Chapitre II

Ecrit par imalado

------Anaïs Oyoko------

        Je tremble de tous mes membres. Cela fait plus de deux heures que Naya est partie sans nouvelle. Il s’est passé tellement de choses depuis ce matin que j’ai l’impression de perdre le fil du temps.

Je revois encore l’instant où tout a basculé. Un homme qui vint la retrouver pour lui remettre une note « de la part de Mrs Akué ». Le visage de la pauvre s’était endurci avant qu’elle ne s’effondre sur le gazon. Il m’a fallu peu de temps pour comprendre. Il ne viendra pas.

Mais voyez-vous, ce n’est pas cela qui m’inquiète. Après ce coup de grâce, elle semblait s’attarder sur autre chose. Qu’est-ce ? Je n’ai pas envie de remuer le couteau dans la plaie, mais je ne l’ai pas vraiment aimé cet Athan Akué, jamais pour dire vrai. Il émanait de lui de la méfiance. Mais père aimait trop Naya, pour lui refuser quoi que ce soit. J’aurais fait pareil à sa place. C’est ma petite-sœur.

Naya a toujours été la plus intelligente de nous deux. La plus prévoyante. A vrai dire je n’ai pas toujours mérité ce rôle d’ainée. Alors si ce n’est l’amour, qu’est-ce qui pouvait la rendre aussi vulnérable ? Et c’est la seule raison pour laquelle mon cœur n’a pu s’ouvrir à quelqu’un. Je n’y crois pas tout simplement. Et en voici la preuve évidente.

La sonnerie de mon téléphone vint me sortir de mes pensées : c’est Fanai. La secrétaire de Naya. Elle m’explique qu’il faut prendre tous nos affaires de la maison vers celle de la Cité d’anges et que cela venait de Naya parce que la maison n’est plus nôtre. Je ne comprends pas mais je m’exécute tout de même, je fais confiance à ma seule et unique.

-         Elle dit qu’elle te rejoindra là-bas après son entretien avec Maître Ayo.

-         Merci Fanai.

Compte à rebours du sang chaud. Seigneur si de mes mains je trouve Athan Akué, pardonnez à l’avance pour ce que je lui ferais.

Je mobilise le personnel de la maison pour cette tâche avant de rejoindre Naya pour enfin tout comprendre. Je regarde une dernière fois cette maison et l’impression étrange me vient comme si c’était la dernière fois que j’y mettais pied. Etrange…

------Athan Akué------

Je ne pense plus tenir debout. J’y suis arrivé ! Enfin ! Moi Athan Akué je suis multimilliardaire. Peu importe le chemin que j’ai pris pour y arriver. Je l’ai fait. Vous pouvez me traiter de tous les maux, ça m’est bien égal. Je sais au fond que je l’ai blessé, mais chacun sa chance dans la vie. Et elle a eu le malheur de tomber sur moi.

Je ne pense pas trouver d’excuses en disant que je suis né pauvre, dans la galère et que mon unique objectif dans la vie était de ne pas mourir pauvre comme mon incapable de père. Vous me direz qu’il a su gagner honorablement sa vie en cultivant ses terres. Mais non, je ne le vois pas ainsi. Alors quand j’ai rencontré Naya Oyoko. J’ai cru en la seconde chance. C’était ma porte de sortie. A coup sûr, je n’aurais pas pu séduire une fille comme elle, rien que par le don de Dieu qui reste mon physique, non. Elle valait beaucoup d’efforts. Je l’ai donc séduite par le biais de mon cerveau. Comme quoi, les grands esprits se rencontrent. Et le tour ne se jouait qu’à quelques charmes près.

Après nos fiançailles, je pensais avoir assez de temps avant qu’ils ne parlent de mariage, mais c’était sans compter sur cette grossesse. Robéri Oyoko exigea donc qu’on entame les démarches. Après son décès, je décide donc de passer à la vitesse supérieure, Naya n’en pouvait plus avec l’état d’avancement de sa grossesse et proposa donc de me laisser les rênes de la société, vue qu’Anaïs n’évoluait pas dans ce domaine. Bingo !

Un soir je lui propose un verre de lait, son rituel pour bien dormir, j’en profite pour y glisser quelque chose et la fit signer les documents. Coup de maître. Il ne me restait plus qu’à trouver un moyen de m’en séparer.

Je m’étais pris au jeu des sentiments et j’avoue que sa bonne humeur parfois m’atteignait mais non, moi je ne l’aimais pas. J’avais en vue Kayanda Besa, cette jeune et belle mannequine, une merveille pour qui j’aurais remué ciel et terre. Et maintenant que je suis riche, je sais que je suis assez « grand » pour lui faire la cour. Le monde n’attend plus qu’Athan Akué. Zéro remord, zéro tracas, à moi la belle vie !

          Noel Anju, mon meilleur pote que j’ai pris avec moi pour cette aventure, m’annonce que Naya vient de quitter la société avec un sacré paquet de carton. Mon Dieu, qu’a-t-elle en tête ? C’est vrai j’avoue, je ne suis pas étonné qu’au lieu de pleurer sur son sort, elle cherche à tout résoudre. Elle est comme ça, forte. Mais il est trop tard ma belle.

          J’ai changé de numéro, je ne veux pas entendre ses lamentations. Ses enfants de riches sont trop vulnérables aux émotions. Je sais que j’ai déjà pris toutes les dispositions pour que rien ne me tombe dessus ou ne me soit retiré. Je devrais par ailleurs virer Fanai, je sais à quel point elle lui est fidèle. Je passerais dans quelques jours dans ma nouvelle société pour m’adresser à mes employés, mais avant Noel va s’occuper de gérer le navire après la tempête, pendant que je vais retrouver Kayanda à Bora Bora. Une destination bien méritée après tout le boulot que j’ai fournis ces dernières années.

------Naya Oyoko------

          Je suis en route pour la maison de la Cité des anges, mais demande quand même au chauffeur de faire un crochet dans la maison de mon père à la Cité des bourgeois. Je voudrais prendre le temps de dire au revoir à toutes ces années que nous y avions fait. Je croise Mouna, ses valises en main.

-         Mademoiselle, si vous avez besoin de quoique ce soit vous savez où me trouvez. Je serais toujours là pour vous servir votre sœur et vous.

-         Je sais Mouna. Merci encore. J’ai demandé à Fanai de vous virer à tous, sur vos comptes, les derniers payements de l’année mais aussi une marge de deux mois, pour vous permettre de tenir en attendant de trouver mieux ailleurs.

-         Merci mademoiselle, vous êtes généreuse. L’enfant que vous portez, chérissez-là au prix de votre vie.

         Cette fois-ci c’est moi qui me jette à son coup et la serre fort. Cette femme nous a élevé sans jamais manquer à son devoir. Elle va énormément me manquer. Je fais signe au chauffeur de l’aider avec ses valises jusqu’à la porte.

         Je monte les escaliers, pour enfin entrer dans ma chambre et récupérer les photos qui y trainaient, et même celle d’Athan Akué, pour me rappeler le visage de mon combat. Je finis par la chambre de mon père, dans laquelle je décroche un tableau, un portrait de mes parents. Et quitte enfin la maison où toute l’histoire de ma vie est marquée…

         Arrivée à la Cité des anges, je remercie le chauffeur pour son service depuis mon enfance, employé fidèle de mon père, et il en était tout ému que j’ai dû appeler un taxi pour qu’il parte enfin. Je trouve Anaïs, assise sur le canapé de salon timidement éclairé par la lune et les étoiles, une bouteille de Whisky à la main. Je dépose mon sac et m’assoie près d’elle. On garde ce silence pendant plus d’une heure se passant à tour de rôle, la bouteille qui se voulait déjà vide.

-         Tu ne devrais pas boire dans ton état, ce n’est pas prudent.

Je me lève et fit quelques pas dans le noir, avant de briser de nouveau le silence.

-         Va-t-on seulement se réveiller demain et se dire que ceci n’est qu’un mauvais rêve ?

-         Je suis bien navrée de te dire non. (en se relevant difficilement) Seules au monde petite sœur. Te sens-tu prête à affronter les rayons de soleil ? ça ne sera pas facile, tu peux y croire dès maintenant.

-         Je suis prête à me battre pour ce qui vit en moi.

-         Et tu as bien raison. Et puis, on n’est pas si pauvre que ça. Tout ira bien.

Les jours suivants furent pénibles. Le moral n’y était pas. Mais j’ai commencé à aider Anaïs pour son entreprise qui, après avoir vendu ma voiture, nous permettait de payer les factures, faire les courses pour la nourriture et de mettre un peu de côté. Anaïs fut d’un soutien inestimable. Et pendant ce temps, le très cher Athan Akué avait à son bras sa belle Kayanda sur toutes les photos de magazines. La vie est belle !

         J’accouche deux mois plus tard, d’une magnifique petite fille, que je nomme Belinda Ottawi Oyoko. Ottawi étant le nom de famille de ma mère. Je crois voir en elle mon double. On se ressemble comme deux gouttes d’eau. Et à l’instant où je l’ai pris dans mes bras, j’ai compris que mon unique combat, c’était elle. Ma plus belle revanche, c’était d’avoir mis au monde un si petit être comme elle. Ma Belinda. Elle apporta un tout autre tournant à nos vies, à Anaïs et à moi. Anaïs en était folle. Elle pouvait passer des heures à la regarder.

         Je savais qu’un jour viendrai où elle voudra savoir, celui dont elle porte à moitié les gênes. J’espère seulement ne pas briser son cœur en lui apprenant la vérité. Et je sais qu’Anaïs sera là pour m’y aider. Mais de tout cœur, j’espère que cela n’empoisonnera pas sa vie…




Les larmes des liens