Chapitre VI

Ecrit par 98shadesofab

 

Dans la voiture, j’eus l’impression que toutes les chansons passant à la radio étaient tristes et me rappelaient à quel point j’étais misérable en ce jour. J’arrivais enfin devant la belle villa familiale. Je n’’étais pas venue ici depuis un bout de temps et cela ne me manquait absolument pas. Sur le papier, j’avais la famille parfaite. En réalité, nous étions bien loin de cela. Mes parents ne s’étaient pas mariés par amour. C’était un mariage complètement arrangé. Une histoire bien sombre d’ailleurs, qui était l’un de nos secrets de famille les mieux gardés. Lorsque ma mère n’était encore qu’une jeune fille, elle était amoureuse d’un garçon de son village, ils étaient supposés se marier. Ils filaient le parfait amour et étaient très heureux ensemble. Ils n’étaient pas issus des familles notables du village alors, on les laissait tranquille. Mon père, lui, était le fils d’un des cousins du roi du village voisin à celui de ma mère. Un jour, il accompagna son oncle en visite dans le village voisin et vit ma mère en train de puiser de l’eau au fleuve. Ce fut, selon lui, le coup de foudre immédiat. Il n’avait jamais vu de femme aussi belle. Il fit tout pour séduire ma mère les mois qui suivirent, mais rien n’y fit. Il changea alors de méthode et se concentra sur mes grands-parents maternels, à qui, il offrit monts et merveilles, afin que ceux-ci lui donnent leur fille en mariage. C’est ainsi que ma mère fut arrachée à son amour de jeunesse et épousa mon père. Je m’étais toujours dit que c’était certainement cet évènement qui avait dû la rendre si aigrie. Elle ne laissait jamais transparaître ses émotions, mais, je savais qu’elle n’était pas profondément épanouie avec mon père. Cela ne me regardait pas, mais j’avais de la peine pour elle. Je n’osais pas imaginer comment j’aurais réagi à sa place. Pourtant, mon père était loin d’être quelqu’un de mauvais. Il avait simplement été aveuglé par l’amour et le désir et avait fait preuve d’un réel égoïsme. Il faisait tout, chaque jour, pour combler ma mère et apaiser son cœur, mais, ce n’était pas chose aisée. Après ma naissance, il y’eut celle de Daniel, Dany, mon petit-frère. Il avait à ce jour 18 ans. Je l’aimais plus que tout et j’essayais au maximum de le préserver des querelles de nos parents. Il n’était pas au courant de l’histoire de leur vraie rencontre, et je souhaitais que cela reste ainsi. En effet, Dany idolâtrait notre père et ne lui trouvait aucun défaut. Il aspirait à être comme lui en tous points. Jamais je ne me serais permise de briser cela. Si j’avais été une petite fille, puis une adolescente modèle, ce n’était pas vraiment le cas de Dany, mon petit-frère était très « bandit » comme on le dit. Toujours dans les fêtes avec ses camarades, toujours avec les filles. C’était la nouvelle génération, me disait-il. Comme si je n’étais pas née avant lui... je mettais cela sur l’âge en me disant qu’il finirait par mûrir un peu. Evidemment, il était la prunelle des yeux de mon père et ce dernier lui passait ses moindres caprices. Ce qui exaspérait fortement notre mère. Personnellement, cela me faisait plus rire qu’autre chose. Retour dans le présent. Je klaxonnai, et me regardai dans le miroir une dernière fois pendant que la femme de ménage ouvrait le portail. Une fois que je me fus garée, je sortis de la voiture rapidement afin de ne pas trop traîner sous le soleil. Malheureusement ma gueule de bois n’était pas terminée, juste un peu atténuée. Je rentrai dans la maison et me dirigeai vers la source de bruits la plus proche. Je croisai ma mère sur le chemin.

« Ma fille ! » elle me fit une petite bise.

« Le noir t’amincit, c’est très bien. Viens dire bonjour aux invités. » je sentais que cela allait être une journée terriblement ennuyante, j’espérais vraiment que Dany soit là. Nous arrivâmes dans le grand salon d’accueil. Il avait été redécoré depuis la dernière fois. Les tons blanc crème avaient été remplacés par du rouge bordeaux. Il devait y’avoir au moins 20 personnes assises ou debout, en train de discuter, un verre de champagne ou un amuse-bouche à la main. C’était loin d’être un « petit brunch » comme elle me l’avait laissé entendre la veille. J’allai saluer les invités poliment, puis je m’éclipsai vers la chambre de Dany. Je toquai à la porte, il ne répondit pas, j’entrai alors.

« Dany ? Tu es là ? » demandai-je assez fort. Aucune réponse. J’entendais néanmoins le bruit du jet d’eau en train de couler dans la salle de bains.

« Qui le demande ? » je sursautai presque en entendant cette voix sortie de nulle part. elle appartenait à un garçon, qui était assis sur le lit de Dany, téléphone entre les mains. Il n’avait même pas levé les yeux pour me regarder. Je trouvais cela irrespectueux.

« Je suis sa sœur. Où est-il ? » A l’entente du mot sœur, il laissa son téléphone et se leva.

« Alexandra ?! Je suis tellement content d’enfin te rencontrer. Tu es tout ce dont Dany parle tu sais ! » il me fit une petite étreinte. Cela me surprit car il se comportait comme si nous nous connaissions depuis longtemps, bien que ses mots disaient le contraire. Je profitai du fait qu’il soit debout pour l’observer un peu. Il était clair de peau, comme du caramel. Il était mince et ses cheveux frisés formaient une coiffure très structurée ; les deux côtés de son crâne étaient rasés et le haut de ses cheveux, teints en blond. Ce gamin m’intriguait. Il ne ressemblait pas du tout aux habituels amis de Dany. Il fallait qu’il me raconte qui c’était. Il sortit justement de la douche à ce moment précis, torse nu et serviette enroulée autour des hanches. Il était toujours aussi mignon mon frère. J’eus à peine le temps de le saluer que j’entendis ma mère m’appeler. Je murmurai à Dany qu’il avait des choses à me raconter puis je me re-rendis au salon. Ma mère m’y attendait ferme, mais c’est ce que je vis qui manqua de me faire perdre mes moyens. Elle avait invité Koffi, et bien sûr, il était venu accompagné. Je restai incrédule face à ces trois paires d’yeux qui me fixaient. J’entendais la voix de ma mère m’appeler mais elle était si lointaine. Je n’arrivais pas à croire qu’elle s’était permise de l’inviter. A ce moment, plusieurs envies me passèrent par la tête. J’avais d’abord envie de m’effondrer puis de faire sortir Koffi coûte que coûte. Rien que de le voir me donnait la migraine. J’avais aussi envie de rentrer chez moi ou encore de dire à sa fiancée que pas plus tard qu’il y’a deux jours, il était dans les bras d’une autre. Heureusement, je me ressaisis et ne fis rien de tout ça. Koffi avait l’air aussi surpris de me voir que moi. A quoi s’attendait-il en venant chez moi, bon sang. Avec cette fille en plus. Je savais qu’il ne me portait aucun respect, mais ça, c’était vraiment dépasser les bornes. Je repris toute l’assurance qui m’était propre et m’avançai vers eux. Il avait l’air apeuré. Il craignait sans doute que je le démasque, ici, au milieu de tous. Au lieu de cela, je souris et je lui dis :

« Koffi ! Comment vas-tu ? Wow, ça doit faire quoi ? Plus de 5 ans qu’on ne s’est pas vus. Maman ne m’a pas dit que tu venais... » je dis cette dernière phrase en me retournant pour la fixer droit dans les yeux. Je le pris dans mes bras en prenant soin de murmurer dans son oreille : « qu’est-ce que tu fous ici ? » Il n’eut pas le temps de répondre que je me détachai de lui.

« Et qui est donc cette belle jeune femme avec qui tu es venu ?

-Je suis Bijou, la fiancée de Koffi » me dit-elle un large sourire aux lèvres. Elle était très belle, elle devait faire au moins 15 cm de plus que moi, heureusement que je portais des talons. Elle était noire et avait les cheveux affros. Je lui rendis son sourire et lui tendis la main.

« Oh, je ne savais pas qu’il était fiancé. Je suis très enchantée de te rencontrer, merci d’être venue aujourd’hui. » l’hypocrisie et moi formions un seul et même corps en ce moment-même. Je m’éloignai d’eux et fusillai ma mère du regard. J’allai prendre un bol d’air à la terrasse. Je sentis quelqu’un me suivre mais je ne me retournai pas.

« Alexandra, je suis désolé je ne savais pas que tu viendrais, vraiment. Et je ne voulais pas venir. C’est Bijou qui a insisté. » je ne le regardai pas. Cela m’irritait qu’il m’ait suivie. Ne pouvait-il pas me laisser tranquille ?

« Oh là là... épargne moi s’il te plaît. Je ne crois plus à une seule des paroles qui sort de ta bouche. » il s’approcha de moi, mais je m’éloignai rapidement. Sa présence me faisait mal. Elle me rappelait nos bons moments ensemble et je me surprenais à penser à ce qui se serait passé si elle n’existait pas, ou si je n’étais jamais allée étudier en France.

« Je veux que tu me croies lorsque je te dis que j’étais sincère cette nuit, je t’en supplie. Être sans toi, c’était horrible et...

-Tu n’as rien à exiger de moi. N’importe quoi ; ce manque ne t’a pas empêché de complètement avancer dans ta vie. Tandis que moi, je m’accrochais aux souvenirs de nous deux. S’il te plaît laisse-moi. Va la retrouver. Elle a l’air très gentille et est adorable. Tu ne la mérites pas.

-Alex...

-Ne m’appelle plus comme ça. » lui dis-je violemment. Il recula un peu. Cela me brisa le cœur. Je ne voulais pas lui faire de mal, ni l’effrayer. Malgré ce qu’il ‘avait fait.

« Excuse-moi ». j’étais bête de m’excuser, mais je ne pus m’en empêcher. Il se rapprocha très vite. Cette fois-ci, je ne le repoussai pas. Je le sentis un peu hésitant, mais ses doigts commencèrent à doucement effleurer ma peau à travers ma chemise. Il s’approchait de plus en plus et je sentis son souffle sur mon épaule. C’était une sensation apaisante. J’étais pleine de contradictions. Une minute je ne pouvais le sentir et l’autre, il m’était indispensable. Mon cerveau me criait de le repousser, de le gifler. Mais mon cœur ne le voulait pas. Mon corps, ne le voulait pas. Je n’avais pas la force de résister. Ni l’envie. Il était tel un aimant dont je ne pouvais me détacher. Il me dit alors :

« Tout n’est pas aussi simple qu’il n’y paraît. Il y’a des choses que tu ne sais pas. » j’eus soudainement envie de pleurer. La coquille que j’avais essayé de former se fendillait.

« Alors dis-moi. Qu’est-ce que je ne sais pas Koffi, dis-le-moi » je le regardai enfin dans les yeux. Je le sentis aussi déchiré intérieurement que moi. Je me dis qu’il y’avait peut-être un espoir, pour nous. Il s’apprêtait à parler lorsque nous fûmes interrompus par un raclement de gorge. C’était Bijou. Il s’éloigna instantanément de moi.

« Le repas est servi mon amour. Alexandra, ta mère te cherche » nous dit-elle en souriant. Comme si elle ne venait pas de nous découvrir dans une position embarrassante. J’étais presque pétrifiée mais je parvins à dire :

« Merci beaucoup Bijou, j’arrive dans peu de temps ». Elle rentra dans la maison suivie de Koffi. Il se retourna pour me lancer un regard et mima avec ses lèvres les mots « à plus tard ».

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Bien mal acquis