Chapitre 9 : QUAND LES TRADITIONS VOUS RATTRAPENT

Ecrit par Marc Aurèle

 

Solange

Je me répète sans fin cette portion de phrase du médecin. ‘’…maman de trois filles… ‘’. Attendez dites-moi, je me trompe ou je fais un mauvais calcul. Trois plus trois font-ils vraiment six ? ou bien cela va faire trois ?

Bon c’est clair, tout est confus dans ma tête. Je perds le nord, mes yeux déversent leur torrent de larmes et moi, je tire doucement la couverture pour me couvrir le visage. Je ne pouvais rien entrevoir à travers l’épais tissu, mais je pouvais aisément imaginer la posture prostrée de Sam, assis depuis un moment dans le coin de la salle.

Je ferme les yeux, je prie Dieu de venir me chercher aussi. Je prie très fort, que la faucheuse passe aussi m’emporter. Plusieurs idées noires traversent mon esprit. Elles sont plus sombres les unes que les autres. En passant du couteau aux comprimés à avaler, la ciguë et la mort à rat étaient passés sur la liste. Je sentis mon être s’engourdir à partir de la pointe des pieds, jusqu’aux extrémités de mes cheveux. La lourdeur m’acheva entièrement. J’aurais voulu me réjouir de mourir, mais ce sont justes les produits des médecins qui font effets.

 

SAM

Il est évident que les choses ne font que se compliquer, déjà c’est galère avec Jules qui n’est plus. On avait à peine réalisé ce décès et je n’ai pas encore fini de digérer la nouvelle charge, que devenait sa famille pour moi, que j’apprends que ce ne sera plus quatre personnes à gérer, mais sept. Hummm, c’est vrai que j’ai un bon compte en banque, mais quitte à nourrir autant de bouches en plus, ce ne sera pas la joie. Solange, s’était emmitouflée dans la couverture. Peut être s’est elle endormi. Mais je peux dire sans hésiter que la nouvelle ne l’a pas seulement choqué, mais elle en a été sonnée. Je me lève :

-          On va y aller. Il faudra penser à lui ramener de quoi manger.

-          Je crois que tu as raison. Me répondit mon épouse.

-          Moi je vais rester à la surveiller. Je ne pense pas qu’elle ait déjà intégré l’idée. Il est hors de question de la laisser. Annonça Roukia.

-          Ok, qu’est ce qu’on te ramène ? m’enquis-je en la regardant s’asseoir, dans le coin où j’étais.

-          Du télibo de chez la dame de St Michel…

-          Hummm, attends du parle de la dame qui vend à coté de diversité ? eh ben dis donc pourquoi pas du lait caillé de Midombo ? Vous les femmes, vous n’en manquez pas une ?

-          ….

Je ne lui laisse pas le temps de répondre. De toutes les façons, je n’ai cure de ses humeurs. Déjà les miennes ne sont pas à leur beau fixe. Je dois prendre le temps de faire le point de tout ce qui me tombe dessus, et ce n’est pas en m’occupant des caprices des autres que j’y arriverais. Ray m’avait devancé, je la retrouve dans le hall pianotant sur le comptoir, je lui donne la main et elle le prend. Mon épouse est exceptionnelle, elle à ce calme que je n’arrive pas à expliquer. Quand elle vient à parler, elle dit l’essentiel et c’est tout. Elle joue son rôle d’épouse à perfection, malgré qu’elle soit issue d’une famille aristocratique avec beaucoup d’exigences, elle essai de mener une vie normale.

 

Un seul élément de sa vie m’avait toujours inquiété. C’était cette façon qu’elle avait de me tenir à l’écart de sa vie familiale, surtout quand il s’agit d’Abokpe. Ray, maintenait sa relation avec sa famille paternelle, hors de tout propos. C’était comme elle le dit, l’autre face du miroir, qu’elle seule devait regarder. Quand nous nous sommes rencontrés, elle m’avait présenté à ses parents, mais n’a jamais voulu que je développe une relation avec son père. Certaines choses m’inquiétaient et m’exaspéraient presque à ce sujet, mais je les prenais, telles quelles étaient sans jamais les approfondir. En effet, à chaque fois que nous nous retrouvions en présence de son père, ce dernier, non seulement s’inclinait pour la saluer, mais également, à aucun moment, le sexagénaire, ne l’a regardait dans les yeux. Il la traitait toujours en reine et les mots qu’il utilisait étaient tous d’un lexique très précis. Les mots reflétaient majesté, royauté, noblesses et règne. Je ne restais jamais longtemps pour les suivre, et d’ailleurs ses rencontres ne duraient jamais plus de dix minutes. Je ne m’étais non plus jamais rendu à Abokpe, pas par manque d’envie, mais juste parce que cela m’avait été interdit le jour de la dote. Je m’en souviens comme si c’était hier. Nous étions dans la maison de sa mère. A la fin de la cérémonie, elle avait été installée sur un tabouret traditionnel, taillé sous forme de trône royal. A mon entendement, c’était son caprice de femme amoureuse. J’avais été invité par les sages contrairement aux coutumes qui interdisaient la présence du prétendant. Et cette invitation était juste pour me dire que leur fille serait mon épouse partout sur terre sauf sur les terres d’Abokpe. J’y avais pas compris grand choses, mais j’étais suffisamment amoureux pour accepter tous les compromis. C’était donc un accord, qui me tenais loin de la belle famille et de toutes les histoires de palais, puisque c’est de cela qu’il s’agit.

 

Je venais d’arrêter la voiture devant le maquis-bar KETEKETE juste derrière le prêt à porter ‘’La Diversité‘’. Je regardai la longue file de voitures de tous genres qui étaient garées là. Je remuai la tête avant de regarder en direction de mon épouse. Comment fait cette dame pour avoir autant de clients me demandai-je. Il était quinze minutes après la première heure de l’après midi. Heure de pointe ou du moins heure de pause pour la plus part des administrations publiques et privées du pays.

Les voitures étaient alignées pêle-mêle sur l’air de parking et le long des trottoirs. Ray, n’avait pas pipé mot de tout le trajet.

-          Tout va bien ?

-         

-          Ray !

-          Oui ca va mon chéri, t’inquiète.

Elle se tourna vers moi et leva sa main vers mon visage. Ses doigts fins et doux, effleurèrent ma joue droite. Un frisson me parcourut. Il y avait de ses instants où, une décharge électrique diffusait de son corps et sans m’assommer, savait me griser. Mon épouse savait me faire perdre mes moyens et cela, aucune femme n’était jamais parvenue à me le faire. Ray disait que c’était son charme de Reine, et que cette radiation qu’elle émet venait de la ‘’Nan‘’ en elle. Je la regarde descendre de la voiture, et suivi sans mots dire. Je réalise qu’elle est dans un état second, mais je ne peux l’expliquer. Dans le silence, nous fîmes les achats et revinrent sur nos pas.

Ray avait juste fait signe chez la vendeuse pour se faire servir. Elle n’avait pas parlé et juste le fait qu’elle se tienne là dans la foule avait suivi qu’on lui fasse un boulevard et qu’elle soit servie au détriment des autres qui attendaient avant nous. Au moment de payer la note, la dame avait refusé les sous et n’avait pas cessé de s’incliner devant nous. Elle nous avait même gratifiés de quelqu’un pour porter les repas sous les regards ébahis de tous ceux qui étaient là.  Je n’avais pas vraiment l’habitude de me retrouver dans ce genre de situation avec mon épouse, mais les quelques rares fois que cela se présentait, je me disais juste qu’elle usait de son charme.

Je démarrai et dans le même silence, nous étions revenus à l’hôpital. Ray ne descendit pas cette fois. Elle avait le regard vide et de ses doigts lissait le tissu de sa robe. Je fis le tour de la voiture pour descendre les repas de Solange et de sa cousine et fit un effort de parler, mais aucun sort ne voulu sortir dedans de moi. Je tournai sur mes talons et pris la direction des salles d’hospitalisation.

Rayons de soleil