Chapitre II

Ecrit par 98shadesofab

(La photo d'illustration représente Koffi, c'est l'acteur Kofi Siriboe)


J'aimais beaucoup mon bureau, il n'était pas immense, j'avais juste l'espace qu'il me fallait. Mais c'était très différent de Paris, où je travaillais en open space. Ici, j'étais beaucoup plus indépendante et j'avais plus de responsabilités, par conséquent, mon espace de travail était totalement personnel, et je pouvais le décorer à souhait. J'adorais mon travail mais lorsque la fin de la semaine arrivait j'étais excitée comme une puce, même si week-end signifiait pour moi, masques à l'argile et travail sur mes dossiers, c'était du temps de qualité que je n'aurais échangé pour rien au monde. Sauf éventuellement, pour une petite sortie nocturne. Depuis que j'étais revenue à Abidjan, je ne faisais pas grand-chose, c'était presque la même routine métro-boulot-dodo qu'à Paris, sans le métro. Mes amis d'enfance et moi n'avions gardé que de simples relations très superficielles. Nous n'étions plus réellement sur la même longueur d'ondes, et cela me convenait parfaitement. Je n'étais pas revenue pour renouer avec d'anciennes connaissances mais plutôt pour me créer un nouveau monde. Malgré tout, il y'avait bien une personne que j'aurais aimé retrouver. Koffi. Je me demandais vraiment ce qu'il était devenu, s'il avait pu terminer ses études et devenir avocat comme il le souhaitait, ou s'il avait changé d'orientation. S'il s'était fiancé ou même marié, ou s'il avait eu des enfants. Cela faisait si longtemps que je n'avais pas entendu parler de lui. Je décidai donc de chercher son nom sur internet. Ça ne pouvait pas me faire de mal. J'ouvrai donc un moteur de recherche et tapai « Koffi Diop », les résultats furent rapides, je trouvai au moins 5 profils Facebook différents et 2 profils LinkedIn. J'ouvrai donc chacune de ses pages dans des onglets différents, jusqu'à trouver celle qui m'intéressait. Il était là, devant moi, aussi beau, sinon plus, que dans mes souvenirs. Sa belle peau ébène n'avait pas changé, il n'avait pas pris une seule ride. Ses lèvres charnues que j'avais tant embrassées étaient toujours là, et son regard si perçant me traversait toujours autant. Ce n'était qu'une photo mais j'avais l'impression qu'il était là, dans la pièce avec moi. Je voyais sur son profil qu'il était devenu avocat. Il avait réussi à devenir celui qu'il cherchait tant à être. Cela me faisait si chaud au cœur. C'est à ce moment précis, que j'ai réalisé à quel point Koffi me manquait. Toutes ces années, j'avais essayé de l'oublier dans les bras de plusieurs hommes. Je m'étais essayée à tellement de relations, avec des français, des ivoiriens, des antillais... Aucune de ces histoires ne m'avaient satisfaite. Je rejetais constamment la faute sur mes partenaires. Ils n'étaient pas assez grands, pas assez compatissants, attentifs, entreprenants... je trouvais toujours une excuse pour les quitter. Le problème venait en fait de moi. Je cherchais quelqu'un qui puisse être à la hauteur, de Koffi. Mais, il était irremplaçable. Je restai longtemps à contempler sa photo. Je ma tâtais ; devais-je lui envoyer une invitation ? Lorsqu'il avait coupé les ponts avec moi, il m'avait dit que c'était parce que nous n'étions pas du même monde et qu'il devait se construire, loin de moi. Il avait réussi. Il s'était accompli. Mais jamais, il ne m'avait recontactée. Cela en disait long. J'ai donc décidé de ne pas lui envoyer d'invitation. Il m'avait certainement oubliée il y'a bien longtemps. J'appartenais à son adolescence, son passé. Je n'étais qu'un souvenir. Un mirage. Je continuais à m'abandonner à mes pensées lorsque je reçus un message : « coucou ma belle, ça fait longtemps ! On m'a dit que tu es à Abidjan ! ça tombe bien ; moi aussi. Ça te dit qu'on se voit ? Bisous ». C'était Ayane, une copine de lycée à qui je n'avais pas parlé depuis que j'étais partie pour Paris. Après le retour dans mon passé que je venais d'effectuer, j'avais terriblement besoin que l'on me change les idées. C'est pour cela que j'ai répondu à son message. Nous avons bavardé un peu, puis elle m'invita à sortir le soir même pour aller au Park Ave, un bar branché de la capitale. Cela ne pouvait que m'être bénéfique. 


« Mademoiselle Seri, le patron vous demande en salle de réunion. » Venait de me dire Lydia, la secrétaire de direction. 


« Merci Lydia ». Trêve de bavardages, le devoir appelait. Je me rendis au plus vite en salle de réunion où je trouvai Monsieur Charles, le directeur du cabinet à Abidjan, son assisstante, Darla, un homme âgé d'une trentaine d'années que je ne connaissais pas, ainsi que deux autres avocats du cabinet.


« Mademoiselle Seri, il ne manquait plus que vous » Lança Monsieur Charles


« Monsieur » lui répondis-je en souriant et en m'asseyant.


« Bien puisque tout le monde est là, nous pouvons débuter. Darla, je te donne la parole »


« Merci Jean-Claude. Nous sommes à notre deuxième mois d'implantation à Abidjan et les choses se déroulent plutôt bien. Grâce à vous ; nous avons gagné plus de la moitié des affaires qui nous ont été confiées, je tiens à vous en féliciter. Aujourd'hui, nous avons obtenu la défense des intérêts d'une des plus grandes entreprises de produits laitiers de Côte d'Ivoire, Laitici. C'est une affaire extrêmement importante qui, si on la mène à bien, nous assurera une immense notoriété ici à Abidjan. Je vous présente Monsieur Sidibé, le vice-président de Laitici, qui va vous expliquer en quoi consiste l'affaire. » Darla reprit place à son siège et l'homme que je ne connaissais pas se leva et prit la parole.


La réunion se termina enfin une heure plus tard et je pus rentrer chez moi. Sur le trajet du retour, j'étais pensive. Je n'avais pas vu Ayane depuis des années, je devais lui faire une forte impression. Je devais lui montrer que j'avais bien mis ce temps à profit et que j'étais devenue une femme élégante et enviable en tous points. J'avais constamment l'impression d'avoir quelque chose à prouver aux autres. Je voulais toujours être la plus belle, la mieux habillée, celle qui s'exprime le mieux, et j'en passe. Je m'étais souvent demandé si cela ne cachait pas un complexe d'infériorité. Mais lorsque je cherchais une possible cause à ce potentiel complexe, je ne trouvais rien. Je n'ai jamais eu de problèmes à l'école, les autres enfants n'étaient pas méchants avec moi. A l'adolescence, j'avais eu la chance de sauter la case appareil dentaire et acné. Non, je n'étais atteinte d'aucun complexe, c'était simplement un besoin vital chez moi d'inspirer la jalousie chez les femmes et le désir chez les hommes. Lorsque je fus arrivée chez moi, je saluais Jean, le gardien et empruntai l'ascenseur. Une fois dans mon appartement, j'enlevai mes hauts talons et me déshabillai. J'alla dans ma chambre afin de me choisir une tenue, j'optai pour une longue robe beige moulante et des escarpins assortis. A 22h Je pris ma voiture et me rendis au Park Ave. C'était un bar lounge, avec une décoration très typique. Murs de brique rouge, tables en verre, salons privés. Je pris place à l'une des tables et commandais un verre de vin, en attendant Ayane. Cette dernière ne se fit pas prier.


« Alexandra Seri !» entendis-je derrière moi. Je me retournai et vis une belle jeune femme à la peau ambrée. Ses longues boucles descendaient en cascade sur son dos et elle ne portait qu'un jean bleu et une chemise blanche, mais elle était resplendissante. Je me sentais tout à coup un peu trop habillée, mais je me ressaisis rapidement.


« Ayane ! Wow, ça fait si longtemps ! Tu es très belle » Je me levais pour lui faire la bise, et elle prit place en face de moi.


« Hum, ma chérie qu'est-ce que tu racontes, c'est toi qui est très belle ! Regarde-moi ces formes hein, tu as toujours été celle qui plaisait le plus ! » Ayane et son franc parler.


« Arrête de me flatter je te prie. » Un serveur arriva et Ayane lui commanda une 66, bière locale, plus associée aux hommes manquant de classe qu'aux femmes distinguées.


« Alors dis-moi, qu'est-ce que tu racontes de beau ? On dit que tu es avocate là, tu as percé deh* ! (tu as beaucoup évolué)» dit-elle en riant


Ndlr : cette histoire se déroule en Côte d'Ivoire. Nous avons ici un grand nombre d'expressions qui nous sont propres. Les personnages en utiliseront souvent. Je mettrai la définition entre parenthèses


« Haha, c'est bien vrai. C'est ce que j'ai toujours voulu faire tu sais, j'ai juste atteint mes objectifs. Et toi, je n'ai pas entendu parler de toi depuis une éternité. Tu es sur Abidjan maintenant ?


-Non j'habite à Barcelone moi. Je suis juste venue en vacances une semaine voir ma famille là. Et j'ai vu que tu étais là donc je t'ai envoyé un message.


-ça m'a fait très plaisir. Tu fais quoi alors dans la vie ? » Le serveur apporta la bière d'Ayane et un autre verre de vin pour moi.


« Je ne fais rien, je suis femme au foyer. » dit-elle en rigolant. « Je sors avec un blanc là, un espagnol. Il me donne tout ce que je veux, il m'achète tout. Je n'ai pas de problèmes. Tout ce que j'ai à faire, c'est le satisfaire au lit. Il est tellement vieux, il ne tient même pas 10 minutes ma chérie ! » 


J'étais offusquée. Ayane était la parfaite illustration du cliché entourant les relations les jeunes femmes noires et les hommes blancs d'âge mur, cela me dépassait que des personnes puissent avoir une telle conception de la vie. Obtenir les choses par la facilité n'avait aucune valeur à mes yeux. Surtout lorsque ça passait par de la prostitution. Je ne savais pas quoi lui répondre. Je ne pouvais que la regarder, bouche bée.


« Mais, ne me regarde pas comme ça. Je n'ai pas eu la chance d'avoir des parents blindés comme les tiens. Ils ne pouvaient pas me payer des études. Alors je me suis débrouillée. Ne me juge pas. 


-Je suis désolée Ayane. Je ne te juge pas du tout. Je suis contente que tu sois heureuse. » Lui répondis-je avec mon plus beau sourire. Elle me le rendit. Son sourire se transforma en rire puis elle se figea. Son regard avait l'air d'être perdu dans le vide derrière moi.


« Ayane ? Qu'est-ce qu'il y'a qu'est-ce que tu regardes ?


-Oh mon Dieu, Alexandra ! Tu gérais* (sortais avec) un joli gars à l'époque là, j'ai oublié son nom, il était grand, musclé comme ça !


-Qui ? Koffi ?


-Voilà c'est ça, Koffi ! Il y'a un gars assis dans le salon derrière toi, qui lui ressemble comme deux gouttes d'eau, mais en plus mature et plus appétissant bien sûr » Je m'étais déjà retournée avant qu'elle ne finisse sa phrase et je cherchais avidement du regard ce sosie. C'est là, que je croisai son regard. Il était assis dans un fauteuil, un verre de champagne à la main. Une chemise noire impeccable, un jean et des mocassins, il était tellement beau, je croyais rêver. Je ne pouvais pas y croire. Combien de chances sur un million avais-je de le croiser là, ce soir ? Je voyais son visage se froncer, une ride se forma entre ses sourcils, il devait être en train de se demander si c'était bien moi, Alexandra, qu'il voyait en face de lui. Je lui fis un grand sourire. Il déposa son verre, se leva, et s'approcha de notre table.

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NDLR: N'hésitez surtout pas à kiffer ce chapitre, à commenter ce que vous en pensez et à ajouter l'histoire à votre bibliothèque pour ne rien rater! -A.B

Bien mal acquis