Chapitre 48
Ecrit par WumiRa
Le mutisme de Maya ne fit qu'accroitre le malaise de Malik.
- Si tu ne m'as pas cru quand je te l'ai dit avant tout ça, maintenant je te le répète et tu peux toujours décider de ne pas prendre cela en considération.
Il s'adossa au mur et mit les mains dans ses poches.
- Seulement, Maya... Je t'aime et si c'était à refaire je ne changerais rien. Mais autant être honnête avec toi, je ne regrette pas non plus ce que j'ai dit à propos d'Henri et je ne compte pas abandonner ce que j'ai commencé. Si j'y ai songé, c'était pour t'épargner de découvrir son vrai visage au mauvais moment, mais où on en est, je n'aurai de répit qu'une fois après en avoir décousu avec lui.
- Ah...
Leurs regards se rivèrent l'un à l'autre.
- Et une fois que tu en auras fini ?
Il hésita d'abord, puis répondit :
- Si tu me quittes, je retournerai là d'où je viens. Mais de toute façon je sais que si je m'en prends à Henri, je n'aurai plus aucune chance d'être avec toi.
Maya secoua la tête, étonné qu'il parle de «s'en prendre à son père» avec autant de naturel devant elle. Elle le détestait pour cela, mais en même temps une partie - traître - de son cœur, ne supportait pas qu'il envisage de partir.
- Qu'est-ce qui te fait croire que c'est lui le coupable ? se risqua t-elle à demander.
- Je ne veux pas parler de ça avec toi maintenant.
- En tant que ta femme j'ai le droit de savoir. Après ce qui s'est passé, tu me dois bien cela ; montre moi des preuves et j'en aurai le cœur net. Tu sais très bien que je ne prône pas l'injustice, mais tu ne peux pas porter une accusation aussi grave contre quelqu'un sans la moindre preuve.
Il sembla réfléchir.
- C'est compliqué.
Il détourna les yeux de lui et secoua la tête.
- Je t'ai tout dit, continua t-il. À l'exception qu'il s'agissait de ton père. Tu ne peux pas me blâmer d'avoir voulu...
- Assurer tes arrières. Tu étais certain que j'allais aller lui déballer toute la vérité sur toi, une fois que tu me l'aurais dit, n'est-ce pas ?
- J'avais peur que tu me quittes.
Elle le toisa avec tout le mépris du monde, mais ce qui surpris le plus Malik, c'est la facilité avec laquelle il venait de lui révéler qu'elle lui était devenue indispensable.
On peut aimer une personne et ne pas forcément avoir besoin d'elle, tandis que lui...
- Ça doit être vraiment facile de me dire toutes ces choses, à présent.
- Je ne sais pas mentir.
- Oh parce que durant tout ce temps qu'as-tu fait ? s'écria t-elle, sans le vouloir.
- Le fait de ne pas te dire des choses ne veut pas dire que je te mens.
- Même ton prénom, il est faux !
Cette fois, il tressaillit vraiment. Oui sur ce coup, il avait menti. Et pas qu'à elle ou à Henri ; tout son entourage le connaissait en tant que Malik Sylla.
Maya se leva finalement. Elle prit le chemin des escaliers. Il voulu la suivre.
- Je ne veux plus que tu me suives comme un chien en laisse, déclara t-elle en s'adressant à lui. Je ne veux plus que tu m'approches. Et d'ailleurs, je...je ne sais même pas comment je vais réussir à m'endormir en étant sous le même toit que toi et tout en sachant que tu n'es qu'un imposteur.
S'il n'avait pas conscience du degré de colère de la jeune femme, ses paroles auraient sans doutes atteint leur cible. Mais il ne pouvait pas lui en vouloir. Ou du moins, il n'en était plus capable. Si au début, il lui reprochait d'être là fille d'Henri, à présent tout ce qu'il souhaitait c'était regagner sa confiance et la réconforter.
- On ferra comme tu veux, répondit-il simplement.
- Si c'était le cas je partirais de cette maison dans l'immédiat. Mais je te respecte encore et Dieu sait que si tu m'avais dit la vérité, si tu n'avais pas fait preuve de sournoiserie à mon égard, j'aurais été à tes côtés face à n'importe quelle épreuve. Je resterai jusqu'au divorce, mais pour l'amour de Dieu, ngir yàlla, dorénavant ne me considère plus comme ta femme. Toute cette mascarade prend fin aujourd'hui et Dieu m'en est témoin... Je renonce à toi.
Sur ces mots, elle se dirigea et disparut peu après, le laissant plus seul que jamais.
Cette scène rappela à Malik toutes les autres fois où contrairement à celle ci, il l'avait suivi pour lui faire entendre raison. À chaque fois, elle avait succombé, mais au fond de lui, il savait que cette fois c'en était fini pour leur couple. Il savait que s'il montait la retrouver à l'instant, il se heurterait à un mur. Cette fois, il avait vraiment perdu sa petite Maya.
***
- J'ai envie de mourir Sonya...
- Oh Maya... Si tu savais à quel point j'ai mal pour toi. Et le plus triste c'est que je ne sais pas comment te réconforter au téléphone et je ne peux pas passer si ton mari est là.
Elle jura.
- Excuse moi de te le dire, mais ce que vous vivez est malsain. Il te fait du mal, pourquoi es-tu retournée là bas ?
- C'est mon mari, Sonya.
- Et tu l'aimes. Écoute... Ne pleure pas, ça va aller par la grâce de Dieu. Tu sais que tu peux toujours venir squatter chez moi, soeurette. Je ne te demande pas de quitter Malik, mais le temps que tu ailles mieux...
- Je ne peux pas.
Maya se remit à sangloter silencieusement.
- Tu ne penses quasiment plus à toi hein ? lui demanda Sonya, qui de son côté ne comprenait pas l'acharnement de sa cousine à vouloir rester aux côtés d'un homme qui ne lui faisait aucun bien.
- Il n'y a pas d'amour sans respect, ma chérie, fit-elle. Et nous savons toutes les deux que ce type n'a aucune notion du respect. Si tu avais vu comment il m'a presque mise dehors à l'hôpital. Et puis...
- J'ai découvert des choses sur lui.
- Hummm. Tu m'étonnes. Plus mystérieux, tu meurs. Je me demande comment j'ai pu l'apprécier à un moment.
Maya aurait voulu protester, dire qu'il n'avait pas toujours été comme ça, qu'elle l'avait vu sous de meilleurs jours, mais à elle non plus, rien ne certifiait qu'il n'avait pas joué la comédie sur le long.
- En tout cas, je te le répéterai autant de fois qu'il le faudra, rien ne te retient auprès de lui. Par sa faute, tu as perdu ton premier enfant et ça c'est impardonnable.
***
(Flashback douze ans plus tôt)
- Tu t'occuperas des quatre voitures qui viennent d'arriver, dit le patron du garage où Zayn travaillait depuis maintenant dix jours. Ça c'est ton premier vrai travail et si tu le fais correctement, je verrai quoi faire de toi. Les clients ne te feront pas de cadeau si tu abîmes quoi que ce soit, tu es prévenu.
D'un simple acquiescement de la tête, le jeune Zayn alla chercher le seau et l'éponge qui lui avaient déjà servi à deux reprises, depuis qu'il était là. Le simple fait qu'on lui confie en même temps quatre véhicules à laver, était pour lui la preuve qu'on lui faisait confiance et pour l'homme qu'il avait décidé de devenir, la confiance des gens était quelque chose de très précieux. Il savait comment les choses évoluaient dans le monde et avec un passé comme le sien, rien n'était facile. Les chiens ne font certes pas des chats, mais il s'était juré de ne pas finir comme son père. Jamais lui il ne connaîtrait la prison de sa vie.
- Eh petit !
Absorbé par son travail, il ne remarqua pas vite l'homme qui l'interpellait. Ce dernier l'appella à nouveau.
- Oui monsieur ? fit-il en relevant ensuite la tête.
- J'ai fait tomber mon porte-monnaie, dit l'homme, en désignant le sol. Juste ici, il y'a quelques minutes. L'as-tu trouvé ?
- Non, monsieur.
- Je suis pourtant sûr de l'avoir fait tomber en sortant de voiture. Comment t'appelles-tu ?
- Zayn.
- Zayn. Tu es sûr de n'avoir rien vu ?
- Oui, monsieur, je vous l'aurais apporté sinon. Je ne suis pas un menteur.
- Hum. Je pourrais aller voir ton patron, mais si tu n'as vraiment rien vu, ce serait mal de t'attirer des ennuis pour rien. Quoiqu'il en soit, Dieu connait le coupable.
À ce moment, le patron du garage, les voyant s'entretenir de loin, s'approcha.
- Votre voiture n'a pas été convenablement lavée monsieur ? demanda ce dernier.
- Hum. Est-ce ce garçon qui s'en est occupé ? demanda le client.
- Non. Y'a t-il un souci ?
- Aucun. Aurevoir et merci.
Sur ce, il s'éloigna et peu après ils le virent monter dans sa voiture fraîchement lavée.
- Que voulait cet homme ?
- Je ne sais pas, répondit Zayn. Il avait l'air d'avoir égaré quelque chose.
- Finis ton travail. Et au moindre soucis, viens me voir.
- D'accord, monsieur.
(Plus tard dans la soirée)
Après avoir fini sa journée comme d'habitude, Zayn se retrouva avec les quelques autres gaillards qui travaillaient eux aussi dans le garage, pour partager le plat de nourriture que ne manquait pas de leur apporter la femme du patron. Il y'en avait toujours deux. Un que le patron partageait avec des amis, s'il y'en avait et un autre pour eux.
Ce soir là donc, il étaient affairés autour d'un bon plat de couscous quand l'un d'entre eux, sans aucun doute le plus âgé, murmura des paroles dans l'oreille d'un autre des jeunes hommes assis. Ce dernier se contenta d'approuver d'un signe de tête et ils continuèrent à manger en silence. Mais le plat de nourriture ne fut même pas encore à sa moitié que les deux gaillards se levèrent, avant de dire aux autres de finir sans eux, qu'ils avaient un travail à finir.
Du coin de l'œil, Zayn les regarda s'éloigner, mais continua à manger. Puis quand il eut fini, il se leva à son tour, alla chercher son sac, avant d'aller informer son patron qu'il rentrait.
Il salua ses collègues au passage et s'en alla. Seulement arrivé à moins d'un kilomètre du garage, il fut interpellé par un jeune homme en qui il reconnut la personne de Bawa et ce dernier n'était nul autre que l'un des garçons qui s'étaient levés pendant le repas.
- Donc tu rentres ? demanda Bawa.
Zayn qui s'était arrêté, répondit :
- Oui. Et toi ?
- Je t'invite à venir dans un bar avec Akbar et moi même.
Akbar c'était l'autre. Le plus jeune des deux.
- Je n'ai pas d'argent pour...
- Je sais que tu n'as pas d'argent, l'interrompit Bawa. Et j'ai bien dit "je t'invite". Tu es nouveau et d'après Akbar, tu es très intelligent.
Flaté, Zayn haussa les épaules.
- Et où est-il ?
Une main se posa à ce moment sur son épaule.
- Juste là, répondit le nommé Akbar. Alors, tu viens ? Nous on gère tout, toi tu n'auras qu'à t'amuser comme il te plaît.
Si Zayn était très intéressé par leur proposition, il n'en était pas moins étonné.
- Au fait...
- Quoi ?
- Pourquoi m'invitez vous ?
Les deux jeunes hommes se regardèrent, avant de sourire. Puis :
- Tu poses des questions comme une femme, dit Bawa. On a pas dit que t'étais obligé de venir. Ce n'était qu'une invitation que tu peux toujours refuser, petit.
- Bon j'accepte.
- Super. Allons nous-en.
- Quoi vous n'allez pas chercher vos affaires, ni prévenir le patron ?
- C'est le frère d'Akbar. Il n'y a aucun problème.
De plus en plus étonné, Zayn se contenta de les suivre. Ils cheminèrent pendant une quinzaine de minutes, avant d'arriver devant la devanture d'un bar dont il n'avait jamais remarqué l'existence avant. Mais c'était plus dû au fait que l'endroit était discret et effacé ; il n'y a que des habitués qui auraient pu le repérer.
- Vous venez souvent ici ?
- On est pas là pour répondre à tes questions. Entrons, je meurs de soif.
C'était Bawa. Toujours aussi sarcastique.
Mais Zayn n'avait pas peur de lui. Ni de l'autre d'ailleurs. S'il posait des questions c'était parce qu'il avait appris à être méfiant et la façon qu'avait Bawa de vouloir faire le dur l'amusait malgré lui.
Ils entrèrent et aussitôt une jeune femme se rapprocha d'eux pour prendre leur commande.
- Si tu veux savoir pourquoi on est là, c'est parce Bawa a des vues sur cette jolie demoiselle, déclara Akbar, une fois assis.
Zayn se retourna. La demoiselle qui venait de prendre leur commande n'avait pourtant rien de "jolie". Elle ressemblait même plus à un homme qu'à une femme, mais ceci il se garda bien de le dire.
- Quand il a un peu d'argent, il vient ici pour pouvoir l'impressionner.
- Arrête, gronda Bawa.
- Elle a l'air plus vieille que toi, commenta Zayn, perplexe.
- Ce ne sont pas vos oignons.
La jeune femme revint et ils se turent. Puis quand elle s'en alla à nouveau, Zayn reprit en se tournant vers Bawa :
- Tu ne l'invites pas ?
- Comment ? s'étonna celui ci.
- Je ne vois pas comment tu veux qu'elle te remarque si tu ne lui parles pas. Elle n'a même pas l'air de te connaître.
- Bah...
- Il a déjà été sur le point de le faire, intervint Akbar. Mais vu comment il est timide.
- Timide, toi ? s'étonna Zayn, avant de se ressaisir devant le regard vexé de Bawa.
- Toi tu as une petite copine ? lui demanda t-on.
- Non.
- Et tu voudrais me donner des cours de drague ?
- Je disais juste qu'à ta place j'aurais tenté quelque chose. Que ferais-tu si un jour en venant ici tu la voyais en train de coser avec un autre ? Et va savoir si cet autre n'existe déjà pas.
- Je t'avais bien dit que ce petit raisonnait intelligemment, s'esclaffa Akbar à l'endroit de son ami.
Puis il porta la bouteille de bière en face de lui à sa bouche.
- On verra ça plus tard, décida Bawa, peu enthousiaste à l'idée d'aborder la fameuse jolie demoiselle.
- Comme tu veux.
- Alors qu'est-ce qui t'a conduit jusqu'au garage ? Toi aussi tu n'as pas trouvé mieux ?
- Il faut toujours commencer en bas de l'échelle quand on veut atteindre le sommet, c'est simple.
- Donc tu as besoin d'argent.
- Oui.
- Pour faire quoi ensuite ?
Pendant que Bawa posait les questions, Akbar, lui, sirotait toujours sa bière.
- Je ne sais pas, dit Zayn. Mais j'ai l'intention de devenir vraiment riche.
- C'est aussi facile ? Sais-tu si dans dix ans tu seras toujours dans ce garage à chiques ?
- Ehh ! protesta Akbar, puisqu'on faisait allusion au garage de son frère.
Zayn sourit.
- Je sais où je serai dans dix ans.
- Ah ça ? Et si tu nous le disais ?
- Le plus important c'est que je ne serai plus celui que je suis aujourd'hui. Du moment où Dieu ne dort, ni ne somnole, je suis tranquille.
Comme pour se moquer de son assurance, Bawa bailla, avant de sortir de sa poche un porte-monnaie qu'il ouvrit.
Il en sortit plusieurs billets et les posa sur la table.
- Qui a faim ?
- Tu comptes garder les papiers aussi ? demanda Akbar. Faudrait s'en débarrasser.
- Non. On pourrait avoir plus avec ces papiers, il suffira de demander au propriétaire de...
- Vous avez volé ce porte-monnaie ? demanda Zayn.
- Ce ne sont pas tes oignons, lui répondit Bawa. Tu n'as rien vu ni entendu.
- Je sais à qui tout ceci appartient.
- Oui et alors ?