Chapitre 4

Ecrit par WumiRa

Malik observa attentivement la jeune femme qui pénétrait dans son bureau. Bien sûr il savait qu'il ne leur avait pas laissé le choix, mais il était toutefois curieux de savoir comment Henri avait réussi à convaincre sa rebelle de fille. Il repensa au soir où il l'avait ramenée chez elle. Son intention première avait été d'emmener la jeune femme chez lui, mais après avoir compris que son idiot de fiancé l'avait droguée, sans qu'elle n'en ait conscience, il avait rattrapé ce dernier au coin de la rue et l'avait obligé à lui donner son adresse.


Maya. Si jeune et si rebelle.


Il n'avait jamais eu l'intention d'émettre de telles conditions, il avait même prévu de faciliter les choses à l'ennemi, du moins en apparence, mais le fait de découvrir qu'Henri avait une fille et pas n'importe laquelle l'avait amené à changer son plan. Le vieux Fall tenait énormément à son nom, mais si Malik avait appris une chose de lui tout dernièrement, c'était qu'il tenait encore plus à sa chère petite fille. Ce qui changeait beaucoup de choses. C'était à peu près la quatrième fois qu'il la voyait, mais maintenant qu'il savait qui elle était, son regard sur elle était différent. En plus, il fallait bien l'admettre, cette demoiselle était d'une beauté rare...


Il contempla sa longue silhouette parfaitement galbée, sa taille fine et ses jambes interminables. Quel âge avait-elle donc, bon sang ? Il aurait parié qu'Henri n'avait pas d'enfant lorsqu'il l'avait connu. Était-elle née alors qu'il était à l'orphelinat ? C'était probable, mais alors cela voudrait dire qu'elle avait...vingt deux ans ? Il se souvint de son rire puis de son air offensé lorsqu'il lui avait attribué trois de moins. Elle avait beau faire preuve d'assurance, il était persuadé qu'elle n'était pas aussi mature qu'elle le laissait paraître. Il brulait également de découvrir ce qu'elle cachait sous ses airs de femme fatale. 


S'il s'était attendue à la voir débarquer en Jean, il fut vite déçu en s'apercevant qu'elle avait un sens aigu de l'élégance. Pour l'occasion elle portait un tailleur gris clair, sobre et bien coupé, dont la jupe moulait joliment ses cuisses. Ses hauts talons soulignaient la finesse de ses chevilles et une fine chaîne d'argent attirait l'oeil sur la naissance de sa poitrine.  Était-ce voulu ? se demanda t-il en fixant sans gêne, les seins de la jeune femme. Si c'était le cas, elle serait loin d'être déçue. 


Comme elle s'approchait, il détailla son visage. Contrairement aux fois précédentes il tenait à s'attarder sur les moindres détails la concernant... Elle avait de grands yeux ourlés de longs sourcils ; la première chose qu'il avait remarqué dès qu'il l'avait vu. Son nez était petit et droit, sans parler de son adorable petite bouche aux lèvres pulpeuses. Elle ne portait pas de rouge à lèvres. Étonnant. À bien y réfléchir, songea t-il en l'observant encore, Maya Fall n'avait rien d'une sénégalaise. Elle avait la peau claire et ressemblait de loin à bon nombre de jeunes filles de Dakar, mais il y'avait autre chose qu'il n'arrivait pas encore à s'expliquer. Elle était différente. Et cette chose qui la différenciait des autres femmes, le fascinait. 


Un peu trop, se dit-il, en reprenant ses esprits et en l'invitant d'un geste à s'asseoir. Car il ne devait pas oublier qui l'avait envoyée et ce qu'il avait décidé de faire. Il n'était pas censé oublier quel sang coulait dans les veines de cette femme, ni à quoi était due sa visite.


- Je t'en prie assieds toi, dit-il en souriant.


D'un mouvement souple, elle s'installa face à lui. 


- Merci.


- Appelle moi Malik, ou Mal...


- Désolée, il ne s'agit pas d'une visite de courtoisie, répliqua t-elle en levant légèrement la tête.


Malik haussa un sourcil, parcourant du regard son cou gracieux qui ne demandait qu'à être embrassé... Puis à son tour il s'assit à son bureau, afin de demeurer à bonne distance. S'il ne se connaissait pas tellement bien, il aurait pensé qu'elle le rendait nerveux, mais non, son manque de concentration était dû à l'excitation qu'il ressentait d'être à présent tout près de son but : détruire l'homme qui avait détruit son père. Elle n'avait rien à voir avec son état.


- Peut-être. Mais je ne vois pas non plus la nécessité des formalités, dans la mesure où tu es la fille de... Fall.


Il avait été prêt de dire « de l'homme que j'enverrai en enfer, d'ici peu ».


- Tu veux boire quelque chose ? Mon assistante...


- Non, coupa Maya, d'une voix ferme et déterminée. 


Il ne s'était pas non plus attendu à ce qu'elle dise oui, alors parfait, ils pouvaient aller directement au but. 


Mais la fascination qu'elle exerçait sur lui l'agaçait ! Bon sang, elle était pourtant la fille d'un homme qui ne lui inspirait que du mépris, il était censé la haïr elle aussi, parce qu'elle avait eu l'enfance qu'il aurait dû avoir. Contrairement à lui, elle avait bénéficié de la présence et de l'affection de deux parents aimants. Elle aurait dû lui être parfaitement indifférente ! Pourquoi n'était-ce pas le cas ?  Mais de toute façon ce n'était pas le moment de faire marche arrière, sa décision avait été prise le jour même qu'il avait quitté le bureau d'Henri.


- Très bien, j'irai donc droit au but, déclara t-il.


Elle acquiesça d'un signe de tête, soutenant son regard sans ciller. Remarquable. 


- Je suppose qu'Henri t'a parlée de la situation ?


- Oui et apparemment vous êtes l'homme de la situation. Il pense que vous pourriez peut-être l'aider. Même si j'en doute.


Décidément, elle avait décidée de ne pas taire son antipathie pour lui. 


- Je présume que ton père sait que « tu en doutes » ?


Elle le toisa.


- Pourquoi teniez vous à me voir avant de signer ? En quoi aviez vous besoin de ma présence ?


- Ta présence me sera plus utile que tu ne le penses. Sinon crois moi tu ne serais pas assise dans mon bureau. 


Malik discerna une lueur d'incrédulité dans son regard, puis une sorte de colère, vite effacée. 


- Écoutez... monsieur, asséna t-elle. Mon père a investi tous ses espoirs en moi et je n'aimerais pas le décevoir. Dites moi ce qu'il faut que je fasse pour que vous concluez l'affaire.


Il défit le bouton du col de sa chemise et retira sa cravate qu'il plia et mit dans sa poche. Il la vit détourner les yeux.  


- En fait, je me demandais jusqu'où tu serais prête à aller pour sauver ton père de la faillite, fit-il d'une voix posée.


Elle fronça les sourcils. 


- Je ne comprends pas. 


- Je reformule clairement ma question. Jusqu'où es-tu prête à aller pour éviter à ton père de perdre et son entreprise et sa position dans le monde des affaires ? 


Elle parut réfléchir pendant quelques secondes, puis elle déclara :


- Je ne vois pas où vous voulez en venir mais si cela peut vous rassurer, je ferai absolument tout pour ma famille. 


- Je parlais seulement d'Henri. 


- Henri fait partie de ma famille. 


- Humm.


- Alors qu'elle est votre décision ? s'enquit-elle, en s'efforçant de demeurer impassible. 


Elle commençait à se demander si son père avait eu raison de faire confiance à cet homme. Il ne lui inspirait aucune confiance, même s'ils n'avaient pas le choix.


Malik se redressa soudain dans son fauteuil. Le regard brillant, il murmura :


- Dans ce cas, l'avenir de l'HFL repose entre tes mains. Je veux sauver l'entreprise de ton père, mais tout dépendra toi.


- Ça je l'avais déjà compris, par contre j'ignore encore quel sera mon rôle dans tout ça. Ça vous embête tant de me le dire ?


Il ne répondit pas et elle crut qu'une éternité allait s'écouler avant qu'il ne s'explique. Durant cette parenthèse interminable, le temps fut comme suspendu. Elle sentait son regard s'attarder sur chaque partie de son corps. Elle ignorait à quoi il réfléchissait, mais s'il pensait pouvoir la déstabiliser de cette manière, il allait être déçu. Même s'il était plus intimidant que tous les hommes auxquelles elle était habituée, réunis, elle s'était préparée à cette rencontre et...


- Je veux que tu deviennes ma femme.


Maya manqua de tomber de son siège. La brutalité de cette proposition était semblable à celle d'une massue s'abattant lourdement sur sa tête. 


Choquée, elle garda les yeux fixés sur l'homme qui venait de prononcer de telles paroles.  Se marier ? Avec lui ? Était-il complètement fou ? Comme s'il lisait dans ses pensées, il déclara : 


- Réfléchis bien avant de répondre Maya.


Bondissant sur ses pieds elle le foudroya du regard. 


- Mais vous êtes tombé sur le crâne ? Je n'ai jamais entendu une proposition aussi indécente ! 


 Il balaya ses propos d'un geste de la main, puis un sourire insolent apparut sur ses lèvres.


- Je ne te demande pas de me faire un striptease.


- Espèce de...


- Je pensais que tu étais absolument prête à tout pour ta famille, ironisa t-il.


Une colère indescriptible montait en elle, mais plusieurs autres émotions l'assaillaient également, comme la peur de voir son père tout perdre. La peur de voir sa mère sombrer dans le désespoir...


Malik se leva. Non seulement il l'offensait, mais il ne semblait pas en faire grand cas ! À moins qu'il ne s'agisse d'une autre manière de l'humilier pour lui faire payer d'avantage la manière dont elle s'était comporté envers lui ? 


- Écoutez Malik...


La première fois qu'elle prononçait son prénom en face de lui. 


- Je reconnais m'être mal comportée à votre égard, mais vous n'étiez pas non plus poli...


- Quel est donc le rapport ? demanda t-il, sur un ton presque ennuyé. C'est à prendre ou à laisser : si tu dis non, je n'ai rien à ajouter. 


- Mais bien sûr que je dis non ! répliqua t-elle avec vigueur. Pour qui me prenez vous exactement ?


Elle s'empara de son sac.


- Vous savez quoi ? Vous n'êtes qu'un pauvre type qui n'en vaut pas la peine. Vous n'avez pas de coeur.


- J'ai autre chose. Mais j'attendrai quand même que tu changes d'avis, Maya. Tu n'imagines pas à quel point je peux me montrer patient. 


Déjà elle se dirigeait vers la porte.


- Dans ce cas vous attendrez toute votre vie.


***


- Tu te rends compte que ce qu'il me demande est impossible ? 


- Bien sûr. 


- Je suis fiancée à un autre homme et même si Malik Sylla était le seul homme sur terre, je deviendrai nonne ! 


- Maya.


- C'est impossible. Je ne peux pas l'épouser, je ne le supporte déjà pas pendant plus de cinq minutes, alors tu imagines s'il devait devenir mon mari ? 


- J'ai comme l'impression que vous vous étiez déjà rencontrés, avant la fois où tu l'as vu dans mon bureau. Ai-je raison ? 


Elle n'avait plus aucune raison de dissimuler la vérité.


- Je ne vois pas l'utilité de parler de ça, mais oui, j'avais déjà rencontré cet homme odieux à deux reprises. Et je t'assure qu'à chaque fois il m'a manqué de respect. 


Sa dernière phrase parut surprendre Henri. 


- Je vois mal ce jeune homme en train manquer de respect à qui que ce soit. Même s'il est un peu trop direct à mon goût, n'exagérons pas.


- Ah... ? Tu trouves que j'exagère ? Tu comptes vraiment me sacrifier ? Me vendre ?


- Non,  je ne t'obligerai pas à épouser Sylla. S'il n'y a pas d'autres solutions, alors je me résignerai à tout perdre, d'autant plus que nul ne peut s'opposer à la volonté de Dieu. Mais par contre, tu devrais abandonner ton idée absurde d'épouser ce va-nu-pieds. Je ne permettrai pas que mon unique fille gâche son avenir en devenant la femme d'un tel homme. 


Maya eut envie de répliquer qu'elle allait épouser Djibril, ne leur en déplaise à tous, mais elle parvint à s'abstenir. Ils avaient suffisamment de problèmes et elle ne tenait pas à se disputer avec lui. 


- Je refuse d'épouser un inconnu, dit-elle calmement. Ça s'appelle de la prostitution, il n'en est pas question.


- Le mariage ne me paraît pas relever de la prostitution. Ta mère et moi nous sommes mariés une semaine après notre rencontre. 


Elle écarquilla les  yeux.


- Comment... ?


- Pourtant aujourd'hui nous sommes si heureux ensemble. Prendre des risques en vaut parfois la peine.


- C'est injuste ! J'ignorais tout des problèmes de l'entreprise jusqu'à ce que tu ne me le présentes. 


- Sans doute que tu n'aurais rien su s'il n'avait pas émises de telles conditions. Si j'avais su, je ne t'aurais rien dit.


- Et tu aurais tout perdu. 


- La providence l'aurait​ voulu. 


Maya prit une longue inspiration et avala une gorgée d'eau. Épouser un homme qui lui inspirait autant de mépris relevait du suicide... Elle savait pertinemment que malgré sa proposition, Malik Sylla n'éprouvait aucune attirance pour elle, il l'avait même traitée de gamine. À quel genre de jeu jouait-il donc ? D'autre part, elle n'imaginait que trop bien la réaction de Djibril. Il allait penser les pires choses d'elle puisqu'elle n'allait pas pouvoir lui parler de la situation financière de son père. Pourquoi avait-il fallu qu'elle croise le chemin de cet homme ? 


Sensuelle Ennemie