chapitre 41

Ecrit par leilaji

Chapitre 41 

***Lorelei***


« Maman, Maman, Maman… »


Quelqu’un m’appelle maman et me secoue tout doucement. Est-ce pour me réveiller ? Je ne veux pas me réveiller. Je suis fatiguée de la vie que je mène, je veux … abandonner. Oui c’est ça, abandonner. Raphael a lui-même décidé de partir et de me laisser. A quoi ça sert que je continue de lutter contre son père. J’ai rêvé. Voilà ce que j’ai fait ces derniers temps. J’ai rêvé éveillée. J’ai rêvé qu’il y avait une justice sur cette terre mais en réalité, il n’y en a pas. J’ai rêvé que je serai heureuse mais je ne le serai jamais. J’ai rêvé que je réussirai mais en réalité ça ne marchera pas. 


« Maman, maman, maman, réveille-toi. Aide-moi je t’en prie. »

 

Raphael ! Pourquoi viens-tu me torturer alors que tu as décidé de partir. 

Pourquoi continuer à lutter. Tu mérites ce qu’il y a de mieux sur cette terre. Ton père va te le donner. C’est surement ce que tu as pensé pour accepter de partir avec lui. Tout ce que j’ai dû sacrifier pour toi n’a donc plus aucune valeur à tes yeux ? Tous les hommes que j’ai écartés de ma vie pour ne me consacrer qu’à toi. Et ce rôle de grande sœur que j’ai haï parfois mais accepté d’endosser jusqu’à la fin de mes jours… Tous ces sacrifices dans l’eau. Tout ça pour que tu acceptes de partir avec celui qui m’a fait du mal. Mais qu’y puis-je ? Tu n’es qu’un enfant qui a grandi trop vite. Ton cœur d’enfant a parlé et pardonné à ton père. Ainsi soit-il. 


Je tourne la tête et regarde Mickael endormi à mes côtés. Ces derniers temps, je lis de la souffrance dans ses yeux. Quand il pense que je ne le regarde pas et ne s’oblige plus à le cacher. Il souffre en ce moment. Pour moi. Parce qu’il m’aime, je suppose car il ne me l’a jamais dit. Ses actes parlent pour lui comme d’habitude alors je n’ai pas besoin de l’entendre, je le sais. 

J’ai fait des recherches sur le trouble de stress post traumatique quand il s’est mis à m’en parler … un peu. Normalement, il devrait être en train d’éviter tout ce qui lui rappelle son traumatisme et faire des efforts pour fuir les pensées, les émotions, les activités ou les gens qui pour lui sont associés à l’événement marquant. Voilà pourquoi il ne voulait plus fréquenter sa famille. Mais pour moi, pour qu’on puisse définitivement régler « mon problème », il lutte à longueur de journée. Il reste empêtré dans cette histoire jusqu’au cou et se débat comme il peut au lieu de fuir, au lieu de me fuir. Est-ce que je peux continuer à lui imposer cela ? Je ne sais pas. 


« Maman, aide-moi ! »


La voix de Raphael me trouble tellement. Mon cœur de mère saigne. Et si je n’entendais plus jamais sa voix ? S’il me l’arrache, je ne le reverrai plus jamais, je ne saurai pas quel homme il est devenu. J’ai peur, peur à un point tel que je me mets à prier. 


Seigneur Dieu. Je remets entre tes mains Raphael. Garde le profondément en toi afin que rien ni personne ne puisse l’enlever. Protège-le maintenant que je suis contrainte de lâcher sa main. Que ta force soit toujours plus grande que sa faiblesse. Je ne te demande pas de lui épargner tout chagrin mais d’être sa consolation lorsqu’il sera seul et dans la peur. Garde mon enfant Raphael dans ton Alliance. Ne le laisse jamais s’éloigner de toi à aucun moment de sa vie. Seigneur je remets entre tes mains le nom de Raphael, mon fils. 


Je sens des larmes de tristesse couler le long de mes joues. 


Je n’ai jamais aimé aller à l’église. Je n’y ai plus jamais mis les pieds avec les dérapages de maman. Je pense que Dieu est là où nous voulons bien qu’il soit, proche de nous ou loin. On n’a pas besoin d’une église pour lui parler. 

J’ai cessé de prier pour obtenir quoi que ce soit pour moi. Mais jamais je n’ai cessé de prier pour Raphael. Cette prière est la seule que je connais. La seule que je récite avec vénération.  


« Maman ! Aide-moi… »


- Raphael ! je crie en me réveillant. 


Je rêvais ? Oui apparemment. Raphael n’est pas là et Mickael ne dort pas non plus à mes côtés. 

Il entre dans la chambre en courant. 


- Lola ! Ca va ? 

- Oui, j’ai rêvé. Ca va. Je réponds la gorge sèche. 


J’allume la lampe de chevet et je jette un coup d’œil au réveil posé par terre. Il est 4h10. 


- Tu ne dors pas ? 


Il détourne les yeux. Pourquoi je lui pose la question alors que je sais très bien qu’il ne dort quasiment plus. Il sourit tout simplement et me montre des pinceaux entachés de couleur. 


- Je peins. Ca me calme. Je pourrai dormir tôt le matin ne t’inquiète pas. 

- Ok. Je viens rester avec toi. De toute manière je ne vais pas pouvoir me rendormir. 

- Tu veux me servir de muse ? 

- Très drôle ! dis-je en roulant des yeux. 


Il rit doucement. J’aime beaucoup voir ses yeux briller et ses lèvres pales s’étirer en un sourire sensuel. 


- Par contre si tu peux garder la tenue que tu portes en ce moment, ça me ferait drôlement plaisir. 

- Vicieux ! dis-je en mettant son tee-shirt pour cacher ma poitrine nue. 


Pendant que je le suis pour rejoindre le salon où ses affaires de peinture sont disposées en vrac devant un tableau qu’il essaie d’achever, je réfléchis. Ce rêve m’a drôlement secouée. Entendre Raphael m’appeler à l’aide est douloureux, en plus c’est la première fois que je me mets à prier dans un rêve. S’il était à la maison, je prendrais mon téléphone pour lui dire que j’ai rêvé de lui. Et il m’aurait répondu avec son habituel sourire goguenard : « c’est normal, tu es une star pour les autres mais moi je suis ta star ». Même à une heure pareille, il aurait répondu parce qu’il ne quitte jamais son téléphone. 


- Il ne quitte jamais son téléphone.  Je répète à haute voix.

- Pardon ? 

- Raphael ne quitte jamais son téléphone. Il l’a laissé à la maison pourtant. 

- Peut-être est-ce son père qui le lui a demandé pour que tu ne puisses pas le contacter justement. 

- Il a besoin de son téléphone pour communiquer, il ne le quitte jamais. Son père ne sait pas signer en LSF. 


Mickael me regarde sans comprendre où je veux en venir. 


- Il faut qu’on aille chez mes parents. 

- Lola il est quatre heures du matin !

- Mickael ! Je t’en prie… je hurle presque au bord des larmes. 

- Ok. Calme-toi. 


De la même manière qu’il est impossible que Raphael parte sans son téléphone sans raison, c’est de cette manière que je dois me dire qu’il n’a pas pu m’abandonner sans raison. C’est mon fils. Le meilleur des fils. Je le connais, c’est moi qui l’ai fait, qui l’ai éduqué. Je ne peux douter de l’amour qu’il me porte depuis qu’il est né. C’est lui qui a guéri mon cœur de ses blessures. C’est mon Raphael, c’est mon petit ange qui guérit. 


Il n’a pas pu volontairement me blesser à ce point. 


***Une heure plus tard***


J’ai réveillé mes parents et je suis en train de fouiller toute la maison comme une folle. J’ai tout mis sans dessus dessous pour retrouver son téléphone que maman semble avoir égaré. Mon père me regarde comme si je suis devenue folle. 


- Ma fille. Attends le procès. Calme-toi. 

- Papa je veux son téléphone. Où il est ? Maman tu m’as appelée avec son téléphone tout à l’heure. Où tu l’as mis ? 

- Lola tu es en train de crier sur ta mère. Intervient Mickael. 


Je les regarde honteuse de m’être laissée emporter ainsi et je m’assois tout doucement sur le fauteuil usé du salon. Ce n’était qu’un rêve Lola. Tu espères qu’il a besoin de toi, t’appelle à l’aide pour avoir l’occasion de lui venir en aide mais ce n’est pas le cas, me dit ma conscience. Je prends mon visage entre mes mains. Je suis tellement fatiguée de lutter. Plus de dix ans que ça dure. 


Quelque chose me gêne depuis que je me suis assise. Je soulève légèrement mon bassin pour m’en débarrasser pensant que c’est la télécommande de la télévision. Je découvre le téléphone de Raphael. Il est complètement déchargé. Je le branche et attends patiemment qu’il se charge assez pour être allumé. 

Quelques minutes plus tard, j’appuie fébrilement sur les touches pour accéder à ses messages. 


Je tombe sur celui d’un numéro que je ne connais pas et lis le message avec effroi. 


« Raphael. On va parler d’homme à homme. Tes grands parents sont sortis de la PJ indemnes parce que j’ai donné comme consigne que rien ne leur soit fait. Mais si c’était ta mère que j’avais envoyée à leur place soit sûre que les choses se seraient passées autrement pour elle. Je ne vais pas te proposer une deuxième fois de venir avec moi. Ce n’est pas à toi de le décider. Je vais passer te chercher et tu vas docilement accepter de me suivre. Et rien ne sera fait à ta mère. Ca nous donnera l’occasion de nous connaitre un peu mieux jusqu’à l’issu du procès. Je te promets que si le juge décide de te confier à Lorelei, je te rendrais à ta mère et rentrerai tranquillement chez moi. Moi aussi j’ai besoin de te connaitre. Je passe volontiers pour le méchant, je le sais mais comprends moi, moi aussi j’ai besoin d’avoir mon fils à mes côtés. Je serai là dans une heure. Prépare tes affaires. Ton père »


J’ai montré le message à Mickael. 


- Il lui a fait du chantage ! s’exclame Mickael. 

- Je le savais… Raphael n’a pas pu m’abandonner comme ça. C’est son père qui l’a forcé.  Quand il a laissé son téléphone c’était une manière de me faire comprendre ce qui s’est passé.  

- Hé l’enfant là hein. Intervient ma mère. Moi je croyais qu’il ne voulait plus de ce téléphone parce que son père lui a offert autre chose là. Dit-elle en me montrant la boite vide d’un jeu de poche. 

- Il a pris ce jeu ? demande Mickael. 

- Oui. Il l’a allumé devant moi et m’a dit de dire à son « cencé » que son père lui a offert le jeu qu’il voulait. 

- Son « cencé »


Je ne comprends pas. Les yeux de Mickael s’illumine lorsqu’il prend le carton vide dans sa main. 


- C’est de moi qu’il parle. Ta mère prononce mal. Il a dit de dire à son sensei. 

- Pourquoi voulait-il qu’on te le dise ? 

- Parce que ce jeu se connecte au réseau wifi. Protocole de configuration dynamique à assigner, ping du vecteur de géolocalisation du serveur, traçage de l’adresse IP. 


Je ne comprends rien de ce qu’il me raconte. 


- Je vais retrouver ton fils grâce au wifi auquel il se connectera pour jouer. J’ai les toutes les informations de son appareil sur la boite. Je vais le retrouver c’est pour cela qu’il a laissé son téléphone et la boite. 


Seigneur Jésus. Je ne sens plus mes jambes ! Trop de bonnes nouvelles ? 


***Gabriel***


Je suis dans l’avion et je sors mon téléphone que j’ai mis en mode « avion » pour pouvoir consulter  mes anciens messages. Je relis une nouvelle fois le message envoyé par Mickael. C’est ce message qui m’a décidé à faire ce que je suis en train de faire, aller à la rencontre d’une femme qui peut changer le futur. 


« Gabriel. Je te demande pardon pour ce que je t’ai dit tout à l’heure. Je suis à cran en ce moment. Va retrouver Bénédicte. Nous sommes une famille maintenant, et en tant que frère je ne peux vouloir que ton bonheur parce qu’après tout ce qu’on a enduré, tu le mérites. »


Ca doit bien être la centième fois que je relis ce message. Je ne pensais pas qu’un jour, je pourrai lire un tel message de Mickael. 


Maintenant je suis prêt. Je vais faire le discours du siècle. 

Convaincre une femme. C’est ma spécialité n’est-ce pas, tchatcher, jouer de mon charme… Je souris en posant ma tête pour mieux dormir. 

La seule avec laquelle j’ai échoué c’était Lola. 

Mais cette fois ci, je ne peux pas échouer. Je ne peux pas me permettre d’échouer. Je vais la convaincre de m’écouter et de prendre en compte ce que je vais lui dire. 


*** Le lendemain***


***Leila Khan***


Je suis avec Lola, Mickael et Eloïse qui me présentent des faits nouveaux lorsque je reçois un message de Maitre Bertrand. 


Bertrand : « Il ne s’est pas présenté et son avocat m’a vraiment énervée mais j’ai géré. Ca te va ?  »

Moi : « Merci. Ca me va »


- Alors Mickael où est-il ? je demande en quittant mon appareil des yeux pour le regarder. 


Il a l’air fatigué. D’énormes cernes violets creusent son visage. Je suis inquiète pour lui. Il a besoin de repos. Il n’en a pas pris beaucoup depuis le braquage…


- Je ne comprends pas. Il utilise le wifi de l’aéroport. Qu’est-ce qu’il fait là bas ? dit-il.

- Il veut partit avec Raphael. Le procès il s’en fout, je constate froidement. 


Lola me regarde. 


- Il veut partir avec mon fils ? Sans en avoir la garde ? Mais comment ça ? Il n’a aucun de ses papiers…  


Hum, les papiers, ce n’est pas ce qui est difficile à trafiquer ici. 


- Eloïse peux-tu appeler les agences de voyage et demander s’il y a des vols en partance pour la Grande Bretagne.  

- Ok. 


Elle se saisit de son téléphone et s ‘éloigne un peu pour appeler. Quelques minutes plus tard, elle revient avec une information capitale. Il n’y a pas de vols pour la Grande Bretagne avant deux jours. 


- Mickael tu es sur de toi ? Tu es sur qu’ils sont à l’aéroport ?


Mickael se lève, ses mâchoires sont tellement serrées que je comprends à peine ce qu’il marmonne. 


- Je ne peux pas le laisser partir avec Raphael. J’y vais pour l’arrêter pour de bon. 


Cette petite phrase anodine, je sais ce que ça veut dire dans la bouche de Mickael. 


- Parce que tu penses que le tuer va résoudre les problèmes ?

- Mort, il ne sera plus un problème. Rétorque Lola. 


Je la regarde éberluée par ce qu’elle vient de dire. Je ne pensais pas qu’elle pourrait accepter de telles extrémités ! C’est quand même le père de son enfant. Lola quitte la pièce. Mickael la suit. 


Mais qui suis-je pour la juger ? Quel genre de mère serait-elle si elle acceptait de perdre le fruit de ses entrailles sans tenter le tout pour le tout ?


***Mickael***


Elle est assise l’air complètement abattu, dépassé par la situation. Je pose mon sweat  et prends place en face d’elle dans la salle où elle s’est enfermée pour rester à l’écart.  


- Est-ce mal de souhaiter la mort d’un homme sans cœur ? 

- Est-ce, ce que tu veux ? 

- Je ne sais plus ce que je veux. Dans quelques heures, Raphael sera en Angleterre. Je ne pourrais peut-être jamais l’y rejoindre. Son père fera tout pour m’empêcher de l’approcher. Et je suis là impuissante… Alors oui je souhaite le voir mort. 


Sa voix est pleine de colère et de dépit. Je me lève et récupère une chose assez légère de la poche de mon sweat puis je reviens m’assoir face à elle. 


- Cette arme passe les portiques de détection. Dis-je en la lui présentant. Elle est faite en un alliage sans métal qu’utilise l’armée française dans les missions d’infiltration. Si c’est que tu veux je le ferai. Plus de père, plus de voyage. Raphael rentre…

- Et tu iras en prison pour ne plus jamais en sortir. 

- Je te l’ai déjà dit, dis-je en me levant pour abréger cette discussion que je trouve inutile. Je préfère crever comme un chien plutôt que de le laisser te le prendre.


Elle soupire et regarde ailleurs. 


- C’est ce que je souhaite mais pas ce que je veux Mickael. Je ne peux pas non plus vivre sans toi… à mes côtés. 


Je m’en vais sans rien ajouter.  

 

*

*


J’ai garé ma moto dans le parking de l’aéroport international Léon Mba. Jamais une arme aussi légère ne m’a semblée si « lourde ».


« C’est ce que je souhaite mais pas ce que je veux a dit Lola » 


Je suis en train de quadriller le hall et de vérifier par moi-même qu’il n’y a pas de vols. Une speakerine me le confirme. Mais je regarde le traceur de mon téléphone, Raphael est toujours connecté au wifi de l’aéroport. Donc ils sont bel et bien là. Il s’agit maintenant de les retrouver. 

Le VIP qui donne accès au vol d’avions privés ! Ils doivent être là-bas. Y accéder ne va pas être de tout repos. Mon téléphone sonne. Je le sors de ma poche et regarde l’écran. C’est madame Khan. 


- Oui allo.

- Mickael. Écoute-moi bien. Ne lui fais pas de mal, ne fais rien qui pourrait te mettre dans une situation inextricable. Essaie de le retenir, qu’il ne monte pas dans l’avion et attends mon appel.  Tu as compris ? Attends mon appel et passe le téléphone à Hugues. 


C’est ça son plan ? Le retenir et c’est tout ? N’a-t-elle pas encore compris que ca ne servait à rien et qu’il fallait l’empêcher définitivement de nuire ? Je raccroche et m’éloigne. 


***Vingt minutes plus tard***


Moi qui pensais qu’il me faudrait passer en douce chaque étape. Il a juste fallu que je souris à une hôtesse en lui disant que je voulais rejoindre mon frère qui prenait un vol privé pour l’Angleterre. Elle a vu mon passeport français, reconnu peut-être le nom puis m’a dit : 


«  Normalement je ne devrais pas le faire mais vous avez de si beaux yeux bleus. Ils sont bleus ? »

« Ils sont bleus vert, et vous pourrez les contempler d’encore plus près à notre retour à tous les deux. »


C’est un jeu auquel j’ai très longtemps joué et je sais reconnaitre le désir. Elle se touche la joue et semble gênée par mon approche directe.


«  Ecoutez on va faire simple » j’ajoute en souriant doucement pour ne pas l’apeurer. 


Je lui tends une page vierge de mon passeport ouvert et lui demande d’y noter son numéro de téléphone. Elle est séduite par la démarche et le note rapidement. Je ne le lis même pas et ne la quitte pas des yeux une seconde pour qu’elle sente mon regard peser sur elle. 


« Est-ce que je peux maintenant aller voir mon frère ? »

« Je vais vous accompagner pour que vous puissiez passez la sécurité »

« Merci … ? »

« Mathilde »

« Merci Mathilde. Joli prénom »


J’ai eu de la chance et maintenant qu’elle m’a laissé libre de mes mouvements, je scrute les personnes qui attentent le prochain départ. 


Quelques minutes plus tard, j’aperçois Raphael. Il a l’air terrorisé à l’idée de partir sans avoir dit au revoir à sa mère, à l’idée qu’il ne la reverra peut-être jamais. Hugues est entouré par deux nouveaux gardes du corps. Je suppose que les deux derniers ne se sont pas encore remis du petit accident que leur ai fait subir. Je fais craquer mon cou pour détendre mes muscles raidis par la tension naissante. 


C’est la dernière ligne droite. Je suis fatigué. Ca fait deux jours que je n’ai pas dormi. 


Je ne peux pas échouer. Je ne le dois pas. Pour Lola. Et Raphael. J’expire et inspire. J’expire et inspire. Je mets la capuche de mon sweat en place pour dissimuler ma tête afin qu’il ne puisse pas, à une certaine distance me reconnaitre. 


Je m’élance à petits pas. Les gens bavardes gaiement autour moi mais je ne les entends plus. Tous mes sens son concentrés sur Hugues, les deux gardes du corps qu’il a pris et qui sont bien plus volumineux que ceux de la dernière fois et Raphael que je ne dois en aucun cas blesser. 


A deux mètres d’eux, le brouhaha ambiant est couvert par les battements de mon cœur. Je plie mes poings. Il faut que je frappe fort. Je n’aurai pas droit  à une seconde chance. Hugues parle à Raphael qui commence à pleurer en entendant qu’on appelle leur vol. Mon cœur se serre mais j’évite de les regarder avec insistance. Un des gardes du corps me regarde avec méfiance tandis que l’autre observe la femme qui est juste derrière moi. Elle porte une mini jupe bien trop courte pour ses fesses rebondies alors elle attire tous les regards. C’est celui que je vais frapper en premier. Avec l’effet de surprise, il ne pourra pas contre attaquer. L’autre est sur ses gardes… 


C’est la dernière ligne droite, je me dis à nouveau. 

Oublie la fatigue. Concentre-toi. 


Je suis à portée … Quand enfin le deuxième garde se rend compte que je suis bien trop près pour que ce soit anodin, je lui donne un uppercut qui le met K.O. du premier coup. Le premier garde réagit immédiatement et fait reculer son patron et l’enfant. Le temps que je me retourne vers lui, il m’assène un coup qui me fend directement l’arcade sourcillère. Putain ca doit être un ancien boxeur, je n’ai pas vu le coup venir. Je percute violemment le sol. 

Les gens autour de nous s’écartent et la panique s’installe. La PAF (police des airs et des frontières) ne tardera plus à venir m’arrêter. 


Il faut que je tienne jusqu’à ce que ce téléphone sonne. Ca ne va pas être facile. Avant que je ne puisse me relever, il me frappe du pied, ce qui me coupe le souffle et me propulse à quelques pas de lui. 


« Les passagers en partance pour Londres sont priés de bien vouloir embarquer porte 2 »


Merde. 


Je me relève avec difficulté. 


- Mais c’est quoi ton problème mec ? me demande le garde. 


Je ne réponds même pas et fonce sur lui. J’applique une clef d’emprisonnement…  pour le stabiliser puis lui assène un bon coup de coude suivi rapidement d’un coup de poing qu’il évite à la dernière seconde. 


Je suis fatiguée et pas aussi rapide et précis que je l’escomptais. Ca commence à bien faire ! Je le déstabilise et il chute lourdement. Je monte sur lui et lui assène trois coups. Enfin il est K.O. 


Les flics de la PAF entrent en jeu, des molosses entrainés qui se demandent qui je suis et la cause de ma présence ici. 


- Cet homme essaie de m’empêcher de partir avec mon fils ! Arrêtez le. 


Il faut que ce putain de téléphone sonne. Si je les laisse m’emmener, il partira avec Raphael. 


- Monsieur suivez nous ! ordonne le plus gradé.

- Je dois l’arrêter. Je réponds tout simplement.


Hors de question que je les suive. Je les surprends en m’en prenant à eux. Pas le temps de s’expliquer plus longuement. S’en suit mon combat contre trois hommes décidés à m’empêcher de nuire.  

Apres quelques temps, et deux hommes à terre, le troisième réussit à me mettre un coup tellement violent que je m’écrase une nouvelle fois sur le sol. Je vois des étoiles. 


- Toi tu vas m’arrêter ! crie Hugues. Tu ne doutes vraiment de rien ! continue-t-il en plaçant Raphael devant lui. Tu ne pourras pas m’empêcher de monter dans cet avion avec mon fils. Tu n’en as pas le pouvoir. 


Raphael tente de se dégager de ses bras mais il le tient fermement. Non mais quel lâche ! J’ai juste besoin de le retenir assez longtemps pour que Madame Khan fasse ce qu’elle a à faire…  J’ai décidé au final de lui faire confiance parce que Lola a dit …


Elle a dit qu’elle ne voulait pas vivre sans moi non plus. 

J’ai senti un feu nouveau bruler en moi malgré la fatigue suite à cette parole. 


*

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Raphael me regarde, à terre, ensanglanté… 

Son père qui le tient fermement fait les frais de sa colère. Il le mord tellement fort que ce dernier le repousse. J’ai bien envie de sourire mais je ne le peux pas. Mon visage tuméfié me fait un mal de chien. C’est moi qui lui ai dit que parfois mordre vaut mieux que toutes les techniques de défense du monde entier. Il m’avait répondu à l’époque : c’est des trucs de filles ça. Et j’ai dit : des trucs de filles qui marchent !


Tinitinitinitini… je sors le téléphone de ma poche et le lui jette. 


- Décroche et donne le téléphone à ton père, dis-je en faisant l’effort de bien articuler quand il me regarde.


Pourvu qu’il lise sur mes lèvres. Les policiers me soulèvent et me mettent les menottes. Les passagers se sont attroupé autours de nous. 


Je continue de voir des étoiles… Je vais peut-être m’évanouir… mon corps va lâcher… Mais je veux être sûr qu’il va lui donner le téléphone. 

Un des gorilles s’est relevé et l’a soulevé de terre, l’empêchant de décrocher… 

Merde ! On va manquer l’appel… Je n’en peux plus. Au moment où je veux m’effondrer, je suis retenu par … 


Monsieur Khan ? Que fait-il là ? Lola, Eloïse ? Madame Khan et son ami, le frère d’Hugues.  


***Leila Khan***


Je nous ai mis en conférence avec le téléphone de Gabriel, plus besoin qu’Hugues décroche. J’active mon haut parleur… 


- Gabriel ? C’est Ok ?

- Madame Khan, je suis devant elle. Parlez madame… 


Une voix fluette résonne…


- Hugues mon chéri. Laisse tomber, rentre à la maison. Il dit que si tu prends ton fils, il va parler à la presse… Il y a une horde de journaliste dehors … Ecoute notre projet est important, s’il révèle tout sur moi et mon église, je suis finie… Je ne sais pas comment ils ont fait pour savoir mais je ne peux pas risquer de perdre ce pour quoi je me suis battue toute ma vie pour un enfant qui n’est pas le mien! Rentre Hugues je t’en prie. Laisse l’enfant. Laisse-le. 


Entendre la femme d’Hugues le supplier de rentrer et de laisser l’enfant est une douce mélodie à mes oreilles.

Hugues fait signe à son garde de relâcher Raphael qui se précipite dans les bras de sa mère… 


J’ai joué avec tous les talents en ma possession… 

J’ai compté sur l’amour d’une mère pour son enfant et Lola ne m’a pas déçue. Pas une seule seconde.

J’ai misé sur Mickael, l’ange guerrier pour se battre et tenir Hugues à distance le temps que son frère agisse… 

J’ai parié sur Gabriel, le messager, qui a su présenter notre contre-attaque à la femme d’Hugues de telle manière qu’elle a compris qu’ils gagneraient  à se retirer du jeu. 


Aucun d’entre eux n’a compris que dès le début je savais qu’Hugues serait assez sournois pour se défiler sans passer par la case justice. 


Je me rapproche de lui, son téléphone vibre. Je souris de toutes mes dents. 


- Ouvre ton téléphone. Tu viens de recevoir un message de ton avocat. Maitre Bertrand lui a fait livrer aujourd’hui notre dossier complet avec cinq actions en cours, trois civiles et deux pénales. Je suppose qu’il est en train de te conseiller de négocier. Alors voici mon offre. Tu dégages tout de suite sans demander ton reste ou ça va mal se passer pour toi parce que ton frère ici présent est très furieux après toi. Il ne va pas sauver tes petites fesses. Dis-je ne lui montrant Denis qui demande au policier de la PAF de relâcher Mickael tandis que Xander parle à leur commandant qui s’est déplacé pour régler la situation.   


Il recule. 

Quand je pense qu’il semblait ne pas avoir de talon d’Achille. 

Sa femme était sa faille. C’est grâce à Denis que je l’ai su. 

Quand tu ne peux détruire un homme, détruit le rêve de celle qu’il aime… 


Je leur expliquerai tout plus tard pour le moment je dois en terminer avec Hugues. 


- QUAND ON EST UN CHATON, ON NE VIENT PAS MIAULER AUPRES D’UNE PANTHERE ! 



LOVE SONG