Chapitre X

Ecrit par EdnaYamba

 

Chapitre 10

Harry NDONG OSSAVOU

Le barbecue touche à sa fin. Victoria a charmé tout le monde. Du coin, j’ai vu le regard approbateur de Liliane Jackson comme une bénédiction. Je vais prendre congé de Tia que je retrouve avec son mari dans la cuisine. Cette peste que j’adore me regarde avec un sourire satisfait. Son mari aussi.

-         Tu avais raison, lui glisse Peter à mon arrivée. On aurait dû ouvrir les paris !

Elle hoche la tête satisfaite.

-         Cette fois-ci, ne fuis pas Harry ! Me recommande-t-elle alors que je l’embrasse pour prendre congé.

-         Je ne pense pas fuir, la rassuré-je.

Son regard se nuance d’une satisfaction mêlée d’inquiétude.

-         Je vous trouve bien assortis, mais promis tu feras attention quand même. !?

-         Peter, ton épouse me voulait caser et maintenant qu’elle a presque réussi son coup, elle s’inquiète.

Peter rit.

-         Je crois qu’elle s’inquiétera toujours pour toi, c’est comme ça !

Je prends congé d’eux. À peine, le seuil franchi, je l’entends chuchoter à Peter.

-         L’étincelle entre eux est vraie, mais l’orage aussi. J’ai le sentiment qu’un trouble plane, victoria est adorable mais, elle est demeurée secrète ce soir !

-         Tu te fais des idées, chérie. C’est ton esprit critique d’avocate qui parle. Cette jeune fille est juste timide.

-         Tu as peut-être raison.

Je m’éloigne davantage. Je le sais moi aussi qu’il y a quelque chose qu’elle ne dit pas, mais j’ai choisi ce soir de ne pas demander. Pour cette nuit au moins, je ne veux pas y penser. Je la retrouve qui m’attend pour que je la dépose. Sur le chemin de la voiture, ses doigts trouvent les miens dans la pénombre. Rien de spectaculaire : juste une évidence qui se pose, fragile. Elle tourne la tête vers la vitre, un sourire que je déchiffre dans son reflet. Je n’ai plus la moindre idée de comment concilier le droit, ma conscience, et ce qu’elle cache derrière ses silences. Mais sa main serre la mienne.

Victoria LECKA

Je ne sais pas vraiment comment je me retrouve chez lui. Nous nous sommes entendus dans un silence complice. Une seconde, on riait encore sur le chemin du retour, à peine remis du baiser échangé dans le jardin. La seconde d’après, on poussait la porte de son appartement. Il est à son image, calme et élégant. Il pose les clés, m’observe un instant sans rien dire.
Moi, je reste là, immobile, comme si traverser ce seuil avait tout changé.

-         Tu veux boire quelque chose ? Murmure-t-il, la voix un peu plus grave.

Je secoue la tête. Il s’approche doucement. Sa main frôle la mienne, puis remonte le long de mon bras, jusqu’à l’épaule. Je ferme les yeux.

-         Tu trembles, dit-il.

Je hoche la tête, incapable de mentir.

-         J’ai peur.

Un silence. Puis sa voix, plus douce, il me demande

-          De quoi as-tu peur ?

Il m’attire contre lui, lentement. Aucun geste brusque. Rien d’exigeant. Il titille la mèche rebelle de mon chignon.
Il m’étreint.  C’est profond, et réconfortant.
Et là, dans ses bras, je me sens à ma place.

-         Je ne ferai rien que tu ne veuilles !

Je recule un peu, assez pour le regarder en face. Mon pouce suit la ligne de sa mâchoire.

-         Je ne suis pas celle que tu crois, Harry.

Je veux parler, je veux lui dire. Si seulement il pouvait me poser la bonne question me pousser à m’étendre sur mes aveux à demi-mots. Ses yeux se plissent, mais il ne recule pas.

-         Alors montre-moi.

Son regard tendre et irrésistible fait tomber toutes mes barrières.

Je pose ma main contre sa joue, et je l’embrasse à nouveau. Cette fois, c’est moi qui prends l’initiative.
Le baiser est plus profond, plus pressant. Ses mains se posent sur mes hanches, hésitent, me laissent la possibilité de dire non.
Je reste.

 

Harry NDONG OSSAVOU

Et elle m’embrasse.

C’est là que je perds pied.

Son baiser n’a rien de prudent. Il est fait de feu et de crainte, de besoin et de pudeur. Et pourtant, je sens qu’elle me donne ce qu’elle ne donne à personne : la confiance. Je réponds, bien sûr. Avec tout ce que je retiens depuis des semaines. Dans nos gestes, il y a des silences, des secrets, des cicatrices invisibles.  Dans ma chambre, quand nos corps se cherchent, je réalise à quel point elle m’obsède. Pas seulement son visage, ni son intelligence. Mais ce mystère qu’elle transporte comme une ombre.

Je la regarde, après, quand elle s’endort. Et je n’arrive pas à fermer l’œil. Je repense à tout ce que je ne sais pas sur elle. À ce que je ne veux pas savoir sur elle.

« L’étincelle entre eux est vraie, mais l’orage aussi. J’ai le sentiment qu’un trouble plane, victoria est adorable mais elle n’est pas beaucoup épanchée sur elle ce soir »

Je devrais être sur mes gardes. Je devrais poser des limites.
Mais il est trop tard. Je suis déjà tombé. Et je sais que si elle me trahit, je ne me relèverai pas de ça.

Il est 06 H 47, quand je me réveille. Je la contemple un instant, endormie. Et ce sentiment protecteur renait en moi, silencieusement.

Elle émerge elle aussi du sommeil. Elle se redresse et me rejoint le dos contre la tête du lit. Elle remonte le drap sur elle. Ce qui m’arrache un sourire, mais je ne dis rien pour ne pas la gêner. Elle pose sa tête sur mon épaule. Nos silences, qui parlent pour nous, prennent la place. Le cœur rebondit d’un sentiment familier à son endroit, je pose un baiser sur la pointe de sa tête. Elle glisse ses doigts entre les miens.

-         Je ne te demande rien Victoria…Pas de promesses…Ni d’explications. Juste que tu me laisses être là. Et que tu aies assez confiance en moi.

 

Victoria LECKA

Ses paroles pénètrent mon être. Je ferme les yeux et ma main presse la sienne. Je me surprends à dire :

-         Je le veux aussi Harry. Que tu restes là !

J’ai envie de rester ici. Dans ce lit, dans ce silence. De faire semblant que je suis juste une fille normale, aimée d’un homme bon. Dans cette étreinte du matin, son front vient toucher le mien.
Nos souffles se mêlent. Le monde semble se résumer à nous deux et aux sentiments qui diffusent entre nous pour un laps de temps.
Je sais que le jour qui se lève apportera ses urgences : le cabinet, le dossier à voler, mes peurs et mon ombre.
Mais je grave cet instant dans ma mémoire, comme un refuge où revenir quand tout vacillera. Pour l’heure, nous sommes là.
Et c’est assez.

     


 

JUSTICE ET AMOUR TOM...