
Chapitre 9 : Foutu pour foutu
Ecrit par Nobody
Pov Naïla
Le salon parental est baigné de lumière, mais l’ambiance, elle, s’assombrit dès que les mots franchissent mes lèvres.
— Je pense... je vais aller au Congo je leur dit une fois avoir raccroché le téléphone.
Même s’ils avaient tous assistés à cette brève discussion, je tenais à prononcer ses mots afin qu’ils se rendent compte que je ne rigolais pas.
Le silence tombe. Lourd. Dense.
Papa lève les yeux au ciel, ses lunettes glissent sur son nez. Maman, elle, arrête net de triturer ses doigts auxquels elle n’avait laissé aucun répit depuis le début de l’appel. Mes frères, Chafik et Khadim, échangent un regard rapide, comme s’ils avaient entendu une blague qu’ils ne comprennent pas.
— Pardon ? demande mon père, en articulant chaque syllabe comme s’il espérait qu’elles changeraient de forme en les disant lentement.
Je reste debout, droite, les bras croisés. C’est bizarre. Je ne suis même pas sûre d’avoir moi-même compris ce que je viens de dire. Pourtant, les mots sont sortis. Et maintenant, ils me brûlent la peau.
— Je vais y aller. Au Congo. Voir ce qu’il en est de cette histoire.
Un souffle traverse la pièce. Maman pose son coussin, lentement, très lentement, puis s’essuie les mains sur son pagne.
— Ma fille, commence-t-elle, sa voix tremblant à peine, tu peux répéter s’il te plaît? Parce que j’ai bien entendu le mot "Congo", mais j’ai l’impression que tu parles avec la bouche de quelqu’un d’autre.
Je ravale un soupir, mais mes yeux trahissent ma fatigue.
— Oui, maman. Le Congo. Brazzaville. Je ne sais pas encore quand, mais je vais y aller. C’est mieux que de rester ici à tourner en rond tu crois pas ?
— Et tu vas faire quoi là-bas ? demande Khadim, toujours assis à califourchon sur le bras du fauteuil. Faire du tourisme chez ton fiancé imaginaire ?
Chafik ricane. Je ne réponds pas tout de suite.
Papa s’est redressé, le dos droit. Sa voix est sèche, tranchante.
— Naïla, c’est une décision qu’on prend après réflexion, pas sur un coup de tête. Tu as une fille, un métier, une vie ici. Tu veux tout laisser pour quoi ? Pour une vieille promesse familiale dont tu ne sais rien ?
Je me mords la joue. Les larmes montent sans éclater.
— Justement. J’en ai marre de ne rien savoir. Vous m’avez caché cette histoire pendant vingt-huit ans. Et maintenant que ça explose à la figure de tout le monde, je devrais rester là, docile, à encaisser sans poser de questions ? Tu sais très bien que je déteste être laissée dans le flou surtout si cela me concerne. J’ai 28 ans ! Vous allez caché cette histoire jusqu’à quand ?
— Oh calme toi Naï, tu parles comme si on t’avait vraiment caché des choses pendant 28 ans alors que tu as découvert tout ceci il y a seulement deux heures ! On va en parler mais au moment opportun !
— Même si cela faisait deux minutes j’ai le droit de savoir, je ne veux pas avoir à vivre en attendant le moment où vous déciderez de tout me raconter. J’ai une vie je peux pas être dans l’attente du moment où vous allez tous chamboulé. C’est pour ça que si vous ne souhaitez pas me donner de réponses j’irai les chercher au Congo.
Le silence. Puis Maman reprend, un ton plus doux, presque implorant.
— Ce n’est pas comme ça, ma fille. On voulait te protéger. Ce genre de pacte... c’était un autre temps. C’était pas censé revenir. On pensait que...
— Que quoi, maman ? Que ça s’effacerait tout seul ? Que le passé allait nous laisser tranquilles ? Vous saviez, et vous avez choisi de vous taire. Et maintenant, vous êtes surpris que je veuille comprendre moi-même ?
Chafik se lève. Il me fixe, sérieux.
— Et s’il t’arrive quelque chose là-bas ? Tu y as pensé ? On ne sait rien de ce type, Naïla. Rien. Et s’il est fou ? S’il veut te garder là-bas pour de bon ? Tu prends des risques. Seule. Tu as peut-être grandit mais tu demeures ma petite sœur chérie, et je ne te laisserai pas y aller.
— Foutu pour foutu… je lâche dans un souffle. J’ai plus grand-chose à perdre.
Cette phrase les cloue tous. Maman se redresse, les yeux brillants.
— Comment ça "plus grand-chose à perdre", Naïla ? Tu as une fille, tu as une vie ! Tu es en train de parler comme quelqu’un qui n’a plus de repères.
— Peut-être que je n’en ai plus, maman. Vous savez tous de quoi je parle ne faites pas semblant.
La pièce semble rétrécir. Je suffoque. J’ai besoin d’air, de silence, de solitude.
— Je ne dis pas que je pars demain. Je dis juste… je vais y aller. Parce que je ne peux pas continuer à vivre comme si de rien n’était. Je suis fatiguée. Fatiguée d’être la dernière au courant. Fatiguée d’être celle qui paie les décisions des autres.
Chafik me regarde. Il s’approche et pose une main sur mon épaule.
— Si tu y vas… tu ne pars pas seule.
Je lève les yeux vers lui, surprise.
— Je t’accompagnerai. S’il faut, on ira à deux. Mais promets-moi que tu ne décideras rien dans la précipitation.
Je hoche lentement la tête. Je ne peux rien promettre. Mais je suis reconnaissante.
Jeudi, deux jours plus tard.
Le soleil tape sur la baie vitrée du bureau de notre client. Jocelyne, tirée à quatre épingles, feuillette son carnet en attendant notre rendez-vous avec l’assistante de mon rendez-vous du mardi.
La porte s’ouvre enfin, et elle arrive, sourire professionnel aux lèvres.
— Madame Adéyémi, ravie de vous rencontrer enfin.
— Tout le plaisir est pour moi.
La réunion se déroule comme une chorégraphie maîtrisée. Les chiffres, les propositions, les estimations. J’ai le sentiment de reprendre pied, l’espace d’un instant. De redevenir celle qui sait, qui anticipe, qui dirige.
Quand elle tend la main à la fin, elle ajoute :
— Je pense que nous allons collaborer ensemble. J’aime votre vision. On vous envoie les documents dès ce soir.
Jocelyne me serre la main discrètement en sortant.
— Tu as été brillante, boss.
Je souris à peine. Mon esprit est déjà ailleurs.
Fin d’après-midi. Quartier Cadjèhoun.
Je suis debout devant le portail de la première maison, le cœur serré. La mère d’un des garçons qui harcèlent Maïssa vient d’ouvrir, méfiante.
— Bonjour, Madame. Je suis la mère de Maïssa Tchanou. Nos enfants sont dans la même école.
Elle acquiesce sans chaleur.
— Ah. Oui. Je vois.
Je m’avance un peu.
— Je suis venue parler. Il y a eu des incidents répétés. Maïssa subit des moqueries, des insultes, des gestes inacceptables.
— Mon fils m’en a parlé. Il dit que votre fille est trop sensible. Faut pas exagérer non plus, les enfants se taquinent, c’est pas grave.
Je serre la mâchoire.
— Non, madame. Ce ne sont pas des taquineries. C’est du harcèlement. Et ça suffit. On va commencer par appeler un chat un chat ! Si ça continue, je serai obligée d’en référer aux autorités. Je ne veux pas en arriver là, mais je n’hésiterai pas.
Elle croise les bras.
— Vous menacez ?
— Je préviens.
Ma voix est calme. Mon regard, fixe.
— Votre fils recommence, et je porte plainte. Mais croyez moi bien que vous préférerez cette option. Parce que si je dois m’en occuper personnellement vous n’allez pas le reconnaître je vous le jure. Je n’ai qu’une fille et je ne laisserai personne je dis bien personne s’en prendre à elle, aujourd’hui je me suis déplacée mais demain je vous le jure sur le Dieu que je prie que je vais faire l’éducation de votre enfant moi même, je suis folle et demander d’après moi dehors il n’y a encore aucun médicament pour me calmer quand je laisse place à mes démons, je vais le défigurer, le faire expulser de l’école et rien ne va se passer ! Sur ce …
Je tourne les talons sans attendre de réponse.
Je prends le chemin de la deuxième maison que j’avais prévue faire aujourd’hui. Je me gare et je toque.
La mère m’accueille avec un regard hautain.
— Encore vous ? Qu’est-ce que vous me voulez ?
— Comment ça encore moi ? Nous n’avions encore jamais échangés pourtant. Mais bref, je suis venue parler, calmement. Votre fille fait partie d’un groupe qui...
— C’est faux ! Elle m’a tout raconté. C’est votre gamine qui cherche les problèmes, elle est insolente, elle n’a pas de manières ! Cela ne m'étonne d'ailleurs pas en vous voyant, vous m'avez l'air bien jeune pour avoir une fille de cet âge.
Je sens mes tempes pulser. Je respire fort, les poings serrés.
— Je vous interdis de parler de ma fille comme ça. Si votre enfant est incapable de vivre sans rabaisser les autres, ce n’est pas ma fille le problème. Et si vous l’avez mal élevée au point qu’elle pense que c’est normal, alors c’est à vous que je parle.
— Ah bon ? C’est moi la mauvaise mère maintenant ? Vous croyez quoi, hein ? Que vous êtes mieux que nous ? Vous qui avez certainement eu votre fille à 15 ans !
— Non. Je ne crois rien. Je constate. Et j’agis. La prochaine fois qu’elle insulte ma fille, je vous promets que c’est à la police que je parlerai dans le mieux des cas. Dans le pire des cas elle aura directement affaire avec moi et je vous jure que vous n’aimerez pas. Si je ne l’ai pas tabassé comme une voleuse c’est que je suis pas une femme je lui dis en tapant fort ma poitrine.
Je la regarde droit dans les yeux. Elle se tait. Je pars.
Je rentre chez moi en bouillonnant, est-ce que ces femmes même me connaissent moi Naïla ? Est-ce qu’elles savent la terreur que je suis ? Moi ma fille vous allez vous amuser avec ? Okay on verra bien.
Je me gare et je rentre dans ma maison. Je constate que Chafik est déjà là, installé dans le canapé avec Maïssa blottie contre lui, un bol de pop-corn vide sur la table. Je lui avais demandé de la récupérer parce que je devais passer chez ces vilaines personnes et je ne voulais pas qu’elle rentre trop tard.
Elle se lève en me voyant, court jusqu’à moi.
— Maman !
Je la serre contre moi. Longtemps.
— Ça va, mon cœur ?
— Oui. On a regardé le film avec tonton. C’était drôle !
Chafik m’adresse un regard discret avant de se lever et me faire un bisous sur la tempe. Tout va bien. Il prend congé de nous dans les secondes qui suivirent.
J’embrasse ma fille puis la laisse monter.
Je fais ma routine du soir, avale rapidement un sachet de nouilles instantanées puis je vérifie que Maïssa n’a pas besoin de rien. Une fois lui avoir souhaité bonne nuit je retourne dans ma chambre.
Je m’affale dans mon lit au moment même où mon téléphone vibre.
Je fronce les sourcils en reconnaissant un message du même numéro que j’avais contacté il y a deux jours.
— Salut.
Je reste là. À fixer l’écran. De toute évidence c’était le numéro de mon supposé fiancé car je me doute que Maman Elise ne m’enverrai pas un Salut et surtout à cette heure. Mais pourquoi maintenant ? Je pourrais l’ignorer. Le laisser mariner. Mais non.
Je réponds tout simplement :
— Salut.
Quelques secondes. Puis :
— Tu viens vraiment ?
Je fixe le plafond. Je revois le regard de mes parents. Le visage de ma fille.
Puis j’écris :
— Oui
— D’accord tiens moi informé afin qu’on prépare au mieux ton arrivée. Il faut vraiment qu’on parle Naïla.
Coucou les gars j'espère que vous allez bien ? Dites moi, vous avez sûrement remarqué que je ne suis pas régulière ici, je mets un peu d'ordre dans mes projets pro et je vais me consacrer pleinement à l'écriture de cette oeuvre. Mais en attendant, est-ce que vous préférerez que je sorte disons trois chapitres chaque dimanche ? comme ça au moins vous aurez de quoi vous mettre sous la dent avant d'attendre les trois prochains la semaine suivante. Je vous prie de vraiment me faire un retour. Merci pour vos likes et commentaires, je vois tout le monde et je vous envoie de gros bisous.