
Chapitre V
Ecrit par EdnaYamba
Chapitre 5
Le quartier est presque désert. Le luxueux quartier haut de gué gué s’est
déjà endormi. Quelques riverains trainent encore à l’extérieur des maisons. La
nuit a déjà étendu son ombre sur la ville peu éclairée. Et Dame SEEG a encore
piqué une crise capricieuse privant la zone de courant.
Parfait !
Je peux me mouvoir légèrement entre les ruelles. Au bout de la cité, la
résidence familiale des Souna se laisse découvrir devant moi. Je connais les
mouvements de chaque habitant.
A cette heure, les parents sont déjà dans leur chambre. Au bout de trente
minutes, dame Souna se lèvera pour jeter un coup d’œil dans la chambre de ses
petit-fils qu’ils gardent.
Le dernier-né Souna est assis chez le boutiquier tirant une cigarette en
compagnie de ses amis, tous enfants des pontes de la république.
Le gardien est endormi dans ce qui lui sert de guérite. Il n’y a jamais
aucun vol dans la cité, il n’a pas de raison d’être en alerte. De plus, le
matin, il doit aller cumuler avec son métier de maçon. Toutes les occasions
sont bonnes pour se reposer un peu.
La consigne est claire : Ne pas
se faire repérer.
Plus facile à dire qu’à faire.
Je passe par la porte arrière. Mon cœur s’accélère.
Le silence est oppressant. Je glisse le long des murs.
Pas de panique
Vicky tu vas y arriver !
L’angoisse envahit ma poitrine.
Soudain des bruits de pas. Le jeune Souna semble être rentré plus tôt que
prévu.
Je peux y arriver !
A pas silencieux, je pénètre dans la pièce qui m’intéresse. Muni de ma
petite lampe de torche, j’éclaire tous les endroits sombre.
Puis je le vois. Le document qu’il veut, posé sur un bureau.
Je tiens peut-être là entre mes doigts tremblants, le prix de notre
liberté.
Je n’ai pas le temps de savourer ma réussite que Dame SEEG se décide à
gratifier le quartier de sa lumière à nouveau.
Le bip de l’alarme retentit. J’ai le temps d’apercevoir le mouvement de
rotation de la camera, je me mets de dos afin qu’il n’y ait aucun plan sur mon
visage, uniquement sur la capuche de mon pull noir ?
Des pas précipités se font entendre dans ma direction.
La porte ne m’est désormais plus accessible.
Je n’ai plus qu’une seule option. La fenêtre. D’un coup de poing ferme, je
la fracasse.
Toujours éviter la caméra.
Aie c’est douloureux.
Je me serre les dents pour ne pas crier de douleur.
Je me glisse dehors et m’enfuit à vive allure alors que toute la maisonnée
s’éveille et crie au voleur.
Le Cœur battant à tout rompre, je réussis à me
cacher dans un coin de rue. Je déchire mon vêtement pour faire un pansement
compressif.
J’inspire un moment.
Un jour, tout ceci aura raison de moi si je
n’arrête pas avant.
Des cris à nouveau. Dame SEEG vient à nouveau de
se fâcher. Cette nuit, elle se veut ma complice. Je retire mon pull à capuche
dans un coin à deux ruelles de distance entre moi et les SOUNA.
Le tumulte dans le quartier cesse, je reprends
invisible mon chemin, peu sereine. Mes jambes me brûlent. Chaque personne que
je croise est une menace. Mais le danger est loin derrière moi déjà.
C’est également à ce moment que Dame SEEG redonne la lumière au quartier.
Je prends une démarche normale alors que je me dirige vers derrière la prison.
Le quartier est animé.
Les bars sont ouverts. Les musiques se mixent. La fumée et l’odeur des braises parfument le
quartier.
Je m’engouffre dans le premier taxi qui accepte ma proposition pour
Belle-vue II.
Pour n’importe quel riverain ou étranger au quartier, pénétrer Belle vue à
cette heure-ci est un pari risqué. Le quartier qui m’a vu grandir est réputé
pour son insécurité. Les braquages sont légions dans la zone. Pourtant une fois
que le taxi me dépose au carrefour. Je me sens en sécurité.
A la descente, je repère un des jeunes commis de Gaspard qui se propose de
m’accompagner jusqu’à la maison pour que je ne me fasse pas embêter le long du
chemin.
-
Qu’est ce qui s’est passé ? s’inquiète Anna à la vue
de mon bandage de fortune
-
Rien ! caché-je
Mais elle accourt aussi vérifier.
Ses doigts se placent sur la compresse m’arrachant un cri de douleur.
-
Oh Vicky ! pleure-t-elle. Tout ceci est de ma
faute ! Viens on va nettoyer ça !
Mon bandage est déjà imbibé de sang. Elle prend un seau, elle y verse un
peu d’eau et du savon. Elle vient s’asseoir face à moi. Elle me tient
la main qu’elle rince à l’eau. C’est douloureux mais je supporte.
-
Que cherche-t-il à la fin ? il va te faire tuer à
cette allure !
Je ne réponds rien. Le loup est déjà rentré dans la bergerie c’est aux
agneaux d’être vigilants. L’enclos est fermé. Il faut trouver un moyen de ne
pas se faire dévorer.
-
Je n’ai pas voulu ça, se culpabilise-t-elle. Tout ce que
je voulais…je n’en sais rien !
Elle soupire.
-
Vicky, tu as toujours eu une chance de t’en sortir. S’il
y a bien une chose sur laquelle ma Léontine était intransigeante avec toi,
c’était l’école. J’ai toujours eu l’impression que tu t’en sortirais mieux. En
plus, tu es très douée.
Un sourire pale traverse son visage.
-
Moi, je ne connais
pas faire grand-chose. Ma vie est une catastrophe et je t’entraine dans mon
merdier !
Elle murmure presque pour elle-même comme si elle avait pensé trop fort.
-
Eh Ana ? Tu vaux tellement plus ! si l’école ne
t’a pas réussi, tu es douée dans d’autres domaines. Si seulement tu t’y mettais
tu ferais des merveilles avec tes mains.
Instinctivement, elle regarde ses mains. Puis reprend les soins de ma main,
que bientôt elle bande. Ses mouvements peu précis et rapides témoignent de son
trouble et de sa peur. Il faut que nous trouvons un moyen de nous débarrasser
de lui. Je regarde le document. Anna suit mon regard.
-
Qu’est-ce que tu crois qu’il contient ?
-
Je n’en sais rien.
Ce document, tu me
l’apportes et peut-être que je vous laisserai tranquille !
Aucune certitude.
Tout le monde sait qu’il faut se méfier de Marcus.
Je l’ouvre et même si pour cette nuit, je n’y comprends rien. Des notes,
des chiffres, des noms et des initiales, un puzzle à reconstruire mais pas ce
soir. Je prends quelques photos avant de le scanner et de le lui envoyer. Pour
cette nuit, pas de réponse !
Harry NDONG OSSAVOU
Mon bureau est silencieux. Les trois stagiaires
que j’ai pris sous mon aile rythme la séance par le bruit des stylos et des
pages de bloc-notes qu’ils feuillètent.
Mes yeux s’arrêtent sur chacun d’eux. Etienne, un
poil trop bavard mais un bon sens relationnel et une bonne connaissance du
droit….
Marc Antoine possède un esprit de synthèse, bon
communicant et doué pour la redaction d’actes.
Quant à elle, Victoria, professionnellement, elle
est très concise, avec un sens du détail approfondi, une bonne connaissance en
matières juridiques mais difficile à cerner. Elle demeure mystérieuse de
manière volontaire ou non. Elle ne laisse pas entrevoir facilement sa
personnalité, toujours en retrait et dans la retenue. Même la couleur de ses vêtements semble ne
vouloir rien démontrer. Elle porte des couleurs sobres jamais rien d’excessif.
Telle une personne qui souhaiterait se fondre dans la masse. Pourtant,
indépendamment d’elle, elle ne peut passer inaperçue. Elle dégage une aura…Physiquement,
sa beauté naturelle est renversante. Son point de beauté ajoute un charme particulier
a ses traits.
Mes yeux s’attardent un peu trop sur elle.
Un bandage ?
Je fronce les sourcils.
-
Mademoiselle LECKA, tout va
bien ?
Elle lève les yeux vers moi. Pour la première
fois, je note de l’hésitation dans son regard.
-
Tout va bien…Rien de grave. Un
accident de cuisine …
Je n’y crois pas !
Et si elle ment, c’est qu’elle protège quelqu’un.
Un petit- ami violent peut-être ?
Une pince de colère m’envahit. Comment un homme
a-t-il pu lui faire du mal ?
Eh Harry, ce ne sont pas tes oignons ! concentre-toi !
-
Vous avez vu un médecin ?
Je ne peux m’empêcher de demander. Après tout, je
suis son chef. C’est mon rôle de veiller au bien être des membres de mon
équipe. Surtout quand il s’agit d’une des meilleures. Une femme brillante.
Ça y est, j’entends Tia ricaner dans mon esprit.
Nous y sommes Harry, déjà de grands compliments !
Je me remets à la lecture des dossiers face à moi.
Je tire parmi eux le dossier Souna cherchant à noyer mes questionnements dans
le décryptage autour des irrégularités que je note dans le projet central de ce
dossier.
Rien n’y fait !
Mon regard revient sur elle, encore.
Elle grimace de douleur croyant ne pas être vue.
Je serre le poing sans m’en rende compte.
Quelqu’un lui a fait ça !