Chapitre 41

Ecrit par WumiRa

- Je n'avais pas l'intention de t'embarrasser...


- La prochaine fois que tu me fais un coup pareil, je te promets de m'assurer que tu rentres à pieds, répondit Malik, avant de refermer violemment la portière qu'il lui tenait.


- Je te demande pardon, dit-elle, lorsqu'il s'assit à son tour. J'avais besoin de l'avis d'un expert.


Il se tourna vers elle, la foudroyant du regard.


- Parce que tu crois que ta chère gynécologue a une vie sexuelle exemplaire ? Elle n'est même pas mariée.


- Oui mais...


Elle haussa les sourcils surprise.


- Comment tu sais ça toi ? Tu t'es vraiment renseigné sur elle ?


- Où est le problème ?


- Non mais ça c'est de la pure paranoïa, tu ne peux pas fouiller dans la vie des gens comme ça.


Il mit le contact et démarra.


- Malik...


- Je la connais parce qu'elle est sorti avec Umar, mais elle ne me connait pas. C'est bon, ça va ? Et puis on parlait de toi, pas de moi.


Elle tourna la tête vers sa vitre.


- J'ai dit que j'étais désolée de t'avoir embarrassé.


- Hum.


- Je ne peux quand même pas te sauter dessus à chaque fois... Je ne suis pas une nymphomane.


- Mais tu risques de le devenir si tu continues par te taire. Et je n'ai jamais dit que j'étais contre le fait que tu me sautes dessus. Je pensais que de nous deux c'était toi qui était plus douée pour les conversations.


- ...


- En tout cas c'est bien la dernière fois que je t'accompagne à l'un de tes rendez-vous chez la gynéco.


Intérieurement, Maya sourit. Elle savait bien que ce n'étaient que des paroles en l'air et que dorénavant il allait vouloir être au courant de tout.


- Tu souris, ça t'amuse, c'est ça ?


- Je pensais à autre chose, répondit-elle, confuse malgré elle. En plus, si tu n'étais pas parti aussi vite on aurait pu faire une autre échographie aujourd'hui et découvrir le sexe du bébé.


Il parut se détendre.


- Je pensais que c'était demain.


- Oui, oui, normalement. Alors peut-être qu'on devrait oublier ce qui vient de se passer et se concentrer sur ce qu'il y'a de plus important.


Elle fit la moue.


- Quoi ? demanda t-il.


- Je n'arrive pas à ne pas penser au fait que ma mère soit partie. Ça me perturbe.


- Essaie donc de penser à autre chose.


- Il s'agit de ma mère, chéri, je ne peux pas.


Il soupira.


- Très bien. Indique moi chez tes grands parents et je t'y emmène.


- Tu es sûr de vouloir faire ça ? Je pourrais y aller toute seule.


- Tu as honte de moi ?


- Cesse d'être ridicule. Je dis ça parce qu'ils ne te connaissent pas et ils vont sans doute te poser des tas de questions, pour la plupart embarrassantes. 


- Je me ferai un plaisir de leur répondre. Tu m'indiques ou on rentre ?



***


- Je ne peux rien vous dire à propos des accouchements qu'il y'a eu ici, dans l'année qui a suivit celle de l'ouverture de cet hôpital madame. Je ne devais même pas encore être en âge de parler.


- Mais il y'a des archives, n'est-ce pas ? Il y'a sûrement des papiers qui sont gardés quelques part...


- Désolée, mais...


- Bon, trêve de paroles, je veux parler au directeur.


Devant le manque de réaction de la jeune infirmière, Awa se mit à hausser le ton.


- J'espère que vous savez à qui vous avez affaire ! Savez-vous que je pourrais vous faire virer et fermer cette clinique, rien que d'un battement de cil ?


Un homme en blouse blanche, fit son apparition à ce moment. Une autre blouse pendait à son bras et il avait l'air très pressé. Mais pourtant, lorsqu'il remarqua cette femme occupée à sermonner la pauvre infirmière, il s'arrêta tout de suite.


- Un souci ? demanda t-il, en s'approchant d'elles.


C'était un homme à qui l'on aurait facilement attribué la trentaine, mais il était beaucoup plus agé et ses cheveux virant déjà au gris, en étaient bien la preuve.


- Qu'y a t-il, Soraya ? fit-il à l'adresse de l'infirmière, avant qu'Awa ne se retourne et qu'il ne la reconnaisse. 


Pendant un court instant, l'un et l'autre demeurèrent stupéfiés. Mais ce fut elle qui reprit vite ses esprits.


- Merci pour tout, dit-elle. Aurevoir.


Elle allait vraiment s'en aller, quand il l'interpella.


- Un instant, s'il te plaît.


Elle se retourna.


- Soraya, veuillez apporter cette blouse au docteur Kante, s'il vous plaît. Il se trouve aux urgences.


Visiblement pressée de s'éloigner de cette folle furieuse qui venait de la menacer de la faire virer, l'infirmière ne se fit pas prier et disparut dans la minute qui suivit.


- Je suis pressée, dit Awa, à l'intention de son interlocuteur.


- À te voir, j'aurais pourtant juré que tu avais toute la journée devant toi, répondit-il.


Elle le fusilla du regard, non sans une once de crainte. Que faisait-il donc dans cet hôpital ? N'était-il pas censé être à l'autre bout du monde ou mort ?


- Tu as quand même quelques minutes à m'accorder, n'est-ce pas ? s'enquit-il.


- Tout dépend de ce que tu as à me dire. Je suis une femme très occupée.


Il la détailla du regard, étonné.


- Si tu veux que je le reformule poliment, tu n'as qu'à le faire savoir, tu sais.


Elle le toisa.


- Deux minutes.


- Viens. Nous serons plus à l'aise dans mon bureau.


Après un bref moment d'hésitation, elle le suivit effectivement jusque dans son bureau, où il lui tira une chaise.


- Assieds-toi, j'ai un coup de fil à passer, je te prie de m'excuser.


- Nous avions convenu que je n'avais que deux minutes à t'accorder.


- Calme toi, Awa. Ce n'est que moi, Saïd. 


- Oh mais et alors ? Qui est-ce que tu crois que tu es ?


Déjà, il avait le téléphone vissé à l'oreille. Il se tourna vers le mur et parla rapidement à voix basse, tandis que de son côté, elle s'impatientait. Trop occupée à maudire le sort de l'avoir à nouveau mise sur le chemin de cet homme, elle n'entendit rien de sa conversation téléphonique. Mais lorsqu'il finit par se retourner, elle était déjà debout.


- Où est-ce que tu vas ?


- Je n'ai pas le temps. J'ai des choses importantes à faire.


Il s'assit.


- Rassieds-toi au moins...


- Je suis pressée, je te dis.


- Pourquoi es tu à ce point sur la défensive ?


Elle laissa échapper un rire moqueur.


- Défensive ? Moi ?


- Si c'est parce que tu crois que je vais te demander de me rembourser les huit millions que tu as volé à mon appartement, tu peux être tranquille, je n'en ai plus besoin.


Un changement radical s'opéra alors sur le visage d'Awa.


- Dieu m'a épargné d'une vie en prison, qui suis-je pour te juger ?


- Et bien...


- Tu as sans doute cru aux rumeurs selon lesquelles j'aurais été fusillé, mais heureusement que Dieu n'a pas le cœur des hommes. 


- Je te rembourserai de toutes façons.


- Avec l'argent de ton époux, monsieur le ministre ? Je n'en veux pas.


- Très bien, dans ce cas, je ne vois pas de quoi tu voudrais qu'on parle.


Il eut un sourire.


- Tu es sûre de n'avoir rien à me dire ? Absolument rien que j'aie le droit de savoir ?


- Écoute, si tu veux parler de...


- Oui, je veux parler de la même raison pour laquelle tu te trouves dans cet hôpital. 


Le cœur d'Awa ratta un battement.


- Je viens de demander à l'infirmière avec laquelle je t'ai trouvée et elle m'a confirmé que ce pour quoi je te cherche depuis mon retour est vrai : tu es à la recherche d'un enfant. 


Silence de mort.


- Je suis médecin généraliste, je ne vais pas parler de calculs, mais je sais d'avance qu'il s'agit du mien. Qu'est-ce que tu en as fait ?



***


- Vous n'auriez vraiment pas dû venir, mes chéris, je suis désolée d'avoir attiré l'attention.


- Sérieux ? s'exclama Maya, pendant que Malik s'éloignait pour leur laisser un peu d'intimité. Moi je n'étais pas du tranquille et papa n'a rien dit à propos. Il se passe quoi au juste ? 


- Rien d'important, il ne faut pas que tu t'inquiètes, répondit Firda.


 - Mais il se passe quand même des choses n'est-ce pas ? Mon instinct ne m'induit jamais en erreur.


- Et il te dit quoi ton instinct, cette fois ?


- Hum maman, s'il y'a un problème dis le moi. Je ne veux pas que chacun reste seul de son côté, papa a besoin de toi et personne ne prend soin de toi aussi bien que lui.


Pour toute réponse, Firda la fixa avec plus d'insistance.


- Tu sembles avoir pris beaucoup en sagesse ces temps ci.


En formulant cette phrase, elle tourna son regard vers Malik qui buvait à présent le thé avec grand père Cissé.


- C'est à lui qu'on doit un tel changement ?


Oh que si, fit intérieurement Maya. Nul autre que lui.


- Vous êtes bien ensemble, tu es heureuse, continua t-elle. Si quelque chose devait m'arriver, je n'aurais que peu de regrets...


- Ah maman ! Lan la bëgg wax ? (qu'est-ce que tu veux dire ?) Je ne veux plus que t'entendre dire ce genre de choses, tu sais que ça porte malheur.


- Je suis très fière de toi, mon cœur. Tellement.


- Je le suis également et c'est grâce au vieux et toi. Vous avez tellement fait pour moi, alors qu'en retour je n'ai que très rarement fait ce que vous vouliez.


- Tu t'es mariée, alhamdoulilah c'est ce que nous souhaitions. Avec la bonne personne. Mais...


- Tu me fais peur.


- Tu es enceinte n'est-ce pas ?


Maya vit son mari se lever à ce moment. Elle s'éclaircit la gorge.


- Oui. Mais...


Le visage de sa mère s'illumina aussitôt de joie. Contre toute attente, elle se leva et se mit à esquisser des pas de danses. Malik s'était rapproché.


- Qu'est-ce qu'on fête ?


- Bébé en route.


- Ah.


- Elle l'a deviné toute seule.


- Visiblement les adultes savent reconnaître ces choses là.


Firda finit par se calmer et se tourna vers eux.


- C'est maintenant que mes ennemis attesteront d'eux même que mon Dieu est grand.


- Masha'Allah, approuva Malik, tandis qu'elle le prenait dans ses bras pour le féliciter.


- Et moi ? se plaignit Maya. C'est lui qui porte ton petit fils ou quoi ? 


Tous les trois éclatèrent de rire, avant que Maya et sa mère ne s'étreignent. 


- Tu l'as dit à ton père ?


- Je pensais attendre encore un peu, mais maintenant il n'y a aucune raison pour qu'il ne soit pas au courant.


- Et dire qu'on attendait que ça !


- Ehh pardon ?


- Qu'est-ce que les parents attendent de la part de leurs enfants à ton avis ? intervint Malik.


- Donc vous complotiez tous dans mon dos quoi !


Leur conversation fut interrompue par l'arrivée de grand mère Cissé, qui un moment plus tôt, avait disparue dans la cuisine.


- Maya tu comptes téter pendant encore longtemps ou tu viens m'aider ? lança t-elle.


Celle ci leva les yeux au ciel et fit mine de n'avoir rien entendu.


- Est-ce qu'elle veut que je vienne la chercher ? demanda encore la vieille femme en wolof.


- Non mâ, elle arrive, s'écria Maya en riant avant de se lever. 


Elle adressa un sourire crispé à sa mère.


- Maman je déteste ta mère, gémit-elle entre ses dents.





 
Sensuelle Ennemie