
Chapitre XI
Ecrit par EdnaYamba
Chapitre 11
Victoria LECKA
La
journée file, entre mots de procédure et de post-its colorés. Etienne, Marc
Antoine et moi clôturons la mission du jour. Je brûle d’envie de me retrouver
seule avec Harry. Nous nous sommes à peine vus le matin. Un bref instant dans
un couloir désert où nous nous sommes souri et il m’a volé un baiser rapide.
Je fais
exprès de traîner un peu afin que nous rentrions ensemble. Je lui laisse un
message.
« J’ai
fini. Je n’attends plus que toi ! »
« Encore
un client à voir et on s’en va. A tout à l’heure chérie »
Je souris
et repose mon téléphone. Je vais m’occuper l’esprit en attendant qu’il se
libère. Je me dirige vers la machine à café. Quand je le vois apparaître.
Costume de marque pour marquer l’importance de sa richesse, montre de luxe à
son poignet, l’allure de ceux qui n’ont jamais manqué de pain sur la table, je reconnais
monsieur Souna l’homme chez qui j’ai volé. Je me fige alors qu’il passe. Il n’y
a aucune chance qu’il me reconnaisse, mais pourtant, la peur m’envahit et me
rappelle que le rêve pourrait s’arrêter brusquement. C’est lui le rendez-vous
qu’Harry attend.
La menace
de Marcus me revient aussitôt :
Tu croyais que
t’étais sortie de la merde, Vic ? T’étais juste en sursis.
Harry
NDONG OSSAVOU
Monsieur
Souna semble nerveux. Le sourire des premières rencontres laisse place à une
mâchoire crispée.
-
Maître
Ndong, il me tardait de vous parler !
Ses yeux
restent fixes. Il me suit jusqu’à la salle de réunion. Je referme la porte
derrière nous. Je le laisse s’installer.
-
Je
vous écoute Monsieur Souna, vous me semblez préoccupé ! Quelque chose ne
va pas ?
-
On
a cambriolé chez moi !
-
Cambriolé ?
m’exclamé-je surpris
-
Oui
et je peux vous assurer, ce n’est pas anodin !
Il se
penche légèrement en avant, baissant la voix comme si les murs pouvaient nous
trahir.
-
C’est
mon fils qui a vu une silhouette... Dans le salon. En pleine nuit. Il a crié.
L’intrus s’est échappé par une vitre qu’il a fracassée.
-
Des caméras de surveillance ?
-
Des
caméras de surveillance, on ne peut en tirer grand-chose. Ce voleur sait
esquiver les angles. On voit à peine une ombre floue. Je peux vous apporter la
vidéo.
-
Apportez-la-moi
la vidéo. Je la ferai analyser par un contact dans la police.
Il est
temps que je contacte Aaron Meviane, l’inspecteur qui a aidé Peter et Tia l’an
passé dans l’enquête pour le meurtre de Diamien Sima et l’affaire Kakou.
-
Et
d’après vous, que cherchait-il ou que vous ont-ils volé ?
-
Un
des actes que je vous ai remis. C’est le seul document qui manque.
-
Pourquoi
vous n’êtes pas venu plus tôt ?
-
J’ai
mis un moment à réaliser. Mais maintenant je pense qu’ils savent que je n’ai
plus ces papiers en ma possession et qu’ils sont avec vous ! vous avez la
clé maitre Ndong.
Mon
visage reste impassible mais à l’intérieur de moi c’est une tempête. Souna
baisse les yeux et se gratte la joue, un tic nerveux sans doute.
Quand il
part, je repasse en revue toutes les informations que j’ai récoltées sur le
sujet. Je n’ai plus qu’à trouver Gaspard Nziengui et bientôt, je ferai tomber
Marcus Ebang. Une bonne fois pour toutes. Je range dans le coffre-fort de mon
bureau quand Victoria me surprend.
-
Désolé,
je finissais avec monsieur Souna
-
Pour
qu’il vienne à cette heure-ci, c’est que l’affaire est urgente ! Me
dit-elle prudente.
-
Une
affaire complexe effectivement !
Elle me
sourit avec une lueur que je ne me décris pas dans le regard.
Victoria LECKA
Ils sont
là. Les dossiers que je dois voler sont là, juste devant moi.
Je le
vois qui ferme le coffre-fort. Mon cœur danse en se noyant dans la marée de
sentiments contradictoires qui l’engouffre. J’essaie de paraître moins paniquée
que je le suis. L’échéance est pour bientôt. Bientôt, je vais le trahir et je
ne sais toujours pas pourquoi. Que détiennent-ils de si important pour Marcus,
pour Souna et pour Harry ?
Une boule
se forme dans ma gorge, je déglutis.
-
On
y va chérie ?
Je hoche
la tête forcée de sourire. Il est tard, les seuls employés qui restent sont le
gardien et nous. Personne d’autre n’est témoin de ma main enlacée dans la
sienne. Nous commandons avant d’arriver chez lui.
La
sonnerie de son téléphone sonne, il s’éclipse pour répondre. A pas sourds, je
me rapproche pour entendre.
-
Merci
Aaron. Je compte sur toi et tes talents d’enquêteur. On se fera le point !
Un
enquêteur ?
J’ai le
sentiment que tout est lié à l’affaire Souna, à Marcus…Anna et moi.
Il faut
que je sache de quoi il est question. Je ne peux juste pas exécuter cette
mission de Marcus sans savoir de quoi il est question. Quand il coupe l’appel,
je m’éloigne aussi silencieusement que je me suis approchée.
Il me
retrouve au centre de son salon et vient se placer derrière moi, massant mes
épaules dans un mouvement circulaire qui me détend automatiquement.
-
La
discussion a été un peu longue ?
-
Toujours
en rapport avec ton affaire ? Me risqué-je à demander.
-
C’est
vrai que tu as un regard acéré sur certains détails, mais c’est une affaire
complexe.
-
Tu
n’es pas obligé d’en parler si tu ne le souhaites pas.
Je mens.
Tout ce
que je veux actuellement, c’est comprendre.
-
C’est
l’arbre qui cache la forêt. Un acte notarié enregistré sans délai, un plan
cadastral et un certificat de conformité qui ne correspondent pas. Tout est
bancal dans cette affaire, trop bancal. Et surtout, dans l’ombre, il y a des
personnes malveillantes.
Je sens
ses mains sur mes épaules, mais c’est un poids plus lourd qui m’écrase. Les
mots qu’il vient de prononcer tournent en boucle dans ma tête, assourdissants. «
Des personnes malveillantes dans l’ombre… Marcus. »
Pourquoi
est-ce que je suis là, au bord de cette trahison, alors que je sais que c’est
lui, Marcus, la source de tout ce poison ? Mon être entier me demande de fuir.
Je serre
les dents. La peur me glace, mais c’est pire encore : la culpabilité, ce nœud
qui serre mon ventre. Harry, il m’accorde sa confiance.
Je
voudrais lui parler, lui dire tout ce que je sais, tout ce que je ressens, tout
ce que je crains. Mais les mots restent coincés dans ma gorge, des mensonges
prêts à exploser.
Je ne te demande rien Victoria…Pas de
promesses…Ni d’explications. Juste que tu me laisses être là. Et que tu aies
assez confiance en moi.
Je recule
doucement, brisant ce contact rassurant.
-
Je…
je dois y aller, dis-je sans le regarder.
-
Non,
reste encore… Cette nuit !
Je cède
avec l’amère sensation que cette nuit est peut-être la dernière.