Chapitre 47
Ecrit par Auby88
Aurore AMOUSSOU
Suite Flashback, tard dans la nuit.
Dans mon cou, il dépose de petits bisous tandis que ses mains se promènent sous mes vêtements. Je ne ressens rien. Il vaut mieux que je mette fin à cette mascarade.
- Femi, ce n'est pas le moment pour ça !
Il ne m'écoute pas.
- Je n'en ai pas envie ce soir et surtout …
Il se détache brièvement de moi et me fixe, attendant la fin de ma phrase.
- Et surtout quoi, Aurore ?
- Et surtout n'oublie pas que ta mère est juste à côté. Je ne peux avoir une relation intime avec toi dans de telles conditions !
- Oui, je vois ! Ma mère, n'est-ce pas ?
Je hoche la tête.
- Ma mère, encore ma mère, toujours ma mère !
Là, il vient de hausser la voix. Je sens qu'il est fâché. Je baisse les yeux.
- Bon sang, Aurore ! Quand est-ce que tu arrêteras de laisser les autres s'immiscer dans notre relation ? Jusqu'à quand dois-je te répéter que je t'ai choisie toi ? La dernière fois, dans cette même chambre, tu m'as dit que tu n'as plus aucun doute. Mais je vois que c'est faux.
Je suis tellement à fleur de peau que je fonds immédiatement en larmes.
- Écoute Aurore, si tu ne veux plus continuer avec moi, fais-le moi savoir à l'avance. Car je suis à un âge où je ne veux plus perdre mon temps. J'ai des responsabilités, une fille qui attend beaucoup de moi. J'ai donc besoin d'une relation stable et durable, d'une femme forte qui ne me laissera pas au premier obstacle, d'une femme qui ne pense pas qu'à elle. Et crois-moi, tu ne remplis pas ces critères ! Bonne nuit !
J'éclate en sanglots. Cela ne l'attendrit même pas. Il se lève du lit et tente d'enfiler un pyjama.
Quelqu'un toque contre la porte.
- Mon fils, tout va bien ?
Je soupire intérieurement. Il finit d'enfiler son pyjama et va ouvrir la porte.
- Oui, maman. Tout va bien.
- Je t'ai entendu crier et je suis venue.
J'ai l'impression qu'elle tente de regarder à l'intérieur. Nos yeux se croisent, je détourne vite la tête.
- Tu as dû te tromper, maman.
J'entends Femi bâiller bruyamment. Il fait sûrement semblant pour éloigner sa mère.
- Ah bon !
- Oui, maman. Là, tu vois, je suis épuisé. Il faut que je dorme car demain, j'aurai une journée chargée au boulot. Bonne nuit !
- D'accord ! Bonne nuit à toi aussi.
Il referme aussitôt la porte puis revient sur le lit. Il arrange son oreiller et se couche en me faisant dos.
- Femi ! Je suis désolée.
- Endors-toi. C'est mieux.
- Femi !
- Laisse-moi tranquille !
- D'accord, dis-je en m'étendant moi aussi.
**"***
Aujourd'hui
Femi AKONDE
J'ai les yeux rivés sur l'écran de mon ordinateur portable. Il est 19h30 déjà mais je n'ai pas envie de rentrer chez moi. Plusieurs fois dans la journée, j'ai pensé à Aurore. Mais j'ai hésité à l'appeler, encore moins pour avoir des nouvelles d'Arabella. Elles vont bien, c'est sûr.
Paula sonne à mon bureau.
- Entre Paula.
- Je suis sur le point de m'en aller. Et toi ?
- Je finis cette étude et je rentre.
- T'as intérêt à vite rentrer t'occuper de ta femme et ta fille !
- Oui, je me dépêche, dis-je en m'efforçant de sourire.
- Passe-leur mon bonjour.
- D'accord.
Elle ajuste son sac à main et se dirige vers la porte.
- Paula !
- Oui, Femi.
- Passe une bonne soirée.
- Merci.
En réalité, je voulais lui demander conseil mais j'ai abandonné l'idée. Les problèmes de couple se règlent d'abord à deux. L'extérieur n'intervient que si nécessaire. Et puis, nous avons assez derangé Paula avec nos problèmes de coeur. Elle nous a déjà aidés à nous remettre ensemble. A nous donc de faire le reste.
Paula ! Parfois je me demande ce que serait ma vie si elle la partageait comme ma moitié. Elle a cette force de caractère et cet optimiste qui me plaisent énormément. Malheureusement on ne choisit pas pour qui son cœur doit battre.
Je consulte mon téléphone. Aucun appel. Aurore ne m'a pas appelé et je ne compte pas le faire. Je dépose le téléphone et replonge dans mon travail. Pour rompre un peu avec le silence lourd qui m'entoure, je clique sur ma liste de lecture. Je choisis le mode aléatoire.
A un moment donné, j'entends "What I do if i don't have you ? (Qu'est-ce que je fais si je ne t'ai pas ?)"
Les mots de la chanson "The vow" m'interpellent. Mes pensées vont vers Aurore. Je dépose mon stylo à bille et regarde l'horloge au mur. Il est 22h.
Quoi ? Qu'est-ce que je fous encore au boulot quand mon couple est sens dessus-dessous à la maison ? Immédiatement, je range mes affaires, éteins l'ordinateur, puis quitte le bureau.
* *
*
Je viens de rentrer à la maison. Depuis la cour, je remarque que les lumières sont éteintes dans ma chambre et dans celle où dort Arabella. Elles dorment déjà.
Je me dépêche de monter dans notre chambre. Aurore n'y est pas.
Je quitte la pièce, puis vais dans celle d'Arabella. Elle y est bien, couchée près d'Arabella. Elle s'est recouverte de l'un des draps qui reposent dans mon armoire. C'est certain, elle comptait passer la nuit là plutôt qu'avec moi. Et cela ne me plaît pas du tout. Mais je compte garder mon calme. Je me suis assez énervé contre elle. Ça suffit.
Je tente de la réveiller, mais elle semble trop endormie. Alors je la soulève avec délicatesse. Je reviendrai prendre son fauteuil.
Deux heures plus tard.
Je suis dans ma chambre, assis dans la chaise à bascule. De temps en temps, je porte mon verre de whisky à la bouche. Mes yeux contemplent Aurore. J'attends qu'elle se réveille pour qu'on discute. Je remarque des mouvements sous le drap. Enfin ! Elle se réveille.
Bonsoir … Femi ! fait-elle en regardant tout autour d'elle.
Elle doit bien être étonnée de se retrouver là. Néanmoins, elle n'y fait aucune allusion.
- Quand es-tu rentré ?
- Il y a deux heures par là.
- Tu … veux que je réchauffe le repas ?
- Non merci, j'ai déjà mangé.
- D'accord. Alors, je me rendors.
- Non ! Il faut qu'on parle !
Je prends un air sérieux.
- A cette heure-ci ?
- Oui Aurore, c'est préférable ! ajoute-je en la rejoignant sur le lit.
Elle se redresse.
- Tu ne veux plus de moi, n'est-ce pas ?
- Ne dis pas de bêtises, Aurore !
- Excuse-moi. Je l'ai dit sans vraiment y penser.
Je la fixe.
- Dis-moi, est-ce que tu comptais dormir avec Arabella, tout en sachant que ta place est ici près de moi sur ce lit ?
- Tu n'étais pas rentré jusqu'à 21h alors j'ai supposé que tu voulais rester seul. Je pensais que me retrouver près de toi n'aurait fait qu'envenimer les choses entre nous !
- Tu abandonnes aussi facilement ! Tu te résignes aussi simplement !
- Que voulais-tu que je fasse d'autre quand tu n'es pas capable de me comprendre, quand tu n'as pas la patience de m'écouter, quand tu prends tout ce que je dis de travers et que tu me cries dessus comme si j'étais une gamine ?
Elle n'a pas tout à fait tort.
- Tu as raison ! Je m'excuse de m'être encore emporté hier. Je suis sincère. A présent, je t'écoute. Dis-moi tout ce qui te tracasse, tout ce que tu as sur le coeur, y compris ma mère.
Elle secoue la tête.
- Tu risques encore d'être contrarié.
- Non. Je te le promets. Fais-moi confiance ! dis-je en prenant ses mains.
Elle inspire profondément avant de commencer.
- Hier, j'ai véritablement stressé avec ta mère. Malheureusement, j'ai eu l'impression que cela t'importait peu. Et comme si cela ne suffisait pas, tu t'es fâché simplement parce que je n'ai pas voulu coucher avec toi.
Là, une clarification s'impose.
- Permets-moi d'intervenir avant que tu continues.
Elle hoche la tête.
- Hier nuit, ce n'est pas parce que tu m'as rejeté que je me suis fâché. Tu sais bien que le sexe n'est pas ce qui importe le plus pour moi. Je me suis mis en colère parce que tu as laissé l'incident avec ma mère affecter ta personne, affecter notre couple.
- Comment aurais-tu réagi si on t'indexait, te brimait, t'humiliait ainsi ?
- Je n'aurais pas laissé cette personne me destabiliser.
- Je ne suis plus aussi forte qu'avant. Et rappelle toi que par le passé, c'est à cause de ta mère que j'ai dû renoncer à toi.
- Rectificatif : Tu m'as laissé parce que TU l'as voulu.
Elle baisse les yeux.
- Tu dis que ton mal-être m'importait peu hier, pourtant je faisais de mon mieux pour t'aider à te détendre. Et même l'idée de te faire l'amour allait dans ce sens. Tu penses aussi que la situation hier avec ma mère ne me préoccupait pas, mais ce n'est pas vrai. J'ai à plusieurs reprises essayé de jouer au médiateur entre vous plutôt que de prendre le parti de l'une ou de l'autre. T'aurais peut-être préféré que je remette ma mère à sa place ou que je la renvoie ?
- Je ne sais pas.
- Aurore, je te rappelle que c'est cette femme qui m'a mis au monde, qui s'est sacrifiée pour moi. Elle a peut-être tous les défauts du monde, mais elle reste ma mère. Et puis souviens-toi que par le passé, j'ai pris ta défense face à elle mais cela n'a servi à rien.
Elle lève les yeux vers moi.
- Tu m'en veux toujours, n'est-ce pas ?
- Tu veux que je sois franc ?
Elle acquiesce.
- Je n'ai pas oublié, mais j'ai décidé de ne pas laisser cela compromettre notre relation. Parce que je t'aime et je t'ai choisie, toi. Mais j'ai beau te le dire, tu ne le comprends pas. Tout ce qui t'importe, c'est TOI, c'est comment tu te sens, c'est comment les gens te voient. Cela transparaît même dans tes mots. Mais t'es tu une fois demandé ce que je veux MOI, as-tu une fois agi en pensant véritablement à MOI ?
- …
- La réponse est évidente, n'est-ce pas ? Non, tu ne l'as jamais fait. Tu m'as quitté parce que tu ne supportais que ma mère te rejette, tu ne m'as rien dit par rapport à Arabella parce que tu as décidé que c'était mieux ainsi. Tu veux que je te donne d'autres exemples ?
- Non. Ce n'est pas la peine.
Elle répond faiblement. Je prends ses mains.
- Alors, maintenant que tu en as l'occasion, regarde-moi droit dans les yeux et demande-moi ce que JE veux.
- Qu'est-ce que ... TU veux ?
- Je veux que tu ne laisses plus personne te faire douter, te rabaisser, même pas ma mère ! Je veux que tu arrêtes de pleurer à tout bout de champ car tes larmes ne doivent sortir que pour ceux qui les méritent vraiment. Je veux que tu puises au fond de toi toute cette force que tu as, mais que tu continues d'ignorer. Oui, tu es forte. Arrête d'avoir tant de doutes. C'est fatiguant à la fin. Je te rappelle que tu pensais que ta vie s'arrêtait après le mannequinat. Mais tu vois, tu es devenue une styliste talentueuse. Tu pensais que tu ne serais jamais maman, mais regarde-toi, tu es la meilleure maman qu'Arabella puisse avoir. Et puis, concernant ma mère, je veux que tu ne la laisses plus gagner. Prouve-lui que ta condition physique n'est pas un frein pour toi, que tu es la belle-fille idéale, la seule qui me convienne et qui me rende heureux. Voilà ce que je veux Aurore. J'en ai vraiment besoin et je sais que tu en es capable.
- Femi, je …
Tu n'as pas besoin de me répondre. Il est tard. On va dormir. Je m'étends sur le lit. Elle aussi. Sa tête vient reposer sur mon torse.
Le lendemain matin.
Je viens de m'éveiller. Aurore dort encore. Tout doucement, je la dégage de mon torse et me lève du lit. Je dois m'apprêter pour le bureau. Tandis que j'ôte mes vêtements, mes yeux tombent sur cette femme couchée sur mon lit. Je souris. Finalement, je ne compte plus me presser pour le boulot. Je m'empare de mon téléphone et envoie un SMS à ma secrétaire. Ensuite, je vais dans la salle de bain.
Voilà, maintenant je suis propre. Je quitte la chambre, fais un détour par la chambre d'Arabella qui dort encore puis vais dans la cuisine concocter un petit déjeuner pour Aurore et moi…
A présent, je suis assis dans la chaise à bascule. Je contemple Aurore, en attendant qu'elle se réveille. Elle est tellement belle quand elle dort.
Une demi-heure plus tard.
Aurore vient de se réveiller. Elle s'étire longuement en bâillant. C'est toujours drôle de la voir faire ça. Nos yeux se croisent. Elle frotte les siens, comme pour s'assurer que je suis bien là.
- Femi, c'est bien toi ?
- Oui, c'est bien moi.
Elle lève furtivement la tête vers la pendule au mur.
- Mais il est 8h30. Tu devrais être au bureau !
- Oui, mais t'inquiète. J'ai déjà prévenu ma secrétaire que je serai un peu en retard. Je tenais absolument à voir ce beau visage me sourire avant de quitter la maison. Ainsi, ma journée de travail ne serait que plus belle.
Elle m'offre un large sourire. Je mets la main sur mon cœur pour lui signifier que je suis ravi.
- Et ce plateau, c'est pour …
En parlant, elle me montre le plateau posé sur l'un des poufs au pied du lit.
- Notre petit-déjeuner ! Allez, va prendre une douche et tu me rejoins.
- Je ne me fais pas prier pour ça !
- Je viens t'aider ?
- Non, merci.
Elle attire son fauteuil roulant vers elle et tente de s'y asseoir. Je la regarde faire ce geste routinier.
Je suis bien conscient que sa "déficience physique" n'est pas facile à vivre pour elle, d'autant plus qu'elle n'est pas née ainsi. D'ailleurs, ce ne saurait être facile pour personne de se retrouver avec un handicap du jour au lendemain. Il faut une force incroyable pour l'accepter et continuer de vivre avec. Cependant, si je semble parfois dur avec elle, si je lui reproche de trop s'apitoyer sur sa condition physique, c'est parce que je ne veux pas qu'elle se mette des limites, qu'elle se croit anormale ou qu'elle renonce à beaucoup de choses qu'elle pense ne pas ou ne plus pouvoir réaliser...
- Ça y est, Femi je suis fraîche et prête à engloutir le plateau entier.
- Vraiment ?
Elle balance sa tête de haut en bas pour dire Oui. Je me lève de la chaise à bascule et vais m'asseoir sur le deuxième pouf. Elle me rejoint dans son fauteuil roulant.
- Voilà. De l'omelette, du pain et du jus d'orange.
- Rien qu'à sentir cette bonne odeur, je devine que ce sera dé-li-ci-eux !
Je prends une fourchette, la fais passer dans le plat puis la porte à sa bouche.
Elle tient à faire comme moi. J'accepte avec plaisir. Nous prenons chacun une fourchette. Nos bras s'emmêlent. Nous nous fixons et sourions. Avec le jus, nous faisons pareil avant de sceller tout ça par un long baiser (sourire).