Chapitre 9 : Une famille unie
Ecrit par Auby88
Judith da SILVA
Je suis dans la cuisine avec Afi. Nous finissons d'apprêter le repas de midi.
- Maman !
Je lève les yeux vers la porte d'entrée de la cuisine. Elle vient se jeter dans mes bras.
- Mon petit cœur !
J'affiche un sourire des plus radieux.
- J'espère que tu as été assez sage aujourd'hui.
- Oui maman. Qu'est ce que tu prépares ? Cela sent tellement bon ici.
Une autre silhouette s'amène dans ma cuisine. Une voix d'homme, teintée d'un éclat de rire familier.
- J'espère que c'est mon plat préféré que tu cuisines ! En attendant, je …
- Arnaud ! Je te vois. Ne touche surtout pas mes gâteaux sans te laver les mains. C'est pareil pour toi, Sibelle.
Je regarde les deux êtres les plus chers de ma vie, se bousculer pour se laver les mains.
Je leur permets de prendre quelques canapés en bouche.
- Allez vous changer !
Tout en leur parlant, je sors les couverts et les remets à Afi.
Quelques minutes plus tard, nous sommes à table dans la salle à manger. Arnaud, malgré toutes ses occupations à la banque, trouve toujours le temps de passer manger à midi. Je ne m'en plains pas car c'est un plaisir de revoir son beau sourire et de lui concocter les divers et délicieux mets que je découvre dans mes livres de recettes. En silence, nous mangeons respectant l'adage : "On ne parle pas la bouche pleine".
Dès qu'on finit, Afi vient m'aider à débarrasser la table. Je m'éclipse quelques secondes en cuisine puis rejoint ma petite famille dans le salon. Sibelle, pressée de sortir les mots qu'elle retenait depuis, converse déjà avec son père. Elle lui raconte sa journée de classe. Il l'écoute avec attention. Je m'assois à ma place et tend l'oreille.
- Je vois que tu restes une très bonne élève et je suis très fière de toi, princesse !
- Merci papa.
J'interviens aussi.
- Continue toujours ainsi, Sibelle !
J'en profite pour la taquiner.
- Je note également qu'aujourd'hui, tu es venue assez tôt à la maison. Tu n'as pas eu de séances de travaux dirigés extraordinaires ?
- Bah ! Non, fait-elle visiblement pas à son aise.
Je souris discrètement en regardant Arnaud.
- Des séances imaginaires pendant lesquelles tu partais rendre visite à l'avocate, n'est-ce pas ? Le chauffeur m'a tout raconté.
- Papa, je…
- Ne t'inquiète surtout pas, petite diablesse ! Nous ne comptons pas te gronder ou te punir pour quelque chose qui est passé. Mais à l'avenir, je te prie de nous informer ou demander notre permission avant d'aller où que ce soit. C'est bien compris, Sibelle ?
Elle hoche timidement la tête. Je renchéris.
- Nous t'aimons beaucoup, ma chérie et nous ne voulons pas qu'il t'arrive quoi que ce soit. Tu comprends ?
- Oui, je vois maman et papa. Mais mademoiselle Margareth est une personne très gentille. Elle ne me fera jamais du mal.
Je passe une main dans ses cheveux.
- C'est possible, mais nous ne la connaissons pas assez. Si nous l'avons invitée à ta fête d'anniversaire, c'est parce que tu as beaucoup insisté pour qu'elle vienne. Tu tenais à la remercier pour t'avoir aidée à la cour d'appel. En plus, tu restes fascinée par le métier d'avocat.
- Donc, je ne peux plus la voir ? demande-t-elle toute triste.
- Bien sûr que oui, poursuit son père. Mais sans trop envahir son espace car cette femme doit être assez occupée. Et surtout tu devras à chaque fois demander la permission à maman ou à moi. C'est compris ?
- Oui papa. Je promets de ne plus désobéir à maman et toi.
- Allez, viens dans mes bras.
Elle va se blottir tout contre son père qui lui dépose un bisou sur le front. Je me joins à eux et tous trois, nous nous donnons une accolade très chaleureuse.
A l'autre bout de la ville…
Margareth IDOSSOU.
Derrière la fenêtre de mon bureau, je suis ; le regard perdu dans le vide. Malgré moi, je repense à Sibelle et à l'affection grandissante que je ressens pour elle. Je me dois pourtant de l'oublier. Hier, en l'espace d'une seconde, j'ai cru qu'elle était ma Maéva. Je deviens trop émotive ces temps-ci, ce qui ne me convient pas, ce qui ne s'accorde pas avec mon métier. Je me dois de toujours rester forte.
Le téléphone fixe dans mon bureau sonne. C'est ma secrétaire à l'autre bout du fil.
- Fais la entrer !
Je raccroche et vais m'asseoir. La porte s'ouvre et je découvre ma nouvelle cliente. Elle fait partie de mes actions de bénévolat. Je ne prends aucun centime pour défendre ces cas là.
Je secoue la tête, tellement je suis outrée par ce que je vois. Une jeune femme au bras gauche plâtré, un oeil bandé et des blessures au visage et sur le bras droit. Je suis écoeurée.
- Bonjour maître, commence-t-elle.
- Bonjour madame Sèna. Prenez place.
Je lui indique l'un des fauteuils en face du mien.
- J'ai parcouru votre dossier et je suis disposée à vous aider. Dites-moi, c'est votre mari qui vous a fait tout cela ?
Tout est déjà consigné dans son dossier, mais j'ai besoin de l'entendre de sa bouche.
- Oui, maître. C'est lui ! répond-t-elle en fondant en larmes.
Je suis habituée à voir mes clientes pleurer. Je lui tends un mouchoir en papier.
- Calmez-vous ! Mais comment avez-vous pu le laisser vous maltraiter pendant trois ans ? Vous auriez dû le quitter dès la première fois où il a porté la main sur vous.
- Je suis restée pour les enfants et parce que je l'aimais.
- Pour les enfants, vous dites ! Ce n'est pas une excuse valable. Vous auriez pu mourir. Et aucune sorte d'amour n'inclut de se faire mal sciemment.
- Je sais mais il me disait qu'il m'aimait, il me promettait de changer.
- Je vois. Votre mari est sûrement un adepte de l'adage " Qui aime bien châtie bien ". En d'autres termes, "Je t'aime donc je te bats". Et vous, vous y croyiez ! Bon sang ! Vous ne réfléchissez pas ? Vous avez quoi à la place du cerveau ?
Elle éclate en sanglots. J'y suis allée un peu trop fort.
- Ecoutez madame Sèna. Je m'excuse si mes propos vous ont choquée. Je n'ai point l'intention de vous juger. J'admire votre courage après tout car vous avez finalement quitté votre foyer et osé dénoncer votre mari. Rares sont les femmes violentées qui se montrent au grand jour. Je vous assure que je ferai tout ce qui est en mon pouvoir pour que votre mari reçoive la punition légale qu'il mérite. Quant à vos trois enfants, soyez-en sûre, vous en aurez à nouveau la garde.
- Merci, maître, dit-elle en me gratifiant d'un léger sourire.
Je hoche la tête et je poursuis.
- J'ai également lu dans votre dossier que vous êtes une femme au foyer et que votre revenu se limitait aux miettes que vous laissait votre mari.
- Oui, maître.
- Il vous faudra acquérir dès maintenant une certaine indépendance financière pour prouver au juge que vous serez capable de vous occuper de vos enfants.
Elle semble perdue.
- Ne vous inquiétez surtout pas. Je connais une fondation qui vient en aide aux femmes dans votre cas. Et de mon côté, je verrai comment vous aider dans ce sens.
Elle semble plus détendue.
- Merci maître !
J'aquiesce de la tête.
- A présent, vous pouvez partir. Je vous contacterai pour notre prochain rendez-vous.
- Que Dieu vous bénisse infiniment, maître !
A nouveau, je hoche la tête. Je la regarde pendant qu'elle se dirige vers la porte.
Franchement, après avoir vu cette femme, je hais encore plus les hommes. Ils sont menteurs, volages, dominateurs, sadiques... Tous des vauriens. Mon dégoût pour eux a commencé suite à ma triste histoire avec Charles. Et depuis lors, il ne fait que s'intensifier.
- Charles !
Je murmure doucement son prénom. Puis les yeux empreints de mélancolie, je plonge dans mes pensées. Je me retrouve dix ans plus tôt...