Chapitre 6 : William SACRAMENTO
Ecrit par Sandy BOMAS
-Babe tu penses que tu pourras rentrer ce soir ?
-Je rentre toujours Alexiane. Je ne comprends pas le sens de ta
question.
-Tôt je veux dire…
-Ecoute je ne pense pas…J’ai beaucoup de boulot et tu le sais.
Venir m’installer ici pour être avec toi n’a pas été facile et j’essaie de
remettre les choses en ordre. Je ne peux pas satisfaire tous tes caprices puce.
-Oh mais ce ne sont pas des caprices. On doit penser à fonder une
famille, avoir un enfant et on n’y arrivera jamais si tu passes tout ton temps
au boulot. En dehors de ça, on doit penser à rencontrer ta famille. Je ne les
connais pas du tout et ça fait deux ans qu’on est mariés. Ce n’est pas normal.
-Je n’ai pas eu besoin d’eux pour t’épouser et crois moi je n’en
ai pas besoin en ce moment. Je ne veux pas que tu commences à me mettre la
pression. Je t’ai ramenée pour que tu
puisses être proche des tiens mais ma famille reste un sujet qu’on n’abordera
pas.
Elle a soupiré…Je lui ai pourtant expliqué de long en large
pourquoi je ne voulais pas revoir les miens, mais Alexiane est très têtue quand
elle le désire et je dois chaque fois prendre sur moi pour ne pas la brusquer.
Je me suis levé de table et j’ai enfilé ma veste. Il est l’heure que j’aille au
boulot.
-Qu’as-tu prévu aujourd’hui ?
-Faire du rangement. J’attends la nouvelle domestique. On a
acheté beaucoup d’effets et je ne peux
pas tout faire seule dit-elle en m’attachant ma cravate.
J’ai parcouru rapidement la pièce du regard. Effectivement les
choses sont disposées un peu pêle-mêle. Cela fait une semaine que nous sommes
rentrés du Canada et on a tout juste eu le temps de faire les emplettes
nécessaires. Elle ne pourra jamais s’en sortir seule.
-Bon ! Je ferai l’effort de
rentrer tôt pour aider à remettre un peu d’ordre. De toute façon, le week-end
je ne sors pas donc on pourra tout ranger et tu pourras cesser de tirer la
tronche…Ma femme au foyer.
-Hé (rire)…je ne le resterai
pas longtemps. Je vais déposer des dossiers de candidature partout. Tu sais que je n’aime pas rester à
la maison à me tourner les pouces.
Je l’ai embrassé vite fait mais comme d’habitude, cela a pris une
autre tournure et j’ai dû mettre un terme à ce baiser qui promettait de
déboucher sur autre chose. Elle m’a accompagné jusqu’à la porte de
l’appartement avant de m’y abandonner. Quand j’ai atteint l’extérieur, un vent
annonciateur d’une pluie soufflait très fort. Précipitamment, je me suis
engouffré dans ma voiture, la tête déjà
ailleurs.
Je m’appelle William SACRAMENTO fils unique de Nathan SACRAMENTO.
Je suis âgé de 35ans et je suis à la tête d’une entreprise que j’ai développé
grâce à mes propres ressources. Cela fait trois ans que j’ai crée la maison
d’édition Evasion. Je suis un accro de lecture et j’ai toujours trouvé ma
satisfaction quand je me plonge dans de bons romans. Alors quand il m’a fallu
repartir de zéro, j’ai choisi ce domaine pour en faire mon métier parce que
avant tout c’est une passion. Je suppose que c’est mieux que de reprendre les
affaires de papa comme le voulaient les membres de ma famille.
Je préfère commencer du début sinon beaucoup de personnes ne
comprendront pas ma situation actuelle. Comme je l’ai dit, je suis le fils de
Nathan SACRAMENTO, mon père était spécialisé dans la vente de drogues et
d’armes en tout genre au Bénin et dans les pays voisins. Cette activité très
lucrative a fait sa fortune. Aux dernières nouvelles, j’ai un héritage de plusieurs
millions qui m’attendent à la banque mais j’ai décidé depuis bien longtemps que
je ne toucherai pas à cet argent sale. Je n’avais pas compris le métier
qu’exerçait mon père jusqu’à ce qu’un soir, je sois enlevé à la sortie des
cours. Je me souviens encore de la peur que j’avais ressentie en écoutant les
bandits me promettre de me tuer très rapidement pour que je ne souffre pas.
Puis papa est venu des heures plus tard et on m’a libéré. Depuis ce jour, j’ai
fouillé jusqu’à comprendre que mon père, l’homme que j’adulais n’était rien
d’autre qu’un criminel. La chute a été très douloureuse. Après cette
découverte, nos rapports se sont
considérablement dégradés.
Quand j’ai eu 17ans, ma mère a perdu la vie lors d’une fusillade.
C’était les hommes de mon père qui étaient impliqués dans les échanges de tir
avec un autre gang. Je n’ai jamais réussi à dépasser cela. Mon père et moi
sommes devenus des ennemis et j’ai quitté le pays quand j’ai pu. Voilà le
résumé de mon adolescence. Il n’a rien de commun à celui de plusieurs autres
garçons de part le monde. Moi contrairement à certains, qui continuent le
métier de leur père mafieux, j’ai refusé
d’être associé à tout ça.
Pourtant je suis revenu au Bénin il y a cinq ans pour épouser une
femme. Je l’avais rencontré au Canada et j’étais tombé amoureux d’elle au point
de la demander en mariage. Elle voulait un mariage avec ses proches, chose très
légitime donc je suis rentré. Mais les choses ne se sont pas passées comme
prévu et j’ai été obligé de rompre avec elle à cause d’une erreur d’un soir. Et
pire, mon père s’est retrouvé condamné à 20 ans de prison pour le meurtre du
chef d’un gang rival. Suite à cela, ma famille s’est réunie et a décidé que
c’était à moi de continuer à faire prospérer l’affaire familiale. Il était hors
de question que je trempe dans le traffic de stupéfiants et tout le reste. J'ai
quitté le pays sans rien leur dire en sachant que personne ne pouvait oser s’en
prendre à moi. Mon père ne l’aurait jamais permis. De retour au Canada, j’ai
créé ma société. J’avais un peu de sous et cela m’a permis de me lancer. Je
savais que les écrivains avaient du mal à se faire publier vu le taux élevé de
pourcentage que demandent les éditeurs alors j’ai décidé d’aider ceux qui
étaient dans le besoin, et je pense en avoir aidé puisque très vite ma société
qui n’était presque rien du tout a prospéré.
Aujourd'hui, j’ai déjà édité des romans de nombreux écrivains.
Perdu dans mes pensées, je n’ai pas vu la voiture qui venait en
sens inverse. On a failli se percuter mais juste à temps, j’ai pu empêcher
l’accident. J’ai été obligé de me garer
en catastrophe en poussant un énorme juron. Une fois rassuré que je n’avais
rien, je suis sorti de la voiture pour voir si l’autre conducteur avait eu un
problème.
-Espèce d’imbécile. Tu voulais me tuer n’est-ce pas ? Je te jure
que je vais porter plainte et que…
La voix de la femme qui parlait s’est perdue quelque part dans la
distance qui nous séparait. Ce n’est pas possible. Mais c’est Stella GAGNON, mon
ex fiancée !
«Elle n’a pas changé d’un pouce ».
-Will ? bafouilla t-elle.
-Stella murmurai-je troublé de la revoir après ces cinq dernières
années. Tu vas bien ? Tu n’as rien eu ?
Elle m’a dévisagé avec tellement d’intensité que cela m’a rappelé
notre première rencontre. Entre nous, les choses se sont passées très vite et
très naturellement. On avait vite accroché.
-Je…je vais bien murmura-t-elle.
Comme les passants nous fixaient, j’ai décidé de mettre fin à
cette situation embarrassante.
-Je suis désolé, j’avais l’esprit complétement ailleurs. Et je ne
t’ai pas vu venir.
-Ce n’est rien…
-Bon je dois y aller…J’ai été ravi de…
-On peut prendre un café ? demanda-t-elle très rapidement
-Je dois me rendre au boulot mais (fixant ma montre) ok pourquoi
pas ?
Je suis rentré à Cotonou très
récemment et je constate que les choses ont bien changé par ici.
-Et oui !
-Du coup comme je n’ai pas envie de me gourer. Je te propose de
passer devant pour et je te suis.
Elle m’a jeté un dernier coup d’œil avant de s’éloigner. Une fois
dans ma voiture, j’ai remis le contact et j’ai attendu qu’elle démarre pour que je la suive.
Je me suis trompé tout à
l’heure quand j’ai dit que Stella est restée la même.
Elle a changé. Elle me semble plus calme et plus belle.
La dernière fois que je l’ai vu c’était le matin de mon départ
pour le Canada.
J’étais allé lui dire au revoir et m’assurer qu’elle allait bien.
Elle avait fait une fausse couche et avait le moral au plus bas. Cela faisait
également parti des choses qui m’ont chassé de ce pays. Je ne savais pas
qu’elle était enceinte et elle m’avait caché qu’elle portait notre enfant. Elle
voulait me faire une surprise. C’est au moment de la fausse couche que j’ai su
qu’elle portait un enfant de moi. Apprendre que j’ai failli être père au moment
où ce n’est plus possible... Je lui en ai beaucoup voulu pour ça.
Aux yeux de tous, j’étais
le méchant de l’histoire mais j’assumais parfaitement ce rôle qu’ils avaient
décidé de m’attribuer. Même si parfois c’était lourd à porter…
Quinze minutes plus tard, Stella s’est garée devant un restaurant et j’ai fait
pareil. Quand je suis descendu, elle m’attendait déjà prêt de l’entrée. On nous
a conduits très vite vers une table.
-Tu sembles être une habituée des lieux Stella murmurai-je tandis
qu’on prenait place.
-Que veux-tu ? Les aléas du célibat dit-elle en souriant mais son
sourire a disparu quand elle a remarqué mon anneau de mariage.
-Tu es marié ? demanda-t-elle d’une voix lourde en émotions.
-Oui. Cela fait trois ans.
-Tu n’as pas perdu du temps on dirait. Et qui est l’heureuse élue
? Celle avec qui tu m’as trompée ?
La mention de mon infidélité m’a fait penser à sa meilleure amie.
Francine et la question qui me taraudait depuis peu a failli franchir mes
lèvres mais je me le suis interdit.
-Non…Ce n’était qu’un coup d’un soir comme je te l’avais expliqué.
J’ai rencontré Alexiane au Canada il y a trois ans.On peut commander ?
Elle m’a jeté un coup d’œil dans lequel j’ai pu lire de l’amertume
mais j’ai décidé de rester de marbre. J’ai fait signe au serveur et on a passé
notre commande.
-Comment vas-tu ? Que deviens-tu?
-Je vais bien , je suis toujours là et célibataire si tu veux
savoir. Pas d’enfant ? Et toi ? Tu en as ?
-Non…
-J’aurais voulu avoir au moins un enfant Will. La vie semble
tellement moins vide sans eux. Tu es allé voir ton père ?
-Non fis-je en me crispant.
-Tu devrais aller le voir. Ça lui ferait plaisir et à toi par la
même occasion. Il demeure ton père tu sais, et ce même s’il a tué le père de Francine.
Les battements de mon cœur se sont accélérés brusquement à
l’évocation de ce prénom. Les souvenirs m’ont assailli et j’ai secoué la tête
comme pour les chasser.
-Je sais que tu parles beaucoup quand tu es stressée Stella mais
on peut éviter ce sujet ? Je n’ai pas envie d’en parler. On peut parler d’autre
chose s’il te plait ? Que devient Francine ? Demandais-je de but an blanc.
«Oups ! Ma bouche n’a pas pu s’empêcher de poser la question ».
Ma voix était la plus neutre possible mais j’avais presque peur de
l’entendre me dire qu’elle était aussi au Bénin. Je suis revenu avec cette peur
au ventre…La rencontrer un jour sur mon chemin.
-Fran (sourire triste) cela fait cinq ans que je ne l’ai pas vu
aussi. On s’écrit et on cause au téléphone mais parfois j’ai l’impression
qu’elle me fuit. Elle vit au Gabon actuellement.
J’ai soupiré de soulagement.
«Je n’aurais pas à la voir ».
-Parle-moi de toi…
On a passé près de trente minutes à discuter à bâtons rompus
malgré le malaise qui persistait entre nous. L’envie de demander plus
d’informations sur Francine me taraudait mais cette fois-ci j’ai su me retenir.
Qu’est-ce que cela m’aurait apporté de plus ? Rien….
-Pourquoi tu n’as pas refait ta vie Stella ? Tu es belle et les
hommes ne manquent pas.
-Les hommes sont effectivement nombreux mais pas sérieux. La seule
chose qui les intéresse est de coucher avec moi. Je cherche plus que cela.
-Tu trouveras quelqu’un qui te correspondra. Tu es une femme bien.
-Maintenant que tu es revenu, la famille MIKALA va penser que tu
es là pour reprendre les affaires de ton
père.
-Grand bien leur fasse fis-je luttant encore contre l’émotion que
me procure à chaque fois ce nom.
-Francine était la seule qui savait tenir tête à son père. Elle
avait quitté le pays parce qu’elle estimait que son père n’en valait plus la
peine. Bon ses frères ont tout liquidé après ton départ. Ils ne peuvent pas
laver le nom de la famille mais ils essaient.
-Stella…Arrête s’il te plait. Je suis venu ici en tant que simple
éditeur.
-Mais le passé te rattrapera, tu seras toujours le fils d’un
assassin et les hommes de ton père voudront que tu reprennes le flambeau.
-L’espoir fait vivre…dis-je en souriant.
-Je n’arrive pas à te détester William après tout ce que tu m’as
fait. Tu es un homme bon et c’est difficile de ne pas t’aimer. J’aime ton
intégrité.
Nous avons encore bavardé quelques minutes avant de décider de nous
séparer. On a échangé nos numéros et dans un dernier sursaut, j’ai demandé
celui de Francine.
-Pourquoi tu veux son numéro ? demanda-t-elle intriguée.
-Je sens qu’un jour, je pourrais en avoir besoin. Si sa famille me
cherche des noises. On ne se connaissait pas bien mais c’était la plus simple
de tous pour moi…Je pourrais avoir besoin de lui parler.
Je semblais l’avoir convaincue, puisqu’elle fouilla dans son téléphone
portable.
-Voilà…Tiens.
Je me suis empressé de noter le contact, heureux de l’avoir.
L’envie de lui parler est
devenue plus forte. Je n’ai jamais pu l’oublier malgré tout et j’espère
vivement que le fait d’avoir de ses nouvelles pourra m’aider à passer cette
étape. Stella et moi avions convenu de garder le contact avant de nous séparer.
Trois heures plus tard
J’ai regardé ma cliente sortir de mon bureau avec un sourire
satisfait sur les lèvres. Le fait d’avoir quitté le Canada pour le Bénin aurait
dû porter un coup net à mon travail mais j’ai tissé au cours des années des
liens de travail que j’utilise maintenant. J’ai le temps de repartir de zéro
mais avec une réputation de base solide. J’ai réussi à trouver un bâtiment
convenable en attendant de démarrer mes travaux. Et j’emploie déjà plus de
vingt personnes. C’est le point de départ. Il y a un autre monde que j’ai envie
de conquérir. Celui des chroniqueuses sur Facebook.
C’est un phénomène en pleine expansion et malheureusement peu de
ceux qui publient sur cette plateforme parviennent à vivre de leurs écrits. Il
y en a assez et je compte bien leur proposer un bon marché.
« Toc toc toc »
On frappa à la porte.
-Oui ?
Ma secrétaire Christianne a ouvert la porte de mon bureau. Il
s’agit d’une belle jeune femme de teint noir et très polie. En tout cas, elle
fait bien son boulot.
-Oui Christianne ?
-Il y a deux hommes qui demandent à vous voir Monsieur. Et ils
sont pressés.
J’ai perçu la panique dans sa voix. J’ai compris qu’il devait
s’agir des hommes de mon père.Poussant un soupir, je me suis levé de mon siège
et je me suis dirigé vers la porte.
-Retournez à votre poste. Je vais prendre la suite.
-Merci Monsieur.
Quand je suis arrivé dans le hall, il y avait effectivement deux
hommes louches qui se tenaient debout et regardaient avec un regard peu avenant
les employés. Dès qu’ils m’ont vu, leur attitude a changé. Ils ont adopté une
pose respectueuse.
-Bonsoir…Que puis-je pour vous ? demandai-je en les dévisageant.
-On peut parler en privé ?
-Non…mais vous pouvez me parler ici...Je vous écoute. Allez-y…
-On sait que vous êtes revenu au pays et on nous a envoyé vous
dire bonjour.
-Vous avez placé un GPS sur moi ? Demandai-je peu surpris.
-Non répondit l’un des hommes,
mais l’un de nous vous a reconnu quand vous êtes passé près de lui à
l’aéroport. On est tous content de savoir que vous êtes revenu.
J’ai glissé une main dans ma poche. Leur courage me surprend. Je
ne m’attendais pas à cela.
-Qui vous envoie ? Demandai-je curieux.
-Votre père !
J’ai tressailli.
« Mon père ?! »
-Dans quel but ?
-Il veut que vous veniez le voir en prison. Il voudrait vous
parler. On a un nouveau contact à l’extérieur qui aimerait faire affaire avec
vous. Votre père est enfermé donc il ne peut pas s’en occuper.
-Un contact extérieur. Je vois. Je ne suis pas intéressé !
-Il a demandé de faire un effort. Vous êtes son seul héritier.
-Je n’irais pas ! Dites-le lui et ajoutez que je ne
reprendrais jamais ses trafics ! On en a fini ?
-Oui Patron.
Refusant de céder à la colère, j’ai pris mes distances. Le connard
m’appelle délibérément patron pour m’inciter à réagir mais je suis plus
intelligent que lui. En acceptant revenir dans ce pays, je me suis jeté dans la
gueule du loup.
-Qu’en est-il de vos rapports avec la famille MIKALA ?
Ils se sont fixés brièvement avant de me regarder à nouveau.
-On n’a aucun rapport avec eux.Pas depuis qu’ils ont liquidé tout
ce qui appartenait au vieux. On cohabite ensemble. Mais je pense que les choses
vont vite changé d’ici là.
-Changer ? Comment ça ? Que prévoyer-vous ?
-Si vous vous mettez de notre côté, vous le saurez.
-Je vois. Merci pour l’information. Je peux alors vous abandonner
?
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