
Chapitre II - Chez nous
Ecrit par Flam.V
- Madame, est-ce...vraiment vous ?
- Oui, qui d'autre...
- Votre voix et tout le reste.
Sina ne pouvait s'empêcher de la dévisager. Elle s'approcha abruptement et la pampa de tous les côtés tandis que Rella la fixait mi stupéfaite mi contente.
- Ho! Ho ! Ça suffit ! Laisse sa part à Rella.
Elle sauta sur la terrasse et marcha sur Rella, l'attrapa par les épaules et plongea son regard dans le sien.
- Sois contente pour moi. Tu n'as plus à veiller sur moi. Allez, viens. On doit rattraper tout ce temps perdu.
Et elle la traîna vers l'intérieur.
Sina, la mine pensive s'assit sur l'une des chaises adossées au mur. Quand elle les rejoignit deux heures plus tard en compagnie de l'infirmière de jour, la tante et la nièce étaient en train de se passer la bouchée l'une après l'autre. Elles n'intervinrent pas.
Après le repas, elles lui firent tout à tour des tests : elle passa au thermomètre, au tensiomètre, à la balance et autres. Tout était plus que normal.
- Madame, même si je suis contente pour vous, je vous avoue que je n'y comprends rien. Je reviendrai dans la soirée m'enquérir de votre état. Et je ne peux que vous conseiller de passer dans trois jours à l'hôpital. Sur ce, je vais me retirer avec ma consœur. Oh j'allais oublier : j'ai appelé votre soeur !
- Quoi ?
- Je lui ai dit de patienter et de vous appeler dans la soirée car vous vous reposez.
- Ouf !
- Tu vas t'y rendre ?
- A l'hôpital ? Non !! Ils vont juste me piquer et me déranger. Je vais plutôt profiter de mes belles journées.
- Et maman ?
- S'il ne tenait qu'à moi, je l'appellerais dans dix mois.
- Je suis sûre qu'elle va bientôt venir.
- Oui. Et cette fois-ci, elle va vouloir t'emmener.
- Ne t'inquiètes pas : si je ne t'ai pas quitté dans la maladie, ce n'est pas maintenant que je vais te quitter.
- Tu sais, si tu décidais de retourner chez toi, ça ne me dérangerait pas..Du moment que tu me visites une semaine par an.
- Non. Je vais rester ici.
- D'accord. Alors pour le moment, laisse moi te battre.
Elle se retourna vers l'écran et manipulait férocement sa manette. Mais elle s'arrêta.
- Tu n'as plus envie de jouer ?
- Tu es vraiment sûre que tu vas bien ?
- Oh regarde moi ! Ne joue pas au jeu de ces docteurs. Dis-moi : dans tout Azalé en ce moment, qui est plus belle que moi, qui est en meilleure forme que moi ?
- Et si on allait le vérifier ?
- Bien, sortons tout de suite, on continuera ce jeu plus tard.
La tante avait juste enroulé ses cheveux en chignon et se vêtit d'une chemise rayée au col bien dressé sur un pantalon velours. La nièce avec ses grosses nattes portait un sans manche en soie sur une jupe moyenne en cuir. Sa peau qui était plus foncée s'opposait avec vivacité à celle de sa tante. Toutes deux étaient l'objet de regards tant des dames que des hommes.
- Ah ça m'a manqué.
- Quoi donc ?
- Tout ça ! La vie ! La vie du dehors !
- Et moi, tout ça m'a ennuyé sans toi.
Elle lui sauta au cou, ce qui gêna Rella surtout sous ces regards.
- Je suis là maintenant et je vais m'assurer que tu t'ennuies plutôt de moi.
- Ce serait bien. "Mais pour combien de temps ?"
Elles visitèrent d'autres quartiers pendant une grande partie de la journée et dans quand le soleil entama la dernière phrase de son trajet, elles revinrent dans leur quartier et allèrent de maison en maison pour saluer ces bons voisins et amis qui venaient les visiter en ces périodes pénibles.
Ce fut des rencontres chaleureuses mais Rella un peu en retrait lisait sur les visages de l'incrédulité, de la joie et de l'émerveillement. Tantôt, c'était des :
- Mais, quel miracle !
Ou des :
- Je n'y croyais plus
Et des :
- Comment est-ce possible ?
Elles étaient dans une grande cour entourée d'une foule. Tout le monde était assis au sol. Et le portail était grand ouvert. La nuit était là.
Quelqu'un dit à Rella :
- Hé ! Arrête de les regarder comme ça.
C'était une grande fille au visage ovale et aux courbes prononcées. Elle avait deux ans de plus que Rella.
- Djéné, ça fait un bail !
Elle était la première amie qu'elle s'était faite en venant dans la ville d' Azalé. Elle a pris son temps dans les premiers mois pour l'emmener aux différents endroits où on pouvait trouver des vivres ou des travailleurs. Et depuis, elles échangent sur un tas de choses. Elles s'entraident dans leurs tâches quotidiennes chaque fois qu'elles le peuvent. Ces trois derniers mois, elles n'ont pas été ensemble.
- Ils ne savent pas quoi penser de cette situation. Et toi, t'en dis quoi Rella ?
- Je les comprends.
- C'est tout ?
- Je ne sais pas quoi dire d'autre.
Elle l'emmena vers l'extérieur de la maison. Et elles s'assirent sur des briques sous la lumière bienveillante d'une lampe. Djéné jeta des regards aux alentours et cria :
- Hé !!!
Les passants ne se détournèrent pas.
- Bien. Dit-elle et se tournant vers son amie, elle parla :
- Dis-moi Rella, comment elle a fait ta tante ?
- Je ne vois pas de quoi tu parles ?
- Ma chère, on n'a pas besoin de ça entre nous. Tu sais que tu peux tout me dire.
- Crois-moi Djéné, il n'y a rien à dire. C'est arrivé comme ça.
- Bien, rentrons !
Elles rentrèrent et prirent place au cœur de l'assemblée. Les discussions allaient bon train.
Plus tard quand elles rentrèrent, avant de regagner leurs chambres, Rella demanda :
- Tante, y a-t-il quelque chose que tu dois me dire ?
Elle éclata de rire pendant un moment puis dit :
- Toi aussi ? Mais regarde moi, je n'ai rien à cacher. Moi aussi je ne comprends rien. J'en profite, c'est tout.
- D'accord.
Et elles se séparèrent.
Mais quelques minutes plus tard, Rella vint frapper à la porte de sa tante. Quand elle l'ouvrit, elle entra sans permission.
- Qu'est ce qu'il y a ? Demanda la tante.
- Je n'arrive pas à dormir. Puis-je dormir ici ?
- D'accord !