Chapitre VIII
Ecrit par Tiya_Mfoukama
Chapitre VIII
J’ai envie de rire, j’ai sérieusement envie de rire en entendant les propos de ma mère.
Je ne comprends pas pourquoi elle a ce besoin d’inventer des conneries aussi extrêmes pour une chose aussi stupide. Bordel c’est que quelques jours chez mon père !
« —Honnêtement maman, j’arrive pas à te comprendre. Je lui avoue les mains sur les hanches. Parmi tous les mensonges que t’aurais pu inventer c’est celui du mariage que tu as choisi ? Y’avait pas autre chose ? Je sais pas moi. Un sort qui frappe les enfants qui vivent sous le toit de leur père ? Une malédiction ! Une connerie de ce genre ! Tu vois, un mensonge qui a d’la gueule quoi, indépendant de ma volonté et qui ici peut passer sans problème !
—Tiya arrête ça !
—Arrêter quoi Emeraude ? Non mais c’est vrai quoi ! Parce que marier une personne sans son consentement, aujourd’hui, je trouve ça particulier ? On a régressé ? On a changé de pays ? Bienvenue en Afrique de l’ouest ? Ouais parce que là-bas, des cas de mariage où le consentement de la femme n’est pas pris en compte, c’est monnaie courante, mais ici ? A Brazza ?
—Tiya à un moment va vraiment falloir que tu fermes ta grande bouche. S’énerve Emeraude. »
Je suis lancée, entre colère et agacement, rien ne peut m’arrêter, encore moins le silence, et le petit sourire en coin de ma mère.
« —Je ressemble à Fatou la malienne ?
—…..
—Ah ouais, je dois probablement lui ressembler. Le teint, on a le même teint. Mais la ressemblance s’arrête là ! »
La fin de ma tirade est le moment que choisit mon père pour faire son entrée. L’air serein, vêtu d’une tenue traditionnelle, il s’avance vers moi d’un pas nonchalant, puis à un petit mouvement de recul en voyant ma mère. Ça ne dure pas longtemps, pas plus d’un cinquième de second, mais je l’ai perçu.
« — Jeanne. Il dit calmement…. Je suis heureux de te voir, comment vas-tu ?
—Je vais bien Ange-Albert. elle répond sur un ton las.
—Tu sembles fatiguée, tu viens d’atterrir ? »
La scène est tout de surréaliste.
Il s’adresse à elle avec une familiarité déconcertante, comme s’ils s’étaient quittés une semaine plus tôt, sans aucun souci entre eux. Et j’aurais pu l’affirmer, si je ne savais pas qu’une dizaine d’année s’étaient écoulées sans qu’ils ne se voient.
Quoi qu’il en soit, pour une femme qui criait à l’organisation d’un mariage arrangé imminent au point de prendre un vol pour sortir sa très chère fille des vilaines griffes de son père, elle me semble tout d’un coup très calme.
Du coup je me demande si ça ne serait pas sympa de lui faire part des propos de ma mère le concernant ?
« —Oui…. Toi je suppose que tu as déjà accepté la boisson ? Mes frères ont aussi bu j’imagine ? »
Il sourit. Simplement, avant de se tourner vers moi, et me demander l’air de rien :
« —Tu es prête ? »
Un frisson me parcours l’échine et l’air narquois que j’arbore laisse doucement place à un air inquiet.
« — Euh…oui…presque. je bafoue. Mais… Tu…. Tu n’as pas répondu…
—Est-ce que tu as vraiment besoin d’une réponse ? il me demande comme si la réponse était évidente. Je pense qu’elle a dû t’expliquer de long en large de quoi il en résultait. »
De quoi il en résultait ?
« —L’histoire du mariage arrangé. je réussis à articuler.
—…. Tu sais que c’est pour ton bien. Il lance après un moment de flottement. »
Il me faut un instant pour que l’information monte à mon cerveau, soit analyser et enfin comprise. Un instant qui vu de l’extérieur, dure une éternité. Puis enfin, je la comprends et me dis, qu’elle n’a pas menti. Elle n’a pas menti. Son histoire de mariage arrangé, n’est en rien un pipo. C’est … Non….Non …..Non.
Aucun son ne réussit à sortir de ma bouche, je reste stupéfaite face à cette révélation, et un peu plus face à lui. Il n’en démord pas. Son air est toujours aussi serein, comme s’il trouvait logique ce qu’il est en train de faire, comme s’il se disait légitime pour « essayer » de m’imposer une chose pareille.
« —Tiya tu sais, je pense que…. »
Je ne prends même pas la peine d’écouter la fin de sa phrase.
Je pivote pour me diriger vers ma chambre et tout en employant l’air serein qu’il affectionne, j’installe mes valises sur le lit, et y remets les vêtements que j’ai pris la peine de sortir.
« —Seigneur Jésus ! Mais c’est quoi cette histoire ? j’entends Emeraude derrière moi. Mon Dieu ! C’est dingue comme histoire … Qu’est-ce que tu fais ?
— Je pense que ça se voit assez bien. Je range mes affaires.
—Tu ranges tes affaires ? Parce que tu penses que tu vas pouvoir partir comme ça ?
—Et pourquoi je ne pourrais pas ? je demande tout en mettant ma trousse de toilette dans mon vanity.
—…. »
Oui, pourquoi je ne pourrais pas ? C’est tellement simple que je ne comprends pas pourquoi ma mère à fait tout un pas à caisse ! De la même façon qu’il a décidé de me marier, c’est de la même façon que je décide de partir.
Je finis de faire mes valises sous le regard ébahi d’Emeraude, puis me mets à la recherche de mes documents d’identité.
C’est étrange mais je sur quasiment certaines de les avoir mis dans le tiroir de ma table de chevet. Mais là, je ne trouve absolument rien.
Je le fouille dans tous les sens, finissant même par le sortir et vider son contenu à terre, mais je ne trouve rien, absolument rien.
« —Oh, c’est pas vrai !
—Quoi, qu’est-ce qu’il y a ?
—Le fils de pute !
—Mais qu’est-ce qu’il y a ?
—Il a pris mes papiers ! je hurle. Il a pris mes papiers ! Je vais…. »
Je shoote dans le lit, n’arrivant plus à retenir la colère qui monte de façon exponentielle en moi, puis retourne dans le salon, où je ne trouve que ma mère.
« —Où est-il passé ? je lui demande sèchement.
—Il est parti, elle me répond calmement. »
Elle est assise dans le seul fauteuil se trouvant dans ce grand salon. Ses pieds sont étendus et ses yeux fermés, comme si elle voulait se reposer d’une longue et tumultueuse journée. Ce qui m’exaspère au plus au point, et rajoute un peu plus d’amertume en moi. Il lui aurait suffit de parler, aussi facilement qu’elle l’a fait quelques minutes avant que mon père ne rentre et tout aurait été réglé. Mais non, comme toujours, il a fallu qu’elle complique les choses en tournant autour du pot, jouant aux devinettes. Et maintenant on en est là ! Tout ça à cause d’elle.
Je suis à deux doigts de lui cracher tout ce que j’ai au bord des lèvres mais me retiens, pressée par le temps.
« —Aide-moi à fouiller cette maison. Commence par son bureau, je vais regarder dans sa chambre. je dis à Emeraude, de retour dans la chambre
—Tiya mais arrête tes connerie, je peux pas aller fouiller dans son bureau !
—Ok, ne fais rien, je vais le faire.
—Tiya ! »
J’investie le bureau de mon père, à la recherche de mes papiers. J’essaie de cherche de façon logique, les endroits où il aurait pu les cacher. Je retourne tout, absolument tout sur mon passage, des tiroirs aux coffres en passant par les boites, les et les pochettes ! Une demi-heure plus tard, je me retrouve dans un champ de feuilles et de livres éparpillés au sol, sans tout fois avoir réussi à retrouver mes documents. J’envisage d’aller dans sa chambre pour poursuivre ma recherche mais ma mère me barre le chemin en se mettant dans l’embrasure de la porte.
« —Laisse-moi passer. j’arrive à articuler calmement.
—Qu’est-ce que tu es en train de faire ?
—Maman, laisse-moi passer, s’il te plait.
—Mais qu’est-ce que tu viens de faire. elle lance, en regardant par-dessus mon épaule. Mais ça ne va pas Tiya ! Ça ne va vraiment pas ! Comment tu peux saccager un bureau de cette façon ?
—C’est tout ce qui t’importe à l’heure actuelle ! je crie excédée. C’est seulement le foutoir qu’il y a dans le bureau de ton pauvre mari qui t’inquiète ?! Y’a un truc qui ne va pas avec toi ce n’est pas possible !
—C’est à moi que tu t’adresses de cette façon Tiya ? C’est à moi ?
—Oui c’est à toi ! C’est à toi que je m’adresse parce que c’est à cause de toi que je me retrouve dans la merde aujourd’hui ! Si t’avais parlé plus tôt ça t’aurait couté quoi ? ! j’explose de rage.
—Non, non Tiya, pas cette fois. Pas cette fois. elle dit en me faisant face. Pas cette fois…. Je refuse que tu mettes cette histoire sur mon dos ! Non ! Pas cette fois ! Jusqu’à présent, je t’ai toujours laissé faire ce que tu voulais, même quand je n’étais pas d’accord. Lorsque tu persistais, je ne disais rien, je te laissais faire et quand tu tombais tu me remettais la faute dessus. Là aussi je ne disais rien, mais aujourd’hui ce ne sera pas pareil. Combien de fois je t’ai dit de ne pas venir à Brazza pour le moment ? Combien de fois ?
—Mais tu fais toujours ça ! « fais pas ci Tiya, c’est dangereux, fais pas ça, ça peut se retourner contre toi », tu as toujours eu peur de tout et si je t’avais écouté à chaque fois que tu voulais me retenir, je serais encore chez toi à me lamenter comme une vieille fille ! J’ai le courage d’affronter les choses, au lieu de vouloir contourner l’adversité-moi et jouer la carte de la sécurité quitte à ne rien faire comme toi. Alors oui, tu m’as peut-être dit de ne pas venir mais je pouvais pas savoir que c’était pour cette raison ! Ça t’aurait couté quoi de me le dire ? De me dire qu’il prévoyait d’organiser un mariage arrangé hein ?
—Très bien. J’entends… Tu as parfaitement raison sauf que, ma fille, tu es une orgueilleuse. »
Je titube légèrement, surprise de sa remarque mais surtout du ton sur lequel elle la fait.
« —Il s’est passé beaucoup de choses entre ton père et moi. Des choses qui nous on conduit à avoir la relation que nous avons. Mais malgré tout ça, j’ai toujours fait en sorte que cela n’en pâtisse pas sur la relation que tes sœurs et toi-même avez avec lui. Tiya, tu as beaucoup avoir un cœur en or, tu restes une personne orgueilleuse qui a du mal à pardonner et ceux depuis toujours. Quand j’ai eu vent de cette histoire de mariage, j’ai tout fait pour te dissuader de venir ici, dans le seul but de préserver ta relation plus que fragile avec ton père. Mais malgré mes nombreuses recommandations, tu es venue, lui permettant d’enclencher son plan, un peu plus facilement. J’ai tout fait pour te faire venir et jusqu’au dernier moment j’espérais que tu allais rentrer. J’aurais préféré réussir à te faire revenir en te sachant fâchée contre moi plutôt que de te dire ce qu’il préparait.
—….
—Si encore ton orgueil était ton seul gros souci, mais non, il faut en plus que tu ais un langage et un comportement irrespectueux lorsque tu es énervée ! Il suffit de te voir et de t’entendre quelques minutes plus tôt. Sauf que cette façon de te comporter et de parler, tu ne peux pas l’avoir avec tout le monde, et surtout pas avec ton père. Les réalités entre ici et là-bas en France où tu as toujours vécu, ne sont as les mêmes. « L’enfant c’est une fois le père et une fois la mère mais lorsqu’il agit mal selon ses pairs c’est une fois le père et deux fois la mère »*. C’est sur moi que tout ça va retomber ! Mais ça tu t’en moques parce que toi Tiya tu n’as pas prévu ça. Tu ne penses pas à tout ce que tes actes peuvent avoir comme conséquence.
—….
—Tu peux me traiter comme un chiffon, ça m’est égal mais. Tu comprendras tout ce que je fais pour toi le jour où toi aussi tu seras mère. Et sache que ça te surprendra quand assise sur les WC tu repenseras à ce que je te disais. Ça c’est en ce qui me concerne, mais pour ton père et sa famille tu vas devoir apprendre à te conformer aux normes. Tu ne peux pas faire ce que tu veux et comme tu le veux en ne pensant qu’à toi parce que tu n’es pas la seule concernée, jamais. Ça c’est la première chose que tu te dois d’apprendre en tant que future femme marié, la seconde, c’est que tes actes ont des conséquences que tu te dois d’assumer et la première conséquence aujourd’hui, c’est que tu le veuilles ou non, tu vas te marier.
*Petit bodiel de Mr A.H Bâ