Chapitre 47

Ecrit par WumiRa


Sur son lit d'hôpital, Maya était allongée tel un objet cassé et rébus, submergée par une vague de tristesse. C'était comme si Malik avait anéanti quelque chose en elle.


Il y'avait à peine quelques jours, elle était au sommet du bonheur, enveloppée des attentions de l'homme qu'elle adorait et enceinte de leur bébé, qu'elle aurait sans doute chéri toute sa vie - après avoir découvert l'imposture de son père - s'il n'était pas mort. Et à présent ? À présent, elle était revenu au point de départ, sans mari à qui faire confiance et sans enfant à dorloter. Tout était en ruine.


Tout n'avait été que mensonges.


Quelques coups résonnèrent à la porte et elle se tourna précipitamment vers l'autre partie du lit, avant que celle ci ne s'ouvre. Elle avait assez qu'on la voit pleurer.


- Chérie ?


C'était la voix de son père. Elle s'essuya le visage avec une partie du drap et tourna la tête vers lui.


- Papa.


Il était debout, à quelques mètres du lit, mais elle put lire de la tristesse sur son visage.


- C'est maintenant qu'on me laisse te voir.


Elle fit mine de sourire.


- Oh... d'accord.


- Ta mère n'a pas pu venir. J'espère que tu comprends ?


- Oui. Il ne sert à rien de l'inquiéter.


Elle lui désigna la chaise à côté du lit et il s'assit.


- Où est Sonya ? demanda t-elle, alors que la question même qui lui brûlait les lèvres, refusait de sortir.


- Elle a dû partir. 


Il s'éclairçit la gorge.


- Donc qu'est ce qui s'est passé ?


- C'était un accident.


- Ton mari n'a fait que me répéter la même chose.


- Parce que c'est ce qui s'est passé.


- Tu n'avais jamais eu d'accident, jusqu'à maintenant.


- Baay (papa)... Ce sont des choses qui arrivent. La prochaine fois je ferai plus attention en traversant la chaussée, sois tranquille.


- Et tu n'as pas vu le visage du type au volant ? Ou même son numéro d'immatriculation ?


- Pour quoi faire ? Ce n'était pas de sa faute. Rien n'arrive sans le consentement de Dieu, donc je suis tranquille.


Mensonge. Elle était tout sauf cela, mais elle n'allait certainement pas se remettre à pleurnicher. Même si présentement c'était la seule chose qu'elle ait envie de faire.


- Peux-tu appeler le docteur, s'il te plaît ?


Henri se redressa.


- As-tu besoin de quelque chose ?


- Non. J'aimerais juste lui parler.


Il se leva, puis se dirigea vers la porte.


Lorsque son père reaparut quelques minutes après, ils la trouvèrent en train de ranger ses affaires. Elle avait troquée la robe d'hôpital contre les vêtements qu'elle portait quand l'accident avait eu lieu.


- Vous n'êtes pas censée vous lever, la reprimanda le docteur Diaw.


- Qu'est-ce que tu fais ?


Elle suspendit ses gestes en entendant la voix de Malik.


- Je rentre chez moi, docteur, répondit t-elle. Cet endroit empeste les médicaments et ça risque de me rendre malade.


- Mais tu es malade, Maya.


Ça c'était son père. Malik reprit très vite la parole.


- Je vais t'apporter d'autres vêtements, cette robe...


- Elle a été lavée.


Puis elle se mit à la recherche de ses chaussures. Aussitôt, il se rapprocha d'elle.


- Laisse. Je vais te les chercher.


Il l'obligea à s'asseoir et se mit lui-même à la recherche des chaussures de sa femme. 


- Pour quelqu'un qui s'est fait opérée, tu prends trop de risque, déclara le docteur, mécontent. Quand l'effet de l'anesthésie finira complètement par s'estomper et que la douleur reprendra...


- Où comptes-tu aller comme ça ? demanda Henri. Ne va pas commettre des bêtises.


- Je rentre chez moi, papa. Je rentre avec mon mari.


Un immense soulagement apparut sur le visage de Malik. 


- Je ne suis pas la première femme dont l'enfant est décédé, ne vous en faites plus pour moi.


- Bon et bien dans ce cas ton mari et moi allons nous entretenir avec le docteur avant.


Ce dernier approuva.


- Oui...bien sûr. Messieurs veuillez me suivre s'il vous plaît.


Henri le suivit lorsqu'il sortit de la chambre, mais Malik, lui, s'attarda encore un moment.


- Qu'est-ce qu'il y'a ? demanda Maya, alors qu'il la dévisageait. Tu ne les suis pas ?


- Tu veux vraiment rentrer avec moi ? demanda t-il, perplexe.


- Où veux-tu que j'aille ?


- Vu comment.... Après ce qui s'est passé, ce que tu as entendu, je pensais...


- Que j'allais rentrer chez mes parents en courant ?


- Si tu as besoin d'un peu de temps pour réfléchir, je comprendrai.


Elle ne dit rien.


- Je ne sais même pas comment te demander pardon, alors...


- Laisse tomber, Malik, coupa t-elle, en détournant ses yeux de lui. Vraiment, laisse tomber. Et vas-y, parce que cet hôpital m'insupporte, je veux rentrer chez moi.


Alors qu'elle ne s'y attendait pas, il se rapprocha d'elle et déposa un baiser sur sa tempe.


- Je ne serai pas long.



***


Il revint en effet un moment plus tard et prit le sac de Maya, lui faisant comprendre qu'ils partaient. Elle le suivit en silence, mais alors qu'il traversait un couloir, elle s'arrêta et regarda autour d'elle. Ayant remarqué qu'elle ne le suivait plus, Malik s'arrêta lui aussi.


- Qu'est-ce qu'il y a ? s'enquit-il.


- On part sans notre fille ?


Il soupira.


- Oui.


- Pourquoi ?


- Ton père et moi...


- C'est ma fille, Malik.


- Notre fille. Et je ne peux pas te laisser voir ça pour le moment.


- "Ça" ?


- Maya... Comprends moi, s'il te plaît. J'essaie de bien faire les choses et t'éviter de souffrir en fait partie.


Elle fit plusieurs pas vers lui, le visage fermé.


- Parce que tu crois qu'où je suis là, maintenant, je ne souffre pas ? Tu crois que dans mon cœur c'est la fête ou quoi ? À croire que tu ne réalises pas encore l'ampleur des conséquences de tes actes !


Sur ces mots, elle le dépassa et alla l'attendre près de leur voiture. Malgré tous les efforts qu'elle s'était promis de faire pour ne pas pleurer, à peine lui eût-il ouvert la portière, qu'elle s'y engouffra, avant de fondre en larmes. Imperturbable, ou du moins en apparence, Malik gagna le côté chauffeur et ne mit pas longtemps à démarrer.


De temps en temps, il lui jetait des coups d'œil, à travers le rétroviseur et voir qu'elle n'avait toujours pas cessé de pleurer le rendait fou. Lui-même aurait aimé pouvoir se laisser aller de cette façon, mais il fallait absolument que l'un d'eux demeure lucide et ce n'était sûrement pas à elle de l'être. Quoiqu'il ne comprenait pas pourquoi elle avait décidé de rentrer avec lui.


Une fois rentrés, il alla lui ouvrir la portière et attendit qu'elle descende, mais à peine eût-elle mis un pied à terre, qu'elle chancela.


- Ça va, fit-elle, lorsqu'il voulu passer son bras autour de sa taille. Je peux marcher.


- Tu es faible, protesta t-il. Peut-être qu'on aurait dû écouter le docteur et te laisser là bas pendant encore quelque temps.


Elle fit un autre pas, mais réalisant qu'effectivement sans lui elle n'allait pas parvenir à avancer, elle accepta son aide et prit appui sur lui.


Cependant lorsqu'une fois au salon, il voulut la porter jusqu'à l'étage où se trouvait leur chambre, elle s'y opposa catégoriquement.


- Je ne veux pas que tu me portes. Je vais me débrouiller.


- Tu viens d'être opérée.


- Tu devrais avoir honte de te comporter comme s'il ne s'était rien passé et que tout allait bien. 


Elle s'éloigna le plus possible de lui et alla s'asseoir, non sans grimacer de douleur. Il s'apprêtait à lui demander si elle avait toujours mal, puis se ressaisit.


- Peut-être que si tu t'allongeais, ça irait mieux.


- Si j'avais envie d'entendre ces choses là je serai restée à l'hôpital.


- Et si j'avais l'intention de te regarder pendant que tu souffres je ne t'aurais pas ramenée ici, répliqua t-il. Mais tu peux toujours retourner à l'hôpital comme tu le dis, je ne t'en empêcherai pas de toute façon.


- J'ai le droit de...


- Écoute moi très bien Maya, l'interrompit-il brusquement en se rapprochant d'elle. Je comprends le fait que tu m'en veuilles et que tu n'aies pas envie de me voir. Mais jusqu'à nouvel ordre je suis ton mari et je prendrai soin de toi que tu le veuilles ou pas. Au cas où tu l'aurais oublié, il s'agissait également de "ma" fille.


Elle leva vers lui un regard empli de colère.


- Tu oses te plaindre alors que tout est de ta faute ?


- Je n'ai pas vraiment à me sentir coupable pour ce que tu as entendu. Tu ne sais rien de la vérité. 


- Parce qu'après t'avoir entendu comploter contre mon père, tu crois que j'ai envie de t'entendre entrer dans les détails ?


Deux larmes roulèrent sur ses joues, jusqu'à son menton.


- Ce que je ne comprends pas par contre, c'est comment tu as pu penser que me mêler à tout cela allait résoudre le problème. Quoi que mon père ait pu faire au tien, après tout ce que nous avons vécu, c'est comme si tu m'enfonçais un poignard dans le cœur, en me regardant droit dans les yeux.


Sa dernière phrase eût l'effet d'une douche glacée sur Malik.  


- Qu'est-ce qui t'empêchait de me dire la vérité ?


- Tu ne m'as donné aucune raison d'avoir confiance en toi.


Elle eut un rire incrédule.


- C'est ça ton excuse ?


- Tu n'aurais pas compris. C'est un risque que je ne pouvais pas prendre.


- Quand bien même tu savais que je t'aimais désespérément ? Mais en fait... Je me demande si tu as jamais eu la moindre considération pour moi.


- J'ai toujours pris soin de toi, de mon mieux.


- Mais tu ne m'aimais pas, tout s'explique.


Elle s'essuya le visage à l'aide d'un pan de sa robe.


- Je t'aime.


***


Garé au bout d'une rue, assis à l'arrière de sa voiture, Wally Diakité regardait les quelques passants sans réellement les voir. 


Il y'avait à peine une heure qu'il était là, mais déjà la fatigue se faisait sentir et il regrettait d'avoir pris au sérieux la nouvelle mission que lui avait confiée son ex maîtresse. Peut-être par habitude ? 


Du côté de la maison qu'il était censé surveiller, il n'avait perçu aucun mouvement, pas même un simple oiseau n'était venu s'y poser et il se demandait s'il ne s'était pas trompé d'adresse. Il vérifia à nouveau. Oui, cette grande maison blanche à la toiture verte appartenait bien à un certain Harry Fall, il s'en était assuré auprès d'un type qu'il avait vu sortir de l'une des maison en face. Apparemment c'était un type assez friqué et il avait une fille qui «apparemment» venait de temps en temps, mais rien ne certifiait à Wally que cette dernière était là fille perdue d'Awa. Il pouvait toujours s'agir d'une vulgaire coïncidence ; il avait l'habitude.


Las, il prit son téléphone portable et composa le numéro de sa patronne et ex petite amie. Celle ci sans doute dans l'attente du moindre signe de sa part, décrocha à la première sonnerie.


- Lu bess nak ? (Quoi de neuf ?)


- Il n'y a personne depuis.


- Ça fait à peine une heure que tu es là.


- Et que veux-tu que je fasse en attendant ?


- Branle toi tant que tu y es ! Je ne te paie pour que tu te plaignes. Tu as l'appareil photo avec toi ?


- Ouais.


- OK. Garde l'oeil ouvert et sois attentif. D'ailleurs quand j'y pense, je me souviens de ces gens là.


- Quels gens ?


- Je ne connais pas le mari, mais la femme m'a déjà vendu des pagnes et des accessoires de mode entre temps. Ils ont effectivement une fille.


- Et ?


- Contente toi de surveiller. Je me charge du reste.





Sensuelle Ennemie