Chapitre I
Ecrit par imalado
------Naya Oyoko------
Assise à même le gazon du jardin, je regardais le ciel me tomber sur la tête. Que venait-il de se passer ? C’était censé être le plus beau jour de ma vie, celui où je serais unie à jamais avec l’homme que mon cœur chérissait le plus. Je pose la main sur mon ventre, tout semble calme, mon bébé va bien. Je saisis le bord de ma robe de mariée et me relève. Je voyais le monde tout autour, mais je n’entendais rien. Anaïs, ma sœur se saisit de mon bras, et me dirigea vers le séjour. Je la suis ahurie. Ce n’est qu’une mauvaise blague ? N’est-ce pas ? Mais rien qu’à voir la tête de ces invités, je pouvais comprendre que non.
- Tu ne bouges pas Naya. Je reviens tout de suite le temps de remercier ces invités. Tiens de l’eau et bois, Mouna va rester à côté de toi.
Je regarde le visage de Mouna, qui tentait de retenir ses larmes, encore sous le coup de l’émotion. Elle était comme une mère pour moi, et nous a pratiquement élevé, ma sœur Anaïs et moi. Je vois dans ses yeux la douleur, je ne me l’expliquais pas, mes larmes semblent ne pas suivre l’ampleur de l’émotion. Je me lève et la prend dans mes bras :
- Tout ira bien Mouna, tout ira bien…
Je me détache d’elle, je ne veux pas qu’elle mouille cette magnifique robe que je prote et me dirige vers les escaliers, quand elle vint s’arrêter et me barrer la route, d’une voix tremblante :
- Melle Anaïs m’a formellement demandé de ne pas vous laisser toute seule.
- Je vous promets Mouna de ne pas me faire de mal, j’ai juste besoin d’être seule, vraiment besoin.
Elle secoua la tête et recula, je continue alors dans ma chambre et ferme la porte à clé. A travers la fenêtre, je vois les invités qui se hâtent à la porte avec des petits sacs, idée d’Anaïs surement, pour amortir le choc.
Donc je devais me marier aujourd’hui. Je m’appelle Naya Oyoko, mon fiancé Athan Akué vient de manquer à sa promesse, et par suite a fini avec ma vie et celle de l’enfant que je porte en mon sein.
Athan Akué. Un jeune homme brillant et ambitieux que j’ai rencontré lors d’une formation sur les enjeux de l’insertion des Energies Renouvelables dans nos pays. Il m’avait séduite par son aisance à la parole, et son intelligence. J’en suis tombée vite amoureuse. Et mon père, Robéri Oyoko, lui ouvre alors les portes de sa maison, et de sa société Green Goal, dans laquelle il occupe directement le poste de chef de production. Tout allait pour le mieux, enfin pour ce qui y semblait.
J’étais directement reliée à mon père pour tout ce qui concernait la société, je le secondais. Athan Akué fit sa demande lors d’un diner que mon père organisa à l’occasion de la création de la marque de produits cosmétiques d’Anaïs, ma sœur ainée. Et malheureusement mon père mourut quelques temps après, me laissant à la tête de la société.
Enceinte et complètement abattue, je décide donc de laisser les rênes à mon « futur mari » le temps de mettre au monde notre bébé. Voilà, la marche de l’escalier que j’ai manqué et qui me plonge dans ce trou, aujourd’hui : Athan a pris l’entreprise et tous nos biens. Nous sommes ruinées Anaïs et moi. Ruinées. Et même cette magnifique maison dans laquelle nous avons grandi n’est plus à nous, sauf la petite entreprise d’Anaïs qui débute mais cela ne nous aidera jamais à vivre comme à notre habitude.
Je m’assoie sur le lit, ta tête dans les mains. Comment cela a-t-il pu m’arriver ? Moi, Naya Oyoko ? Je me regarde à travers le miroir. Le stress dû à l’organisation de ce mariage raté, m’a fait maigrir, mais la robe garde de son éclat. Une merveille que mon père a fait venir, signée Vera Wang. Mon Dieu, me pardonnes-tu de là où tu es papa? J’éclate en sanglot faisant couler mon maquillage. Un coup de pied de ce petit être qui grandit en moi, me fit tressaillir.
Non Naya, ce n’est pas le moment de baisser les bras et de te rabattre sur ton sort. « La plus belle façon de remonter, c’est de recommencer ». C’est cela, et mon père avait bien raison. J’essuie mes larmes et enlève la robe que je porte. Je ne ressemble à rien avec ce visage que j’essuie avec une des lotions d’Anaïs, avant d’enfiler un jean et un haut léger quand à ma porte, on frappe.
- Naya. C’est moi Anaïs.
J’ouvre et aperçois l’expression de son visage qui avait l’air de dire : tu es folle ? Je la laisse au pas de la porte et d’une main, je récupère quelques dossiers qui trainaient sur ma table de chevet depuis des jours.
- Naya tu peux m’expliquer ce que tu fais ?
- Appelles Maître Ayo. Dis-lui de me rejoindre à mon bureau à Green Goal, je vais prendre les clés de ta voiture.
- Naya ? (en me saisissant par le bras quand je me tiens près de la sortie)
- Je vais bien. Enfin, j’irais mieux si tu me laisses avoir le cœur net. S’il te plait Anaïs fais-moi confiance.
- D’accord je vais l’appeler, mais je préfère que le chauffeur t’y conduise, c’est quand même plus prudent.
Elle me regarde de ses yeux, inquiète et je vois à quel point cette situation lui fait mal. Mais il faut d’abord comprendre. Je passe par l’arrière-cour pour retrouver le chauffeur. Dans la voiture, je tente encore le numéro d’Athan. Répondeur. Si c’est encore son numéro bien-sûr. La feuille froissée dans mes mains, cette note qu’il envoya en guise « d’explication » pour m’avoir laissé devant l’autel :
‘Je suis désolé Naya, mais ce mariage n’aura pas lieu. Je sais à quel point tu dois te sentir mal, confuse. Je te connais tu es forte, tu te relèveras, tu l’as toujours fait. Je pars avec la société bien-sûr et aussi les biens que ton père vous a légués. Je te l’ai dit dès le début, qu’un homme ambitieux est une lame tranchante mais tu t’es trop vite attachée. Ne cherche pas à comprendre ce qui m’anime, ne me cherche pas tout simplement. Adieu Naya Oyoko.’
Voilà en quelques mots comment ma vie bascula. Chaque mot de cette note est une profonde douleur. Et le pire, il n’a même pas fait allusion à l’enfant que je porte, à son enfant. Et ce qui commence par je suis désolé et se termine par ne me cherche pas. Mais je garde mon calme, si je peux remonter la manche, récupérer quelque chose, je ne dois pas me laisser aller, pas maintenant.
Arrivée à peine devant les portes de la société que le vigile me fait signe de ne pas avancer. L’ordre lui a été donné par le chef Athan, de ne laisser entrer aucun membre de la famille Oyoko. Essayant de garder mon sang froid :
- Martin ? J’ai signé le document pour que tu obtiennes ce poste afin que tu puisses te marier. Mon père, Robéri Oyoko a pris en charge les frais pour le traitement de la maladie de ta mère. Martin, si elle est en vie aujourd’hui c’est grâce au Seigneur et à travers la bonne volonté de mon père, ouvre-moi tout de suite cette porte avant que je ne sois hors de moi.
- Désolé, désolé mademoiselle Oyoko. (En ouvrant la porte tête baissée).
Quand je surgis dans les locaux, les personnes présentes se figent complètement. La nouvelle circule déjà. Je rentre dans mon bureau et retrouve Fanai, ma secrétaire, affolée, elle vient se jeter sur moi :
- Oh Naya, c’est horrible ce qui s’est passé.
- Ce qui se passe tu veux dire ? Fanai, Athan t’avait remis les documents de passation que j’avais signé ?
- Oui, ils sont là. Tiens.
L’horreur que je voie sur les documents : une confiance aveugle destructrice. Athan m’avait remis les faux que je signai la nuit même où j’appris que j’étais enceinte, et avait donc changé les termes en sa faveur afin de tout détourner. Il s’est servi de ce moment où sous le coup de l’émotion, je n’étais plus moi-même. Quel salopard ! Comment ai-je pu tomber amoureux de ce monstre ? Je m’affale sur mon bureau quand Fanai court m’apporter une bouteille d’eau.
- Naya ? Que va-t-il se passer ?
- J’ai tout perdu Fanai. Tout.
De ses yeux petits yeux, elle fond en larmes. Je reste sous le choc, face à l’évidence même de ma sottise. Je prends un carton dans lequel je mets tous les documents et demande au chauffeur de les remettre dans la voiture.
- Maitre Ayo, vous êtes venu ?
- Oui, votre sœur m’a parlé pour une urgence ? Je ne pensais pas vous voir ici après le…
- Le mariage raté ? Moi, non plus. Ecoutez Maitre, vous étiez un ami de mon père et vous savez à quel point il aimait cette société. A quel point je l’aime. Dites-moi seulement s’il est possible de la récupérer ?
- Tenez cette chaise et asseyez-vous Naya. Vous ne pourrez l’avoir qu’en la rachetant.
- La racheter ? Notre société ? Et avec quel argent ? Il a tout pris ?!
- Oui mademoiselle, votre fiancé…
- Ex fiancé…
- Votre ex fiancé, a d’abord vendu la société. Ce qui fait qu’elle ne vous appartient plus. Il a ensuite, je ne sais par quelle magie fiscale, racheter la société en son nom. Mais le problème mademoiselle, c’est que vos signatures figurent sur l’accord de vente. Aucun jury ne voudra plaider en votre faveur.
Plus il parlait plus j’identifiais l’ampleur de la situation, qui jusqu’en ce moment était flou. Je regarde autour de moi. J’avais envie d’hurler son nom, qu’on me l’amène et que je lui dise en face ce que je ressens. Mais non. A quoi ça servirait ? Pour un homme qui n’a aucun sens du devoir, ou même du raisonnable ?
- Maître Ayo. La maison… ? C’est pour lui aussi ?
- Oui. Si vous voulez j’ai apporté avec moi la liste de vos biens.
- Lisez-le moi je vous prie.
- Anaïs garde sa société de produits cosmétiques car cela ne fait pas partie de l’héritage, par contre vous devriez libérer la maison…
- On a grandi dans cette maison…
- Je sais… Vous avez tout de même l’autre maison, celle de votre mère. Soyez forte Naya. Je ne peux pas imaginer ce que vous vivez maintenant. Mais votre père, aurait voulu que vous vous battiez contre les épreuves de la vie, mais d’abord, tentez de vous retrouver pour reconstruire. Et puis vous êtes enceinte…
- De ce salopard. Excusez-moi Maître. Et merci encore d’être venu. Je vais rester le temps de vider ce bureau et de récupérer quelques dossiers si ça ne vous dérange pas de me laisser seule.
Maître Ayo s’excusa de n’avoir pas grand-chose à nous apporter avant de partir. Fanai m’aida à ranger le reste de mes affaires. Je retrouve en sortant toute l’équipe dans la grande salle des infos. Surprise et à peine ai-je eu le temps de réagir, qu’ils se mirent à applaudir. Je n’ai jamais su exposer mes sentiments, je souris et les regarde quand l’un des chefs d’équipe s’approche :
- Votre père était un homme bon, vous l’êtes aussi mademoiselle. Et sans vous cette société n’avancera pas, sans vous elle n’est plus.
- Vous y croyez ?
- Pardon ?
- Vous croyez au revers de la médaille ? Si oui, alors vous me croiriez quand je vous dis que ce n’est pas finit. Et Green Goal c’est vous aussi, on y serait jamais arrivé sans vous. Accrochez-vous surtout et prenez-soin de vous.
Je sors de la salle et rejoins le chauffeur quand le vigile vient me dire au revoir. Je regarde les façades de la société et je jure que ce n’est pas finit. Je ne sais pas pourquoi mais cette impression est là comme une promesse d’avenir…