Chapitre 3

Ecrit par WumiRa

Malik posa un regard sur le verre de Whisky que venait de lui servir l'homme qu'il considérait désormais comme son pire ennemi. Était-il vraiment en train de conclure une affaire avec cet homme qui avait entraînée la mort prématurée de ses parents, faisant de lui un orphelin à l'enfance bousillée ?


Il fallait croire qu'il avait plus que changé ; Henri ne l'avait pas reconnu malgré son nom de famille. Il n'avait pas pu reconnaître en lui, le petit garçon d'autrefois qui le considérait comme un oncle et qui courait toujours l'accueillir chaque fois qu'il venait leur rendre visite. Comment avait-il pu les trahir de cette manière ? Plus Malik observait l'homme au visage serein assis en face de lui, plus il avait du mal à croire ce qu'il avait découvert. Mais s'il y avait une chose qu'il avait appris en grandissant, c'est que les êtres les plus cupides ont l'apparence de gens totalement désintéressés, la majorité du moins. Nul n'avait ses défauts écrits à l'encre noir sur son front. Henri Fall en était l'exemple parfait. 


- Je suis vraiment ravi que vous ayez accepté de m'accorder votre aide, soupira le viel homme. Je n'ai même pas besoin de vous cacher l'étendu des dégâts, vu que... vous êtes dans le domaine.


- Pas vraiment, répondit Malik en le regardant droit dans les yeux. Je ne fais qu'investir, quand ça en vaut la peine. 


Henri tiqua. 


- J'espère que vous n'avez pas changé d'avis ? voulu t-il savoir. 


Son air inquiet faisait presque pitié à voir. Malik secoua la tête.


- Non. Mais j'aurai besoin de certaines guaranties.


- Ah... Mais bien sûr. Lesquelles ?


À ce moment de petits coups résonnèrent, puis la porte s'ouvrit. 


- Bonjour papa, je pensais te trouver seul, dit une voix derrière Malik.


Le verre de Whisky manqua de lui tomber des mains. Son ouïe s'amusait-elle à lui jouer des tours ? Et depuis quand Henri avait-il une fille ?


- Ma petite chérie, viens que je te présente à mon nouvel associé.


Malik se leva tandis que la jeune femme approchait. 


- Monsieur Malik, permettez moi de vous présenter mon unique fille, Maya. Chérie comme je te l'expliquais ,voici Malik...


- Sylla, ajouta ce dernier en se retournant.


***


Le sourire de Maya se figea sur ses lèvres lorsque le nouvel associé de son père se retourna pour la saluer et qu'elle reconnut l'homme qu'elle avait juré ne plus jamais croiser à nouveau. 


Que venait-il de dire ? Sylla ? 


- Oh mon Dieu, murmura t-elle. 


Alors qu'elle s'apprêtait à prendre ses jambes à son cou, il fit un pas vers elle et il lui tendit la main.


- Ravi de vous rencontrer, Maya. 


Le souvenir de la gifle qu'elle lui avait donnée la veille au soir lui revint en tête. Dire qu'elle ne s'était même pas excusée, ni ne l'avait remercié de l'avoir arrachée des coups de son fiancé. Et si pour se venger il décidait de mentionner cette dispute entre Djibril et elle ? Non, il n'en avait simplement pas le droit. 


Comme elle hésitait à prendre la main qu'il lui tendait, son père intervint.


- Maya n'a pas beaucoup vécu avec nous ici, excusez la si elle est un peu timide. Elle étudiait à Rabat et a un eu son master en ressources humaines il y'a quelques semaines. 


Son père avait pris l'habitude de toujours faire sa "biographie" aux invités, mais pour la première fois de sa vie, elle eut envie de lui demander de se taire. Cet homme n'avait pas besoin d'en savoir autant sur elle quand elle ignorait qui il était réellement et ce qu'il foutait chez elle.


Il finit par baisser la main et se détourner d'elle. Vexé ? Mais qu'est-ce qu'elle en avait à faire qu'il soit vexé ? Elle n'avait pas oublié la manière dont il avait traitée, après avoir cassé son iPhone et elle n'avait pas non plus oublié ce qu'il avait dit concernant «ses fantasmes». L'imbécile. Il avait dû la prendre pour une fille quelconque et devait être désagréablement surpris de voir qu'elle était l'héritière de l'un des hommes les plus influents du pays. 


- Chérie peux-tu nous laisser un instant s'il te plaît ? Nous devons...


- Mais bien sûr papa ! 


Tournant les talons, elle disparut sans redemander son reste. 


Malik observa attentivement Henri. Il paraissait extrêmement tendu depuis l'arrivée de sa fille et transpirait malgré la climatisation. Que se passait-il ? Se pouvait-il qu'il ait caché à sa femme et sa fille qu'il était à deux doigts de faire faillite pour mauvaise gestion ? Tiens tiens... Bien entendu, qu'il aurait eu les mêmes réactions, mais vu l'état des choses actuelles, c'était à peine si cette famille allait pouvoir tenir pendant plus de deux mois. Et même si cela l'arrangeait, il ne s'expliquait toujours pas comment un homme de la trempe d'Henri avait pu perdre autant d'argent en une intervalle de deux semaines. Entretenait-il plusieurs maîtresses à la fois ? Malik n'hésita pas à poser la question qui lui brulait les lèvres.


- Vous êtes conscient qu'avant que je n'investisse mon argent dans votre entreprise, il me faudra savoir quelle est la source même du problème ?


Henri haussa les épaules.


- Évidemment. Vous ne seriez pas arrivé à un tel niveau de réussite sans précautions. 


- Bien, si vous le dites. 


Malik le vit s'essuyer le front.


- La crise ne date pas d'aujourd'hui, contrairement à ce que je vous avais fait croire au début. En réalité sans l'aide de la banque et de quelques économies mises de côté, il y'a longtemps que j'aurais fait faillite.


- On peut dire que vous avez déjà fait faillite, mais cela ne répond pas à ma question.


- Allons, vous devez comprendre, je suis un homme d'affaires et j'ai dû faire moi aussi quelques petits investissements qui n'ont pas été rentables, tout est parti de là. 


- Quels genres de petits investissements ?


Henri s'éclaircit la gorge. 


- Comme je l'ai dit au debut, je ne suis plus en mesure de cacher quoi que ce soit, surtout pas à vous. J'avais une maîtresse et... 


Il s'epongea à nouveau le front. 


- Il y'a un an, elle m'a proposée une affaire qui était censée nous rapporter beaucoup d'argent à tous les deux.


Malik fut tenté de demander de quel genre d'affaire il s'agissait, mais la suite, il ne la connaissait que trop bien.


- Je ne sais pas ce qui m'a pris, mais quand j'ai réalisé que cela nuirait à ma réputation si quelqu'un d'autre l'apprenait, il était déjà trop tard. Elle a fuit avec tout l'argent et elle m'a fait chanté durant des mois. Après...


- Plus je vous écoute, plus je me demande s'il est raisonnable de faire ce que je m'apprête à faire, Fall, asséna Malik. 


- Je vous promets que si.


- Vous ignorez quelles seront mes conditions.


- Quelles qu'elles soient, je m'en accommoderai. Pourvu que ma famille n'en sache rien et que mon nom soit préservé.


Malik faillit éclater de rire. Sa famille, vraiment ? Il se leva. 


- Je n'ai que deux conditions. 


- Très bien, approuva Henri. 


- La première est qu'au lieu d'investir dans votre entreprise je demande à devenir l'actionnaire majoritaire, ce qui m'éviterait de me mordre les doigts plus tard. Parce que contrairement à ce que j'avais pensé vous n'êtes pas doué pour la gestion d'une entreprise, j'ignore comment vous vous en êtes sorti jusque là, mais les gens comme moi n'ont pas intérêt à prendre des risques inutiles. 


Henri demeura silencieux durant quelques secondes, puis il approuva d'un signe de tête. 


- Du moment où tout le monde en ressort gagnant. Quelle est la seconde condition ? 


- Votre fille. 


***


Maya avait du mal à croire ce qu'elle venait d'entendre. Elle fixa son père avec un air incrédule et demeura un long moment sans voix avant de lancer :


- Cet homme là ? Tu plaisantes ! Tu voudrais que j'aille voir cet homme ? Ça n'a pas de sens, qu'est-ce que je suis censée lui dire une fois là bas ?


- Si tu refuses, déclara Henri d'une voix calme mais sèche, tout est perdu pour moi. 


Les yeux de la jeune femme s'agrandirent de surprise.


- Mais papa... ?


- Je ne voulais pas que ta mère et toi le sachiez mais à l'allure où vont les choses tu es mon seul espoir Maya. Mais pour rien au monde ta mère ne doit l'apprendre.


- Apprendre... quoi ? demanda Maya, avec appréhension. 


Son père soupira.


- Que je suis au bord de la faillite. Que je suis sur le point de tout perdre. Tu sais qu'elle a une santé très fragile, je ne veux pas qu'il lui arrive quoi que ce soit.


- Une minute. Comment peux tu être au bord de la faillite, juste comme ça ? Que me caches tu ? 


- Fais ce que te dira Malik Sylla et nous serons sauvé.


- Cesse de parler de lui comme s'il était un dieu enfin, il existe des tas de personnes qui...


- Personne à part lui n'est en mesure de m'aider. Au cas où tu ne l'aurais pas remarqué, les apparences sont trompeuses, beaucoup trop de personnes ont des problèmes.


- Et la banque ? insista t-elle. Oh mon Dieu, ne me dis pas que..


- Ma chérie je sais que c'est beaucoup te demander, mais je n'ai pas d'autres solutions. Cet homme a dit qu'il ne signerait qu'après avoir eu un entretien avec toi, mais qui sait s'il ne va pas te proposer de travailler pour lui ?


- Sans blague ? Je n'ai même pas les compétences requises pour travailler avec... lui.


- Tout s'apprend. Alors cesse de n'en faire qu'à ta tête et accepte de le rencontrer. 


Maya voulu hurler que «non», mais l'air soucieux de son père lui serrait tellement le coeur qu'elle n'avait pas le courage de lui opposer un refus catégorique. C'était son père, l'homme qui avait tout fait pour elle et maintenant qu'il était dans le besoin, elle ne pouvait pas l'abandonner.


- Il y'a forcément une autre solution, papa. Ne me dis pas qu'aucun de tes nombreuses relations n'a voulu t'aider. Ce... Malik machin, d'où sort-il exactement ?


- Ce Malik machin est un homme extrêmement riche qui a accepté de m'aider à refleurir ma compagnie. D'où il vient n'a aucune importance. Je suis endetté jusqu'au cou et une fois encore je te répète que s'il y'avait eu d'autres solutions je ne me serais pas abaissé à quémander l'aide de quelqu'un qui aurait pu être mon fils.


Il fronça les sourcils, maugréa quelques mots intelligibles avant de poser son bras sur l'épaule de sa fille.


- Bien entendu, tu as tout à fait le droit de refuser. Tu es ma fille et tu ne me dois absolument rien, mais cette entreprise est le fruit de plusieurs années de travail. J'y ai consacrée la moitié de ma vie et si je devais la perdre...


- Tu ne la perdras pas, l'interrompit-elle. Aies foi en Dieu. Et je ne comprends toujours pas comment tu as pu nous le cacher à maman et moi. Nous sommes censés nous soutenir dans cette famille. 


En effet depuis qu'elle avait loué un appartement, histoire de préserver son intimité, elle voyait rarement ses parents. Henri avait proposé de l'engager en tant que secrétaire, mais elle ne voulait pas bénéficier d'un quelconque coup de pouce. Commencer «en bas de l'échelle» faisait partie de ses priorités.


- Très bien, je vais rencontrer Malik Sylla et savoir ce qu'il veut en échange de ses services. Je suppose que nous n'avons pas le choix, conclut-elle.


Sa décision émut Henri jusqu'aux larmes et il la serra contre son coeur, la remercia d'une voix vibrante. 


- Tu ne le regretteras pas, assura t-il. 


Oh si, elle allait le regretter. Elle le savait d'instinct.


Sensuelle Ennemie