Chapitre 46

Ecrit par Auby88


Maëlly FREITAS


- Salut, Maëlly !

Cette voix d'homme, je la reconnais.

- Tu fais quoi ici toi ? Où sont mes parents ?

- Ils étaient épuisés. Alors, j'ai proposé de les relayer.

- Tu ne t'attends quand même pas à ce que je te dise "Merci, Edric".

- Non

- Tant mieux. Parce que ta présence seule me donne la nausée.

- J'imagine.

Il répond avec ce même calme qui m'énerve.

- Qu'est-ce-que tu as bien pu dire à mon père, pour qu'il te laisse rester ? Alors qu'il sait combien je te déteste !

- Rien de particulier, fait-il en haussant ses épaules.

- C'est bizarre.

Une sonnerie de téléphone retentit dans la pièce. Le sien, je suppose. Ce doit être l'une de ses catins.

- Un instant, je réponds à ton père.

- Finis et passe-le moi.


Il parle à mon père, puis raccroche sans me passer l'appel. Et ce, malgré mes supplications.

- Tu l'as fait exprès, salaud. Attends que je quitte l'hôpital pour…

- Tu ferais mieux de te calmer. Autrement, tu auras davantage mal à ta main plâtrée.

- Comment me calmer quand je suis cloîtrée ici avec un connard comme toi ?

- Il te faudra pourtant t'y faire Maëlly parce que je viendrai encore demain.


J'éclate de rire.

- Ah parce que t'es devenu garde-malade spécialisé suite aux quelques semaines que t'as passés à l'hôpital avec ton père ? Tu n'as rien à faire, c'est sûr !

- Tu me dis toujours que je n'ai rien à faire et maintenant que je m'occupe, tu te plains encore.

- Bof ! Je veux juste que tu partes.

- Désolé, mais je ne te donnerai pas ce plaisir.

- Tu…

Quelqu'un toque à la porte. Mes parents. Enfin ! Non, une infirmière avec un plateau en main.

- Bonjour, monsieur Edric, commence-t-elle courtoisement.


Il lui répond en souriant.

- Bonjour, mademoiselle Maëlly ! continue-t-elle d'une voix moins gaie.

Je ne lui réponds même pas

- Votre repas, mademoiselle.

- Je n'ai pas faim !

- Vous devez manger !

- Je n'ai pas. faim ! crié-je en direction de cette idiote.

- Ok, fait-elle en se dirigeant vers la porte avec le plateau.

- Attendez, ne partez pas... Donnez-moi le plateau, je m'en charge.

- Bien, monsieur.

Je détourne la tête.


A nouveau seuls.

- Tu dois te nourrir pour reprendre des forces. Allez, ouvre la bouche.

Je m'exclaffe. Je ris à n'en plus finir.

- Attends, tu crois que j'ai encore 5 ans !

- Non, mais actuellement tu ne peux pas te servir de ta main droite. Et je doute que tu sois assez habile pour utiliser ta main gauche.

- Je n'ai pas faim.

- Il faut manger, Maëlly. Ton père a dit que tu ne te nourris pas assez.

- Hypocrite, oui ! Je te vois venir. Tu joues au bon samaritain maintenant parce comme Eliad ne veut pas de moi, tu penses qu'en agissant ainsi, tu parviendras à me mettre dans ton lit. Depuis quand aimes-tu les restes d'Eliad ?


Il me fixe droit dans droit dans les yeux et réplique en accentuant chacun de ses mots :

- Descends de ton nuage, Maëlly, et arrête de te prendre pour le centre du monde ! Et surtout, sache qu'en tant que femme, tu ne me fais aucun effet !

- Imbécile, crié-je.

- A présent que les choses sont claires entre nous, fais-moi le plaisir d'ouvrir la bouche.


Je ricane.

- Tu tiens vraiment à ce que je mange ?

- Oui.

Il garde ses yeux sur moi. J'ouvre la bouche, attends qu'il approche la cuillère puis tape violemment sa main. Cuillère et assiette perdent l'équilibre. La repas atterrit au sol. Intérieurement je jubile. C'est sûr, Edric sera tellement en rogne qu'il s'en ira.


A ma grande surprise, il ne dit rien. Il va chercher des mouchoirs en papier, et essuie le sol du mieux qu'il peut. Ensuite, il appuie sur la sonnerie qui communique avec les infirmières…


- Bonjour, monsieur Edric. Miss Maëlly, un problème ?

- C'est moi qui vous ai fait appel ! intervient Edric. J'ai malencontreusement versé son repas. J'ai tenté de nettoyer le sol, mais le résultat n'est pas satisfaisant... Je m'excuse beaucoup.

- Ce n'est rien, monsieur Edric. Je vais chercher la femme de ménage.

- Merci beaucoup.

- Oh c'est rien, monsieur Edric. Appelez-moi autant que vous en aurez envie. Je suis à votre entière disposition ! achève-t-elle en lui jetant des regards coquins.


J'écarquille les yeux. Qu'est-ce qu'elles lui trouvent ces idiotes d'infirmières à cet homme qui me degoute profondément. Quand je pense que cette fofolle de voyante prétend qu'il est l'homme de ma vie et que nous aurons au moins deux enfants. Plutôt mourir ou brûler en enfer qu'avoir une intimité avec une saleté pareille qui fourre son sexe dans toutes les foufounes mal famées d'ici et d'ailleurs ! Juste y penser me donne envie de vomir !


Un quart d'heure plus tard.

Le sol est nettoyé et mon ennemi est encore là.


- Avise-moi quand tu auras vraiment faim.

- Va au diable, Edric !

Il ne prête plus attention à moi. Il prend un calepin et je vois un crayon bouger entre ses doigts. Il écrit sûrement.

- Encore en train de perdre ton temps à écrire ! Inutile !

Mes mots ne semblent pas le déconcentrer.

- C'est pas à toi que je parle ?


Toujours rien.

Il vaut mieux que je me taise car une fois encore, la ridicule ici c'est moi. Avec précaution, je me couche sur le lit incliné et fixe le vide. Le vide ? Non. J'épie plutôt Edric et me pose des questions sur son attitude plus que zen.


J'en suis encore à mes réflexions, quand la porte s'ouvre. C'est papa.

- Mon papounet est là ! Enfin ! J'étouffais déjà entre ces quatres murs !

Papa ne me calcule même pas. C'est vers Edric qu'il se dirige en premier.

- Mon fils, merci pour ton aide. J'espère qu'elle ne t'a pas mené la vie dure, cette peste que j'ai pour fille.

- Papa ! Je… m'opposé-je.

- Ferme-là Maëlly ! tonne Papa

Il se retourne vers Edric pour ajouter :

- Et dire que toi tu…

La phrase de papa reste sans suite. Edric vient de lui faire un clin d'œil. Bizarre. Qu'est-ce que ces deux me cachent ?

- Et dire qu'il quoi, papa ? demandé-je intriguée.

- Et dire qu'il tient à t'aider malgré ton sale caractère.

- Je ne lui ai rien demandé.

- Oui, c'est sûr ! Avoue que ce n'était pas un accident, mais un suicide.

- De quoi tu parles, papa ? begayé-je.

- Selon le constat de la police, tout porte à croire que tu as volontairement foncé droit dans le mur. Il n'y avait aucun obstacle dans cette rue déserte, Maëlly, et tu n'as pas utilisé les freins !


Je me mords les lèvres. Les yeux d'Edric et de papa me regardent attentivement.

- Pour une fois, dis la vérité, Maëlly !

- Oui, je l'admets ! confessé-je en éclatant en sanglots. Je voulais mourir. Je n'en pouvais plus de vivre avec tous les malheurs que je connais récemment. Malheureusement, cela n'a pas marché !


Papa me toise ouvertement,mais ne me dit rien.

- Viens, mon fils. On s'en va.

- Bien papa ! acquiesce Edric en me regardant une dernière fois.


J'évite son regard. Je déteste me montrer aussi vulnérable devant Edric.

- Papa ! Pardonne-moi !

- Viens Edric. Allons nous occuper des vivants plutôt que de perdre notre temps avec cette morte ambulante qui n'a plus ni conscience, ni cœur...


Je les regarde s'en aller, l'âme meurtrie... Les images de cette nuit-là me reviennent à l'esprit.



*********

Flashback


Deux jours plus tôt.


"Levez-vous pour accueillir la célèbre Maëlly FREITAS…"


Il fait nuit, mais je ne dors pas. Je regarde en boucle les vidéos de mes gloires passées, tout en feuilletant des magazines qui parlent de moi en bien…


Je suis tombée bas. Très bas, cette fois-ci. Et je ne sais plus comment me relever. Tout va mal pour moi. Autant dans ma vie sentimentale que professionnelle... Bref, dans tous les domaines de la vie.


Je n'ai jamais été habituée à perdre. Et voilà que tous les malheurs me tombent dessus les uns après les autres.


Je déteste ma vie. Je déteste la vie.


Vite, j'ai besoin de prendre de l'air. Je prends mes clés, démarre ma voiture puis quitte la maison. Je conduis sans destination précise. Je conduis juste. Je pleure à chaudes larmes... Les images de ma vie défilent dans ma tête. Je revois tout. Mon mariage raté, mes échecs et surtout mon amour impossible avec Eliad…

 

Puis je remarque ce mur qui borde ce terrain vide. Une idée me vient à l'esprit...J'accélère, regarde devant moi puis fonce droit dans le mur en murmurant : Adieu, Eliad !


* *

 *


Je vois flou … Très flou… Je dois être de l'autre côté. Dans un monde meilleur. Au paradis, je suis sûre avec toutes ces lumières autour de moi.

 Je tente de lever mon bras droit, mais n'y arrive pas. Il est lourd et douloureux. Et ma tête aussi me fait mal. Bizarre. Est-ce normal que je sente des douleurs dans un monde où la souffrance n'existe plus ?


Je ferme mes paupières, puis les rouvre pour me rendre compte que je suis dans une chambre d'hôpital avec mes parents qui me sourient. Ma main droite est entièrement plâtrée…


Je n'arrive pas à y croire. Je suis encore vivante. Non seulement la vie me nargue, mais aussi la mort vient me narguer en me ramenant à la vie ! Au fond de moi, je soupire. Je suis une damnée, c'est sûr !


Fin du Flashback







ÂMES SOLITAIRES