Chapitre 6

Ecrit par Annabelle Sara

Etienne prit place derrière son bureau en soupirant. Le comportement de sa femme l’inquiétait, surtout si elle commençait à s’attaquer à Pulchérie. Il a peur des représailles de cette dernière, elle peut parfois se montrer très impitoyable avec Johanne.

  « Quelqu’un peut-il me dire ce qui est arrivé dans cette maison tout à l’heure ? », dit-il en portant sa tête dans sa main l’air complètement dépassé.

  « Tout ce que je sais c’est que quand je suis arrivé Martine essayait désespérément de retenir Joe qui voulait attraper maman et quand j’ai réussi à la maitriser elle sentait l’alcool ! », déclara Ronald en s’asseyant face à son oncle.

  « Pourquoi tu ne nous as pas dit que Joe avait recommencé à boire, imagine que Henriette rentre et découvres sa mère comme ça ?  », lui reprocha sa nièce sans le quitter des yeux. 

  « Elle avait dit qu’elle contacterait sa marraine et je l’ai cru… »

  « Je crois… », commença Ronald. « Que cette fois c’est différent ! Elle m’a confondu avec son frère Luc… elle m’a appelé par son nom  et elle parlait aussi d’un bébé, je n’ai rien compris... »

  « Et c’est moi qui passe pour une sans cœur quand je dis qu’elle doit consulter des spécialistes chasser ses démons ! », lança la mère des deux jeunes gens en entrant dans le bureau.

Elle se dirigea vers son beau-frère et se planta devant lui et murmura en se penchant vers lui :

  « Etienne ta femme est folle à lier… une ivrogne complètement folle ! »

Etienne se leva aussi brusquement que sa femme s’était jetée sur elle sur la terrasse.

  « Ça suffit Pulchérie ! Tu exagères et je suis fatigué de tes remarques ! Tu es constamment entrain de la provoquer et tu ne veux pas qu’elle réagisse ? », gronda-t-il avec une expression qu’aucun d’eux ne lui connaissait, même  sa belle-sœur recula. « La prochaine fois que tu t’attaques à ma femme je vais te donner des raisons de te plaindre !»

Cette scène effraya les jeunes autant qu’elle les amusa, jamais ils n’avaient jamais vu leur mère effrayée par quelqu’un et encore moins par le demi-frère de son feu mari.

  « J’espère que c’est clair ! », dit-il plus calme en se rasseyant. « Je crois que sur un point tu as raison Pulchérie… elle doit consulter quelqu’un ! Nous le ferons tous les deux… j’ai le sentiment que j’ai une part de responsabilité dans cette situation ! Cela dit, il y’a aussi une autre personne qui ferait mieux se faire délivrer, pour ne pas se retrouver toute seule un jour. », ajouta-t-il à l’adresse de sa belle-sœur.

Puis il reporta son attention sur une autre personne, laissant Pulchérie sans voix, elle quitta d’ailleurs la pièce en piaffant.

  « Alors Ronald je crois qu’avec toute cette agitation personne ne t’a souhaité une bonne arrivé comme il se doit ! », fit-il en se levant pour prendre son neveu dans ses bras. « Je suis heureux de te revoir ! »

  « Moi aussi je suis heureux d’être de retour parmi vous. », affirma ce dernier en serrant son oncle dans ses bras comme un vieil ami qu’il n’a pas vu depuis longtemps.

  « Moi je te prendrais dans mes bras uniquement si tu me dis que tu restes plus d’une semaine… », lança une voix dans leur dos ! 

C’était Stéphane qui venait de faire son apparition dans le bureau et qui se dirigeait vers son frangin.

Celui-ci s’exclama en voyant son frère lui sourire ;

  « Steph ! Te voilà, mon vieux frère… »

Ils échangèrent une accolade plus que fraternel en profitant du bonheur de se serrer encore une fois dans les bras l’un de l’autre. Stéphane semblait plus qu’heureux de voir son petit frère revenir du NOSO vivant.

  « Tu as l’air de te porter comme un charme mon vieux, dis nous que tu ne retournes pas là-bas dans une semaine… », fit-il en attendant une réponse positive.

  « Je n’y retourne pas tout simplement ! J’ai été démobilisé ! J’avais fait une demande et on me l’a accordé…  »

Ils étaient tous surpris et choqués mais surtout heureux que Ronald revienne vivant. C’est sa jumelle qui sauta à son cou la première en pleurant, heureuse de retrouver une partie d’elle.

  « Wow, Cassie tout va bien ? », s’enquit-il en la serrant dans ses bras. « Tu sais que je déteste te voir pleurer ! »

  « Je crois qu’elle est heureuse d’apprendre que tu restes parmi nous, tu as dis pour toujours ? », fit Etienne en quête d’assurance.

  « Pour toujours ! Cassie calmes toi… je ne comprends pas les femmes elles sont blessées elles pleurent, elles sont contentes elles pleurent ! »

  « Maintenant que je sais que tu ne vas plus te salir les mains avec ce sang… Je peux pleurer de joie ! », répondit-elle en reniflant tandis que son frère nettoyait les larmes sur ses joues.

  « Tu arrêtes finalement ? », demanda Stéphane en invitant toute la troupe à s’asseoir avec lui dans le salon du bureau.

Ronald prit place entre son oncle et sa sœur il sourit à son frère et prit la main de sa sœur dans la sienne et la serra, puis inspira comme pour faire le plein d’air.

  « J’ai eu ma dose d’horreur, Stéphane ! Je ne te parle pas des embuscades, des balles qui sifflent et encore moins de ces sept soldats d’une troupe qui se font piéger par un kamikazes… », commença-t-il en  gardant la main de sa sœur bien fort dans la sienne pour l’empêcher de trembler d’effroi en entendant ce qu’il disait. « Je vous parle des enfants qui meurent en brousse à cause des piqûres de serpents, de l’eau souillée qu’ils boivent… »

La main de Cassie trembla dans celle de son frère.

  « De cette famille entière tuée et enterrée dans le même cercueil comme des sardines… des réfugiés… Tu te rends compte Le Cameroun qui accueille les réfugiés n’est pas foutu de prendre soins de ses propres fils qui sont obligés de fuir leur terre… »

  « Seigneur ! Il faut que cette guerre s’arrête ! », fit Cassie en couvant son frère d’un regard réconfortant, essayant visiblement d’imaginer ce qu’avait vécu Ronald.

  « Je suis heureux que toi tu sois revenu… vivant ! », ajouta Etienne.

  « Nous le sommes tous ! », assura Cassie en retrouvant la parole.

  « Tous ? Je ne le crois pas… Maman n’a pas eu l’air très heureuse de me voir ! », dit-il en portant la main de sa sœur qu’il tenait encore à ses lèvres un geste que Cassie reconnue instinctivement car c’était ainsi que son frère réagissait lorsqu’il était triste.

  « Ne fais pas attention à sa mine, elle est surement très heureuse de t’avoir revue même si elle ne le montre pas », dit Stéphane pour rassurer son petit frère.

Ronald soupira et se tourna cette fois vers Cassie en souriant.

  « Alors dis-moi… Je suis arrivé et tu n’étais pas là ! C’est qui le gars qui te fait dormir dehors ? »

  « Désolée mais ce n’est pas un homme qui m’a fait dormir dehors… Mais une femme ! »

Ronald sursauta, visiblement abasourdit par cette réponse, elle éclata de rire et prit son visage dans ses mains.

  « Ne fais pas cette tête ! Je ne couche pas avec elle se serait plutôt le fantasme d’autre personne, c’est juste une femme que j’apprécie et qui me le rend bien ! »

  « Une amie si je comprends bien ! »

  « Meilleure amie, il faut dire ! », lança Stéphane en levant les yeux au ciel.

  « Stéphane ne l’aime pas beaucoup il trouve qu’elle est un peu trop libertine à son goût j’espère que toi au moins tu vas l’aimer ou au moins supporter sa présence ! »

  « Elle est mignonne ? », s’enquit-il l’air taquin.

  « Mignonne ? Tu plaisantes, c’est une bombe… Attends je te montre »

  « Si elle arrêtait de poser l’industrie de la création fermera boutique ! », lança Stéphane en jetant un coup d’œil en coin à sa sœur.

Elle lui lança un coussin en l’entendant reprendre ses paroles, et montra une photo de Victoire dans une robe rouge.

  « Massa… Elle est magnifique ! », s’écria Ronald appréciant le mannequin. « Tu me la présentes quand ? »

  « Moi aussi j’aimerais faire la connaissance du mannequin qui ne plait pas à Stéphan là ! », dit leur oncle en jetant un œil inquisiteur sur son neveu.

  « Je crois qu’en fait Stéphane à un faible pour cette fille ! », déclara Ronald en faisant un clin d’œil à Cassie. « Tu te souviens de la fille de  seconde là ? Il ne la supportait pas… parce qu’il était raide dingue d’elle mais elle sortait déjà avec quelqu’un. »

  « Ce n’est même pas vrai ! », s’écria Stéphane pour se défendre.

  « Oui, je m’en souviens elle était métisse avec le visage couvert de point de rousseur ! Je comprends maintenant… Victoire Esso’o te fait de l’effet ! »

  « Esso’o ? », s’enquit Etienne en fronçant les sourcils.

  « C’est la sœur ainée de la veuve Chedjou ! »

L’oncle hocha la tête, quoique pensif.

  « Si j’avais un faible pour cette femme elle serait déjà dans mon lit, la connaissant… Je prends tout sauf les restes ! »

Tous furent choqués par la véhémence des paroles de Stéphane, même lui fut surprit d’avoir dit cela à haute voix.

  « Heureusement, que tu n’es pas son genre alors ! », déclara-t-elle en guettant la réaction de son frère ainé.

  « Donc j’ai ma chance ! », dit Ronald en levant les bras en signe de vainqueur.

Son frère n’ajouta rien et secoua la tête.

  « En parlant de femme ta fiancé était ici tout à l’heure… elle n’a pas ton numéro pour t’appeler ? »

  « Tu ne m’as pas dis que tu avais l’intention de te passer la corde au cou mola ! » se moqua Ronald.

  « Avec celle là il aura besoin de chance ! Il est temps de fêter dignement ton retour ! », lança Cassie en emmenant son jumeau à sa suite toisant leur frère ainé.

Suivit par le rire joyeux de leur oncle qui se délectait de retrouver la complicité que ses neveux avaient toujours partagé. Il avait le sentiment que cette maison allait réapprendre à vivre avec le retour de Ronald, il en remercia le ciel.

Maintenant il devait s’atteler à trouver une solution au nouveau problème auquel son couple faisait face avant que ça ne deviennent impossible à gérer. Il devait d’abord avoir une conversation très sérieuse avec son épouse, il doit comprendre ce qui ne va pas chez Johanne et pourquoi elle se comporte de cette.

Lorsqu’il pénétra dans la leur chambre, il la vit, assise avec la tête baissée. Elle avait pris l’habitude de prendre cette position quand elle savait qu’elle devait s’attendre à une dispute, mais cette fois Etienne savait que cela n’aurait plus aucun effet, d’ailleurs ça n’a jamais marché sur elle.

En plus avec le temps, il s’est rendu compte que cette situation est aussi sa faute, même s’il ne savait pas exactement ce qu’il avait fait à sa femme pour la mettre dans cet état.

Il prit place près d’elle et posa une main sur le genou de Johanne.

  « Johanne Messi Edang, peux-tu m’expliquer ce qui ne va pas au juste ? », s’enquit-il dans un murmure.

  « C’est la première fois que tu m’appelle par mon nom de jeune fille en 18 ans de mariage. »

  « Ne changes pas de sujet s’il te plait et expliques moi ce qui ne va pas chez toi en ce moment, pourquoi tu réagis avec autant de violence depuis un certains temps. »

Elle soupira et leva la  tête pour rencontrer son regard.

  « Tu me trompes n’est-ce pas ? », demanda-t-elle en le regardant droit dans les yeux.

Etienne fut surprit par ce revirement de situation et d’où lui est venu cette idée, elle essaye lamentablement de fuir la discussion. Il enleva sa main sur le genou de sa femme et se leva.

  « Johanne il faut que tu comprennes que cette situation ne peut plus durer… Il faut qu’on trouve une solution et le plus tôt sera le mieux… »

  « Si je comprends bien tu veux déjà me remplacer part ta maitresse c’est cela ? Saches que tu ne te débarrasseras pas de moi aussi facilement… »

  « Ça suffit ! Il n’a jamais été question de maitresse et si j’avais voulu te quitter ce serait déjà fait ça je peux te l’assurer ! », s’enflamma-t-il. « Réveilles-toi Johanne notre foyer est en train de voler en éclat et regarde toi dans un miroir ma chère tu es méconnaissable, on dirait une folle qui s’est échappée de Jamot ! »

  « Tu ne m’as pas aimé … pas comme tu devais le faire et aujourd’hui tu cherches un moyen pour m’éloigner de toi, de ma fille… »

  « Non, Johanne tu t’éloignes toute seule en t’enfermant dans ton mutisme et dans le vin. Seigneur, tu as même oublié qu’ici c’est moi qui donne pour ne rien recevoir en retour ! Chaque fois que tu as besoin de moi je suis là, au moindre pépin, mais toi dis moi que fais tu au juste pour moi, pour ta fille… Pour notre famille ? Sais tu seulement de ce dont à besoin ou envie ta fille ? Non ! Tu ne sais rien du tout… laisses moi te dire que le monde ne tourne pas autour de toi, occupes toi des autres aussi et oubli un peu ta petite personne ! »

Etienne se retourna pour respirer et reprendre son souffle, il n’en pouvait plus et tout ceci devait prendre une fin.

  « Nous allons faire une thérapie… je connais un bon psychiatre, tu pourras lui dire ce qui se passe dans ta tête… Et peut-être elle pourra traduire pour que moi aussi je comprenne ! » dit-il en se calmant. « Et Johanne, c’est la dernière chance ! C’est notre dernière chance… Après ça si tu ne te reprends pas… J’arrête de me battre pour nous deux ! »

       


Un Nouveau Souffle