
Chapitre I - La maison
Ecrit par Flam.V
Les bruits du camion et des autres véhicules parvenaient à Rella, en écho. Elle n'était pas vraiment là. C'est le vent fort qui la brusqua qui la ramena à son environnement. Elle balaya la voie du regard. Le taxi passa si près d'elle. Quand elle s'en rendit compte enfin, ses yeux se figèrent et son visage exprimait un choc. Elle se saisit rapidement d'un petit caillou et le lança en direction du véhicule qui s'en allait. Elle entendit le bruit du verre qui s'est brisé. Et quand le chauffeur s'arrêta, elle s'enfuit en courant en prenant plusieurs raccourcis.
Elle retourna au bord de la voie à cinq cent mètres de l'endroit où elle se trouvait plus tôt et fixait l'autre côté sans vraiment voir les gens ou les choses qui y étaient. Le soleil finira bientôt sa course. Les gens passaient, allaient et venaient, s'arrêtaient à côté d'elle et traversaient. Certains la saluaient. Mais telle une statue, elle ne bougeait pas. Elle tourna légèrement sa tête vers la droite quand elle sentit sa main se bouger.
- Jeune fille, ça va ?
Elle jeta à la dame un regard indifférent.
- Jeune fille, tu veux bien bouger ? Je dois poser ma marchandise.
Les lampadaires imposaient déjà leur éclat dans la nuit.
- Je vais devoir rentrer.
Elle passa sur le bitume et alla de l'autre côté de la voie et continua de marcher tout droit. Après trois cent mètres, elle dépassa quelques maisons, contourna d'autres et se remit à marcher tout droit, salua quelques passants et se retrouva en face d'un tamarinier. Elle se mit sur sa gauche et fixa au loin, longuement, la mine contrite, une maison.
Elle se mit à marcher lentement la tête en bas.
A mi-chemin entre le tamarinier et la maison, elle entendit des murmures. Donc, elle s'arrêta et jeta un coup d'oeil aux alentours. Les lumières étaient allumées mais il n'y avait personne dehors. Et elle vit une autre lumière étrange suspendue dans le ciel noir, distinguable des étoiles. Elle eut une mine dubitative mais ne détourna pas son regard. Elle cligna des yeux. Puis là, la lumière descendit. Elle recula d'un pas. Et la lumière fondit sur elle.
- Non ! Non ! Fais demi-tour.
Mais elle continuait son trajet. Elle courut le reste du trajet. La lumière la rattrapa avant qu'elle ne finisse son chemin puis disparut. Elle s'arrêta sur la terrasse qui donnait accès à sa maison et prit le temps de respirer.
Elle rentra la clé dans le verrou, la tourna et rentra. Avant même d'allumer les lampes de l'intérieur et du dehors, elle entendit cette respiration lourde et sinistre qu'elle fuyait tant bien que mal. Chaque fois qu'elle rentrait, c'était son mot de bienvenue. Cette tante qui dormait dans une chambre si loin du salon et dont le bruit recouvrait quand même toute la maison. Ça fait trois ans maintenant qu'elle a été ramenée de l'hôpital pour être suivie à la maison. Une infirmière la suite de jour et une autre de nuit. Six mois avant son retour à la maison, elle avait attrapé une curieuse maladie qui l'avait obligé à rester dans un hôpital. Dorénavant, les quelques heures qu'elle parvenait à arracher au sommeil transformaient la maison en un lieu de spectacle. Et quand elle était réveillée, elle faisait peine à voir : si maigrichonne et faible, rien à voir avec la femme énergique et belle d'autrefois. Elle passait là plupart de son temps à lire, de nuit comme de jour et gardait ce même sourire qu'elle avait toujours eu.
Quand elle fut ramenée à la maison,Rella et sa mère sont venues et après six mois, la mère a dû repartir. Mais Rella a préféré rester. Elle rentra dans la chambre sans s'annoncer. L'infirmière la regardait sans un mot, la salua juste de la main et se retourna vers son patient. Elle s'assit au bord du lit et prit une main de sa tante entre les siennes et lui chanta une berceuse. Elle le fait tous les jours.
Le lendemain, un cri la réveilla. Elle courut vers la chambre de la patiente et trouva l'infirmière tout en émoi, la main tendue vers le lit : la tante n'était pas là. Elles se mirent toutes deux à la chercher de chambre en chambre. Quand elles allèrent au grand salon, elles furent surprises : le lieu avait changé. Bien qu'il était toute propre et bien gardée ces dernières années, là il avait vraiment changé, c'était comme si quelqu'un avait laissé sa marque sur les lieux. Elles passèrent au petit salon: rien n'avait changé de ce côté là. Et quand elles furent sur la terrasse, elles virent la tante plus resplendissante que jamais, plus ravissante et plus fraîche que dans ses années d'avant la maladie. Elle portait la robe d'hier. Et ses yeux étaient si pleins de vie. Elle était assise sur la balustrade le dos tourné vers le dehors. Les premières lueurs du soleil en la frappant donnait à ses cheveux en éventail un air de couronne. Elle ressemblait à une reine. Sa peau chocolat semblait briller.
Et avec ce sourire dont elle seule a le secret, elle dit :
- Bonjour Sina, bonjour Rella, quoi de neuf ?