Chapitre 6
Ecrit par Josephine54
Clara
J’avais repris l’école le lundi
matin avec beaucoup de difficultés. Je marchais en traînant la jambe. Le trajet
qui me séparait de l’école me semblait vraiment un parcours de combattant. Je
sentais tirer très fort dans ma cheville, mais je ne pouvais pas me permettre
de rater les cours, déjà que j’avais commencé l’année scolaire avec un léger
retard par rapport à mes camarades de classes.
J’étais arrivée au lycée le lundi
matin avec ma nouvelle tenue de classe, c’était la deuxième fois dans ma vie
depuis le décès de mes parents que je portais un vêtement neuf, après ceux que
ma tante avait saisi pour donner à ma cousine.
Quand j’étais entrée en classe,
Manon et sa bande m’avaient regardée étrangement avant d’éclater de rire.
- T’as vu ? La pouilleuse a
décidé de changer de look, haha, dit Manon d’une voix basse, mais assez haute pour que je puisse
l’entendre.
- Haha, tu parles, elle n’a de
toute façon l’air de rien à l’intérieur, répondit une de ses subalternes.
- Haha, tu aurais beau sortir une
campagnarde de sa campagne, mais tu ne pourras pas enlever la campagne en elle,
ajouta la troisième.
J’étais restée suspendue au beau
milieu du couloir à les regarder, tellement j’étais choquée par autant de
méchanceté. Je me résolus enfin à poursuivre mon chemin en boitant légèrement. Elles
éclatèrent de rire quand elles s’en aperçurent.
- Hé Clara, ça va ? me
demanda Hervé avec sollicitude. Mais que t’es-t-il arrivé ?
Je vis à l’instant le regard de Manon
lancer des éclairs.
-Rien de grave, j’ai eu un
mouvement brusque en descendant les escaliers et je me suis foulée la cheville.
- T’as fait des examens ? me
demanda-t-il encore.
- Oui merci, tout va bien.
Je me rendis ensuite à ma place
et quelques instants plus tard, Jade entra en classe. Je lui racontai ce qui
m’était arrivé et elle en était désolée. Elle me proposa même de me
raccompagner chez moi tous les jours jusqu’à ce que ma cheville aille mieux, mais
j’ai préféré décliner son offre car, nous habitions dans des coins opposés de
la ville et en plus, elle n’avait pas de voiture, ses parents venaient
généralement la prendre à la sortie des classes. Je n’avais pas l’intention
d’être un poids, non seulement pour elle, mais aussi pour sa famille.
Je prenais généralement un antidouleur
le matin avant d’aller en classe et le soir à mon retour. J’appliquais
généralement du glaçon sur ma cheville le soir.
Clovis
Une fois de plus, je n’avais pas
réussi à mon examen. Ça devenait vraiment monnaie courante. Les propos de
Claude m’avaient particulièrement touché.
« Reprends-toi mec et
surtout, ouvres les yeux ! »
Il s’en était allé sans jeter un regard
en arrière. Roland nous avait simplement salué avant de s’en aller lui aussi. J’avais
eu l’impression que son message était une sorte d’avertissement envers Florent,
mais je ne comprenais vraiment pas dans quelle mesure. Il avait effectivement
réussi son examen, mais nous n’allions tout de même pas le tenir pour responsable
de notre échec. Cela n’avait pas de sens. J’avais papoté quelques minutes
encore avec Florent avant de me décider à rentrer à la maison.
Je m’assis au volant et m’immisçai
dans la circulation. J’étais tellement perdu dans mes pensées et ratai ma
sortie au rond-point. Je me retrouvai ainsi sur la route que j’avais emprunté
quand j’avais occasionné l’accident de Clara. C’était le chemin le plus long,
mais aussi le moins embouteillé, du coup, je gagnais généralement quelques
minutes quand je l’empruntais. Raison pour laquelle, j’avais opté pour ce
trajet le jour de mon accident.
Il m’était arrivé à plusieurs
reprises de penser à elle, elle était vraiment belle et j’avais eu l’impression
qu’un courant passait entre nous. J’eus une forte pensée pour elle quand
j’arrivai au feu de la dernière fois. Je revoyais le regard affolé qu’elle
avait eu en réalisant que ma voiture venait à vive allure vers elle. Je fus
curieux de savoir ce qu’elle devenait. Je dépassai le feu et fis demi-tour au
prochain rond-point. Je ne pensais pas que c’était l’envie de la revoir qui
était à l’origine de mon revirement.
J’avais l’intention de me rendre
à son lycée. Quand je l’avais secourue, j’avais eu le temps d’apercevoir le nom
de son lycée à travers l’écusson qui était cousu sur le haut de son uniforme
d’école.
Je jetai un bref coup d’œil à ma
montre et m’aperçus qu’il était déjà 15 h. La sortie des classes dans les
lycées de la ville s’effectuait pour la plupart à 15 h 30. J’aurais à attendre
juste une demi-heure en principe.
Je garai ma voiture devant le
lycée en question et éteignis le moteur. J’avais exactement 25 minutes avant la
fin des cours. Je pris mon téléphone et fis un tour sur les réseaux sociaux
J’entendis à cet instant la
sonnerie qui indiquait la fin des cours et quelques instants plus tard, je vis
le grand portail s’ouvrir et les élèves commencèrent à sortir progressivement
de l’école. Je posai le téléphone sur le siège passager et me mis à fixer la
foule d’élèves qui sortait dans l’espoir de distinguer le visage de Clara, tellement
ils se ressemblaient tous avec leur uniforme de classe.
Tout à coup j’aperçus Clara qui sortait
du lycée, accompagnée d’une fille. Je vis avec stupeur qu’elle boitait
légèrement, elle avait visiblement de la peine à prendre appui sur sa jambe
droite. Je restai un petit moment à l’observer. Elle était vraiment belle et
avait des courbes à damner un saint. Son uniforme lui allait comme un gant, il
épousait parfaitement son derrière sans être vulgaire. C’était étrange, je ne
la connaissais pas, mais j’avais su choisir une tenue à la juste taille. Elle
se sépara de son amie qui monta ensuite dans une voiture et Clara s’achemina
dans la direction opposée à la mienne.
- Clara, Clara, hurlai-je en
sortant précipitamment de la voiture.
Elle s’arrêta brusquement et se
mit à regarder autour d’elle en essayant de détecter d’où provenait la voix.
Elle me vit enfin et ses yeux s’agrandirent sous l’effet de la surprise.
- Bonjour, lui dis-je enfin dans
un sourire en m’approchant d’elle.
- Bonjour, répondit-elle
timidement sans oser me regarder dans les yeux.
Je n’arrivais pas détacher le
regard d’elle. Elle avait un visage aux traits soyeux et sa peau semblait
laiteuse. Je dus me retenir pour ne pas lui effleurer la joue.
- Ça va ? lui demandai-je
avec sollicitude. J’ai eu l’impression tout à l’heure que tu boitais.
- Hum, ça va assez bien. J’ai
encore un peu mal à la jambe, mais ça va de mieux en mieux.
- Tu sais, tu devrais te ménager
un peu, lui dis-je gentiment.
- D’accord, répondit-elle
simplement. Aurevoir, ajouta-t-elle en pressant le pas.
Je me rendis compte qu’elle
boitait effectivement.
- Hé, attends un moment, lui dis-je
en lui emboitant le pas, Clara !
Je lui avais saisi le bras en le
disant, car, elle n’avait pas la moindre intention de s’arrêter. Je la retournai vers moi et à cet instant, nos
regards s’accrochèrent et on resta en suspense un moment sans dire un mot.
- Où comptes-tu aller
ainsi ? lui demandai-je enfin sans la quitter du regard.
- Chez moi.
Elle avait répondu d’une voix
partiellement irritée comme si ma question était sans sens.
- Je sais bien, répondis-je en
levant les yeux au ciel. Tu habites très loin, pourquoi ne prends-tu pas un
taxi ?
- Pardon ? me demanda-t-elle
d’une voix franchement irritée cette fois.
- Bah oui, un taxi. En plus, t’as
mal à la cheville.
Chez nous, le moyen de transport
le plus utilisé était le taxi. Il y’en avait plein dans la ville. Il suffisait
de le stopper et s’il allait dans ta direction, tu y montais en rejoignant les
autres passagers qui y étaient déjà. Au fur et à mesure qu’un passager
descendait, il en prenait un autre qui allait dans la même direction que ceux qui
étaient déjà à l’intérieur du taxi. En plus, le prix était raisonnable vu que
tu n’avais pas l’exclusivité de la course.
Elle me regarda comme si je
tombais du ciel. Elle se tourna et fit mine de reprendre son trajet sans plus
me jeter le moindre regard.
Je lui saisis à nouveau le bras
et cette fois, une espèce de décharge électrique me traversa. Je ne comprenais
pas ce qui m’arrivait. Elle n’avait rien à voir avec le genre de fille que je
fréquentais. Elle était certes très belle, mais elle était toujours mal fagotée
et n’avait vraiment pas de style.
- Je t’ai posé une question, il
me semble ?! lui dis-je arrogamment.
Sa façon de me traiter m’irritait
un peu et surtout, je n’aimais pas cette espèce d’attirance que je ressentais
pour elle.
- Suis-je obligée de te
répondre ? me demanda-t-elle agressivement. Pourquoi ne devrais-je pas
rentrer chez moi à pied ? Y’aurait-il une loi qui me l’interdit ?
Je fus surpris par son ton
agressif.
- Bah, peut-être parce que tu as
mal au pied, peut-être aussi parce que tu habites très loin, lui répondis-je
d’une voix irritée.
- Écoute-moi, tu me perds du
temps d’accord. Si t’as rien à faire de ta journée, ne viens pas bousiller la
mienne ok ? me dit-elle d’une voix coupante.
Elle se retourna cette fois d’un
air décisif et s’en alla sans se retourner.
Je me rendis au pas de course à
ma voiture et me mis immédiatement au volant. J’arrivai bien vite à son niveau
et baissai la vitre.
- Clara, monte ! lui enjoignis-je.
Elle m’ignora et poursuivit son
chemin comme si de rien n’était. J’eus envie un moment de m’en aller et la
laisser à son sort, mais un sentiment de culpabilité m’envahit quand je pensais
que j’étais le responsable de son handicap passager.
- Clara, s’il te plait, monte,
lui dis-je cette fois d’une voix conciliante.
Elle ralentit un bref moment le
pas avant d’accélérer à nouveau. J’avançai doucement la voiture pour être à son
niveau.
- Clara, éc…
Un violent coup de klaxon
m’obligea à me taire, je regardai dans le rétroviseur et vis qu’une petite file
de voiture commençait à se former derrière moi.
- Espèce d’idiot, tu viens
négocier le cul en pleine route ? et c’est pour cela que tu vas bloquer la
circulation ? avait hurlé le chauffeur qui avait klaxonné il y’a peu en
faisant un dépassement un peu hasardeux.
Un autre coup de klaxon se fit
ressentir à l’instant.
- Clara, s’il te plait monte. Je
suis un obstacle à la circulation, lui dis-je à nouveau.
Elle soupira un petit moment
avant de se décider à monter.
- Je ne comprends pas pourquoi tu
t’es énervée tout à l’heure, lui dis-je d’une voix calme. Je voulais simplement
te faire savoir qu’il était mieux que tu ménages un peu ta cheville, le temps
pour elle de …
- Écoute-moi bien fils à papa,
car tu es certainement un fils à papa, je ne crois pas qu’à ton jeune âge, tu
puisses t’offrir une voiture et ces vêtements. Il y’a ton monde à toi et il y’a
le monde des gens comme nous, qui ne pouvons nous permettre de prendre un taxi
pour nos déplacements. C’est si difficile à comprendre ? me dit-il d’une
voix coupante.
J’eus tout à coup honte. Je
n’avais pas pensé un seul instant qu’elle n’avait peut-être pas les moyens de
s’offrir un taxi, vu son prix négligeable.
- Je voudrais descendre dès que
possible, ajouta-t-elle sèchement en se tournant vers la vitre.
J’étais tellement embarrassé.
- D’accord, lui répondis-je
simplement, en empruntant tout de même la route qui menait à son quartier. On
roula un petit moment dans le silence.
- J’ai dit que je voulais
descendre.
- Clara, permets-moi de te
raccompagner, c’est la moindre des choses. Si je n’avais pas roulé comme un fou
ce jour-là, tu ne serais pas dans cet état.
Elle ne répondit rien. Ne dit-on
pas que « Qui ne dit rien consent » ?
Après près d’une vingtaine de
minutes, j’arrivai au même point où je le l’avais laissée la semaine dernière.
- Si tu m’indiques la maison, je
pourrai te déposer devant ta porte.
Un éclair de panique traversa son
regard avant qu’elle ne se ressaisisse.
- Ce ne sera pas nécessaire,
répondit-elle enfin en posant la main sur la poignée de la portière. Merci,
ajouta-t-elle en sortant de la voiture.
J’ouvris précipitamment la boite
à gant et pris quelques billets qui y trainaient et sortis de la voiture au pas
de course. Elle avait déjà fait une centaine de mètres.
- Clara, attends, hurlai-je.
Elle s’arrêta tout en jetant un
regard circulaire tout autour d’elle, on aurait dit qu’elle avait peur.
- Tiens, lui dis-je en lui
tendant les billets. Tu pourrais prendre le taxi le matin avant d’aller à
l’école.
- Non, dit-elle en faisant un
mouvement de recul.
- J’insiste.
- J’ai dit non, reprit-elle
fermement en me tourna le dos.
Je lui saisis alors la main à
nouveau et posai les billets dans sa paume avant de refermer ses doigts. Ma
main devint moite à son contact et j’eus de la peine à la retirer. Elle maintenait
la tête baissée et je fus tenté de la relever pour essayer de déchiffrer si
elle ressentait elle aussi cette espèce d’alchimie qui existait entre nous. Je n’osai le faire, car je ne saurais prédire
sa réaction.
- S’il te plait, ne refuse pas,
insistai-je encore.
Je m’étais ensuite tourné et avais
rejoint très vite ma voiture. Je ne voulais pas lui laisser la possibilité d’y
repenser et de refuser.
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Nom d’auteur Justine Laure, roman “Proposition indécente”, il est en deux tomes