Chapitre 50

Ecrit par Myss StaDou

Chapitre 50


Voilà donc deux jeunes femmes bien habillées dans les toilettes d’un restaurant chic en train de faire des tests de grossesse en plein midi ! La scène est assez insolite. Mais la situation actuelle, il n’y a pas le temps de faire le nyanga (les manières). Durant tout le procédé, Josy veille d’un regard attentif. Je me force à fouiller ma vessie et verser quelques gouttes d’urine sur chaque bâton de test. Josy me les prend au fur et à mesure et les pose sur leurs paquets qu’elle tient dans sa main. J’espère que la torture des résultats ne sera pas longue. Elle m’a dit trois minutes. À peine le temps de me rhabiller rapidement, j’attends Josy murmurer mon prénom. Je me lève et regarde sa main qu’elle tient devant elle. Ouvrant  la bouche devant le phénomène qui se passe sous mes yeux : une deuxième barre apparait clairement sur chacun des tests et se fonce avec le temps.

 

− Non, Josy… Non.

− Ce n’est pas vrai, murmure-t-elle avec tristesse. Ma chérie…

− Non, ne dis rien !

− Il n’y a pas de doute Nini. Tu es bel et bien enceinte ! Mama eh…

 

Je commence à pleurer.

 

− Trois tests en même temps ! Il n’y a pas de doute possible.

 

Je me mets à pleurer à chaudes de larmes. Josy prend les tests et les jette dans le plastique de la pharmacie. Elle fourre rapidement le plastique dans mon sac à main. Josy force un sourire:

 

− Ne pleure pas, ça va  aller. Allons manger d’abord.

− Comment tu veux que je mange dans ces conditions ? demandé-je en reniflant. Josy, je suis finie oh….

− Finie que quoi ? demande avant de tchiper. Est-ce qu’être enceinte, c’est la fin du monde ?

− Pour moi, ça l’est, dis-je avec tristesse.

 

On frappe à la porte et il est évident que d’autres clientes du restaurant attendent depuis un moment de pouvoir utiliser les toilettes. Josy vérifie que nous n’avons rien laissé dans les toilettes avant de me tirer hors de la pièce. Elle s’excuse en passant auprès des deux femmes qui attendaient devant la porte des toilettes. En silence, nous nous lavons les mains. Josy nettoie mon visage avant que nous sortions des toilettes.

 

Nous rentrons nous asseoir à nos places et la minute d’après la serveuse nous apporte nos repas. Je regarde le plat si appétissant devant moi d’un regard vide. Manger est la dernière de mes préoccupations à cette heure ci. Mais mon ventre chante l’hymne nationale. Je suis sûre  que tous les gens dans le restaurant l’entendre grogner comme un lion qui rugit dans la forêt. L’ignorer ne me servirait à rien. Mais apparemment le petit être qui grandit en moi tient à ce que je prenne soin de lui. Quitte à me faire tomber dans les pommes pour que je constate sa présence.

 

Je commence à manger, les pensées complètement ailleurs. Je comprends mieux mes fringales de ces derniers temps.

 

− Ma chérie, ne fais pas cette tête, dit Josy. Je vais finir par penser que ce voyage ne te fait pas du bien.

− Non, ce n’est pas ça. Toi même tu sais que tu es ma personne des ambiances. C’était vraiment bien avec toi.

− Tant mieux alors.

− Juste que tout ce qui m’arrive ces temps me dépasse. D’abord la mère de Victor, ensuite Victor et Carole, et maintenant ça, dis-je en pointant mon ventre). C’est trop pour moi !

− Je comprends. Ne t’inquiète pas ça. Ça m’étonne autant que toi.

 

Nous avalons nos bouchées en silence. Ce Ndolè est assez bien fait, je dois l’avouer.

 

− Dis-moi un peu, entre nous… Ma copine, tu n’as jamais fait avec ton gars sans capote ? Comment tout ça t’étonne autant ? 

− Je ne dirais pas non, ma sœur, même si on se protège toujours. Tu te souviens du week-end où on s’est revu n’est-ce pas ?

− Bien sûr. Pourquoi ?

− Ce samedi matin-là, nous avons fait sans. C’est arrivé comme ça dans le mouvement. Mais Victor m’a acheté la pilule du lendemain peu après le rapport et je l’ai prise directement. Je ne comprends pas ce qui s’est passé.

− Ah ma sœur ! Aucun de mes médicaments n’est sur à 100%. Les trucs des blancs, parfois ça ne marche pas sur nous.

 

Sa déclaration me fait parler avec une voix pleine d’espoir :

 

− Donc même les tests…

− Non, mama ! me coupe-t-elle. Pas ce côté-là. Un test sanguin, puis trois tests urinaires. Il est plus que clair que tu es enceinte.

− Je suis finie. Morte dans mon propre film.

− Ne parle pas comme ça. Ton gars est encore là.

− Avec ce que j’ai laissé derrière moi ? À quoi va ressembler notre relation ? Une partie à trois ? Trop peu pour moi, désolée.

− Veux-tu alors enlever la grossesse?

 

Je pose ma fourchette dans mon plat avant de lui faire face.

 

− Tu me demandes que je sais ? Est-ce que j’ai calculé cette grossesse ?

− Je n’ai pas dit ça.

− Sincèrement, je ne souhaite en arriver jusque-là. Je ne me suis jamais retrouvée dans une telle situation et je m’étais juré de ne jamais avorter si le cas se présentait. On parle d’une vie humaine quand même. Mais je ne sais même pas comment gérer tout ça maintenant.

− Hum…

− Problème sur problème ! Je n’ai pas fini avec un que l’autre s’ajoute !

− Ah ça ! C’est compliqué quand même. Il faut l’avouer.

− Si malgré tout, j’arrive à gérer avec Victor, et au bout il refuse la grossesse, je vais faire comment ?

− Mama eh…

− Le pire, c’est ma mère. Elle va me tuer. Elle ne va jamais accepter que je porte une grossesse sans mari dans sa maison.

− Toi alors… Tes choses ne sont pas simples dèh !

 

Je prends ma tête entre mes mains :

 

− Tout ça va  me rendre folle, je te jure. Un enfant viendrait seulement gâcher toute ma situation à cet instant. Mais…

− Oui ?

− Je suis fière de porter le fruit de notre amour, dis-je en souriant. Cet être qui grandit en moi est un peu de Victor, un peu de moi. J’ai rêvé de ce genre de choses… Mais pas comme ça. J’aime tellement Victor… Si je lui pardonne…Ce sera très dur quand même. Mais il ne veut pas de l’enfant, je vais faire comment Josy ?

 

Une larme se met à couler sur ma joue et Josy se lève de sa place pour venir me prendre dans ses bras et me consoler.

 

− Chut. Ça va  aller. Dieu va nous permettre de gérer la situation. Victor est adulte et il a les moyens. Même s’il ne veut pas t’épouser, il va devoir prendre soin de son enfant. Au pire…

− Quoi ?

 

Josy semble se rétracter :

 

− Mieux vaut ne pas y penser pour l’instant. Ça ne nous aidera pas.

− J’avais des projets. Comment vais-je faire ?

− De quoi parles-tu ?

− Ah, je ne t’avais pas dit…Tata Caro, la sœur de ma mère a promis de me faire monter en France après ma licence. Avec un enfant, je peux tranquillement mettre une croix dessus.

− N’y pense pas. Nous ne sommes pas encore là-bas. Essaie de finir d’abord ton repas. Ok ? Il faut que tu prennes la route.

 

Je soupire de tristesse.

 

− Tu m’as dit avoir des examens demain, ou je me trompe ? demande Josy. J’aurais aimé que tu restes. Mais il est plus sage que tu rentres et pas tard la nuit pardon. Il y a les agressions.

 

Elle va se rasseoir et me fait un grand sourire en posant sa main sur la mienne. J’essuie les larmes sur mon visage et m’efforce à reprendre la consommation de mon repas. Je regarde mon plat à moitié entamé et prend un morceau de miondo, le portant à ma bouche pensive. Soudain, j’entends quelqu’un m’appeler. Je lève la tête et garder la bouche ouverte un Olivier qui se tient pas loin de ma table.

 

− Nicole, c’est bien toi ? demande-t-il en souriant.

 

Mince alors ! Je l’ai oublié ! Olivier se dirige d’un pas rapide vers ma table. Arrivé à proximité, il se penche et me fait la bise.

 

− J’ai cru que je rêvais ! Tu es vraiment venue  à Douala et tu ne m’as pas fait signe ?

 

Se tournant alors vers Josy, il lui tend la main qu’elle prend avec un sourire :

 

− Bonjour Madame. Olivier. Un ami de Nicole.

− Pardon Mademoiselle… Josiane.

− Enchanté, Josiane. Désolé d’interrompre votre repas.

− Ce n’est pas grave.

 

Je force un sourire et regarde Olivier qui me dévoue à nouveau son attention.

 

− Je suis vraiment désolée, dis-je, embarrassée. J’ai eu quelques petits problèmes qui m’ont un peu pris la tête.

− C’est vrai  que tu as l’air un peu pâle quand même. J’espère que ce n’est rien de grave, ma chérie.

− Non. Ça va.

− Même pas un appel, Nicole ? J’ai même essayé de te joindre en vain.

− Je n’ai pas ton numéro en tête et j’ai oublié mon chargeur en venant. Je ne pouvais pas t’appeler.

− Je comprends.

− Me voici donc ! C’est comment ? Que fais-tu ici ?

− Tu es à Akwa, Madame. C’est le cœur de Douala. C’est ici que je viens souvent manger durant mes pauses. Le cabinet où je travaille n’est pas loin d’ici. C’est pratique pour moi.

− Ok. Je comprends.

− Et toi ?

− J’étais chez mon amie Josy pour le week-end et je rentre tout à l’heure. Les cours reprennent demain. 

− Je vois. Mais c’est dommage qu’on n’ait pas pu se voir. Je vous aurais bien emmené manger toutes les deux, dit-il en souriant à Josy. Sans vouloir te voler l’honneur Josiane.

− Oh, ça ne m’aurait pas déplu en tout cas. Ce n’est que partie remise.

− Dis-moi Nicole, je peux prendre au moins votre facture à ma charge ? Ça me ferait vraiment plaisir.

− Hum… Je ne sais pas.

− Bien sûr que tu peux, dit Josy.

 

Je la regarde, étonnée et elle me fait un clin d’œil.

 

− C’est vraiment gentil de ta part.

− Merci, Olivier, dit Josy.

− De rien, les filles. Je vais vous laisser alors finir de manger. Faites-moi signe en partant.

 

Il s’éloigne et va s’asseoir à une table avec plusieurs personnes qui attendaient déjà en commandant. Josy se met à rire et finit son plat.

 

− Mama, toi aussi tu as ta part de Mougou (larbin). C’est qui encore non ?

− Le mec avec qui je suis allé à Kribi.

− Ok. Je comprends mieux. Tu l’as vraiment bien décrit. Moi-même, j’ai témoigné cette fois.

− Josy !

− Si je peux manger ma part gratuit sur lui, moi quoi ?! demande-t-elle en riant.

 

Je regarde mon repas. Je n’ai pas la force de finir ce plat. Je bois mon Top Ananas et vide la bouteille.

 

− Il est déjà 13h, remarque Josy. Il faut qu’on passe à la banque, je retire un peu d’argent pour te donner avant qu’on aille à l’agence.

− Merci, Josy. Mais tu n’en as pas vraiment besoin.

− Ne refuse pas. Dans ta situation, toute aide sera la bienvenue. Et je compte bien te soutenir à chaque instant.

− Merci du fond du cœur.

− N’hésite jamais. Je serais toujours là si tu as besoin. Je vais seulement aller presser un de mes Mougous et je vais t’envoyer quelque chose.

− Même quand tu es sérieuse, tu arrives toujours à me faire rire. Merci pour tout.

 

Nous nous levons et je fais un petit signe discret de la main à Olivier. Il nous rejoint discrètement à la réception du restaurant, tandis que nous voulons signaler à la serveuse qui devait régler la facture. Il parle à la serveuse qui lui présente notre facture. Il lui tend le montant nécessaire pour notre facture.

 

Josy et moi attendons un peu en retrait le temps qu’il finisse. Olivier fouille et retire 20.000Francs et me les remet.

 

− Merci, murmuré-je, étonnée.

− S’il te plait, appelle-moi dès que possible et du courage pour tes cours.

− Merci encore, Olivier. Bon après-midi.

 

Josy me tire et nous sortons. Josy murmure en riant :

 

− Un jour Mougou, toujours Mougou !

− Josy ! Tu es terrible.

 

Josy joue l’innocente :

 

− Est-ce que je mens alors ?

 

Elle conduit rapidement pas loin à une filiale de sa banque. Elle entre seule et reviens après 15minutes. Elle me tend 50.000Francs que je prends les larmes aux yeux. Je veux parler, mais elle me pose son doigt verni sur la bouche.

 

− Prends et ne dis rien. Ça va aller.

 

Je reste un instant à regarder ses billets pliés dans ma main.

 

− Josy oh.

− Oui, ma chérie.

− Je suis enceinte.

− Je sais, ma chérie. Et tout va bien se passer.

 

Je la regarde.

 

− Je t’emmène à l’agence.

− Ok… Il est temps que j’aille affronter mon destin.

 

Elle m’accompagne jusqu’à Garanti Express et réussit à garer pas loin de l’entrée. Nous parvenons à payer un billet pour le bus VIP qui part bientôt avec quelques minutes de retard. Josy va donner ma valise au chargeur de bus et revient m’embrasser. Elle me regarde monter dans le bus. Elle m’envoie des bisous à travers la fenêtre et me fait de signes en voyant le bus s’éloigner.

 

Je suis assise dans ce bus, dans un état psychologique encore plus chaotique qu’en partant.

Je suis enceinte de Victor. Ça ne fait plus aucun doute. Mais ma grosse préoccupation est de savoir si un enfant a sa place dans notre relation si troublée ? Surtout avec les derniers événements…

Mon amour, mon comba...