chapitre 7: Un indice inattendu

Ecrit par Max Axel Bounda


Mercredi 15 aout 2017

BSI BUILDING

14 h 07


Nous avions reprit l’essentiel des rapports d’auditions liés aux meurtres des six filles, afin de vérifier s’il n’existait pas un point commun ou un émergent dans les relations des proches des victimes.

Doumbia et Joristana étudiaient des tonnes de dossiers, s’attachant respectivement à Séraphine Diramba et Antonia Mboumbou. Tandis que l’équipe de Varama reprenait la victimologie des six filles, Cassydie se concentrait sur les relations de Pascaline Nkama, Andréa Massavala et Mauricette Opiangah.

De mon côté, j’avais voulu m’intéresser à Rigoberta Nzouba Ndeka. Mais je ne recherchai plus le chirurgien. J’étais persuadée que ce n’était pas lui qui avait tué Rigoberta, et que son véritable assassin essayait de mettre le meurtre sur le dos de notre tueur. J’avais vérifié les déclarations des proches de Rigoberta, et à part Charlotte Rignault, seule sa sœur Iris faisait allusion à une relation avec un homme, et encore, elle n’avait pas l’air de savoir qu’il était marié.

Je m’étais procuré la liste de tous les employés du cabinet BB Corporation, la société qui employait Rigoberta. Le personnel de la boite était à majorité féminin, et aucuns des collègues masculins mariés de Rigoberta ne correspondait au profil.

La description de son amant était plutôt vague : un homme marié d’une cinquantaine d’années, des tas d’hommes correspondaient à ce signalement.

J’avais décidé de faire part à mes collègues de mes soupçons relatifs au meurtre de Rigoberta et je les mis au courant des suppositions que j’avais formulées. Mes collègues m’écoutèrent sans un mot, tandis que la surprise se dessinait sur leurs visages.

Il y eut quelques murmures, et attendirent que le silence se fasse. Lorsque j’eus terminé mon exposé, Joristana fut la première à réagir.

— Tu penses donc que ce n’est pas le Chirurgien qui a tué Rigoberta ?

Je répondis par un simple hochement de la tête.

— Je n’ai aucune preuve de ce que je dis, répondis-je finalement, ce ne sont que des théories bancales, et je ne suis pas certain qu’Asselé ait envie d’apprendre qu’on doit chercher un autre tueur. Pour l’instant, tant qu’on n’a rien de concret, on garde ça pour nous. Si on trouve des preuves, là on pourra l’aviser.

— C’est la raison pour laquelle il y a tant de différences entre le meurtre de Rigoberta et celui des autres.

— C’est ce que je pense.

— Et puis la meilleure façon de camoufler un meurtre, fit remarquer Cassydie, c’est de faire croire qu’il a été commis par le tueur en série que tout le Gabon recherche.

— Et pendant ce temps, le véritable assassin se pavane dans Libreville tranquillement comme si de rien n’était, renchérit Joristana. Bon comment on fait pour le retrouver ?

Là, on se retrouvait coincés. Je me le laissai tomber le fauteuil derrière moi en soupirant.

— Ce ne sera pas facile, les infos que nous avons sont trop floues car tout ce que l’on sait, c’est qu’il s’agit d’un homme marié d’une cinquantaine d’années.

— Donc il faudrait qu’on fouille de plus près les relations de Rigoberta. Elle a connu Andjoua grâce à son travail, et peut-être que son vieux en question appartient à une entreprise qui a signé un contrat BB Corp. Nous devons jeter scruter la liste des personnes qui ont traité avec BB Corp et avec qui Rigoberta était en relation.

Nous étions toujours dans le flou. Je réfléchis un instant en me passant un pouce sur les lèvres.

— Et on fait quoi pour le Chirurgien. Je veux dire le vrai tueur ? Se hasarda Christophe.

Cette fois, je ne marquai aucune pause pour réfléchir.

— Tous les policiers gabonais s’occupent déjà de lui, laissons les faire. Nous, on se consacre exclusivement à Rigoberta. Je veux trouver celui qui l’a tuée.

Au moment où je m’exprimais ainsi, une dame entra dans la pièce, accompagnée du Lieutenant Nyingone. Une femme plus très jeune, le visage un peu triste.

— Salut la team, il y a cette dame qui demandait à voir l’un d’entre vous. Elle a dit qu’elle avait rendez-vous ici lundi mais qu’elle n’a pas pu effectuer le déplacement, dit-elle. C’est la mère de la dernière victime, murmura le lieutenant.

Et je compris donc pourquoi il y avait autant de tristesse dans son regard. Elle venait de perdre une fille, et cela n’était pas du tout facile à vivre. Cela se confirma quand elle se dirigea vers le tableau mural au fond de la pièce. Elle avait sans doute aperçu les photos de sa fille. Devant le tableau, alors que nous l’observions tous sans rien dire, comme pour compatir à son chagrin, elle se mit à sangloter.

— Ah nzame, tu ne peux pas nous faire ça. Même Jessica tu as pris deux sœurs dans la même famille ! Ses sanglots redoublèrent de plus belle.

Jessica, mais qui était Jessica ? Sa fille s’appelait Andréa Massavala… je ne comprenais pas.

Alors je me levai, accompagnée de Cassydie, pour y voir un peu plus clair. C’est bien avec nous qu’elle avait rendez-vous lundi pour le complément d’enquête. Mais elle ne s’était pas pointé, à vrai dire j’avais déjà oublié son existence.

— Bonjour Maman, toutes nos condoléances. Nous savons que c’est dure mais il ne faut pas rester ici, ces photos ne vous rendrons que plus triste. Nous pouvons nous entretenir dans notre bureau juste à côté.

Elle ne répondit pas. Je doutais fort qu’elle ait compris un seul mot de ce que j’avais dit. Certainement trop occupée à penser aux bons moments passés avec sa fille. Où à l’horrible monstre qui lui avait ôté trop tôt la chaleur d’une fille belle et pleine d’avenir.

Cynthia n’aurait pas dû l’introduire dans cette salle, voilà pourquoi elle était interdite d’accès aux personnes non autorisées. Maintenant il fallait gérer une mère éplorée et qui en plus délirait un peu. Je n’avais pas envie de me taper cette tâche, j’avais déjà assez de boulot comme ça. Jouer les mamisitters, Cassydie était mieux placée pour ça. Elle avait un bon cœur cette fille.

— Même Jessica que l’on cherche depuis des semaines, donc elle est morte ! Lança-t-elle les yeux toujours fixés sur le tableau devant elle.

— Maman, qui est Jessica, interrogea Cassydie.

Et là je levai la tête pour savoir exactement qui elle regardait. Je ne comprenais vraiment pas, avant de me rendre compte que la cinquième victime n’avait toujours pas été identifiée jusque-là ! Étant donné qu’aucune des autres victimes ne s’appelait Jessica, cela ne pouvait être qu’elle.

Mais il y avait un problème, comment se faisait-il que notre cinquième et notre septième victime se connaissent ? Comment était-ce possible ? Nous avions croisés plusieurs fois les pistes et les liens, et jamais ils ne nous ont conduits à un point de convergence entre ces deux jeunes filles. Étions-nous aussi nuls ? Comment étions nous passés à côté de cette information ?

— C’est elle Jessica ? Demandai-je en indiquant la cinquième photo sur le tableau. Elle aussi c’est votre fille ? Elle me regarda comme si je posais une question dont je connaissais déjà la réponse et que je lui faisais une mauvaise blague, pourtant je ne la connaissais pas la réponse. Et ce n’était pas une blague, je ne comprenais plus rien !

— Non, c’est la fille de ma sœur, dit-elle avec un fort accent nordique. Madame Mamiaka, la femme du député. C’est un enfant qu’il a eu avec ma petite sœur hors mariage.

Alors Jessica était la fille d’un député gabonais ? Son nom ne me disait rien. J’avoue que les personnages politiques de ce pays ne m’ont jamais intéressé. J’étais même incapable de donner le nom de notre ministre délégué à l’intérieur. De toute façon, savoir qui ils étaient ne nous aiderait pas à résoudre notre enquête. Pourtant l’information que venait de nous donner cette dame, éveilla quelque chose en moi. Nous ne cherchions pas au bon endroit.

Mais oouiii. Bien sûr que c’était cela !

Les victimes étaient toutes des filles dans la vingtaine environ, à l’exception de l’une d’entre elles. Elles étaient célibataires ou en couple. Elles avaient pour la plupart été en boite la veille ou le jour de leur disparition. Elles n’avaient pas de liens ni professionnel ni familial. Mais pourtant, l’on était passé à côté du détail le plus marquant. Ces filles étaient toutes de bonne famille. Avec des bonnes situations financières elles ne manquaient de rien.

Aucune d’entre elles n’étaient issue d’une famille modeste. Comment avais-je pu rater cela ?

Sur les cinq victimes nous avions, deux filles de députés qui jadis avaient occupés des fonctions ministérielles, la petite fille d’un sénateur qui lui aussi avait été ministre. La petite fille d’un ministre actuel, et une victime issue de la famille présidentielle. C’était pourtant clair ! Le chirurgien ne choisissait pas ses victimes par hasard. Il ne les piochait pas par hasard les boites de nuit.

C’était tout le contraire. Il les sélectionnait à l’avance et peut être même que c’était lui qui les attirait là-bas. Il ne s’attaquait pas à n’importe quelle fille.

Ce n’était pas une affaire de crimes rituels, c’était plus que cela. C’était un règlement de compte politique.



Sang Royal