Chapitre 8:Possession
Ecrit par Lalie308
Elle ne tourna pas immédiatement son regard vers la source de cette phrase, mais essaya de le plonger encore plus dans celui de Cody qui le fuyait. Il semblait soulager de cette interruption et n'eut pas assez de courage pour affronter le regard perquisiteur d'Axa. Axa soupira d'agacement avant de se lever. Sans grande surprise, elle fit face à Hongust qui affichait une mine épuisée et désemparée. Cody se leva à son tour pour se retirer, mais Axa le stoppa dans son élan.
— Tu peux rester Cody. Tout ce que cet homme a à dire, je veux que tu l'entendes.
— Non, Axa je préfère vous laisser régler ça... en famille, annonça-t-il avant de s'éclipser. Je t'attendrai à l'extérieur.
Axa ne rétorqua rien, consciente de la lâcheté de Cody qui s'était servi de cette situation pour fuir et ne pas répondre à toutes ses questions. Elle était sûre qu'il avait été soulagé de voir le lieutenant débarquer. Elle croisa ses bras sur sa poitrine tandis que Hongust s'avançait vers elle lentement, de la crainte se lisant dans tous ses gestes. Pathétique, pensa Axa. Hier, il était le puissant qui avait osé sans scrupule lui mettre des claques et aujourd'hui il s'avançait vers elle tel un petit garçon ayant peur de se faire réprimander. Elle n'avait pas réellement la force, ni le courage d'avoir cette discussion qu'elle avait espéré éviter,mais il était trop tard pour fuir et il fallait affronter la situation. Elle a compris que fuir n'était pas une solution si elle voulait vaincre ses craintes. Elle redressa la tête et ne laissa rien paraître de la blessure qui s'était remise à saigner dans son cœur. Voir Hongust face à elle à cet instant lui montrait tout simplement son insignifiance aux yeux des humains, comment elle avait toujours été trompée et trahie, à quel point ils ne la considéraient pas.
— Tu me veux quoi ? demanda-t-elle froidement, des éclats traversant ses yeux verts.
— Je sais Axa que tu dois te sentir trahie, mais j'ai vraiment envie de tout t'expliquer.
Elle se contenta de lever un sourcil.
— Je comprends ce que tu peux ressentir, mais si je ne te l'ai pas dit plus tôt, je te jure que ce n'était que pour ton bien, continua-t-il.
Elle perdait patience et toutes ses paroles lui semblaient être de purs clichés, mensonges, encore.
— Ne dis plus jamais que tu comprends ce que je ressens Hongust, aboya-t-elle calmement. Tu es comme eux tous, tu ne m'as jamais aimée. Toute ma vie j'ai toujours tout fait pour que tu sois fière de moi, pour que tu me regardes comme si j'étais la plus belle chose dans ta vie, comme ta fille. Mais non, tu n'as toujours su que me critiquer, me montrer à quel point je ne serais jamais comme ces filles, à quel point j'étais différente. Au final, tout ça ne me surprend pas.
Elle avait prononcé son discours avec un calme déconcertant et chacun de ses mots perçait le cœur de Hongust telles mille épées. Lui qui avait toujours pensé tout faire bien pour elle, lui qui ne lui avait jamais voulu aucune forme de souffrance, lui qui l'aimait si fort. Il sentait ses yeux le piquer et sa faiblesse face à la situation le déstabilisait. Il ne savait plus vraiment quoi dire, il n'avait plus les mots. Après tout, si tous les efforts qu'il avait fournis pendant dix-huit années, elle ne les avait jamais remarqués, ce n'était pas en quelques secondes que cela allait se faire. Il n'avait jamais été doué avec les mots. S'il l'avait été, cette guerre n'aurait peut-être jamais eu lieu.
— Non chérie, non. J'ai toujours été fier de toi, de ta force et de ta façon d'être.
— Arrête de me mentir, hurla-t-elle.
Une énergie provint de la force de sa phrase et Hongust se fit projeter contre le mur derrière lui, sentant un os craquer dans son dos. Il se releva certes, difficilement, et reprit sa marche vers Axa qui luttait intérieurement pour se calmer. Elle respirait anormalement et se mordait si fort les lèvres qu'elle sentit le gout métallique du sang dans sa bouche. Elle ne voulait plus pleurer, elle ne voulait plus souffrir. Elle voulait juste enfin connaître le bonheur. Mais elle se sentait si seule, si inutile. Hongust avançait toujours vers elle, le regard fixé dans le sien. Elle ne bougea pas. Dès qu'il fut à son niveau, il posa doucement sa main sur la joue d'Axa et profita au maximum de ce contact avec sa fille. Les yeux d'Axa reprirent leur teinte bleu vert. Il aurait voulu tout lui raconter, mais aucun mot n'avait voulu sortir, il n'y arrivait pas, il ne voulait juste pas retourner dans d'aussi sombres souvenirs. Et c'était bien ce qui faisait le plus mal à Axa. Elle ne comprenait pas pourquoi malgré qu'il dît tenir à elle, ne pas vouloir la perdre, l'avoir protégé, il ne voulait toujours pas lui raconter toute la vérité. Elle trouvait cela absurde et incohérent. Il n'avait juste qu'à tout lui dire et au moins elle verrait qu'il faisait des efforts, mais rien. Il n'avait juste qu'à enfin s'ouvrir et lui dire tout ce qu'elle a toujours voulu savoir, elle l'aurait écouté. Elle aurait apprécié ce geste, tout au moins.
— Je t'aime, murmura-t-il avant de se détacher d'elle et de sortir de la pièce, la laissant seule.
Elle avait toujours voulu l'entendre lui dire cela. Dommage qu'il ait fallu cette malheureuse situation pour qu'il le fasse. Elle souffla longuement pour retrouver ses esprits avant de se diriger vers l'extérieur de la Troïka. Dès qu'elle y fut, elle fut harcelée par des regards mauvais et apeurés. Rien de nouveau, à priori. Elle marcha en essayant de les éviter. Elle se rendit sur le lieu où s'était tenue sa fameuse fête d'anniversaire ou plutôt de chaos-versaire. Des traces de sang demeuraient à l'endroit où se trouvaient la veille, les corps inertes des soldats. D'ailleurs, elle n'arrivait pas à comprendre cette haine nelcalienne et encore moins pourquoi ils n'avaient tué que ceux-là. Ils avaient bien la possibilité de mettre toute la cité en cendre. Mais ils n'ont éliminé que les plus anciens soldats. Pourquoi ? Quel était surtout le véritable lien entre les humains et les nelcaliens ? Elle tourna ensuite la tête vers le gigantesque trou qu'ils avaient fait et qui était déjà en train d'être reconstitué. Elle ne savait pas ce qu'elle faisait encore dans la cité alors qu'elle avait toujours voulu sans aller. Mais où aller à présent ? À présent, elle n'était plus rien. Sans race, un monstre, une orpheline.
Elle rebroussa chemin, affrontant les mêmes regards. Chaque pas qu'elle faisait était lourd. Plus elle marchait, plus elle se sentait jugée et rejetée. Elle se dirigea vers la salle d'entraînement, se changea et se défoula. La meilleure manière pour elle de se défouler était de s'entraîner. Elle fit d'abord quelques étirements puis quelques exercices avant de s'attaquer au sac de frappes. Elle enchaîna les coups de poings et de pieds. Elle voulait se libérer de tout ce poids. Elle augmentait le rythme et transpirait énormément. Elle poussait de longs cris pour se libérer et se remettait à sa tâche. Elle n'avait pas mis de gants et saignait des jointures. Elle voulut lancer un énième coup de poing lorsqu'une main la stoppa dans son élan. Elle ouvrit ses yeux redevenus verts et lança un regard à Cody qui la scrutait silencieusement. Il se rapprocha doucement d'elle et la prit dans ses bras.
"Un acte de tendresse envers quelqu'un peut sauver sa vie, lui montrer qu'il représente beaucoup et qu'il n'est pas seul". C'était ce que voulait montrer Cody à Axa. Qu'elle n'était pas seule et que lui au moins ne la jugeait pas et tenait énormément à elle. Axa respirait bruyamment et tomba à genoux. Cody s'agenouilla aussi pour ne pas défaire leur contact. Axa avait horreur de pleurer, elle trouvait que pleurer n'était que la manifestation de la faiblesse. Mais pourtant, quand elle pleurait, elle se sentait libérer d'un poids. Ses larmes représentaient l'extériorisation de ses blessures internes, une manière de les panser. Ses jointures la brûlaient, mais les plaies ne semblaient pas cicatriser comme à leur habitude. C'était la première fois qu'elle pleurait à la fois pour une blessure intérieure et pour une extérieure et cela ne faisait que plus l'enfoncer. Le parfum de Cody lui emplissait les narines, la réconfortait. Elle renifla et le serra fort dans ses bras, comme si elle avait peur de le perdre lui aussi.
— Je te promets que je ne te laisserai jamais tomber, souffla Cody à son oreille.
Cette phrase n'avait pas réellement une raison d'être, mais il sentait qu'elle avait besoin de l'entendre. D'entendre qu'une personne tenait sincèrement à elle et ne la rejetait pas. Elle n'avait physiquement rien d'effrayant et représentait plutôt bien le terme beauté avec sa peau mate dorée, ses yeux incroyables, ses cheveux nuancés, ses lèvres dessinées tel par un artiste, son visage parfaitement symétrique et son corps renvoyant au terme qu'utilisait la nelcalienne pour la qualifier « déesse ». Les gens ne devaient pas craindre un être pareil, elle ne devait qu'inspirer un air de bonheur. Ils avaient juste peur de sa différence, de ses pouvoirs. Ils ne comprenaient pas que la différence est le plus qui rend chaque être exceptionnel. Ils restaient dans cette position pour une longue durée, oubliant tout autour d'eux, comme s'ils n'étaient que deux dans l'univers. Et cela semblait vrai, ils étaient d'eux contre le monde.
*
— Comme tu as eu assez confiance en moi pour t'ouvrir à moi, je vais tout au moins te rendre la pareille.
Le visage d'Axa s'illumina et elle fit un petit sourire à Cody qui se trouvait assis en face d'elle dans la cour de la cité.
— Pas tout bien sûr, je ne suis pas sûr d'aller jusque-là, ajouta-t-il.
Cody pesait chacun de ses mots. Il avait compris qu'Axa ne considérait plus les paroles inutiles, mais les actions concrètes. Il avait donc décidé de se confier à elle pour lui montrer qu'il était vraiment avec elle.
— Je crois que je vais te parler de la partie la plus facile à raconter. Pas gros effort mais au moins je veux t'en parler.
Il s'arrêta un moment avant de reprendre la parole :
— Tu sais déjà que la guerre ne m'est pas totalement étrangère. Je suis né au cours d'elle, comme toi mais environ deux années avant toi. Je... Ma mère et mon père ne s'entendaient pas et la guerre ne facilitait pas les choses. Elle était si jeune. Elle avait ton âge et mon père en avait déjà trente. Je le sais parce que j'ai fait mon enquête grâce aux effets personnels de mes parents. Je sais aussi que mon père était l'un de ces soldats qui ont commandité la guerre, mais personne ne le sait et même pas ton père. Je sais tellement de choses sur lui Axa, tellement d'atrocités qu'il a commises que je ne sais pas dans quelle partie de ma tête les mettre. Je sais qu'il a abusé de ma mère alors que toute sa famille avait été rasée et qu'il l'a ensuite fait vivre le pire. J'étais petit, mais pas stupide. Je n'avais pas conscience de ce qui se passait à ce moment, crois-moi, je le revis tous les jours dans mes cauchemars. Je ne sais rien de la guerre, mais ce souvenir de l'enfer ne me quitte pas et encore moins celui de comment il s'est débarrassé d'elle. Il a ensuite continué ses barbaries sur moi. Depuis que j'ai deux ans, depuis que nous avons atterri sur la planète Nelca j'en ai bouffé des coups si tu savais. Il me disait toujours que je n'étais rien et que j'étais comme ma mère. Qu'il aurait dû se débarrasser de moi. Il m'a dit tellement de choses blessantes face auxquelles ses coups n'ont rien été. Et con que je suis, je ne l'ai jamais dénoncé. Pour rien, ni pour ma mère. Peut-être parce que je ne veux pas détruire le semblant de famille que j'ai.
Cody avait prononcé son discours de manière mélancolique, comme s'il se sentait coupable de son propre sort. Pourtant, il avait un sourire triste aux lèvres tout au long de son monologue. Axa serra les poings, la douleur de ses plaies ne s'estompant pas. Elle se posait des tas de questions. Comment un homme pouvait-il être aussi cruel ? Battre un enfant de deux ans, comment peut-on faire cela ? Battre son propre fils durant toute sa vie. Elle voulait poser des questions sur la mère de Cody, mais voyait bien qu'il ne voulait pas s'étendre sur le sujet. Elle ne pouvait comprendre pourquoi Cody n'avait jamais daigné le dénoncer. L'amour ? La peur ?
— Merci, se contenta-t-elle de souffler.
Elle le remerciait juste de s'être ouvert à elle. Elle était désolée pour Cody, mais savait qu'il ne voulait pas de sa pitié. Il ne lui avait raconté cela que pour lui montrer sa sincérité. Cody baissa son regard sur les doigts d'Axa et fronça les sourcils. Ses plaies n'avaient toujours pas cicatrisé et cela inquiétait Axa. Elle n'était pas plus fan que ça de ses pouvoirs, mais appréciait ses guérisons rapides.
— Tu crois que je perds mes pouvoirs ? demanda-t-elle en mimant des crochets pour le mot « pouvoir ».
— Je ne crois pas, ou je ne sais pas. Je pense que tes potes nelcaliens ont les véritables réponses.
Elle acquiesça puisque ce n'était que la vérité. Elle était sûre que les nelcaliens pourraient enfin lui donner des réponses, qu'ils étaient les seuls à vouloir qu'elle sache la vérité.
— Tu... comptes faire comment avec ton père ? questionna Axa.
Cody ne semblait pas brusqué par le changement de sujet et se contenta de hausser les épaules.
— Rien. Il y a des problèmes plus sérieux tu ne crois pas ? objecta-t-il.
— Je ne crois pas, non. Tu dois le dénoncer à mon... À Hongust.
— Tu sais bien qu'il ne me croira, pas mais je préfère patienter. Je l'ai bien fait pendant vingt années. Je ne vivrai plus avec lui certes, j'emménage bientôt dans une maison avec Brad. Je vais juste patienter. Je sais qu'aucune chose dans ce monde ne se cache sous le soleil et que la lumière éclaire toujours les ténèbres. Donc j'attends qu'elle éclaire les miens, répondit-il.
Axa n'avait jamais remarqué que Cody, sous ses airs de blagueurs et de gros dur était un vrai sage. Il avait une vision de la vie qu'elle n'aurait jamais eue.
— Et puis ne l'appelle pas Hongust, continua-t-il. Je sais que tu ne vas pas aimer que je te dise ça, mais c'est ton père après tout. Ça crève les yeux qu'il t'aime juste qu'il ne s'y prend pas bien. Même s'il n'est pas ton géniteur, ne crois-tu pas qu'il mérite au moins l'amour de la fille qu'il a tant protégée et prit comme sien ? Nous savons tous les deux qu'il n'est pas quelqu'un de mauvais alors ne te met pas le monde à dos sous prétexte que le monde est à ton dos.
Axa resta muette face à ces phrases et regarda Cody l'air stupéfait.
— Quoi ? s'étonna-t-il.
— Depuis quand tu es aussi sage toi ? l'interrogea-t-elle, surprise.
Cody eut un sourire narcissique.
— Depuis toujours baby, je ne le parais juste pas, susurra-t-il.
Axa leva les yeux au ciel en souriant.
— Bon, tu veux faire quoi par rapport à tes potes nelcaliens ? reprit-il.
Seule une phrase lui vint en tête : « Quand tu le voudras, tu trouveras le chemin ».
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Lalie