Chapitre 6 : Petites rivalités

Ecrit par Chrime Kouemo

Denise empoigna le panier rempli de linge fraîchement lavé et essoré et sortit de l’espace buanderie encore désert à cette heure matinale. Dehors, les oiseaux pépiaient gaiement dans les arbres. La journée s’annonçait ensoleillée, mais la brise était encore fraîche. Elle frissonna légèrement et la chair de poule se forma sur ses jambes et ses bras dénudés par son micro short et son top à fines bretelles. 

Elle aimait s’occuper des tâches ménagères aux premières heures du jour, une vieille habitude héritée de l’époque où elle vivait encore chez ses parents. Dans la maison de Madame Rita, maniaque de la propreté notoire, les tâches ménagères s’effectuaient aux aurores et devaient être achevées avant midi. Bien que ses parents eussent toujours engagé une femme de ménage, Denise et ses frères avaient leurs propres tâches qu’il n’était pas question de confier à cette dernière. Elle avait donc été à bon école. Elle devait reconnaître que cette discipline lui avait servi aussi bien dans les petits emplois successifs qu’elle avait occupés et dans son métier. 

Dans l’arrière cour toute en longueur au sol constitué de de dalles en granit gris clair, plusieurs cordes à linge étaient fixées sur une structure métallique le long du mur. L’ensemble était parfaitement entretenu tout comme les autres espaces communs. Le gardien de la résidence qui faisait également chargé de l’entretien, nettoyait la zone deux fois par semaine 

Elle s’empara d’une pince à linge et suspendit un premier vêtement. Ici au moins, elle ne risquait pas de se faire voler ses affaires comme elle en avait eu la désagréable surprise dans son ancien immeuble d’habitation après avoir laissé ses habits sécher sans surveillance toute une journée. 

— Bonjour Denise ! Tu es bien matinale. 

Elle se retourna et se retrouva en face d’Esther, les bras encombrés par une bassine remplie de linge.

— Bonjour Esther. Oui, j’aime bien faire ma lessive très tôt le matin. Je ne suis pas la seule visiblement, ajouta t-elle avec un sourire.  

Esther lui fit retourna brièvement son sourire. Son regard la balaya des pieds à la tête et une moue désapprobatrice se dessina sur son visage. 

— Tu n’as pas froid en étant si court vêtue ? 

Denise retint un sursaut de surprise. Non, mais pour qui se prenait-elle pour lui faire des réflexions sur sa manière de s’habiller ? 

— Pourquoi ? Tu as froid à ma place ? Répliqua t-elle en arrimant son regard au sien. 

Esther baissa rapidement les yeux. Sans faire d’autres commentaires, elle se mit à suspendre à son tour les vêtements sur la corde tendue devant elle. 

Denise haussa les épaules et se remit à sa tâche. Elle ne comprendrait jamais le besoin que les gens avaient de vouloir que leur vision du monde soit la même pour les autres. 

Elle n’essaya pas d’engager la conversation non plus, laissant un silence pesant s’installer entre elles. 

Simon apparut quelques instants plus tard par la porte de la buanderie, ses vêtements de sport imbibés de transpiration collant sur son torse et une serviette autour du cou. Elle ne put s’empêcher d’apprécier des yeux sa parfaite silhouette de jogger : des épaules bien carrées, des biceps saillants sans être gonflés, un abdomen plat et des cuisses longues et puissantes. C’était vraiment dommage qu’il cachât une telle merveille de la nature avec ses costards mal coupés et ses chemises quelconques qu’Esther prenait un soin précieux à sécher. 

— Hé Denise ! Tu m’as zappé aujourd’hui. La prochaine fois, je viens te débusquer chez toi. 

— Pardon hein ? Je t’ai dit l’autre jour que mon max c’était deux fois par semaine. Et  comme j’ai couru mercredi et vendredi, mon contrat est rempli. 

— Petite joueuse va ! Répliqua t-il taquin.

Il laissa un instant son regard traîner sur elle avant de se tourner vers Esther. 

— Chéri, je t’avais dit de laisser ma lessive, non ? 

— Ça ne me dérange pas, ça me permet de m’occuper. 

Denise rangea les pinces non utilisées dans son panier. 

— Bon, je vous laisse. Bonne journée. 

— OK… À plus tard, répondit Simon. 

Esther se contenta de hocher la tête, les lèvres pincées. Légèrement amusée, Denise lui dédicaça son plus beau sourire. Son panier à linges coincé contre sa hanche, elle retourna vers la buanderie en roulant excessivement des fesses. Elle pouvait sentir dans son dos le regard ahuri que lui lançait la copine de Simon. 


***


Simon prit une gorgée de sa bière fraîche, laissant son regard se perdre dans la décoration de la salle de réception du Foyer Bandjoun.

Un étalage de couleur vert pomme et blanc, depuis les rubans en papier crépon suspendus çà et là sur les quatre murs jusqu’aux nappes de table et housses de chaise. La grande table des membres d’honneur installée sur l’estrade en bois était revêtue d’une nappe du même vert avec ses empiècements en motif ndop. L’éclairage un peu trop puissant des lampes encastrées de forme hexagonale accentuait les tons de couleur, les rendant peu seyants à la vue. 

Esther l’avait invité à la soirée de fin d’année scolaire de son association des professeurs du Lycée Leclerc. Il s’ennuyait ferme. Il n’était pourtant pas quelqu’un de difficile quand il s’agissait d’ambiance car ayant très peu fait la fête pendant son adolescence et ses années étudiantes. D’ailleurs, il n’aurait pas su dire avec précision ce qui l’assommait dans cette soirée. Était-ce le concept même de l’association qui réunissait les professeurs originaires d’une même région, en l’occurrence celle de l’ouest du Cameroun ? Était-ce l’attitude des gens ? Ou alors le contenu des animations proposées ? 

S’il trouvait qu’il était important de préserver sa culture afin de la perpétuer — il était lui-même membre d’une association des jeunes de son village et participait chaque fois qu’il le pouvait aux activités culturelles — il saisissait moins l’intérêt de se regrouper entre personnes issues d’un même groupe ethnique au sein d’un établissement scolaire. Sa mère, originaire elle aussi de la province de l’ouest avait épousé son père qui était de la région du centre. Il avait toujours trouvé que c’était un véritable plus pour ses frères et lui de connaître les us et coutumes des deux ethnies de leurs parents. 

Le président de l’association, un type grand de taille vêtu d’un ensemble boubou de couleur  bleue prit la parole. Il fit le bilan de l’année écoulée et félicita les différentes commissions sur l’avancée de leurs projets. Projets qui d’après ce qui était présenté se déclinaient principalement en dons de fournitures scolaires et en organisation de forum d’orientation à une sélection d’établissements en pays bamiléké. 

Madame Moyo, ancienne présidente de l’association et membre d’honneur, remit le prix au représentant de la commission la plus méritante. Les applaudissements fusèrent de toutes parts, puis les autres membres de l’assemblée se levèrent, la main sur le cœur, pour entonner le chant de l’association. 

Esther, les mains jointes à celles des deux autres membres qui partageaient leurs tables chantait avec ferveur. Elle se donnait à fond dans son association et au vu du discours du président, il en était de même pour tous les membres. S’il trouvait le concept un peu clivant, il ne pouvait cependant que saluer leur implication et leur volonté de mettre à niveau certains établissements défavorisés. De nombreuses associations au Cameroun se résumaient à une simple tontine des participants et à des rencontres en fin de tournée pour faire la fête. 

— Alors, comment trouves-tu notre soirée ? demanda Madame Moyo qui s’était arrêtée à leur table. 

— Très bien, mentit-il, avec le sourire. 

Que dire d’autre dans ces cas-là ? De toutes les façons, ce genre de questions n’appelaient qu’un seul type de réponses. 

— Merci ! En tout cas, je suis particulièrement fière de la jeune génération de l’association qui a très bien repris le flambeau, poursuivit-elle en gratifiant sa compagne d’un sourire. 

Un sourire timide fleurit sur les lèvres d’Esther qui la remercia en retour. Elles échangèrent encore quelques minutes avant que Madame Moyo retourne à la table d’honneur. 

Il observa discrètement Esther tandis qu’elle discutait avec les quatre autres personnes de leur table. Habillée d’une longue robe de soirée bleue ciel à la coupe sobre, les cheveux sagement tirés en chignon bas sur sa nuque, ses grands yeux légèrement soulignés au crayon noir et un gloss sur ses lèvres fines, elle était rafraîchissante. Son léger maquillage ne parvenait pas à masquer les petits boutons qu’elle avait sur le front et sur le menton, et il trouvait cela très bien ainsi. Rien à voir avec la plupart des femmes qu’il trouvait toujours trop apprêtées, trop maquillées. 

Une jeune femme aux allures de vamp, détonnant avec le style de la plupart de leurs convives fit son entrée dans la salle. Sa robe noire à paillettes semblait avoir été cousue sur son corps. Perchée sur des talons à la hauteur vertigineuse et aux pompons métalliques qui se balançaient à chacun de ses pas , les cheveux qu’il supposait être des mèches brésiliennes tombant au milieu de son dos, un rouge à lèvres vif sur ses lèvres, elle traversa la salle tête haute. Automatiquement, toutes les têtes ou presque se retournèrent sur son passage. Il ne dérogea pas à la règle et ne put s’empêcher de la suivre du regard quand elle passa près de leur table pour rejoindre le fond de la salle. Le coup d’œil que lui lança Esther le mit légèrement mal à l’aise. L’expression de son visage lui rappela celle qu’elle avait le matin même quand Denise avait fait son show en sortant de la buanderie. Il n’avait aucune idée de ce qu’il s’était passé entre les deux femmes avant son arrivée. Esther n’en avait pas parlé et il n’avait rien demandé non plus. Ce qu’il savait en revanche, c’était que l’attitude de Denise n’était pas normale. Elle pouvait être un peu folle, mais il la côtoyait suffisamment pour savoir qu’elle n’avait jamais adopté ce type de démarche devant lui. 

Il prit sa main sous la table et la pressa. S’il n’avait pas été pudique en public, il lui aurait fait un bisou. Elle semblait penser, à tort, que ce type de femmes attiraient les hommes en général, lui y compris, ce qui ne pouvait pas être plus faux. Il aurait aimé lui dire pour la rassurer que l’intérêt que ce genre de femmes suscitait en lui était comparable à celui d’une ampoule rouge; on la regardait parce qu’elle attirait l’œil, mais personne n’aurait idée d’en acheter une pour l’installer au plafond de sa chambre. 

Les discours et autres énoncés achevés, l’animateur de la soirée annonça l’ouverture du buffet self service. Simon suivit Esther près de la grande table à la nappe en tissu ndop dressée pour l’occasion. Ils se retrouvèrent devant la jeune femme qui avait fait une entrée fracassante quelques instants plus tôt. 

— C’est comment Noubissi ? Fit-elle d’une voix terriblement nasillarde à l’intention d’Esther. 

Simon pouvait presque voir les muscles du cou d’Esther se tendre. 

— Bien et toi ? Tu es arrivée en retard comme d’habitude. 

La femme émit un petit rire, en repoussant ses cheveux dans son dos d’une main. 

— Tu as remarqué, non ? Je n’aime pas passer inaperçue. 

— En tout cas... je te présente Simon, mon fiancé.  Il est expert-comptable, dit Esther en se tournant légèrement vers lui. 

Simon réprima une grimace. C’était au moins la cinquième fois qu’elle le présentait à ses collègues en précisant automatiquement son métier. À croire qu’il s’agissait de son patronyme. Et puis, il n’était pas encore son fiancé. 

— Ah ! Enchantée ! Moi c’est Belinda Domche. 

Presque comme un robot, Simon tendit la main vers elle. Elle enroula ses doigts aux ongles longs et parfaitement manucurés autour de sa main en cherchant à accrocher son regard.  

Le reste de la soirée fut en tout point identique au début : ennuyeux. Le one man show de l’humoriste qui avait pour thème principal les différents défauts des villages en pays bamiléké ne lui arracha même pas un sourire. Il fit néanmoins l’effort d’accompagner Esther sur la piste de danse. Il était loin d’être un danseur émérite et en général, c’était à ce moment là qu’il s’éclipsait de la soirée. Mais sa compagne semblait s’amuser. Ses yeux brillaient et son sourire ne quittait pas son visage tandis qu’elle se trémoussait devant lui. 


***


Denise lança la musique pour la dernière répétition de la séance. Elle se plaça devant le miroir et exécuta les premiers pas de la chorégraphie pour donner l’impulsion à ses élèves. Les jeunes femmes se donnaient à fond et elle était ravie de constater que plusieurs d’entre elles exécutaient les pas avec plus de rythme et plus d’harmonie. 

D’un mouvement de la main, elle invita les élèves deux par deux face au miroir, notant au passage qu’elles y prenaient plus de plaisir. Au début, ce n’était pas gagné. Certaines élèves craignaient de se ridiculiser. Elle était donc ravie d’avoir réussi à les mettre plus en confiance. 

Le dernier tour fut pour Danielle et une autre élève. Denise s’était réjouie de la voir arriver en début de séance. Malgré son absence de quelques semaines, elle n’avait rien perdu de son apprentissage et reproduisait les pas correctement et avec plus de souplesse. 

— Je suis contente de te revoir, Danielle, lui avoua t-elle à la fin de la séance. 

La jeune femme hocha la tête en souriant. 

— Moi aussi, tes cours m’ont manqué. 

— En tout cas, tu n’as pas perdu pendant ton absence. Ça s’est alors arrangé avec ton mari ?

Danielle détourna le regard, l’air embarrassé. 

— Non, pas vraiment. Il est en voyages d’affaires pour un mois, donc je profite de son absence pour venir. Après, je verrai. 

— OK... 

— À mercredi alors. Bonne journée 

Elle lui fit un signe de main en retour et s’occupa ensuite à débrancher son enceinte Bluetooth pour la ranger dans son sac de sport. 

Du coin de l’œil, elle vit apparaître Armelle qui était la dernière à sortir des vestiaires. Elle était très assidue à ses cours. Depuis un mois qu’elle avait commencé, elle n’avait loupé aucune séance. Les premièrs résultats pointaient leur nez. Elle lui avait confié qu’elle s’était acheté plusieurs paires de chaussures à hauts talons. 

— Tu fais quoi après ? S’enquit Armelle en arrivant près d’elle. On peut aller prendre un verre et manger ensuite si ça te dit ?

— Euh...Je retrouve déjà mon amie Eloïse dans un snack pour manger des grillades. Désolée, ajouta t-elle avec un sourire contrit. 

— Oh... Bon, ce sera pour une prochaine fois alors ?

Denise hésita une seconde en voyant sa mine déçue. Armelle et elle se voyaient régulièrement après les cours, et elle appréciait réellement sa compagnie. 

— Joins-toi à nous !

— Tu es sûre ? Je ne voudrais pas m’incruster. 

— Ne t’inquiète pas pour ça. Eloïse et moi on n’a pas ce genre de problèmes. 


Dans la Suzuki Vitara d’Armelle, la conversation alla bon train. Celle-ci lui raconta avec fierté la cérémonie de remise de prix de l’école de son fils Stan qui avait eu lieu le matin même. Denise n’aurait pas pu imaginer que le visage de sa nouvelle amie put être plus doux. Quand Armelle parlait de son fils, ses pupilles se faisaient encore plus lumineuses, plus chaleureuses. Il ne fallait pas être devin pour se rendre compte que son enfant comptait plus que tout pour elle, qu’il était littéralement sa raison d’être. 

Inévitablement, elle ne put s’empêcher de se questionner sur sa propre existence. Elle ne s’était jamais vraiment interrogée sur son propre désir d’enfants. Quand ses amies rêvaient de mariage et de progéniture, elle rêvait de scènes et de feux des projecteurs. L’idéal familial avait toujours été une option, une sorte de bonus dans son plan de vie et non un but à atteindre tout prix. Ayant été élevé par ses deux parents et malgré les rapports conflictuels qu’elle entretenait avec sa mère, elle considérait que l’envie de procréer allait de pair avec celui d’une vie de famille. Après avoir renoncé à tout projet d’ordre matrimonial suite à son histoire avec Oswald, elle avait donc automatiquement fait une croix sur celui d’avoir des enfants. Eloïse trouvait que c’était vieux jeu de penser ainsi mais quand elle voyait les familles harmonieuses qu’avaient ses frères, sa sœur et ses amies, elle trouvait que c’était injuste de priver volontairement un enfant d’un de ses parents. 

— Il m’a l’air d’être un adorable garçon ton fils, j’aimerais bien le rencontrer, dit-elle à Armelle en souriant. 

— Oh oui, je confirme. Et ce n’est pas parce que je suis sa mère. On se fera une petite sortie ensemble à l’occasion. 

— Il va en quelle classe ? 

— CE 2. Sa maîtresse m’a proposé de lui faire sauter une classe étant donné ses excellents résultats scolaires. Ralph est partant, mais je ne suis pas pour. 

— Pourquoi ? 

— Je pense que tant qu’il se sent bien dans sa classe avec les gens de son âge et qu’il ne s’ennuie pas, il n’y a pas d’intérêt. 

— Tu penses un peu comme ma mère. Elle était professeur de maths et à chaque fois elle fustigeait les parents qui se précipitaient pour avancer leurs enfants d’une classe. 

— Je suis d’accord avec elle. J’ai d’autant plus vu les dégâts sur ma grande sœur Fanny. Elle était très brillante à l’école primaire. Ma mère lui a fait sauter deux classes si bien qu’elle s’est retrouvée à l’âge de neuf ans en sixième. C’est là que les choses ont commencé à se gâter. Fanny a fini par reprendre sa sixième et sa cinquième et je crois qu’à partir de là, elle a perdu confiance en elle. Le reste de sa scolarité n’a plus eu rien à voir avec son cursus en primaire. 

— Oh c’est dommage. 

— C’est clair ! C’est pour ça que je reste extrêmement prudente. Si c’est juste pour me vanter que mon fils a une avance, ça ne m’intéresse pas. 

— Et tu fais bien ! Gare-toi là, indiqua t-elle à Armelle alors qu’elle apercevait l’enseigne lumineuse du restaurant à l’angle de la rue. 

Le Malaïka Restaurant était situé dans les hauteurs du quartier Nlongkak. La terrasse ouverte  sur la salle de restauration surplombait le quartier offrant une vue imprenable sur les environs, mélange de bâtiments aux toitures hétéroclites. Le soleil couchant projetait ses derniers rayons dorés au loin intensifiant la beauté du panorama. 

Denise, suivie d’Armelle, se dirigea fond de la terrasse où Eloïse était déjà installée sur une banquette en rotin garnie de cousins aux tons orangé et rouge. Des petits palmiers Royal disposés à chaque angle apportaient une touche tropicale à l’ensemble. 

— Pupuce c’est how ? dit Denise en faisant la bise à Eloïse.  

— On est là. Et toi même ? Ça a été ton cours ?

Denise opina de la tête. Elle fit ensuite les présentations et elles s’assirent dans un même mouvement. Un serveur vint rapidement prendre leurs commandes. Ça tombait bien, elle mourrait de faim. 

— Ma chérie, tu es mô hein ? Dit-elle en gratifiant Eloïse d’un long regard accompagné d’un sourire 

Eloïse était élégamment vêtue d’une longue tunique en basin riche de couleur bleue ciel qui rehaussait son teint couleur caramel. Ses cheveux étaient coiffés en chignon haut et une frange retombait sur son front haut. Une touche de blush rose irisée mettait en valeur son visage aux pommettes saillantes. 

— Merci oh. Les enfants sont partis en vacances chez leur grand-mère aujourd’hui. J’en ai profité pour faire un petit tout chez la coiffeuse et l’esthéticienne. 

— C’est ça même ! Faut en profiter. 

— Tu as des enfants ? Demanda Eloïse en se tournant vers Armelle. 

— Oui, un petit garçon de huit ans. Et toi tu en as combien ?

— Deux. Un garçon de quatre ans et une fille de six ans. Je les adore, mais j’avoue que j’ai retenu un hurlement de joie quand ma belle-mère est venue les chercher ce midi. 

Elles s’esclaffèrent toutes les trois.  

— C’est chouette ici, commenta Armelle en regardant autour d’elle. Je ne connaissais pas cet endroit. 

— N’est-ce pas ? Je suis tombée amoureuse de cette vue quand je suis venue pour la première fois. Et tu verras, leurs grillades aussi sont excellentes, confirma Eloïse. 

Leurs commandes arrivèrent rapidement et la discussion se poursuivit tandis qu’elles dégustaient leurs grillades. 

Eloïse semblait nostalgique et n’arrêtait pas d’évoquer le bon vieux temps de leur épopée scolaire au lycée Leclerc, excluant subtilement Armelle de la conversation. Denise ramenait automatiquement les échanges sur des sujets plus généraux. 

Quand Armelle se leva pour aller aux toilettes, elle en profita pour clarifier la situation avec Eloïse. 

— Je peux savoir ce qui se passe ? 

— De quoi parles-tu ? Feignit son amie en saisissant son verre sur la table pour tirer une gorgée à l’aide de la paille. 

— Tu as quoi contre Armelle ? Pourquoi l’exclus tu de la conversation ? 

Son amie détourna un instant le regard avant de répondre en haussant les épaules. 

— Je ne la sens pas. 

— Pardon ? Fit-elle interloquée. Tu la rencontres pour la première fois et direct, tu ne la sens pas ?

— Je croyais que tu m’avais dit que tu évitais les amitiés avec tes élèves.

— Oui et alors ? Elle m’inspire confiance. Je n’ai pas le droit de faire d’exceptions ? 

Eloïse fut sur le point répondre quelque chose, mais se ravisa. 

— Et même si tu ne la sens pas, ça ne justifie pas ton comportement. C’est une question de politesse et de savoir vivre, insista t-elle. 

— OK, répondit-elle finalement. Désolée. 

Eloïse lui fit un sourire d’excuse. Armelle revint des toilettes. La conversation se poursuivit comme si de rien n’était. Denise en fut soulagée. Eloïse était une sœur pour elle et elle appréciait de plus en plus la compagnie d’Armelle. Il était de loin préférable que le contact passe bien entre elles.

Les Promesses du Des...