Chapitre V
Ecrit par 98shadesofab
Je pensais d’abord à une blague. Puis, je me dis que j’avais
mal entendu. C’est en voyant l’air dépité de Koffi que je réalisai que j’avais
très bien compris ce qu’il venait de me dire. Je contemplai l’idée de le
gifler, de hurler. Les insultes se bousculaient derrière mes lèvres mais aucun
son ne sortit de ma bouche. Les larmes menaçaient de couler au moindre
battement de cil. J’avais été le dindon de la farce. Un vulgaire coup d’un
soir. J’avais été tellement stupide. Comment avais-je pu imaginer ne serait-ce
qu’une seule seconde que j’avais encore un avenir avec lui ? Sans dire
mot, je me levai et me dirigeai vers le salon pour prendre mes affaires de la
veille et me rhabiller. Il me suivit, dit mon nom à maintes reprises, mais je
ne répondais pas. Il essaya de me toucher mais je le repoussais violemment. Je
ne pouvais supporter de le regarder en face. Cela me rappellerait qui j’étais,
une idiote. Une fille bien trop naïve. Surtout, une fille bien trop facile.
Tout cela était de ma faute. Si je n’avais pas cédé aussi facilement dans ses
bras, je n’en serais pas là ce matin.
« Alexandra, je t’en prie parle-moi, dis quelque
chose.
-Laisse-moi tranquille ». Le propre son de ma voix me
surprit. Ce n’était pas ma voix féminine et gracieuse habituelle. C’était
plutôt un son vide, creux. A l’image de mon cœur. Je finis rapidement de me
rhabiller et sortis de son appartement. Il me suivit encore. J’appuyai
rapidement le bouton de l’ascenseur en priant pour que celui-ci arrive
rapidement.
« Je suis sincèrement désolé Alex. Je ne voulais pas te
faire de mal, je voulais juste être dans tes bras une dernière fois. »
L’ascenseur arriva enfin et j’y rentrai. J’eus le temps de lui dire ces
derniers mots avant que les portes ne se referment :
« Tu es d’un égoïsme. Je ne veux plus jamais entendre
parler de toi » il ouvrit la bouche pour répliquer mais c’était trop tard.
-
21 heures. J’avais passé la journée à pleurer, boire et à
broyer du noir. J’étais dans un piteux état. Cette déception avait fait
remonter en moi les mauvais souvenirs de notre première rupture. Et pire
encore. Je me disais que, non seulement il m’avait oubliée, mais en plus, il
s’était même fiancé. Il n’avait eu aucun scrupule à se jouer de moi la nuit
dernière. Cela en disait long sur la façon dont il me voyait. La façon dont il
me considérait. Il s’était moqué de moi et avait profité de mes sentiments
évidents à son égard pour m’avoir dans son lit. Et bien sûr comme une belle
idiote, j’avais cru à ces belles paroles. « Tu es si belle Alex »,
« je ne me vois pas sans toi Alex », « ces dernières années
étaient si dures quand je n’étais pas à tes côtés ». Bref, un ramassis de
mensonges pour me sauter. Et le pire, c’était que, autant il me dégoutait,
autant j’avais plus qu’envie de me vautrer dans ses bras. Mon téléphone
n’arrêtait pas de sonner depuis ce matin. Il m’avait appelé au moins 50 fois
mais je n’avais pas décroché. Il avait finalement arrêté. Il était certainement
retourné dans les bras de sa bien aimée. Rien que de penser à lui me donnait la
nausée. A moins que ce n’eusse été l’excès d’alcool. Au point où j’en étais je
n’avais plus les idées claires. Je me levai de mon lit pour aller aux toilettes
lorsque j’entendis l’interphone sonner. Je n’avais aucune envie de répondre,
alors je ne le fis pas. Dans le même temps, mon téléphone sonna et je reconnus
entre mille, la sonnerie personnalisée que j’avais mise pour ma mère. S’il
y’avait bien une personne sur cette terre à qui je ne pouvais pas parler en ce
moment c’était bien ma mère. J’étais à deux doigts d’enfin entrer dans la salle
de bain lorsque j’entendis à travers la porte d’entrée de mon appartement :
« Alexandra je sais que tu es là, ouvre cette porte maintenant, je n’ai
pas le temps. » C’était la voix limpide de... ma mère. J’eus l’impression
de désaouler en une seconde tellement j’étais terrifiée de ce qu’elle dirait en
me voyant comme ça. Je marmonnais un « j’arrive ». Le temps d’aller
aux toilettes, de ranger mes bouteilles vides et de me parfumer. J’allai enfin
lui ouvrir la porte. Elle ne prit pas la peine de dire bonsoir et entra
directement dans l’appartement sans me lancer un seul regard. Elle avait l’air
parfaite comme à son habitude. Perruque soigneusement posée, tailleur ajusté,
sac de créateur et petits talons. Son apparence normale.
« Mon Dieu ça empeste ici » elle alla ouvrir les
fenêtres.
« Bonsoir maman. Que me vaut l’honneur de cette
visite ? » dis-je d’un ton sec
« Ne puis-je pas venir voir ma fille sans raison ?
-Non. Il y’a toujours quelque chose avec toi ». J’étais
debout mais j’allai rapidement m’asseoir car j’étais toujours sous l’emprise de
l’alcool.
« Hum, c’est ça. Continuez de penser du mal de moi. On
dirait ton bon à rien de petit-frère, toujours là à me critiquer avec son bon à
rien de père. Tu ne me proposes pas à boire ?
-Euh, si excuse-moi. Je te sers quoi ?
-Rien, merci. Tu as très mauvaise mine. Et puis tu ne sens
pas bon aussi. Qu’est-ce qu’il y’a ?
-Rien maman. Je suis un peu fatiguée.
-Je sais que tu mens, mais ce n’est pas grave. Et le
travail ?
-Tout va bien, maman.
-J’espère. Bon, j’ai des choses à faire. J’étais juste
passée te dire que demain j’organise un petit brunch à la maison. Tâche d’être
là.
-Euh maman, je n’ai pas trop envie, je suis pas très bien
là...
-T’ai-je demandé ton avis ? Tu seras là, c’est
tout. » Les mamans africaines...
« Et puis arrange toi un peu. Tu fais pitié ma
fille. » Que de paroles réconfortantes que l’on aime entendre de sa propre
mère. A l’entendre, je ne suis même pas à la hauteur d’être son enfant. Elle se
dirigea élégamment vers la porte, avant de lancer, d’un ton nonchalant :
« Ah j’oubliais. Tu te souviens de Koffi, ton ancien
ami, tu vois qui c’est non ? Eh bien je l’ai croisé la semaine dernière au
supermarché. Il me semble être devenu un excellent parti. J’ai également
rencontré sa fiancée. Délicieuse jeune femme. Qui l’eut cru hein ? »
elle appuya sur les derniers mots avec une sorte de sourire mesquin puis me dit
à demain et sortit. Je restai là, debout, presque inerte. Elle l’avait
qualifiée de délicieuse. Ma mère complimentait tellement rarement, j’en restai
bouche bée et brisée. Cette fille devait être tellement mieux que moi, je n’en
doutais plus. Je retournai dans ma chambre en prenant le soin d’emporter une
bouteille d’alcool afin de continuer à correctement m’apitoyer sur mon sort.
Cette nuit-là je m’endormis l’esprit envahi par de sombres pensées, sans savoir
ce que le lendemain me réservait.
Le réveil fut extrêmement désagréable. Je n’avais pas assez
dormi, mais en plus j’avais une migraine insupportable. C’était toujours comme
ça avec l’alcool. Plaisir éphémère et conséquences désastreuses. Ça ne me
soulageait même pas, mais je me sentais toujours obligée d’en boire à chaque
élément malheureux. Et cela me rendait encore plus malheureuse. Le fait de
boire seule. Je peinai à me lever du lit, je n’arrivais pas à marcher droit,
évidemment. Je me débrouillais pour aller prendre un verre de lait ainsi que
deux comprimés d’Advil afin de soulager mes douleurs. Il était déjà 10 heures.
Les brunchs de ma mère commençaient autour de 13 heures. Je ne savais même pas
quoi me mettre, comment me coiffer. J’avais honte de moi et de mon apparence.
Ce que Koffi m’avait fait m’avait vraiment achevée. 48 heures plus tôt j’étais
une jeune femme assurée et confiante. Désormais, j’étais une adolescente
chagrinée et mal dans sa peau. Ridicule. Il fallait que je me change les idées,
d’une manière ou d’une autre. Et que je trouve le moyen de ne pas ressembler à
une loque à ce brunch. Le verre de lait me soulagea un peu et me donna la force
d’aller prendre une douche. Une fois celle-ci terminée, je choisis une tenue
sobre mais classe. Un pantalon taille-haute et une chemise. Les deux de couleur
noire. Je mis une perruque noire et bouclai les bouts. Enfin, j’optai pour un
maquillage très simple. Mes parents habitaient à une vingtaine de minutes de
chez moi, alors à 12h, je pris ma voiture et me mit en route.