Chapitre 8 SOLANGE YAAYA VEUVE LECRI

Ecrit par Marc Aurèle

 

RAY

Nous venons de sortir de la chambre mortuaire. Solange y a beaucoup pleuré. J’aurais fait de même et certaine plus si j’étais à sa place. Elle avançait, encadrée par sa cousine et moi. Sam était légèrement en arrière. Mon homme à de ces attentions de gentlemen qui me laisse toujours en charme devant lui. Il avait de ces manières de s’effacer ou de se fondre dans la foule, quand sa présence ne devait pas encombrer. Nous étions presque arrivés, à la voiture. De toutes les façons, la famille n’avait  pas fait une mise en place pour recevoir les invités, car ils n’en attendaient pas. Nous n’avions donc de siège en ce lieu de funérailles que les sièges de la voiture qui nous y avait conduits. Je sentis Solange me tirer vers le bas, elle s’évanouissait. Sam qui n’était pas trop loin, avait déjà remarqué le chancellement et avait couru à son secours. Je le vis la soulever du sol et la porter dans ses bras. Il avait compris qu’elle perdait connaissance. Il avait su voir les grosses gouttes de sueurs qui avaient mouillé sa tunique.

Nous avions du partir de là au plus vite. Sam avait quand même pris le temps de rafraichir Solange et de la voir réagir avant de prendre la route. De toutes les façons, tout était si étranges à ces funérailles que partir sans vraiment les achever, n’était que dans l’ordre normal des choses. Sam avait suffisamment accéléré. Une heure trente plus tard, nous étions déjà en ville. Mon mari cherchait du regard un centre de santé, où il allait se garer. Quelques minutes plus tard nous étions à la hauteur du centre de Santé de Kindonnou. SAM venait de tourner à gauche sur les pavés du centre commercial BENIN MARCHE, avant de poursuivre ensuite sur sa droite. Il klaxonna dès qu’il aperçu le portail du centre de Santé. Les agents de sécurité, comprirent l’urgence et levèrent la barre de sécurité. Je vis deux jeunes hommes dans des blouses vertes se positionner sur la terrasse avec un brancard.

J’étais sous le charme de la promptitude et le professionnalisme de cette équipe d’urgentiste, qui était déjà positionné à accueillir, les patients. Je les vis récupérer Solange et la porter sur le brancard avec tout le soin et toute l’attention nécessaire. Avec Roukia, nous rendîmes à l’accueil pour les formalités d’enregistrements de la patiente, tandis que Sam avait suivi les agents de santés en salle d’urgence. Il en ressortit quelques minutes plus tard accompagné d’un médecin qui tenait son stéthoscope en main. Les traits de mon mari étaient moins tendus, quoique je ressente une inquiétude dans ses yeux. Il prit des mains du médecin ce qui devait être l’ordonnance et s’approcha de nous.

-          Qu’est ce qui ne va pas trésor ?

-          Je ne sais pas si c’est une bonne nouvelle… mais Solange est enceinte de deux mois.

-          ….

Il me jeta l’information tout de go et se dirigea vers la sortie. Sam, n’avait même pas essayé de voir mon visage encore moins celui de Roukia qui hurla presque. J’entendais le cri strident qu’elle poussa, tout en essayant de rattraper mon époux.

 

SAM

Je ne saurais accepter que quelques choses de malheureux arrivent  à nouveau. Déjà s’en est assez de Jules qui n’est plus et avec toutes les pratiques ici qui sont plus que ennuyantes, il y a plus qu’intérêt à partir d’ici. Dans ma tête la démarche était assez claire de toutes les façons en ce qui concerne les inhumations. Pour moi, un être c’est une vie ; et même si après la vie il y à la mort, je reste de ceux qui pensent que tout ce que nous pouvons apporter à un homme, doit être fait de son vivant. Toutefois, après la mort de ce dernier, un hommage est suffisant et une prise en charge de sa succession est primordiale tant dans la pérennisation de ses œuvres que dans la gestion de son passif. Du moins, c’est ce que j’aurais souhaité que l’on me fasse, quand sonnera ma dernière heure et que je devrais rejoindre l’au-delà. C’est pourquoi, j’avais hâte d’en finir et de partir m’occuper de Solange et des enfants de Jules.

Je n’eu pas du mal à mettre cela en exécution. Solange avait fini de se morfondre sur le cercueil et sur mon ordre déjà, s’était redressé pour sortir de la chambre mortuaire. Nous avancions vers la voiture, quand je la vis perdre connaissance et tomber. Je me dépêchai de la rattraper au vol et de la porter vers la voiture pour la conduire à un centre de santé. Le plus proche était hélas en ville et quand, je pu en avoir un, c’était un soulagement de voir des professionnels s’occuper de la veuve de mon ami. Seulement, je devais réaliser qu’au-delà des trois orphelins, que je réfléchissais à gérer, il y en avait un ou une autre avec qui je devais compter désormais. Le médecin en me remettant l’ordonnance pour les premiers soins, m’informant pensant que j’étais l’époux. En l’écoutant, j’avais fait mine d’être celui qu’il croyait avoir en face de lui. Et quand, il m’annonça la nouvelle, je ne pu m’empêcher de lui donner dos, pour ne pas lui montrer mon désarroi.

J’avais passé l’information à mon épouse sans porter de gants et sans même attendre sa réaction. Je n’avais qu’un seul objectif, qui était de retrouver la pharmacie du centre, vu que le médecin mettait un accent particulier sur la nécessité de vite remonter la patiente.

Quoique je ne sois pas du corps, je compris qu’il s’agissait de fournir de l’énergie, à travers des substances destinées à compenser le défi en alimentation de Solange durant ces derniers jours. A y penser, as t’elle vraiment manger depuis dimanche ?

Tout en réfléchissant à la chose, j’avais découvert la pharmacie où une charmante hôtesse s’était occupée de moi. Mes produits dans un sachet, je me retournai au chevet de la jeune veuve. Elle était entourée de Ray et de Roukia de par et d’autre du lit et pleurait à chaudes larmes.

-          Le moment n’est pas aux pleurs, ma chérie disait Roukia en lui tenant le bras pour la maintenir dans le lit.

-          Non !non ! pas çà. Jules tu ne peux pas me faire cela. Me mettre enceinte et mourir ? Non ! je m’attendais à tout sauf à cette éventualité.

-          Mais arrêtez de bouger madame ! On a déjà assez du mal à trouver vos veines.

L’infirmière était aussi là et essayait de poser un cathéter à la main de Solange pour lui passer la prescription du médecin. Quelques minutes après, elle était moins agitée. Je pouvais voir les larmes sur ses joues, comme les eaux d’une chute. Elles tombèrent seules, abondantes et continuellement. Je m’étais mis en retrait face au tableau qui se tenait devant moi.

 

SOLANGE

Je regarde droit devant moi, la salle d’hospitalisation semblait sans fin. Je sentais l’humidité sur mes joues. Elles étaient d’ailleurs devenues creuses depuis que j’avais cessé de m’alimenter. Mes fossettes devaient certainement retenir mes larmes. Je secoué la tête, comme pour les vider. Sam était assis au fond dans un coin sur un tabouret, les yeux rivés sur moi. Roukia, était assise sur le rebord du lit sur ma gauche tandis que Ray, se tenait debout, tenant ma main droite qu’elle caressait.

Me voilà, moi Solange YAAYA, fille de Sieur YAAYA, grand professeur de mathématiques des Lycées et Collège du Bénin à la retraite, titulaire d’une maitrise en mathématiques appliquées de l’Université d’Abomey Calavi, couchée dans un lit, affalée comme un sac de maïs de cent kg jeté sur le tas.

Je me regardais et je voyais un échec. Moi qui étais appelé à un brillant avenir, me voici mère d’une portée d’enfants. Me voici, veuve ave déjà trois marmots et voilà qu’on me dit qu’il en arrive encore. Je ne m’en remets pas. Déjà avec Jules vivant, ce n’était pas chose aisée de gérer le quotidien. Et même si ces derniers mois les choses semblaient s’arranger, mon époux et moi avions décidés de ne plus avoir d’enfants. Je m’étais alors rendu dans un centre de planification familiale où j’avais reçu un stérilet. Je ne peux donc comprendre pourquoi, l’on me parle d’enfant. Mes idées allèrent comme des colombes dans les airs.

J’étais terrifiée à cette idée de me retrouver désormais seule avec quatre bouches à nourrir, sans ressources financières et sans travail. Je me souviens comme si c’était hier quand, mon défunt mari me suppliait de prendre quelques heures de vacation. Moi, je lui répondais non sans jamais le laisser aller au bout de ses propos. Mon homme se taisait toujours et à chaque fois que ce débat venait, il se retirait, quoi qu’on fût entrain de faire. Il n’appréciait pas le fait que je sois conservatrice à outrance, et me répétait combien aujourd’hui les femmes devaient également contribuer à la gestion des charges de la maison. Ces phrases me sonnaient dans la tête. Je ferme les yeux et je le vois. La scène de notre dernière discussion défila sous mes yeux. Il venait de rentrer du travail, ce soir là fatigué. Nous étions déjà dans notre nouvel appartement. Il était vingt et une heure et il posa sur la table basse, le sachet de condiments.

-          Solo, on ne peut pas continuer comme çà.

-          Quoi avait je répondu.

-          On ne peut continuer de faire attendre les enfants, ou de les laisser à jeun, juste parce que je ne suis pas là ou que je n’en ai pas les moyens. Tu ….

-          Quoi ? qui t’a dit qu’ils sont à jeun ? moi je n’aime pas ces conneries que tu me sors.. avais-je crié.

-          Tu m’excuses, mais si tu avais aussi un travail, la popote serait tout au moins consistante et au cas où je n’en aurais pas tu….

-          Tu es revenu avec ta théorie de l’égalité ? pardon, j’ai vu ma mère à la maison et même si je suis allé à l’école, je préfère de loin rester à faire grandir mes enfants que courir derrière l’argent. Donc va te changer et colle moi la paix.

Je l’avais regardé ce jour là partir vers la chambre sans ne plus rien dire. Aujourd’hui, je regrette. Je sens un nœud dans ma gorge. J’essai d’avaler la salive, mais elle ne passe pas. L’angoisse est plus forte. Je vois le médecin rentrer dans la salle, poussant devant lui l’échographe. Il était suivi d’une jeune assistante habillée en blouse rose. L’homme mit ses gants et laissa le soin à la jeune fille de me préparer. Cette dernière avait du mal avec mon hidjab de cérémonie. Elle se fit aider de Roukia et Ray et enfin parvint à mettre à nue mon ventre. Le médecin, passa le gel, sur le pointeur de l’échographe et dès qu’il le posa sur moi, je frissonnai. Je serrai la main de Ray, avant de détourner les yeux de l’écran de l’appareil à échographier. Je ne voulais pas réaliser que cela était vrai. J’entendais juste le médecin parler.

-          Madame, ca c’est très bien, vous avez une très bonne constitution. Le bassin est bien organisé pour la grossesse et je suis convaincu que tout se passera très bien. Donc faudra suivre les consignes du gynécologue surtout. D’accord ?

-         

-          Maintenant voyons, le bébé. Il est très bien constitué, mais je viens…

-         

-          Ah non madame mes félicitations, ce n’est pas le mais il s’agit des bébés, j’en vois trois exactement….

-          … vous vous foutez de moi ?

Je venais de me redresser violemment. Quelle est cette blague idiote que cet homme me faisait. Je vis Sam se lever et venir vers le lit. Ray et Roukia, me retenais de toutes leurs forces.

-          … mais madame, regardez par vous-même.

Ca y est je suis foutue. Sauvez-moi ! Moi qui me plaignais juste de trois, me voilà, avec six comme par enchantement. Je ne m’en revenais pas. Je regardais, les formes sur l’écran et je sentais d’avantage la colère en moi.

-          Dans quatre mois au plus, vous serez maman de trois filles. Je vais vous prescrire les cachets traditionnels et revenez me voir dans un mois. En attendant, passez cette batterie d’examens et au moindre souci revenez me voir.


PS

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