'Amou...