Chapitre 42

Ecrit par WumiRa

- Je dois voir Umar dans quelques heures, mais je pourrais me libérer pour qu'on déjeune tous les deux à midi.


Tout en nouant la cravate de son mari, Maya fredonnait un air d'Ed Sheeran.


- Tu m'écoutes ?


- Si si. 


- Pourtant tu ne dis rien.


Elle sourit.


- Tu n'en as pas marre de m'entendre parler des fois ?


Il haussa les épaules.


- Tu sais que ça dépend.


- Ah ça !


- Quand tu me fais une scène de jalousie par exemple.


Elle serra la cravate de sorte à ce qu'il s'étouffe durant quelques secondes.


- Tu veux avoir ma mort sur la conscience apparemment ? fit-il, une fois qu'elle l'eût desserré.


- Je serai une veuve très sexy, tu ne trouves pas ?


Elle allait s'éloigner mais il la rattrapa.


- Alors ça ce n'est vraiment pas drôle. Je risque de me retourner dans mon cercueil.


- Jaloux.


Il pouffa.


- Si tu avais vu ta tête hier quand cette fille a essayé de danser avec moi. Tu étais à deux doigts d'exploser, mais j'avoue que j'aime ça.


- M'énerver ? J'avais compris.


Il lui caressa la joue.


- J'aime ton côté possessif.


- C'est pourquoi tu reluquais les cuisses de cette fille en boîte ?


- Ah...


- Tiens, je risque d'être en retard pour l'hôpital.


Il se rembrunit aussitôt.


- J'aurais vraiment aimé y assister, c'est ce qui était convenu.


- Mais l'heure de ta réunion et de mon rendez-vous coïncident. Je te dirai de toute façon ce qu'il en est, soit tranquille.


- Ne me demande pas d'être tranquille.


Elle éclata de rire.


- Bah tant que tu y es, viens chercher ton bébé et place le dans ton ventre, papa poule.


Après plusieurs bises, il se résigna enfin à partir.


- Appelle moi, lui rappela t-il.


- Le docteur a accepté que je fasse une vidéo. 


- Ah oui ? 


- Oui oui, je l'ai appelé pour lui dire que tu allais être occupé et il a été assez compréhensif. 


- C'est le même que la fois dernière où... ?


- Oui, c'est le même qui me suis depuis des mois. Le Dr Saïd Diaw, le beau type avec les cheveux gris.


- Je vois clairement dans votre jeu, madame Sylla.


Il lui vola un autre baiser et se dirigea vers la porte.


- Bonne journée !


- Bonne journée, mon ange. Je vous adore tous les deux.


Avant qu'elle ne puisse répondre, il était déjà parti.



***


Bien plus tard...


- Rien que cette nuit encore, j'ai été près de tout lui avouer.


- Juste comme ça ?


Faisant tourner un stylo entre ses doigts, Malik acquiesça.


- Qu'est-ce qui t'a retenu ? demanda alors Umar. Ne me dis pas que tu as flippé à l'idée qu'elle réagisse mal, elle ne t'accueillira pas à bras ouvert après de telles révélations, crois le ou pas.


- Je ne veux pas lui faire de mal.


- Je comprends. Enfin, ça se comprend.


Malik haussa les sourcils.


- Mais cesse de me regarder comme ça, lui dit son ami. Ça se voit qu'elle te rend heureux. Et quand je pense qu'il faudra quand même que tu lui en parles...


- Ce ne sera sans doute pas maintenant. Pas avant qu'elle n'ait... accouché.


Umar blêmit.


- Oui, confirma Malik, devant son regard interloqué. On va avoir un enfant.


- Elle attend un gosse de toi ?


- Tu savais que ça allait finir par arriver.


Toujours surpris par la nouvelle, Umar se redressa sur son siège.


- Ça t'étonne ?


- Ce n'est pas comme si je vivais avec vous. Laisse moi digérer la nouvelle, frère.


Si Malik nota quelque chose d'inhabituel dans la façon de réagir de son meilleur ami, il ne dit rien. Même quand ce dernier se leva.


- Je ne peux que te féliciter, dit Umar, en s'approchant de lui pour lui donner l'accolade.


- C'est le fait de savoir que tu vas devenir oncle qui te rend aussi ému ou...


- Tu n'imagines pas à quel point ! Toutes mes félicitations.


- Personne n'est au courant, alors je compte sur toi pour être discret.


Ils se rassirent.


- Pas même le vieux ?


Le visage de Malik se ferma automatiquement.


- À l'heure qu'il est, peut-être si.


- Tu sembles toujours autant décidé, souligna Umar.


- Qu'est-ce que tu veux que je fasse ?


- Abandonne. Je n'aurais jamais cru dire une telle chose mais...


Des coups resonnèrent à la porte.


- Entrez, intima Malik, d'une voix sévère.


Sa secrétaire apparût, mais avant qu'elle n'ouvre la bouche, une autre femme la dépassa.


Le sang de Malik ne fit qu'un tour ; encore elle !


- Veuillez refermer derrière vous, fit-il à l'adresse de la secrétaire qui disparut aussi vite qu'elle était venue.


- Je dérange ? demanda la nouvelle venue.


- Comme tu peux bien le voir, je suis en pleine conversation avec...


- Oh arrête moi ton cinéma chéri, coupa Inaya. Tu veux parler de ton acolyte ? C'est le même que la dernière fois non ? Ne fait-il pas parti des enfants perdus de sœur Léa ?


Malik serra les dents. Umar lui demeura impassible.


- Assieds-toi.


Elle ne se fit pas prier.


- Je t'avais demandé de ne jamais revenir ici.


- Tu ne m'as rien demandé. Tu me l'as ordonné et je n'ai heureusement aucun ordre à recevoir de la part d'un garçon que j'ai nourri.


- Et que tu t'es tapé plus d'une fois sans se soucier de son âge.


Choquée, elle riva son regard au sien. 


- Qu'est-ce que tu veux ?


Tout à coup mal à l'aise, elle se mit à balbutier.


- Inaya, qu'est-ce qui t'amène cette fois ?


Au lieu de répondre, elle se mit à le détailler du regard, jusqu'à ce que ses yeux s'arrêtent sur son annulaire ou figurait sa bague de mariage.


- Je veux pouvoir te parler en privé, déclara t-elle, d'une voix sèche. 


- Dans ce cas, il te faudra revenir, tu as bien vu que j'étais occupé.


- C'est à propos de sœur Léa.


Malik soupira.


- Il y'a des choses que tu ignores, poursuivit-elle. Je sais que tu es marié et sans doute heureux, mais si tu savais ce que moi je sais...


- Tu as surpris une conversation, c'est cela ?


- Tu me vexes.


- Bien dans ce cas fiches le camp, asséna t-il. Ce que tu sais m'importe aussi peu que ta personne. Si tu pensais pouvoir me faire du chantage avec des bribes de conversations d'autrui, je vais devoir te rappeler que je ne suis pas l'un de tes malheureux pigeons.


Il se leva et sans prévenir, alla lui saisir le bras.


- Mais par contre, j'ai deux mots à te toucher. 


Il l'entraîna hors du bureau et referma derrière lui.


***


- Alors ? Contente ?


- Vous n'avez pas idée, docteur. Je suis la femme la plus heureuse au monde. 


- J'espère le sexe du bébé ne posera pas de problème au sein de votre couple.


- Non, répondit Maya. En fait, tout ce qui nous importe à moi et à mon mari, c'est la venue du bébé. C'est une bénédiction.


En retour, le docteur lui sourit.


- Dans ce cas, rendez-vous dans quelques mois ! fit-il. En attendant passez régulièrement pour qu'on puisse suivre l'évolution du petit Sylla.


- Je n'y manquerai pas, soyez-en certain. Aurevoir docteur.


Les résultats des échographies dans une main et son téléphone dans une autre, Maya composa directement le numéro de son mari. Il était bientôt midi et ils étaient censés se retrouver non loin de son travail.


Il décrocha à la deuxième sonnerie.


- Mon cœur.


- Ça va toi ? demanda t-elle. Qu'est-ce que tu fais ?


- Tu as fini ?


- Oui, mais si tu es occupé...


- J'ai réservé une table dans ton restaurant préféré. Donne moi une demi heure et je t'y rejoins, s'il te plaît.


- Je peux aussi passer au bureau.


- Non, va directement m'attendre là bas, je ne serai pas long. 


- Tu sais que la patience et moi...


- J'ai une surprise pour toi. Tu comptes la gâcher ?


- Une surprise. Il se trouve que moi aussi j'ai une surprise pour toi et pas n'importe laquelle, tu peux me croire.


-  On va avoir des jumeaux ? plaisanta t-il.


- N'essaie pas de me tirer les vers du nez. Mais bon ok, je vais aller t'attendre. Gare à toi, si tu tardes trop. Je t'aime.


- Je t'aime.


Elle allait raccrocher, avant de se rendre compte qu'il venait de lui dire à son tour "je t'aime". 


- Malik ?


Son rire lui parvint depuis l'autre bout.


- Tu veux que je te le repète ? s'enquit-il.


- Oui..., souffla t-elle. Mais je veux t'avoir en face de moi quand tu me le diras.


- Dans ce cas, on se dit à tout à l'heure ? 


- Ok.


                                       ***


Pour la huitième fois, Maya composa le numéro de téléphone de Malik, mais ce dernier sonna dans le vide, comme les fois précédentes.


Assise dans le restaurant où il devait venir la rejoindre, l'inquiétude commençait à la gagner.


- Un autre verre de vin ? vint lui demander le propriétaire du restaurant en personne.


C'était un bon ami à son père et comme elle était une habituée de la maison, il la traitait toujours bien à chaque fois. Oui, elle aurait aimé pouvoir demander un autre verre, voir une bouteille entière, mais son état ne le lui permettait guerre. Les quelques gorgées de vins qu'elle avait avalées un moment plus tôt ne devait même pas parvenir aux oreilles de Malik. Mais que faisait-il bon sang ?


Elle secoua la tête en guise de "non" et l'homme se retira.


Cependant en son fort intérieure, elle était engoissée à l'idée que quelque chose lui soit arrivé. Ce n'était pas dans ses habitudes d'ignorer ses appels et cela faisait bientôt deux heures qu'elle l'attendait. N'y tenant plus, elle se leva et sortit du restaurant. 


Le taxi qu'elle prit la déposa directement devant SyllaZ, et elle n'eut qu'à entrer. 


Fidèle à son poste, la secrétaire de Malik lui assura qu'il était dans son bureau, mais que comme par hasard, il n'était pas seul. Et non, il n'avait eu aucun rendez-vous depuis qu'il était arrivé.


Ne comprenant rien à tout ce charabia, Maya prit l'ascenseur et se retrouva en un temps record dans les couloirs qui menaient au bureau de son mari. Qu'est-ce que c'était que cette surprise qui nécessitait qu'il la laisse en plan pendant plus de deux heures ? Il allait vraiment l'entendre...


La main sur la poignée de la porte, elle allait ouvrir, lorsqu'elle constata que celle ci était entrouverte. Elle jeta donc un coup d'œil à l'intérieur et ne fut pas surprise de voir Umar. Malik et lui étaient en pleine conversation, mais... ce qu'il dit à ce moment, la pétrifia sur place.


- Quand je pense que si ce n'était pas à cause d'Henri Fall tu n'aurais jamais quitté Rabbat. Tu es tellement déterminé à en finir avec lui. 


Avant qu'elle puisse trouver une explication , Malik prit la parole, lui épargnant cet effort.


- En finir avec lui de manière anonyme. J'ai été obsédé par ce besoin durant des années. Surtout le moment où j'irais le voir en prison pour lui révéler qui je suis en réalité et...


- Disons que le fait qu'il ait une fille n'a servi qu'à accélérer les choses ?


- J'avoue que oui, sauf que maintenant...


Par instinct, Maya porta une main à sa bouche, retenant un cri de stupeur.


- Tu comptes redevenir Zayn après ?


- Je n'en ai aucune idée. Peut-être, mais sans doute pas ici.


- Alors tu vas quitter Dakar une fois Fall derrière les barreaux. 


Malik leva à ce moment les yeux et s'aperçut de la présence de Maya. Il eût d'abord la mauvaise idée de croire qu'elle ne les avait pas entendus, mais lorsqu'il la vit reculer et vit l'immense tristesse sur son visage, il se pétrifia à son tour.


- Merde.


Elle ne se souvint plus de qui jura parce que sans un mot, elle se précipita vers les escaliers au bout du couloir. Une porte se referma violemment derrière elle, lui faisait comprendre qu'elle était suivie.


- Maya !


Sans se retourner, elle dévala les escaliers et faillit trébucher devant un pot de fleurs dans le hall, devant le regard hébété de la secrétaire de son mari.


- Madame Sylla ? Que se passe t-il ?


C'est seulement à ce moment qu'elle prit conscience qu'elle pleurait. Sa vue se brouilla subitement, mais souhaitant désespérément quitter cet endroit, elle réussit quand même à atteindre la porte et à sortir.


- Maya, écoute moi, s'il te plaît...


Il réussit à la rattraper dehors, mais avant que sa main ne se referme sur l'avant-bras de la jeune femme, elle traversa en courant, se faisant aussitôt renverser par une voiture qu'aucun des deux n'avaient vu venir.


La scène se passa tellement vite qu'aucun son ne réussit à sortir de la gorge de Malik. Même lorsque le corps inerte de Maya apparût à l'autre bout de la chaussée.


 



 
Sensuelle Ennemie