Chapitre 50

Ecrit par Auby88

Des semaines plus tard.

Aurore AMOUSSOU

Paula passe la journée avec moi. Pour l'heure, en dehors de maman, c'est elle qui m'aide avec l'organisation du mariage. Je n'ai pas encore informé beaucoup de gens. D'ailleurs, je viens juste de recevoir les faire-part de mariage que j'ai commandés.

- Enfin, ils sont là !

- Fais-moi voir, me dit Paula avec empressement.

- Comme c'est mignon, Aurore !

Je souris tandis qu'elle lit tout haut le message imprimé sur la carte.


" Sortie prévue dans les salles pour le (...) du (très)
  long-métrage :

AURORE ET OLUWAFEMI SE MARIENT.

  Si vous êtes intéressé(é) et prêt(e) à participer à l'aventure, retrouvez-nous ce jour-là à 16h dans les coulisses de la Cathédrale Notre-Dame-de-Miséricorde de Cotonou puis à (…) pour un cocktail dînatoire.

Attention, prévoir mouchoirs, l’émotion risque d’être au rendez-vous !"


Pour notre faire-part de mariage ainsi que pour le message d'invitation que Paula vient juste de lire, nous nous sommes inspirés de modèles que Femi et moi avons vu en ligne. J'ai opté pour des pochettes de couleur or doré, découpées au laser. Mention y est faite de nos familles respectives en style calligraphique.


Sur chaque pochette, on entrevoit la silhouette d'un arbre dont le feuillage est bien haut. Le grand arbre symbolise la pérennité de notre couple. Une sorte de broche, en forme de feuille, maintient les deux côtés de la pochette.

L'arbre au feuillage touffu est également présent sur la carte, avec tout en haut une photo où Femi et moi sourions grandement avec Arabella, fruit de notre amour.

Le texte sur la carte a été écrit à la main par Femi et moi, puis numérisé.

Nous avions déjà reçu un exemplaire électronique du faire-part. Mais c'est encore plus beau en vrai. Tout ça est un peu cher, mais le résultat est magnifique et original. Et puis, on le mérite après tout. (Sourire).


Nous entendons le vrombissement d'un moteur.

- Ce doit être Femi ! m'exclame-je en souriant.

C'est bien mon homme qui vient d'arriver.

- Bonjour, la Compagnie ! dit-il en entrant.

Sur la joue de l'une comme de l'autre, il dépose des bises. Ensuite, il vient s'asseoir près de moi dans le canapé. Paula semble nous fixer.


- Paula, pourquoi tu nous zyeutes ainsi ? s'enquiert Femi.

- Parce que vous allez si bien ensemble ! Vous me rappelez Lizzy et Amen ! Ils s'aiment tellement ces deux-là !

- Qui ? interroge Femi.

Je lui réponds.

- Il s'agit d'un couple nigérian dont la femme est blogueuse mode. Elle aussi s'est retrouvée en fauteuil roulant après un accident.


Par moments, je me rends sur la chaîne YouTube de Lizzy pour télécharger ses vidéos. Elle m'inspire beaucoup par sa force, sa coquetterie et ce sourire cristallin qu'elle affiche. C'est vrai qu'elle et Amen s'adorent. Il suffit de voir la vidéo de la demande en mariage, celle de la cérémonie nuptiale ainsi que toutes les photos du couple pour s'en convaincre.


- C'est exact ! renchérit Paula.

Femi hausse les épaules.

- Bah, je n'avais jamais entendu parlé d'eux. Mais je doute qu'ils puissent s'aimer autant ou plus qu'Aurore et moi !

- Regardez-le, maintenant monsieur fait le fier ! Tu as oublié toutes les larmes qu'elle a versées à cause de toi ! rétorque Paula.

- Ah parce qu'elle et toi ne m'avez pas mené la vie dure avec vos plans tordus-là ?

Je souris.

- C'est bon, Femi ! Regarde ceci.

Je lui tends la grande enveloppe contenant les​ faire-part.

- Qu'est-ce que c'est ?

- Ce sont nos faire-part de mariage. Nous venons juste de les recevoir. Tu comptes toujours m'aider, j'espère !

- Tu veux dire t'aider à écrire à la main les noms des invités sur chaque faire-part ?

- Oui.

- Je suis toujours disposé à le faire.


Il prend l'enveloppe de mes mains. Tandis qu'il s'apprête à l'ouvrir, Paula presse une main sur sa bouche. C'est sûrement pour ne pas rire qu'elle avait

- Aurore ! C'est quoi tout ça ?

Je suppose qu'il vient de lire le nombre à trois chiffres représentant le total des invitations.

- Tu comptes inviter autant de monde !

Je fais timidement oui de la tête.

- Oui, mon cœur. Tu sais bien que j'ai toujours rêvé d'un mariage grandiose.  Tu m'avais dit que je pouvais tout faire à ma guise et c'est ce que je fais.

- Oui, mais pas faire appel à toute la population mondiale ! Quand même !

- Femi, tu exagères dêê ! Toute la population mondiale ! Ne me dis pas que tu es subitement devenu radin !

- Paula ! Ce n'est pas une question d'argent ! Aurore, je vais être franc avec toi : je ne pourrai plus t'aider à écrire sur toutes ces cartes !Débrouille-toi seule ou avec cette chipie de Paula !

Paula le lorgne ouvertement.

- Tu me l'avais promis, Femi ! reprends-je.

- Je vous laisse. Je vais me reposer, reprend Femi.

Il se lève pour s'en aller quand Paula aussi se lève et lui barre le chemin.

- Tu vas trop faire même, rétorque Paula ! La chipie va t'y obliger !

J'écarquille les yeux. Sacrée Paula !

Femi a à peine le temps de réagir qu'elle le pousse dans le canapé. Il manque tomber sur moi.

Elle s'assoit près de lui et attrape fortement sa main, l'obligeant à garder le stylo. Paula est dingue quoi !


- Paula, lâche ma main !

- Ah non, Femi, je refuse. C'est pas toi qui disais que tu aimais la go jusqu'à.. Ça y est, faut le prouver.

- Paula, ça suffit ! Je n'aime pas ça !

- Ça y est, commence !

- Paula, pardon laisse-le ! supplie-je.

Elle laisse aussitôt la main de Femi.

- Hmmm ! affaire de couple, on parle pas dedans oh. Moi je te défends et tu prends parti pour lui !

Elle quitte notre canapé pour sa place précédente et fait mine d'être fâchée. Intérieurement, je souris.

- Que veux-tu Paula, amour est versé wa entre Femi et moi, n'est-ce pas mon bébé d'amour, mon sucre d'orge adoré, mon poussin, mon … ?


Je viens d'employer des mots de Paula. Femi me regarde du coin de l'oeil. Je m'arrête net. Paula s'exclaffe. Moi aussi.

- Oui, c'est ça. Moquez-vous bien de moi ! Aurore, Paula te contamine, n'est-ce pas ? Vous vous plaisez toujours à me torturer, n'est-ce pas ? Je vous rappelle que je n'ai pas oublié votre mise en scène à la soirée karaoké hein !

- Monsieur est fâché ! répète Paula.

Je me rapproche un peu​ plus de lui pour embrasser sa joue. Il résiste un peu mais finit par accepter.

- Paula, t'attends quoi pour t'amener ! dis-je.

C'est sûr, j'ai vraiment changé. Je me rappelle encore l'époque où je ne supportais du tout pas qu'une femme s'approche trop près de mon ex. (Rire)


Paula vient se rasseoir à la droite de Femi. Moi, je suis à sa gauche. Nous pressons chacune nos lèvres contre sa joue. Il se laisse faire.

- J'espère que maintenant nous sommes pardonnées ! demande-je.

- Comment ne pas vous pardonner quand vous me chouchoutez ainsi ?

- Ok. Mais n'invoque pas cette raison plus tard pour courir les femmes dehors hein !

Femi la toise.

- Paula, voyons ! m'exclame-je.

- Bah, je …, commence Paula.

- Laisse-la, Aurore. Elle ne changera jamais. C'est sûr. Mais … je l'aime bien.

En lui pinçant tendrement la joue, Paula répond :

- Moi aussi, mon bébé d'amour, mon...

Paula, c'est un vrai phénomène ! Femi la lorgne à nouveau.

- Si tu dis "sucre d'orge", je te jure que je vais vraiment me fâcher !

- Oui, c'est ça, monsieur le DAF ! Je tremble déjà.

Et voilà, c'est reparti entre eux. (Sourire)


 

**********

Des jours plus tard.

Aurore AMOUSSOU


Depuis une semaine, je séjourne chez moi à Abomey-Calavi. Aujourd'hui, je repars chez Femi. Je discute une dernière fois avec maman avant de prendre congés d'elle.

- Aurore, es-tu bien sûre de ce que tu t'apprêtes à faire ?

- Oui, maman.

- Je ne pense pas que ce soit une bonne idée. Elle est sûrement déjà au courant pour ton mariage. C'est à elle de décider si elle viendra ou pas.

- Je me dois quand même de l'informer moi-même.

- Tu ne veux pas que je t'accompagne, au cas où …

- Non, maman. J'irai toute seule.

- D'accord. Je n'insiste pas mais …

- Maman !

- Ok, je ne dis plus rien. Vas-y.

On se fait la bise puis je m'en vais.



* *

 *

Je viens d'arriver devant la demeure des ZANNOU. Je viens déposer un faire-part pour la mère de Bella. Les rapports entre elle et moi continuent de s'améliorer, mais cela a dû être un choc pour elle d'apprendre que je me marie. Sa fille n'aura jamais cette chance.

Je suis consciente que ma démarche peut davantage la troubler, mais ce serait trahir elle et Bella que de ne pas faire le premier pas. Elle est comme ma mère après tout.

Je me hisse et parviens à appuyer mon doigt contre la sonnerie. C'est elle-même qui vient m'ouvrir. J'affiche un léger sourire en sa direction pour cacher mon anxiété.



* *

 *


Madame Suzanne ZANNOU


J'ouvre le portail​ et tombe sur Aurore. Je ne m'attendais pas à la voir. Aujourd'hui, je ne me sens pas trop bien moralement. Je reviens du cimétière. Mais comme je me suis promis de ne plus garder rancoeur contre elle, je lui souris en retour.

- Bonjour ma fille ! Ne reste pas là. Entre. Attends, je t'aide. 

- Merci, maman.

Je pousse doucement son fauteuil et nous entrons au salon.

- Un instant, je t'amène de l'eau.

- Tu n'as pas à te déranger, maman. Je viens de la maison. Je tenais à te ... remettre ceci.

De son sac à main, elle sort une enveloppe blanche. Je devine déjà ce que c'est, mais je joue à l'ignorante.

- Qu'est-ce c'est ?

- Une invitation à ... mon mariage.

- Ah ! Parce que tu te maries ?

- Oui, me répond-t-elle en évitant de me regarder.

- Avec le père d'Arabella,  je suppose !

- Oui.

- Je suis ... heureuse … pour toi.

Un silence s'installe entre nous.

- Maman, je dois avouer que j'ai beaucoup hésité avant de venir te voir. Parce que j'avais peur de ta réaction, j'avais peur de te troubler. Cependant, je me devais de le faire.

- Je mentirais si je te dis que la nouvelle de ton mariage ne m'affecte pas. Parce que ... (soupir)…  je ne verrai jamais ma fille se marier. Et tu ne peux savoir combien cela me fait mal. J'essaie d'aller de l'avant, mais la douleur reste présente.

- C'est ... pareil pour moi, maman. Certes tu m'as pardonné, mais je ne peux m'empêcher de me sentir coupable. Parce que si je ne l'avais pas entrainée avec moi, rien de tout cela ne se serait passé. Elle serait encore ici avec nous.


Je l'écoute sans l'interrompre. Je réprime mes larmes du mieux que je peux. Parce que, me connaissant, si je commence à pleurer maintenant, c'est parti pour toute la journée.


- Tous les jours, je pense à elle. Et il y a mes jambes inertes qui me le rappellent tout le temps. Je …


Elle ne finit pas sa phrase et fond en larmes. Son émotion est sincère, je le sens.

Pauvre fille ! Pense-je intérieurement. J'étais tellement aveuglée par ma propre peine que j'ai longtemps minimisé la sienne. 

- Aurore ! dis-je en prenant sa main. Bella aurait été heureuse de te voir te marier et même fière d'être ta demoiselle d'honneur. Alors sèche-moi ces larmes.

En souriant, j'ajoute :

- Tu te souviens de vos jeux d'enfants ?

- Oui, nous jouions souvent à la mariée.

- Bella s'emparait de mes foulards pour en faire vos voiles.

- Oui.

Je soupire longuement avant de continuer :

- Ta démarche me va droit au cœur​, ma fille. Je serai à ton mariage, c'est promis ! Et si tu veux, je peux aussi t'aider pour l'organisation.

- Cela me fera énormément plaisir. Mais je ne voudrais surtout pas vous déranger.

- C'est avec joie que je le ferai, Aurore.

- Merci, maman. Merci beaucoup.

- Je t'en prie, ma belle.

Un frêle sourire apparaît sur son visage. J'en suis ravie.




* *

 *

Du côté de Fidjrossè.

Femi AKONDE


Je viens de rentrer à la maison. Aurore m'y attend déjà. Elle a laissé Arabella chez sa mère pour avoir plus de temps pour l'organisation du mariage.

- Coucou, mon cœur, dit-elle dès qu'elle me voit.

Je prends des nouvelles de sa journée. Et elle de la mienne. Nous sommes encore occupés à parler quand la femme de ménage pénètre le salon.

- Madame, un paquet pour vous. Le monsieur a dit de signer ici.

Intriguée, Aurore me regarde. Nous posons nos yeux sur la décharge. Le courrier provient de l'Italie et est livré par DHL. Le nom de l'expéditeur n'est pas mentionné. Juste une adresse.

- Merci, dit-elle en remettant la décharge à la femme de ménage, qui quitte le salon.

- Je me demande qui cela peut bien être​. Je ne connais personne d'assez proche qui soit là-bas.

- C'est peut-être un parent éloigné ou une vieille connaissance qui t'envoie un cadeau. Ouvre et tu seras fixée.


Elle se dépêche de défaire le papier d'emballage. Je la regarde faire. Je suis bien curieux de savoir ce qu'il y a à l'intérieur...

Des mains d'Aurore, le paquet tombe subitement. Puis elle pique une violente crise et crie à n'en plus finir.

- Non, elle n'a pas le droit ! Pourquoi ne me laisse-t-elle pas tranquille ? Elle m'a déjà détruite par le passé. Pourquoi s'y remet-elle encore ? Pourquoi est-elle si méchante ? Pourquoi ? Pourquoi ?


Je devine déjà de qui elle parle : Rita Martins.


- Calme-toi, repète-je en vain.

Aurore se met à convulser. Je ne la reconnais plus. Les traits de son visage  sont déformés. Il y a longtemps que je l'ai vue ainsi. Elle bégaye​ même en parlant.

- Calme-toi.

- Elle m'a … piétinée alors que ... j'étais déjà à terre, Femi ! Pourquoi se plaît-elle à me troubler maintenant que j'ai réussi à m'en sortir ? Pourquoi, Femi ? Jette son paquet loin de moi. Je ne veux plus le voir. Jette-le ! Jette-le ! Jette…

Je m'apprête à prendre le colis du sol quand elle chancelle et s'évanouit dans le canapé.

- Aurore ! Aurore ! crie-je sans succès. Elle demeure inerte. Je déboutonne sa chemise puis vais rapidement chercher de l'eau fraîche pour en asperger son visage...


Progressivement, elle reprend connaissance. Je l'entoure de mes bras.

- Tu m'as fait une de ces peurs, Aurore !

Je me détache brièvement d'elle.

- Qu'est-ce qui s'est passé, Femi ?

Je ne sais quoi lui répondre.

Ses yeux tombent sur le paquet au sol.

Dans ma précipitation, j'ai oublié de l'enlever de là !

- Jette-le Femi, je t'en supplie !

- Ok, je vais le faire.

Je n'ai pas envie de la laisser seule, mais je ne veux la contrarier.

- Je reviens tout de suite.

Elle acquiesce.

Je prévois jeter le paquet dans l'un des grands bacs à ordures de l'arrière-cour, mais finis par changer d'avis. Je me précipite dans la cuisine, mets le colis dans l'un des placards du haut, le ferme à double tour et fourre la clé dans l'une des poches de mon pantalon​. Ensuite, je me ramène au salon.

- Tu l'as jeté ?

- Oui, Aurore. Tu n'as plus à t'en faire.

- Merci Femi !

- Viens ! achève-je en l'attirant tout contre moi.




SECONDE CHANCE