Chapitre 45

Ecrit par Myss StaDou

Chapitre 45


L’hésitation doit se lire sur mon visage malgré le fait que j’ai tellement envie d’être près de mon homme. La peur et les doutes me pressent et me paralysent. Jeanne me tire vers la voiture de Victor qui se tenait debout sur la portière. Il sourit en nous voyant approcher. Arrivée près de lui, je suis très hésitante devant l’attitude à suivre. Quand tu es fâchée contre ton homme, tu l’embrasses quand même, tu lui fais juste la bise ou tu le salues de loin comme le drapeau ? Grand dilemme. Mais pas pour Victor qui s’approche de moi, prend mon visage entre ses mains et m’applique un de ces baisers qui a fait vibrer tout mon corps comme le Titanic quand il coulait. Je savoure à fond. Mais dès qu’il relâche un peu sa prise pour me regarder, je me suis vide éloignée de lui.

 

− Qu’est-ce que tu viens faire ici ? Tu n’as pas respecté ce que je t’ai demandé…

− Je n’ai pas envie de mourir parce que je suis en manque de toi, me coupe-t-il d’une voix triste. C’était trop dur.

 

Je fais semblant de l’ignorer en regarder les voitures passées. Pourtant mon cœur jubile de le voir.

 

− Comprends-moi. Je suis perdu face à toute cette situation. Nous sommes bien arrivés chez mes parents en riant. Je vais saluer mon père et dix minutes plus tard, ma mère vient nous rejoindre toute seule, disant que tu es partie sans mot dire ni excuses. Je n’y ai compris !

− Et moi donc !

− Jeanne a essayé de me résumer ce qui s’est passé en mon absence, mais je préfère l’entendre venant de toi.

− Je ne sais pas trop, dis-je avec hésitation.

 

Victor s’approche de moi et vient se placer juste en face de moi et me tient les deux bras de ses mains. Tout doucement, il exerce une caresse de ses pouces sur ma peau nue.

 

− Parle-moi, s’il te plaît. Promis, je ne prendrais pas ce que tu me diras mal, car jusqu’à présent tu as été honnête et intègre avec moi. J’avais tellement hâte que mes parents te voient. Mon père a été très déçu que tu sois partie…

− C’est vrai ça ? 

− Oui, c’est vrai, répond-il en souriant. Je lui ai chanté tes louanges au téléphone et quand je suis resté seul avec lui.

− Je vois.

− Dis-moi alors ce qui s’est passé avec Maman dehors.

 

Je le regarde, hésitante. Je me tourne vers Jeanne qui était adossée pas loin sur la voiture. Elle me sourit et fait signe de me lancer.

 

− Avais-tu parlé avec ta mère de ma venue ?

− Non. C’est toujours mon père que je préviens quand je passe à la maison. Je m’entends beaucoup plus avec lui qu’avec ma mère. C’est plus facile entre hommes.

− Je vois.

− Je t’écoute alors.

− Pour résumer, dès que tu as tourné le dos, ta mère m’a demandé de quitter immédiatement les lieux. Que je ne suis pas la bienvenue chez elle.

 

Je vois de la consternation se dessiner sur le visage de Victor. Mais il ne dit rien. Une larme ruissèle sur ma joue, tellement les émotions qui remontaient à la surface étaient fortes. Je resserre mes bras sur mon corps, comme pour me protéger de ces événements qui sont déjà passés.

 

− Elle m’a insulté, traité d’arriviste et de fille de petite vertu. Elle a appelé ensuite… Hmmm… Moussa, oui c’est ça. Moussa le gardien… Elle l’a appelé et lui a dit de me faire sortir de chez elle.

− Ce n’est pas vrai ça !

− Oh si. Elle a bien précisé qu’elle ne voulait pas de moi ni dans sa maison ni dans ta vie. Que voulais tu que je fasse dans cette situation ?

 

Victor frappe sur le capot de sa voiture, extrêmement choqué.

 

− Comment a-t-elle pu faire une chose pareille ? C’est me manquer de respect ! J’emmène ma partenaire à la maison et elle l’a fout à la porte. Qu’est-ce qu’elle veut à la fin ?

− Je ne sais pas Vic. Mais une chose est sûre : je ne remettrai plus jamais mes pieds là-bas.

− Ne dis pas ça.

− Comprends-moi. C’est ta maman et j’ai évité de lui répondre par respect. Mais sache que je ne me suis jamais sentie aussi humiliée de ma vie.

 

Victor réfléchit un instant en secouant la tête, dépité. Il regarde des passants quelques secondes avant de reporter son regard sur moi :

 

− Pourquoi ne m’as-tu pas appelé ?

− Est-ce qu’à ce moment je réfléchissais encore ? demandé-je avec un rire narquois. Ma vie était en danger.

− Pas à ce point quand même !

− Oh que si ! Ta maman a menacé de lâcher ses bergers allemands affamés sur moi si je tentais de rester. Weh Vic, dis moi, est-ce un crime de t’aimer ?

− Non, ne dis jamais ça !  Je t’aime autant que tu ne m’aimes.

 

Je le regarde avec suspicion.

 

− Sincèrement, je ne comprends rien à ce qui est arrivé. Ta réponse crue quand je t’ai appelé m’a fait comprendre que quelque chose de grave a du avoir lieu dehors. Et je ne te vois pas manquer de respect envers ma mère. Ça ne te ressemble pas.

− Qui aurait été dans un état normal après ça ? 

− Je suis désolé. Tu sais…

− Je n’ai plus envie de parler de cela maintenant. La journée a été longue et je dois me dépêcher si je veux rentrer.

− Pourquoi te déranges-tu ? Je vais te raccompagner chez toi.

− Il ne vaut mieux pas. Je t’expliquerai plus tard.

− Ok.

− Tout ce que je t’ai dit est la pure vérité. Prends-la comme tu veux. Mais sache que l’avenir de cette relation est entre tes mains. Il faut que tu éclaircisses la situation avec tes parents.

− Je le ferai au plus vite. Mais sois sûre  d’une chose. Tu comptes énormément pour moi. Si je t’ai emmenée voir mes parents, c’est parce que j’envisage de passer ma vie avec toi.

− C’est vrai ? demandé-je, la voix pleine d’espoir.

− Bien sûr. Quoi qu’il arrive, je ferais de toi Madame Yondi dès que tu termineras les études.

 

Je lui souris, le cœur super heureux de cette déclaration. Mais j’attends la demande officielle.

 

− Laisse-moi juste un peu de temps pour moi-même. Je reviendrais à toi quand je me sentirais mieux.

− Je comprends.

 

Il a un peu l’air déçu, mais je reste réaliste.

 

− Bon il faut que j’y aille. Je te fais signe plus tard.

− Ok.

 

Il vient déposer un baiser sur mes lèvres. Après une bise d’au revoir à Jeanne, je traverse la route et attrape un car qui passait.

 

*****

 

Couchée sur mon lit ce soir, je repense à ma discussion avec Victor. Je ne sais pas ce qu’il fera. Mais j’espère qu’il prendra les mesures qui se doivent et mettra tout au clair avec ses parents. En dehors de plusieurs SMS qui arrivent à tout moment de la journée et de la nuit, je n’ai plus parlé à Victor.

 

Le mercredi soir, j’avais déjà preparé ma valise pour le week-end. J’ai trop hâte de passer du temps avec Josy. Ça fait si longtemps. Je me réjouis à l’avance. Les divers vont nous tuer. Ah oui, il faut que j’appelle Josy pour confirmer que je viens le vendredi. Je l’appelle et ça ne sonne que deux fois avant qu’elle ne décroche :

 

− Allô ma chérie.

− Allô, Josy. Ça va ?

− Ça va  ma puce et toi ?

− Je suis là. Beaucoup de situations bizarres. Mais je m’accroche.

− Hein ? Tu as eu des problèmes ?

− Mama, je suis allée voir la mère de mon gars dimanche. Elle m’a chassée de chez elle, mama ! La honte de ma vie !

− Ce n’est pas vrai ? Devant ton petit ami ? Quel genre de piège est-ce ? 

− Non, il n’était pas présent à ce moment-là. Laisse seulement. Je vais te raconter ça le week-end. Cette affaire m’a traumatisé, je te dis. J’ai même d’abord envoyé mon gars au banc de touche.

− Hein mama. Tu veux le quitter pour cela ?  

− Non, juste qu’il réfléchisse un peu à ça.

− Ok, je vois un peu la situation. Mais tu viens encore le week-end ?

− Bien sûr. Je viendrais coûte que vaille. C’est pour confirmer que j’appelle.

− Tant mieux, je suis contente jusqu’à. Viens Nini,nous allons s’amuser comme des folles. Laisse les problèmes à Yaoundé en venant. Nous allons faire la fête tout le weekend oh.

− Je vais peut-être rester jusqu’à lundi même. Je n’ai pas cours le lundi prochain.

− Tant mieux. On aura encore plus de temps pour nous. Viens vite oh.

− Je serai bientôt là.

− Ne sois pas trop triste pour ton gars. Ça va  aller. Les beaux gars ne sont pas finis dehors. Si celui-là te dérange, on cherche un autre.

− Tu es terrible Josy. On se voit vendredi non ?

− Oui, je viens te prendre à l’agence.

− Ok, je vais te faire signe dès que je me mets en route.

− À vendredi alors. Bisous.

− Bisous. Bye.

 

Je raccroche en souriant. Je me réjouis de la voir. Ça me permettra de me changer les idées.

 

********

 

Le jeudi, je finis assez tôt et le taxi que j’ai pris à Omnisport me dépose vers 15h devant notre entrée. Si j’avais su que je finirais si tôt, j’aurais pris ma valise en partant le matin, déposé chez Jeanne et après les examens, j’aurais directement pris la route pour Douala aujourd’hui, au lieu de quitter demain matin très tôt. Qui sait ? Peut-être je peux encore partir ? Mais j’ai besoin d’une bonne douche et de manger un peu. Mon ventre n’a rien vu à part une barre de chocolat depuis la veille. Si je réussis tout ça en une heure, peut-être je peux attraper le bus de 18h.

 

Je suis étonnée qu’en m’approchant de la maison, notre portail est entrebâillé… Les gens n’ont plus peur des bandits ici ? Je me demande bien le génie qui est sorti et à laisser le portail ouvert. J’entre dans la concession et referme le portail doucement derrière moi. Je me dépêche pour rentrer dans la maison, cherchant ma clé quand je me rends compte que la porte d’entrée de la maison est elle aussi grande ouverte… Cette histoire commence à me faire peur. Pitié, j’ai pas envie d’interrompre des bandits en plein travail. Mieux je les laisse prendre ce qu’ils veulent. Ma vie n’a pas de valeur. Dans le salon, je découvre une bouteille de Bailey’s ouverte et deux verres posés à côté. Hum… ça veut dire que quelqu’un de la maison est là. Ce ne peut pas être mes parents, ils nous ont formellement interdit la consommation d’alcool entre leurs murs.

 

Hum… Junior compose en ce moment. Ça veut dire que ça ne peut être qu’une seule personne : Carole ! Ne me dites pas qu’elle a emmené un des ses prétendants entre nos murs pendant que la maison est vide. Qu’auraient pensé les parents si c’était eux qui étaient rentrés à ma place ?

 

J’entends des bruits qui viennent de notre chambre à coucher. Curieuse et ne voulant pas me faire remarquer. J’approche tout doucement pour voir ce qui se passe dans cette pièce. La porte est légèrement entrebâillée. Je dois faire beaucoup d’effort pour apercevoir quelque chose à l’intérieur. J’entends pourtant des gémissements de femme. Après un petit moment je distingue le dos de ma sœur, qui est sans soutien-gorge, juste avec un minuscule string et se tient de profil, assise sur un homme.

 

Papa, les hommes ont le courage ici dehors! Une femme t’emmène chez ses parents pour que vous vous envoyiez en l’air, tu pars ? Et si son père a le fusil ? Les hôtels ne sont pas finis dehors quand même. Je ferais une bonne leçon de moral à Carole plus tard. Si elle prend notre maison pour un bordel, elle a menti !

 

Ma sœur caresse de son fessier le sexe de son partenaire qui est affalé sur le dos et bouge à peine. Peut-être il a même déjà saoulé ? Pitié, qu’il ne vomisse pas dans ma chambre. Serait-ce peut-être le goût des caresses qui l’oblige et ne pas trop en faire et se laisser emmener vers le 7e ciel ? J’observe la scène quelques instants assez curieuse et intriguée par ce qui se passe.

Ma sœur n’a pas encore vraiment ramené un homme comme son copain à elle à la maison. Et ces derniers temps, elle traine avec quelqu’un qui roule dans de grosses voitures. Ça m’intrigue de savoir qui sait.

 

J’entends soudain des sons assourdis venir de l’homme couché. Il pose une main qui parait lourde, sûrement dû à l’alcool sur le ventre de ma sœur et elle le retire immédiatement en riant.

 

− Je sais que ça te plait, dit Carole d’une voix lascive. Ne fais pas semblant. Je suis plus bonne qu’elle au lit. Je te garantis…

 

L’homme gémit faiblement. Carole rit.

 

− Tu es venu pour ça non ? Vas-y, prends-moi donc !

 

À ce moment, l’homme se lève avec beaucoup d’efforts et j’arrive à apercevoir une partie de son corps et de son visage. Ceci me fait directement pousser un cri d’effroi, venu du fond de mon âme, plus fort que je ne le voulais :

 

− Victor ?

Mon amour, mon comba...