Chapitre 9
Ecrit par Djelay
Enfin c’est l’heure de la pause. Ciara n’a pas eu le temps de souffler depuis ce matin. Les réunions se sont enchainées. Son équipe et elle ont revu la stratégie de vente qu’elle a mise au point la veille. Il n’y a pas eu grand-chose à ajouter puisque tout est déjà parfait. Ils ont juste relevé ensemble quelques détails qu’il fallait peaufiner. A présent elle peut se détendre et profiter pleinement de sa pause. Stéphane n’est pas venu à l’entreprise aujourd’hui. Pourquoi lui a-t-il mis la pression pour qu’elle termine le rapport s’il n’en avait pas besoin tout de suite ? Pour l’embêter c’est certain. Sale connard. Pense-t-elle en prenant son sac.
- Je vais déjeuner, à tout de suite Sylvie. Dit-elle à l’égard de sa secrétaire qui assise derrière son bureau semble captivée par le bouquin qu’elle tient.
- Entendu mademoiselle. Répond –elle souriante.
Dans le restaurant situé à quelques mètres de son travail, Ciara s’installe à sa place habituelle ; tout au fond, et près de la baie vitrée ce qui lui donne accès à non seulement une vue d’ensemble de l’intérieur de l’établissement mais aussi une agréable vue sur l’extérieur. Dès que la serveuse l’aperçoit elle vient tout de suite prendre sa commande.
- Bonjour Ciara, la même chose que d’habitude ? demande la serveuse, les lèvres dessinant un large sourire.
Au fil du temps, Ciara et la serveuse sont devenues assez proches. Le premier jour qu’elle a mis les pieds dans ce restaurant c’est Kady qui s’est occupée d’elle, et la fois suivante, et la fois d’après ainsi de suite. Elle est devenue, disons sa serveuse personnelle. Cette pensée lui arrache un sourire. Cela va faire bientôt un an qu’elle fréquente cet établissement et deux semaines après sa découverte du lieu, elle a souhaité que Kady l’appelle par son prénom parce qu’elle la considérait déjà comme une amie.
- Bonjour Kady. Comment vas-tu ?
- Bien merci. Toi ça n’a pas l’air d’être la grande forme. Remarque Kady à sa mine défaite.
- Dure journée ma chère. Mais je compte sur toi pour me remettre d’aplomb avec un bon repas.
- Bien sûr. Mais tu ne commandes pas ton fameux riz aux vermicelles ? demande Kady étonnée.
Les mercredis, Ciara commande toujours du riz aux vermicelles, c’est devenu un rituel. Celui du mercredi. Les deux fois qu’elle vient au restaurant c’est-à-dire les mercredis et vendredis, Ciara ne commande que les mêmes plats : du riz aux vermicelles les mercredis et du foufou banane accompagné d’une sauce contenant des morceaux de ‘’mâchoiron africain fumé’’ [1] les vendredis.
- Non j’ai envie d’autre chose aujourd’hui. J’ai mangé du riz hier. Déclare Ciara.
- Ah je vois. Et que désires-tu manger ?
- Bah, je ne sais pas, tu as des propositions ?
- Africain ou Européen ?
- Peu importe. fait Ciara en haussant les épaules.
- Alors que dis-tu des haricots avec une saucisse grillée ? Voyant la grimace que fait Ciara, la jeune serveuse s’empresse de proposer autre chose.
- Du poisson au four ?
- Accompagnement ? Demande Ciara avec intérêt.
- Frites ?
- C’est parfait. Approuve-t-elle.
- Super, boisson ?
- Un verre de vin ne me fera pas de mal.
- Je t’apporte tout ça tout de suite. Annonce Kady incapable de retenir un sourire face à l’expression amusée de Ciara.
- Merci ma belle.
En attendant sa commande, Ciara scrute l’intérieur du restaurant. A cette heure celui-ci grouille de monde. Un couple assis un peu plus loin à sa gauche attire son attention, surtout l’homme. Elle ne voit que son dos mais il lui semble étrangement familier. Ils sont en pleine conversation et la femme à l’air très contrariée. Sûrement que son mari refuse de céder à l’un de ses caprices.
- Ah les femmes, nous ne changerons jamais. Murmure-t-elle enjouée.
- Voilà voilà, votre commande chère madame.
- Oulah, tu as fait vite. Dit Ciara en admirant avec appétit son assiette merveilleusement dressée.
- Alors chef Kady, qu’avons-nous là ?
C’est avec un immense plaisir que Kady se lance dans une présentation détaillée du plat de Ciara. Cette dernière parait impressionnée par le professionnalisme de la jeune serveuse. L’aisance avec laquelle elle s’exprime l’épate.
- Waouh. Je suis bluffée ! Dit Ciara admirative.
- Je te remercie. (kady sourit). Alors, Je te dis bon appétit ?
- Merci.
Ciara savoure chaque bouchée de son poisson. Il est succulent, elle n’aurait pas pu rêver mieux. C’est exactement ce qu’il lui fallait pour se remettre de cette pénible matinée. Ses yeux se tournent de nouveau vers le couple d’à côté. L’homme n’est plus là. Elle balaie la salle du regard à sa recherche. Aucune trace de lui nulle part. Sa curiosité lui créera des problèmes un de ses jours. Se dit-elle.
Son repas achevé, elle fait un signe de la main à Kady qui rapplique aussitôt. Une heure s’est déjà écoulée et c’est bientôt la fin de sa pause. Il va falloir qu’elle se dépêche sinon elle risque d’arriver en retard.
- Tu as aimé ton repas ? Questionne Kady.
- C’était très bon. Je te remercie.
- Je t’en prie.
- Pourrais-je avoir l’addition s’il te plait ?
- Tout de suite. Dit-Kady avant de se diriger vers la caisse.
Une fois l’addition réglée, Ciara se décide à retourner au travail. Alors qu’elle est sur le point de franchir la porte de sortie, elle se retourne et tente un dernier regard vers le couple de tout à l’heure. C’est à ce moment qu’elle aperçoit l’homme mystérieux. Il est de retour et cette fois-ci elle peut clairement voir son visage. Ses yeux s’arrondissent de stupéfaction en le reconnaissant.
- Stéphane ? murmure-t-elle inconsciemment.
- Ciara ? Quelque chose ne va pas ?
Kady ayant remarqué son trouble l’a rejointe.
- Non j’ai juste aperçu une connaissance. Bredouille-t-elle nerveuse.
- Tu es sûre que tout va bien ? Demande la jeune femme inquiète.
- Oui ne t’en fais pas. A bientôt ma belle.
De retour dans son bureau, Ciara se remémore l’image du couple parfait que formaient Stéphane et cette femme. Est-ce possible qu’ils soient réellement en couple ? Cette idée lui pince le cœur. Il n’est rien pour elle certes mais il lui plait énormément. Et savoir qu’il est avec une autre la blesse profondément. Elle connait à présent la raison pour laquelle il a été absent toute la matinée. C’est évident qu’il était avec elle durant tout ce temps. Dieu seul sait ce qu’ils ont bien pu faire.
- Satané Stéphane ! marmonne-t-elle en jetant le stylo qu’elle tenait entre ses doigts.
Cela fait maintenant une heure qu’elle est revenue du déjeuner. Depuis elle n’a cessé un seul instant de penser à Stéphane et cette bonne femme. Assise dans son fauteuil, les yeux fixés sur le stylo avec lequelle elle joue depuis tout à l’heure, elle semble ailleurs.
- Mademoiselle Kipré ?
- Heu oui ! Répond-elle en revenant sur terre.
- Ça fait un bon moment que j’essaie de vous joindre par téléphone, comme vous ne répondiez pas j’ai décidé de venir. Et quand j’ai toqué à la porte vous n’avez pas répondu non plus alors je me suis permise d’entrer.
- Ce n’est pas grave Sylvie.
- Tout va bien mademoiselle ?
- Oui merci. Alors qu’y a-t-il ?
- Monsieur N’Goran vous demande, il est dans son bureau.
- A quel moment est-il arrivé ? Demande Ciara surprise.
Elle ne s’attendait pas à le voir à l’entreprise aujourd’hui.
- A l’instant mademoiselle!
- Très bien. Merci.
Ciara attend impatiemment devant le bureau de Stéphane. Ça va faire trente minutes qu’elle est là bon sang. Selon son assistante, il est occupé mais la recevra bientôt. Quand Ciara a voulu retourner dans son bureau pour revenir plus tard celle-ci s’y est opposée catégoriquement prétextant que son patron a exigé qu’elle reste là à attendre. Non mais, il abuse. Aujourd’hui elle est plus que décidée à lui dire ses quatre vérités. Qu’il la renvoie ensuite si ça lui chante.
- Vous pouvez entrer mademoiselle. Annonce Sara.
Ce n’est pas trop tôt ! Ciara sans répondre, se met debout et d’une mine rageuse entre dans le bureau. Il est là. Assis confortablement dans le canapé qui trône à l’angle de la pièce, monsieur tient un verre à la main. Elle rêve ou quoi ! Pendant qu’elle était dehors à attendre lui prenait un grand plaisir à siroter du vin ! Comme ça, tranquillement, comme si de rien n’était.
- Vous vous foutez de ma gueule c’est ça ?
Il ne paraît pas du tout surpris de sa réaction comme s’il s’y attendait.
- Je vous demande pardon ? feint-il de ne rien comprendre.
- Vous me convoquez et vous me faites poiroter durant une éternité alors que vous ne foutez rien dans votre putain de bureau. S’emporte-t-elle.
- Faites très attention au ton que vous employez et surtout à vos paroles. Dit-il d’une voix calme mais menaçante.
- Sinon ? Que ferez-vous ? vous allez me renvoyer ? allez-y, ne vous gênez pas ! De toute façon vous n’attendez que ça.
Ciara ne se contrôle plus. Elle en a plus qu’assez du mauvais traitement de Stéphane. A cela s’ajoute sa peine de savoir qu’il est en couple. Qu’il aille se faire foutre. Elle lui balance le rapport qu’il lui a demandé la veille et se dirige vers la porte.
- Où allez-vous ? Si vous quittez ce bureau sachez que vous n’y remettrez plus les pieds, ni dans l’entreprise. Avertit-il.
Elle s’arrête automatiquement, la main sur la poignée de la porte. Il est capable de mettre sa menace à exécution, elle le sait. Bamba et la réceptionniste en sont la preuve vivante. Si elle ne veut pas être la prochaine, elle va devoir faire profil bas et ravaler sa fierté, du moins pour l’instant.
- Venez-vous assoir ! Ordonne-t-il.
- Qu’est-ce qu’il vous faut de plus ? Demande-t-elle une fois installée dans le fauteuil d’en face.
- Toi ! Sa voix s’est faite fiévreuse ce qui décontenance Ciara.
Lentement, il pose son verre puis se lève sous le regard méfiant de celle-ci. Elle le regarde avancer tel un prédateur. Ce mec a le don pour la déstabiliser. Mais elle ne compte pas se laisser avoir cette fois-ci. Pense-t-elle en se remémorant le baiser qu’il lui avait volé chez elle. Il se tient à présent tout près, les mains posées sur les accoudoirs de son siège. Elle est prisonnière. Cette position lui rappelle des souvenirs. Se dit-elle en levant les yeux vers lui. Elle a l’air d’une petite souris prise au piège entre les griffes d’un méchant chat. Mais qu’est-ce qu’il est beau ce chat ! Pense t-elle.
- Je parie que tu crèves d’envie que je t’embrasse. Parle-t-il dans sa barbe alors que son visage descend dangereusement vers celui de Ciara.
- N’importe quoi ! Lance-t-elle un peu trop vite.
- Petite menteuse. Dit-il amusé.
Il est sur le point de l’embrasser ; ses lèvres touchent presque celles de Ciara. C’est étrange, elle ne le repousse pas. Il aurait parié qu’elle le ferait. La petite a finalement compris que résister à ses envies ne sert à rien. Bien, bonne fille. Pense-t-il triomphant. Ciara accueille docilement son baiser ce qui le ravit d’avantage. Il s’est juré de ne jamais pratiquer de sexe au travail mais toutes ses résolutions sont mortes depuis qu’il l’a revue. Elle le rend fou. Tout ce qu’il désire présentement c’est de l’embrasser à en perdre haleine. Il n’ira pas plus loin c’est clair. Il lui reste quand même un minimum de bon sens, d’autant plus que Ciara mérite mieux qu’un coup rapide dans son bureau. La suite se fera chez lui, pourquoi pas chez elle pour changer. Son sourire victorieux est flagrant. Il tente de la mettre debout. Elle se laisse faire, entourant son cou de ses bras. Lui à son tour passe les siennes autour de ses hanches. Il approfondit son baiser explorant chaque recoin de sa délicieuse bouche. Il en veut plus c’est évident mais il sait être patient. La fougue avec laquelle Ciara lui rend son baiser le rend dingue. Elle est si réceptive et tellement belle. Il pourrait…
- Merde ! Crie-t-il en la repoussant brusquement.
Ciara ne peut s’empêcher d’exploser de rire devant la mine contrariée de Stéphane. Elle rit tellement qu’elle en a des douleurs au ventre. Elle aurait dû être inquiète car Stephane est un homme imprévisible. Qui sait ce qu’il est capable de faire. De toute façon le mal est déjà fait et elle ne le regrette pas. Si c’était à refaire elle, elle le referait sans hésiter une seconde.
- Mais ça ne va pas ? T’es folle ou quoi ? Hurle-t-il.
Il porte un doigt à sa lèvre inférieure et se met dans une colère noire en constatant du sang. Cette malade l’a mordu. Putain, Ciara.
- Ça te servira de leçon. Souviens t’en lorsque l’envie de m’embrasser de nouveau te passera par la tête. Dit-elle avec un sourire satisfait avant de sortir à la hâte du bureau.
Le reste de la journée se déroule sans incident de même que les jours suivants. Stéphane et elle ne se sont pratiquement pas revus depuis la dernière fois. Elle l’a juste aperçu il y a dix minutes alors qu’il quittait son bureau. Elle s’en veut énormément de s’être compotée de la sorte envers lui. Une gamine n’aurait pas fait pire. Grandis Ciara.
- Ahh ! Soupire-t-elle en rangeant ses affaires.
La journée vient de s’achever et son cerveau est sacrément amoché comme toujours. Une bonne douche froide et une longue nuit de sommeil lui feront un grand bien. Heureusement que c’est le week-end. Elle pourra enfin se reposer.
- Je suis rentrée. Annonce Ciara à l’égard de Lala qui est déjà à table.
- Bienvenue ma belle, désolée de ne pas t’avoir attendue mais j’étais très affamée. Répond Lala la bouche pleine.
- Ne t’en fais pas. Qu’est-ce que tu as cuisiné ?
Ciara abandonne ses affaires dans un fauteuil et rejoint son amie. Elle tire la chaise qui fait face à son amie et s’assoit.
- Des haricots verts au poulet. Vas-y sers toi.
- Humm miam ! Fait Ciara en se passant la langue sur la lèvre.
Durant le dîner, les deux amies ne font que parler de la journée du lendemain. Ciara préfère ne rien raconter à Lala à propos de ce qui s’est passé entre Steph et elle. Cette dernière est déjà assez excitée par le simple fait de devoir essayer sa robe de demoiselle d’honneur demain. Ayant toujours aimé les festivités, Lala fait tout son possible pour n’en manquer aucune à laquelle elle est invitée.
- Dis ma belle, tu crois que je pourrais me trouver un beau mec, super sexy comme Stéphane au mariage ?
- Même pas en rêve ! La taquine Ciara.
- Sale égoïste ! S’écrie Lala en feignant l’offusquée avant de lui jeter sa serviette à la figure.
Ciara rit à s’en décrocher les mâchoires. Lala est tellement drôle quand elle prend cet air aussi faux que les poitrines de certaines stars de télé. Que ferait-elle si elle n’avait pas cette folle à ses côtés ? Lala fait partie intégrante de sa vie et imaginer celle-ci sans elle est inconcevable. Elles finissent tranquillement de dîner puis s’installent confortablement devant la télé n’ayant rien d’autre à faire. Le temps de s’en rendre compte le soleil s’est levé. Elles ont passé toute la nuit dans le canapé.
- Aie ! j’ai mal partout. Se plaint Lala en s’étirant longuement.
- Moi de même, comment avons-nous pu tenir jusqu’au matin ? le canapé est trop étroit pour toutes les deux. Remarque Ciara.
Elles éclatent de rire en imaginant à quel point elles ont dû être coincées. Normal qu’elles se réveillent avec des contractures. C’est avec beaucoup d’efforts qu’elles réussissent à se préparer pour leur rendez-vous. Il est 10h et demie lorsqu’elles arrivent à la boutique.
- Tu vois que nous avons 30 minutes d’avance. On aurait dû s’arrêter à la pâtisserie comme je l’avais suggéré. Reproche Lala à son amie.
- Calme-toi un peu. Tu ne vas pas mourir de faim en deux heures.
- Quoi ? parce que nous en avons pour deux heures ? S’écrie-t-elle.
Fin du neuvième chapitre. Bizbi et désolée pour le retard.
[1] Espèce de poisson de la famille des ariidé.