Chapitre 4
Ecrit par sokil
Il
me prit craintivement le menton du bout de ses doigts et tout en
tremblant, il déposa de manière hésitante et timide un baiser sur mes
lèvres. Il venait à peine de me les effleurer que nous entendîmes tout
d’abord le bruit d’un moteur dont le klaxon bruyant faillit percer le
tympan de nos oreilles, ainsi que les pleins phares du véhicule qui nous
aveuglèrent pendant quelques secondes. Tout se passa très vite, et
nous n’avions pas si vite réalisé, encore dans le feu de l’action. Je
ne sais pas ce qu’il foutait là, je ne sais pas comment ni à quel moment
il débarqua là à cet endroit si obscur et loin de tous les regards.
Nous étions très loin de la maison, à quelques kilomètres de là.
Ferdinand Tsoungui, mon père, venait de nous surprendre, en plein
baiser! J’étais persuadée à 100% qu’il nous avait suivis, mais non,
c’est moi qui avait juste oublié qu’il était censé rentré de sa mission
de Douala ce soir là. Il apparu en trombe à bord de son gros bolide et
accompagné de son chauffeur… La suite fut tout simplement désastreuse!
Steve était mort et grillé d’office, quant à moi… moi j’étais pétrifiée
et clouée sur place, je fus incapable de bouger, on aurait dit qu’une
force extérieure me retenait; mais je crois bien que c’était la frousse
qui m’animait tout simplement.
-Va t’en Steve…Tu… tu ferais mieux de courir, de t’en aller!
- Viens avec moi Klariza!!! Cours!!! Courons!!!
Je n’obtempérai pas; je savais que quoi qu’il arrive j’étais déjà crucifiée avant le temps.
Mon père m’ordonna de monter dans le véhicule. Une fois à l’intérieur
de la concession, il me prit par la suite par les cheveux et me traîna
ainsi jusqu’à l’intérieur de la maison.
- C’est tout ce que ta
mère t’apprends ici? Sale petite pute! Viens ici! Tu vas voir! Tu
vas voir ce qu’on fait aux gens de ton espèce! Je n’élève pas les
prostituées chez moi ! Couche toi par terre!
Il n’attendit pas
et me poussa lui même au sol; je criais, je suppliais. Ma mère et tatie
Suzy accoururent aussitôt, ne comprenant pas ce qui se passe. Dans le
même élan, je vis ma mère se jeter à ses pieds et le supplier de toutes
ses forces.
- Je t’en prie Ferdinand, laisse là! Ne lui fais pas de mal!
- Toi aussi tu t’en mêle? Telle mère telle fille!
Je vis mon père la pousser violemment si bien qu’elle
heurta une des armoires du salon avant de s’affaler par terre. Mais mon
père avait le diable au corps ce soir là, il n’écoutait personne et il
voulait en finir avec moi à cause ce malheureux incident. Pour lui,
c’était le déshonneur, embrasser un garçon à mon âge, et qui plus est,
un fils de pauvre.
- Quelle honte!!! Tu te comportes
comme une bâtarde! Que t’ai je appris hein? Pendant tout ce temps!
C’est avec cette racaille? Cette pourriture que tu me déshonore? Tu
vas voir…
J’avais perdu connaissance… A mon réveil, je pouvais
encore sentir la douleur sur mon corps; ma peau avait été lacérée par
ses coups de fouet! Il s’était servi du fameux tuyau de gaz pour
m’asséner avec rage autant de coups sur mon dos, mes bras, mes cuisses;
il n’avait rien épargné. A bout de souffle, je finis donc par perdre
connaissance. Lorsque je vis ma mère à mon chevet j’éclatais
franchement en sanglots, elle aussi fit pareil. Elle tenta de me calmer
la première.
- Calme toi, ne pleure pas… Quelle idée! Mais qu’est ce qui t’a pris de prendre autant de risques?
- Maman… Je… j’avais oublié que papa rentrait ce soir là!
- Fais très attention, tu es encore très jeune pour te mettre à
sortir avec un garçon, ce garçon… C’est inconcevable venant de la part
de ton père… C’est inconcevable pour lui! Mais moi je ne peux que te
protéger et te défendre, vu la façon dont il s’y est pris avec toi! Ça
je ne l’admets pas! Il aurait pu te….
Je
regardais tout simplement dans le vide en pleurs; je gémis pendant un
long moment avant de me rendormir. Ma mère était là, elle ne bougeait
pas; elle aussi avait fermé les yeux, mais je crois bien qu’elle était
entrain de prier. Je savais qu’elle ne pouvais rien faire pour empêcher
mon père d’aller au bout de ce qu’il avait l’habitude de faire
lorsqu’il s’emportait violemment de cette façon! La colère semblait
très bien le dominer. Nous subissions tout juste ses états d’âme en
permanence; et quoi que j’ai pu faire, embrasser un garçon à cet âge là,
pour lui c’était inadmissible.
Il vint plus tard à l’hôpital me
voir. A peine il entra que ma mère se leva pour sortir, ainsi que Tatie
Suzy qui était de passage et qui m’avait apporté à manger. Il ordonna à
ma mère de rester.
- Suzy? Laisse nous, Juliette, reste!
Bien sur, il était redevenu tout miel, le faux papa
gâteau et gâteux, qui se pliait en quatre pour que je sois aux bons
petits soins. Personne ne sut ce qui s’était passé à part Steve;
d’ailleurs personne ne pouvait et n’avait le droit d’en reparler, le
sujet devais être clos et passer aux oubliettes. Il oubliait tout
simplement que ce genre d’acte, tout au contraire entrait plutôt dans
l’histoire de ma vie. Mon âme et mon esprit en étaient traumatisés à
jamais.
- Tu me promets de ne plus jamais recommencer
Klariza? Je te sais très intelligente et sage! Alors moi je te fais la
promesse d’oublier; on oublie tout et tout redevient comme avant
d’accord? Je ne porterai plus la main sur toi! Mais tu me promets que
tout ça c’est terminé! Ce garçon, tout!
J’avais eu
pour interdiction de revoir Steve et de ce fait tout redeviendrait comme
avant. Je faisais tout pour lui plaire à mon père, je jouais les filles
modèles et aimantes de peur de me faire gronder ou quoi que ce soit par
lui. J’avais remarqué que les hommes de papa avaient commencé à me
surveiller de très près. Je me faisais accompagner à l’école, et
partout ailleurs. Avec Steve c’était terminé.
D’ailleurs
j’essayais de ne plus penser à lui, même si je me mentais au fond, il me
manquait beaucoup! La chose n’était plus envisageable, car il fallait
que je plaise à mon père. Mais je ne me rendais pas compte que je me
renfermais de plus en plus sur moi même. Ma mère avait senti ça et cela
l’affecta beaucoup. Malgré son amour sincère pour moi et ses conseils,
je me suis mise en lui en vouloir, je l’accusai de tout laisser passer
et de tout lui permettre, venant de mon père; je lui en voulais de ne
pas pouvoir prendre ma défense quelque soit le cas.
- Klariza, je t’aime, sache le et un jour tu comprendras!
- Tout ce que je sais c’est que lui il nous déteste et moi aussi je…
- Ne dis pas ça! Tu es sa fille!!!
Je ne ressentais plus rien pour lui, ni haine, ni
colère, rien! Mais une chose était sûre, c’est que je ne ressentais pas
de l’amour pour lui. Il m’arrivait souvent de m'enfermer dans ma dans
ma chambre, de prendre mon vieux Teddy Bear dans mes bras et de
monologuer …
- Ohhhh… sniff! Teddy! Si tu pouvais
parler et me dire quoi faire? Je me sens si fragile…. Sniff! Je me
sens si seule…Sniff! Steve… me manque! Sniff!!!
Cette même année là, mon père avait décidé de nous amener en
vacances au Maroc! Nous avions tous ouvert grand les yeux, car il avait
bien dit tout le monde, toute la maisonnée, y compris Suzy! Je passai
en classe supérieure contre vents et marrées; mon père venait en même
temps de m’offrir un nouveau téléphone portable, en remplacement de
l’ancien qu’il avait confisqué et cassé par la suite sous mes yeux.
J’avais fini par revoir Steve à l’insu de tout le monde! Je n’en pouvais
plus, j’en avais besoin, il me manquait atrocement, c’était réciproque.
Il s’en est longtemps voulu, il s’était longtemps senti fautif par
rapport à cette situation.
- A cause de moi, ton père te bastonne comme un animal! Crois tu que…
- Ce n’est pas de ta faute! C’est parce que nous nous sentons
si bien ensemble tous les deux qu’il agit de la sorte, c’est aussi parce
que tu n’es pas comme il veut que tu sois, un fils de riche!
Les
prétextes, ça ne manquait pas, j’en inventais de toutes sortes pour
aller le voir. Ma mère n’était quand même pas dupe. Elle voyait tout
ce manège et me laissait faire. Elle me comprenait malgré tout.
- La seule chose que je te demande c’est d’être sage et de ne
pas commettre de bêtises avec ce garçon, si tu me confirmes que ce n’est
que ça!
- Je confirme maman! C’est… C’est la vérité!