CHAPITRE VIII: ON ARRIVE BIENTÔT?
Ecrit par Chroniques Femmes Fatales
- On arrive bientôt ? demanda pour la énième fois Jane. - Non ! Cette fois-ci, ils avaient crié en même temps, pour finalement partir d’un éclat de rire. Jane quand elle avait su que le village de Poupina était juste à une vingtaine de kilomètres du campement, elle n’avait cessé de poser la même question depuis le départ, le transformant en un jeu, que les autres trouvaient agaçant à présent. Ils étaient tous les six dans la voiture, la responsable leurs avait empressement donné son accord, on aurait dit que résoudre le mystère qui entourait Poupina était sa priorité. Quant à elle, sa blessure ne lui faisait plus mal, elle avait juste gardé le pansement. - Tourne à gauche Richard, dit Poupina en reconnaissant le paysage. - Ça y est on est arrivé ? - Non Jane, tu sais, les villages africains sont la plupart du temps retirés, donc même si la route est courte, il faut passer par des sentiers pour y arriver. - Mais tu disais juste que c’est à quelques kilomètres, mais là c’est tout un voyage, j’ai déjà hâte moi de voir les vrais villages africains. J’ai mon appareil photo. Poupina regardait filer le paysage, elle aimait ce décor, tout était encore naturel, la route poussiéreuse, les enfants qui courraient en riant derrière la voiture, elle ne put s’empêcher de sourire, c’était naturellement beau. Elle aimait ce coté naturel que dégageaient les villages, l’air était pur. Son grand-père allait être bien étonné de les voir débarquer, et d’ailleurs toute sa famille aussi, on était en vacances, alors ses cousins passaient les vacances au village. Elle savait aussi que qu’en allant avec des étrangers blancs, elle allait attirer l’attention sur elle, et cela, elle détestait. Et son père allait aussi être au courant, et cela allait encore susciter une leçon de moral. Il n’aimait pas que ses enfants partent passer des vacances dans le village, surtout s’ils étaient seuls. La rivalité familiale était de taille dans leur famille paternelle, ils étaient si nombreux. Les femmes enceintes et les petits enfants, ainsi que les vieillards restaient la plupart du temps au village, cela expliquait la présence des enfants dans les cours de certaines maisons, et les vieillards devant les cours. Poupina reconnu la petite rivière qui lui indiquait toujours qu’elle était arrivée, c’est cette rivière qui avait donné le nom du village : Kamasi, c’était une rivière avant, mais avec le temps et à force d’être la seule source du village auparavant, elle avait fini par tarir, elle était presque sèche. Bientôt, ils traversèrent un grand camp, où les petites maisons traditionnelles du village en terre rouge, entouraient une grande maison principale moderne, qui suscita l’admiration de ses amis. Poupina toucha la main de Richard, elle sentit ce frisson qui le traversait toujours quand ils étaient en contact. C’est lui qui servait de chauffeur, et en sentier, il roulait doucement et prudemment, c’était l’une des raisons qui leur avait fait mettre du temps sur la route. - Tu vois ces quatre maisons, juste devant toi ? Tu peux garer sur la cour de l’une d’entre elles. Nous sommes arrivés. - Ah bon ? fit Jane toute curieuse. C’est laquelle la maison de ton grand-père ? - Les deux premières maisons, sont celles de mon grand-père, celle du milieu est pour l’une de mes tantes qui se trouve à l’étranger, et la maison du fond qui n’est pas encore achevé, est pour mon père. Mais bientôt, il finira les constructions. - C’est donc ça un village africain. Je ne sais pas trop quoi y penser, c’est différent de la ville en tout cas. Richard manœuvra, et tous les six descendirent devant la cour de la première maison. Tout semblait calme, à en croire les lieux, il n’y avait personne dans les parages. Les seuls qui sortirent furent les voisins de l’autre côté de la route, Poupina ne les connaissait pas vraiment, eux aussi semblaient curieux de voir une voiture à cette heure de la journée. De plus, ce n’était pas tous les jours, que les étrangers venaient dans leur village si calme. Jack fit sortir le fauteuil et le plia, et avant qu’il n’eut le temps, Richard avait déjà prit Poupina dans ses bras pour l’installer sur le fauteuil. - Au moins il y a des gens de l’autre côté, même s’ils nous regardent bizarrement, dit Christelle. Tu es sûr que c’est le bon endroit ? Poupina n’eut pas le temps de répondre, un homme d’âge mûr sortit de la deuxième maison, il eut un grand sourire en reconnaissant Poupina. Il alla vers eux. - Alors jeune fille, tu t’es enfin décidé à venir voir ton vieux grand-père ? Il parlait en patois, et pour la première fois, Poupina répondit dans la même langue devant ses amis. - Grand-père! Tu sais que je pense toujours à toi grand-père, et j’ai des amis qui voulaient visiter le village. Après l’étreinte chaleureuse, il leva les yeux vers les nouveaux venus. - Bienvenus chez moi, dit-il dans un parfait français. Si vous êtes les amis de ma petite-fille, alors vous êtes les bienvenus chez moi. Il échangea une poignée de main avec chacun d’eux. Elle savait ce qu’ils éprouvaient, son grand-père avait un regard franc, et déstabilisateur. Il pouvait lire en l’être humain juste d’un regard, et Poupina savait que ses amis le ressentaient aussi. - Tout le monde est aux champs à l’heure actuelle, ils vont rentrer d’un instant à un autre, venez vous abriter à l’intérieur, il fait chaud. - Grand-père, je te présente Christelle Anderson, Jane Bradford, et John et Jack Capperli et lui c’est Richard Slater. Ce sont mes amis, ils sont en vacances et construisent tout le site des moines qui se trouve à Obout. Au mot Obout, son grand-père eu un sursaut qui n’échappa à personne, mais très vite il reprit contenance. Il se plaça derrière Poupina et se mit à la pousser en direction de la maison. - Tu sais grand-père, toi qui connais tout le monde, la mère de Christelle est de Zoétélé, mais je te préviens, avant que tu ne le lui demandes, elle ne parle aucun mot en Ewondo. - Ils n’ont pas de noms français, remarqua-t-il. Entrez, vous serez très bien à l’intérieur. - J’espère que cela ne te dérange pas si nous sommes venus faire un tour sans te prévenir. - Que dis-tu jeune fille ! Tu es ici chez toi, et tu le sais. Tu n’as pas besoin de me demander la permission, et tu me demandes la permission, cela signifie que tu ne te sens pas comme chez toi ici, pourtant tu es ma petite fille. A l’intérieur, ils prirent place sur les diverses chaises, le grand-père de Poupina avait un sourire heureux sur le visage. - Je vous laisse un instant, dit-il avec un sourire mystérieux sur le visage. Il les laissa seuls. - Très gentil ton grand-père Poupina, le mien est mort quand j’étais toute petite, j’aurais aimé le voir, fit Jane avec un air nostalgique. - Elle a raison, il est formidable ton grand-père, le nôtre, c’est juste argent et argent. - C’est l’argent qui dirige le monde…ajouta John en imitant la voix d’un vieux. Poupina devina que leur grand-père parlait ainsi, elle éclata de rire. - Et toi Richard ? demanda Jane en se tournant vers lui. Tes grands-parents sont encore en vie ? - Juste ma grand-mère paternelle, elle vit en Inde. Le reste, ils sont morts. Jane baissa la tête toute confuse. - Ne fais pas cette tête, j’ai encore la chance de l’avoir avec moi, je l’aime beaucoup et je sais qu’elle m’aime aussi, ajouta-t-il avec un sourire. Michel le grand-père de Poupina revint tenant dans une main un bidon qui contenait un liquide tout blanc, et dans l’autre, un carton de verres. Poupina eut un sourire heureux en reconnaissant le vin de palme. - Je vous présente officiellement la spécialité de la tribu Ewondo, le vin de palme, et le meilleur vin du monde, annonça Poupina avec un sourire de fierté. Richard se leva et alla aider le grand-père de Poupina, tandis que Christelle prenait les verres pour distribuer à chacun d’eux. - Elle a raison, c’est le meilleur vin au monde, c’est moi-même qui l’ai cueilli très tôt ce matin, il sort de l’un de mes plus beaux troncs d’arbres. Je l’ai filtré avec amour, comme si je savais que ma petite-fille préférée allait venir aujourd’hui. La façon de regarder le bidon, en disait long sur les pensées qui traversaient l’esprit de Jack. Le bidon contenait de petites écorces d’arbres, et quelques débris qu’il trouvait douteux. - Un vin qui sort directement d’un tronc d’arbre ? Je me sens vexé là, moi qui croyais que l’Italie était parmi les meilleurs producteurs de vin du monde. - Je vous assure qu’il est délicieux, je vais vous en donner la preuve. - Si on t’écoutait Jack, l’Italie serait le plus beau pays au monde, riposta Richard en se levant pour ouvrir le bidon. Poupina prit le verre que lui donna Richard, puis il s’en servit un lui même, quand il fut presqu’à moitié, il reposa le bidon, et regarda faire Poupina. celle-ci nettoya les petites écorces qui tournaient t au dessus du liquide dans le verre, puis elle but le liquide, suivit de son ami qui imitait tous ses gestes. - Alors ? demanda Jane en prenant un verre. - Alors, il n’est pas mauvais, je dirais même que c’est délicieux. Je n’ai jamais bu cela, mais j’aime bien, conclut Richard en prenant une nouvelle gorgée. Chers amis, servez vous tout seuls. Le salon était très spacieux, son grand-père avait construit de grandes maisons, celle de sa tante avait jusqu'à neuf chambres. Durant les grandes vacances comme à cette période, toutes les chambres étaient prises, et parfois on avait plusieurs par chambre. John se leva courageusement, et alla servir un verre pour lui et servit les autres verres qu’il laissa sur la table. Les autres prirent chacun un verre, sous le regard bienveillant de du grand-père. Celui-ci se mit à leur raconter des histoires sur le village, et surtout sur sa plus grande riche, sa famille. Il leur cita le nombre de petits-fils et arrière petits-fils qu’il avait, alors qu’il avait à peine quatre vingt ans. Les amis de Poupina s’étonnèrent à chaque fois qu’il leur citait un chiffre. Des voix de l’autre côté de la route attirèrent l’attention de Michel et après un dernier sourire, il se leva et partit donner des explications à ses voisins d’en face, Poupina était sûre qu’ils viendraient plus tard faire preuve de l’hospitalité africaine. - Waouh, s’écria Jack, pour être nombreux, vous êtes nombreux. - On est en Afrique Jack, c’est logique d’avoir autant de famille, répondit-elle. - Tes ancêtres ont eu beaucoup d’enfants ? demanda Christelle. Ma mère m’a dit qu’en Afrique c’est normal qu’un homme ait plusieurs femmes. Et plusieurs enfants aussi. - Elle est légale en effet, mais cela n’a jamais été le cas de ma famille. Les hommes n’aiment qu’une seule femme et sont presque fidèles. Et bizarrement il y a une rumeur qui dit que mes arrières grands parents n’ont jamais eu qu’un seul et unique enfant, mais mon grand-père est celui qui a brisé la malédiction en ayant dix enfants. - Dix ? s’exclamèrent tous. - Attendez la suite, des dix enfants, il y a que trois hommes, mon père est l’ainé, ensuite viennent mes deux oncles, puis il y a eu mes sept tantes. Mon père est le seul qui n’a juste eu que quatre enfants, il est le paria de la famille. Il y a mon oncle qui a dix-sept enfants, dix avec sa première femme, qui est morte, puis il y a eu sa deuxième femme qui lui a donné sept enfants. Chacune de mes tantes a au moins dix enfants, et leurs enfants ont déjà d’autres enfants. - Tu veux dire que ton père qui n’a eu que quatre enfants est le paria ? Nous, sommes juste trois dans ma famille et je trouve déjà ça assez. Notre grande sœur est nous c’est comme je jour et la nuit, on est si différents. Quand nos parents l’ont eu, ils ont voulu encore essayé s’ils pouvaient avoir un fils au lieu d’une fille, à la place on est sorti deux, expliqua John. Et je peux t’assurer que pour eux, c’est vraiment énorme. Alors les imaginer avec dix, c’est le spectacle le plus drôle de la terre. Jack et lui éclatèrent de rire, sûr qu’ils avaient l’image de leurs parents en tête avec dix enfants. - Je ne comprends pas à quoi cela sert d’avoir autant d’enfants. Moi je crois que trois c’est assez. - Tu sais Jane, la logique africaine veut que l’enfant soit la richesse, mais soyons réaliste, c’est du n’importe quoi cette logique. - Comment ça ? - Jack, réfléchis un instant, l’Afrique est encore bien pauvre, c’est juste un continent en voie de développement, autrement dit, on est encore très loin d’émerger de la pauvreté, alors, dans les villages comme celui-ci où un homme n’a pas de revenu fixe, où il doit juste se battre contre la terre pour tirer d’elle de quoi se nourrir, imagine cet homme avec une ribambelle d’enfants à sa charge, juste parce qu’il espère que parmi eux, se trouve celui-là qui va le faire sortir de la pauvreté. Essaye d’imaginer la vie qu’ils ont. Moi sincèrement, j’ai toujours vu mes camarades à l’internat être victimes de cela, une grande famille, si bien qu’on ne sait plus qui mérite la priorité financière. C’est injuste je trouve. Mais que peut-on faire ? Il y a bien un dicton qui dit que « le lit du pauvre est très fécond ». Dehors, ses cousins revenaient des champs, sûrement ils avaient eu vent de sa présence. Et comme le téléphone artificiel du village fonctionnait rapidement, Poupina savait que la présence de ses amis avait déjà fait le tour du village. En quelques minutes, la maison fut pleine de monde. Les poignées de mains fusèrent de partout, Poupina n’eut pas le temps des présentations, ils étaient si nombreux, et elle était sûre qu’elle allait confondre de noms. Mieux, chacun se présentait. Un jeune homme vint prendre Poupina dans ses bras affectueusement, il semblait vraiment très heureux de la voir. Il se tourna vers les autres. - Désolé de ne pas vous tendre la main, je sors des champs, et je suis tout sale. Il regarda Poupina indignée. - Toi jeune fille tu mérites ma sueur, tu es très vilaine, car pour venir voir ton oncle, tu fais des siècles. Je vous remercie de l’avoir amenée ici, elle aura la punition requise pour cela. - Je vous présente le dernier fils de mon grand-père, Elie s’il te plaît tu peux t’occuper d’eux ? Ils veulent tout découvrir. - D’accord, fit Elie heureux de cette mission. Ils se levèrent et suivirent tous Elie, avec un au revoir à Poupina. Ils savaient qu’elle devait avoir une conversation avec son grand-père. Avant de sortir, Richard vint la trouver. - Si tu veux, je peux rester avec toi. Elle lui fit un sourire triste. - Tu sais, j’aime vraiment mon grand-père, et je sais qu’il m’aime. Je voudrais de tout mon cœur qu’il n’ait rien fait de monstrueux, qu’il ne soit le responsable d’aucun pacte. En même temps si je ne lui pose pas la question, je ne serai jamais rassurée. C’est un combat que je dois mener toute seule ici. Richard se retint de la prendre dans ses bras, tellement il lisait de la souffrance dans ses yeux. - Sache que peu importe sa part de responsabilité, une chose est sûre, il t’aime et il est très fier de t’avoir comme petite fille, cela se voit dans son sourire, il t’aime vraiment Poupina, ne l’oubli jamais. - Je sais, et c’est cela qui me rends plus triste, je ne sais pas ce que je ferai devant la vérité. Mais jamais je ne le haïrai, quand je me sentais seule, il s’arrangeait pour me signaler sa présence et son amour. Il est le seul qui m’arrache un sourire sans aucun effort? va je suis sûre que ça va aller. Il rejoignit les autres dehors, tandis que son grand-père entrait à son tour. Elle se demandait si leurs amis n’étaient pas au courant de son histoire avec Richard, il était devenu plus présent, il prenait son rôle de binôme à cœur selon les autres. Poupina se disait qu’ils pensaient que c’était dû à l’incident d’une semaine plutôt. Il avait vraiment changé. Son grand-père la sortit de ses pensées en prenant une chaise qu’il vint placer près d’elle. - Elie va très bien s’occuper de tes amis, je suppose qu’ils sont curieux de voir comment se passe la vie au village, n’est-ce pas? Elle fit oui de la tête, une boule au creux de son estomac l’empêchait de parler, elle savait que c’était dû à la peur d’affronter la vérité. - Je vais vous installer dans la maison de ton père, partout ici est occupé par tes cousins. Certes il n’y a pas de lumière mais on installera le groupe électronique, j’ai vu ton amie blonde avec une machine, je suppose qu’elle voudra travailler la nuit. - Merci grand-père, ils seront contents d’avoir une chambre juste pour eux seuls. Cela fait des semaines qu’ils n’ont pas eu un vrai lit. - Elie s’en occupera le soir. Il parut pensif un instant, un silence qu’elle avait peur de rompre s’installa. - Ton père m’a appelé il y a de cela un mois et demi, il m’a dit ce qui se passait en toi, et il voulait savoir si j’avais une solution. Quand ton père m’appelle, cela signifie que c’est grave. Il est si orgueilleux qu’il demande rarement de l’aide. Et maintenant que je te vois, je sais que c’est grave. Regarde dans quel état tu es, ce pansement à ta main… Le cœur de Poupina battait au fond d’elle à un rythme qu’elle manqua d’air, elle sut que son grand-père d’une façon où d’une autre était mêlé à cette histoire. - Tu sais, dès que je t’ai vu, j’ai su que tu savais déjà la vérité. - Quelle vérité grand-père ? - Celle que personne n’a jamais soupçonnée, nul dans la famille ne la connaît, ta grand-mère et moi l’avons gardé jalousement. Mais tu dois la connaître maintenant afin de savoir ce qui te dérange, l’esprit qui te hante. Une larme coula sur le visage du vieillard. - Cette famille n’aurait jamais dû exister tu sais. Personne, ni ton père ni tes oncles, personne. Je n’avais que ta grand-mère, à la mort de ton oncle. L'aîné, le premier fils que j’ai eu et qui est mort, Cyrille. Poupina sursauta. Au fond d’elle, elle savait que la coïncidence dans cette histoire n’existait pas, elle connaissait un seul Cyrille. Elle toucha sa main bandée pour se souvenir de ce qu’il lui avait fait. - Grand-père, que signifie une vie pour une vie ? - Je n’aurais jamais dû écouter ma mère et faire appel à cette sorcière…Elle m’a donné toute une tribu et en échange, elle attend un sacrifice. Je croyais que Cyrille allait apaiser son cœur, mais non, ce n’était pas lui qu’elle voulait. Pendant tout un demi siècle, elle ne s’est plus manifestée, elle nous a laissé tranquille, la voilà qui revient pour toi. - Grand-père qu’est-ce que tu veux dire ? - Il est temps que je te dise la vérité, c’est l’occasion de tout réparer enfin. **** La nuit était tombée depuis longtemps, mais Poupina n’arrivait pas à dormir, elle ne savait pas par où commencer, tellement sa tête bouillonnait de partout après ce que son grand-père lui avait dit. Cela prenait enfin tout son sens. Elle allait mourir il ne faisait aucun doute là-dessus, rien ne pouvait changer cela. Le destin était en marche, et allait la rattraper d’une façon ou d’une autre. Elle n’avait plus la force de pleurer, c’était comme si tout était détruit en elle. Il fallait que cela tombe sur elle. Poupina respira un bon coup, et regarda vers le ciel, le clair de lune était très clair dans le ciel, de loin, on pouvait apercevoir des ombres de certains arbres. Après ce qu’elle venait d’entendre, elle n’avait plus peur, ni des ombres, ni de la mort, de toutes façons, elle allait mourir très bientôt. Elle était fatiguée de tout ceci, son grand-père venait de lui dire qu’elle était la victime d’une histoire vieille de cinquante ans, elle était le sacrifice pour sauver sa famille toute entière. Ils étaient en ce jour, plus d’une centaine, en comptant petits-fils et arrières petits-fils. Tout cela allait disparaître si par malheur, elle ne mourrait pas. Poupina était sur la véranda, il était plus de minuit, tous ses amis dormaient depuis bien longtemps, Elie en voulant leur inculquer la vie paysanne les avait fatigués, c’était avec joie que chacun avait pris le chemin de sa chambre. Un bruit de pas se fit entendre derrière elle, elle se retourna, Richard était placé là, un gilet en main. Il s’avança vers elle et prit place près d’elle sur la véranda. - C’est si grave que cela ? demanda-t-il sans la regarder. Il avait murmuré ces mots, mais elle les entendit comme si c’était juste dans son oreille qu’il les avait dits. - C’est pire que tout, je voudrais t’en dire plus, mais je ne sais pas par où commencer tellement c’est incroyable. - Prends tout ton temps, je suis là pour toi. Mais, tu ne devrais pas rester sous le froid sans protection. Il se leva, et posa le gilet sur ses épaules, puis l’enveloppa de ses bras. Elle tourna la tête, et respira son odeur en fermant les yeux. Pourquoi fallait-il toujours mourir quand le monde devenait intéressant ? ne put-elle s’empêcher de se demander. Poupina sut à cet instant précis ce que signifiait ses rêves où Richard apparaissait, elle l’aimait, elle était faite pour l’aimer. - Pourquoi es-tu debout à cette heure ? Je croyais que dormir dans une chambre loin des ronflements de Jack était ton rêve. - Il faut croire que je me suis habitué à lui, dit-il en riant. Mais non, je savais que tu ne dormais pas, tu as été dans tes pensées toute la journée, et je m’inquiétais pour toi. Et quand tu es sortie de ta chambre, je t’ai entendu sortir, mais tu mettais du temps à revenir. Alors, je suis sorti voir si tout va bien. Elle ne répondit pas, et prêta attention aux bruits de la nuit. - J’aime la nuit, elle me permet d’être qui je veux, dit-elle soudain. Mes angoisses disparaissent quand la nuit tombe. C’est curieux n’est-ce pas ? Surtout quand je sais que je fais des cauchemars. Mais vois-tu, la nuit, je peux me placer dans un endroit, sans attirer l’attention sur moi, tout est calme, je sens la vie respirer, la terre évoluer. - Et moi j’aime le jour, je peux te voir et t’admirer. Il se tut durant quelques secondes, et reprit d’une voix de confidence. - Quand j’étais en Amazonie, j’avais très peur de la nuit. Surtout des arbres, on aurait dit des géants. Mon grand-père pour m’empêcher de faire une bêtise, me disait toujours que les géants, se transformeraient en esprits de forêt pour venir me chercher. Et Dieu seul sait à quel point j’étais champion en bêtises. Tu peux imaginer ma crainte, quand la nuit tombait. Poupina ressenti l’impression qu’il changeait de sujet, l’envie de lui demander le fond de ses pensées ne la quittait pas, mais elle décida de ne rien faire. - Dans ta façon de parler, on peut croire que tu as grandi dans la forêt, remarqua-t-elle. - C’est le cas en effet. Mes grands-parents étaient des volontaires en Inde, dans la forêt amazonienne, dans des campements indiens. J’ai passé presque toute mon enfance avec eux, mes parents voyageaient beaucoup. Avec grand-père, on faisait de longues marches dans la forêt, on visitait des tribus, on leur apportait notre aide du mieux qu’on pouvait. C’était magnifique ! Puis un beau jour, à l’âge de quinze ans, après une crise de maladie, mes parents ont décidé que la vie sauvage n’était plus pour moi, ils m’ont envoyé en pension en Angleterre. Je crois que je ne me suis jamais senti plus malheureux et seul. Mes parents voyageaient et n’avaient pas assez de temps pour moi. Pour le leur faire payer, je faisais en sorte qu’on me renvoie. Je ne te dis pas le nombre de pensions que j’ai dû changer. Poupina éclata de rire, elle imaginait très bien Richard en enfant rebelle. Il ne faisait rien comme tout le monde, et semblait obstiné.
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