Chapitre X
Ecrit par Tiya_Mfoukama
Chapitre X
« —Qu'est ce qu'il se passe avec les gouvernantes?
—Pardon?
—Il y en a trois qui viennent de passer en moins de deux semaines et sans explications !
—Et?
—Et? Tu te fous de moi?! Il siffle entre ses dents.
Il est en train de fulminer de rage et parait se retenir d'exploser tout comme je me retiens de rire.
Le voir dans cet état me fait jubiler et encore, ce mot est un doux euphémisme.
Je ne suis qu'au début de mon plan, mais j’ai bon espoir qu’il craquera avant la fin.
Ce mariage, je ne l’ai pas voulu et je ferai tout ce qu'il y a en mon pouvoir pour y mettre un terme.
Cet espèce de chien qui prétend avoir un quelconque droit sur moi, sous prétexte que je suis sa fille va très vite comprendre que je ne renonce jamais jusqu'à obtention de ce que je veux. Il a peut-être pris mes papiers m'empêchant de sortir du territoire, mais il n’a pas pris mon cerveau tordu, dommage pour lui. Non seulement je vais casser ce mariage mais en plus de ça, je n’oublierai pas de lui rendre le double de la monnaie de sa pièce.
Ça va me prendre un peu de temps mais j’y parviendrai. En attendant, je vais gentiment continuer de pourrir la vie de cet idiot.
« —Je te parle! Il gronde comme s’il s’adressait à un enfant.
—Pourtant le deal que tu as établi disait quelque chose comme « on s'ignore sauf en cas d'événements organisés par l’une ou l'autre partie de nos familles respectives », tes soucis avec tes bonnes ne me regardent absolument pas. Maintenant, pousse-toi de mon chemin, j'ai un rendez-vous important. Je dis en le bousculant volontairement. »
Je presse le pas jusqu'à la voiture, ne sait-on jamais, dans un moment de trouble ou de folie il pourrait être tenté de me violenter.
Cet homme est un faux calme, il suffit de voir la façon dont il serre sa mâchoire, ses points et cette veine tendue à l'extrême sur sa tempe droite à chaque fois qu'il se contient. Je ne sais pas à quoi il ressemble dans ses moments de colère incontrôlés et je ne veux pas le savoir encore moi en faire les frais
Je préfère ne pas être dans les parages quand il découvre mes petites “surprises” journalières. La nouvelle n’a même pas tenu trois heures et a fui aussi vite qu'un bodiel, mais au lieu de l’appeler a l’heure que je lui ai indiqué, il a fallu qu'elle le fasse en sortant et voilà comment je me retrouve en face de l’autre.
« —Chez Émeraude. J’indique à Guy, mon chauffeur, le seul avantage que je reconnaisse à cette union. »
Là-bas je peux redevenir moi, retrouver une certaine sérénité et de vrais moments de répit.
C'est à la fois chronophage et épuisant de passer son temps à vouloir nuire à autrui. J’en viens souvent à me demander comment certains font…
« —Vu l’heure, nous allons passer par les petites routes, nous serons gagnants.
—Okay, faites comme bon vous semble. »
Guy est un bon conducteur. Il a été mis à ma disposition dès mon emménagement dans « ma nouvelle maison » et me conduit dans Brazza, en veillant à ce que j’aille bien et tout cela n’est pas pour me déplaire. J’ai beau aimer conduire, je ne connais pas la ville, et ne compte pas rester assez longtemps pour la connaitre.
*
* *
« —Qu’est-ce que t'as fait. Me lance Émeraude, mon pied à peine introduit dans la cuisine.
—Bonjour, je vais bien merci. Et toi?
—Tiya…
—J’ai rien fait ! Je proteste vaillamment, les mains en l’air. C'est l’autre là qui m’a retenu.
—Pourquoi?
—…. Je sais plus. Je réponds évasive. On va manger où, j'ai faim. Y’a quoi dans votre frigo là ?
Je me dirige vers le frigo et me concentre sur tout ce qui se présente sous mes yeux, feignant de ne pas sentir son regard inquisiteur sur moi.
C'est l’inconvénient quand on grandit et partage autant de choses avec une personne. Elle nous connait tellement bien qu’elle finit par repérer les moindres détails, les moindres signes de mensonges que d'autres n’auraient probablement pas remarqué.
En temps normal, j’aurais dévoilé mon plan à Emeraude, mais ces derniers temps, je la trouve peu encline à me comprendre. Elle se montre un peu trop relativiste face aux conneries intemporelles que l’on appelle tradition. Il y a quelques jours, elle a laissé sous entendre que ma situation aurait pu être pire et que je devais tenter de voir le bon côté des choses, l’homme « bien » sur lequel je suis tombée. Evidemment, elle n’a jamais vu ses veines sautiller, encore moins ses poings fermés …. alors que moi si….
« —Tiya !
—Quoi ? …. C’est sa gouvernante. je finis par dire en prenant une bouteille d’eau avant de refermer le frigo. Elle a démissionné et comme c’est la troisième en deux semaines, il voulait savoir pourquoi.
—Et elle a démissionné pourquoi ? elle me demande, suspicieuse, en croisant ses bras. Et pourquoi les précédentes ont aussi démissionné ?
—Qu’est-ce j’en sais ! je réponds en haussant les épaules.
—Tiya plus tu restes ici et plus t’as du mal à mentir. Du moins à moi alors parle.
C’est vrai, je l’ai aussi remarqué, je me fais la réflexion en portant ma bouteille à mes lèvres, pour perdre un peu de temps…
« —Bon. En fait. Euh….Comment dire…. Tu vas rire…
—Tiya ! Abrège !
—Bah….. J’ai peut-être laissé entendre que, j’avais un oncle dans la police. je commence à expliquer en marchant d’une extrémité à l’autre de la cuisine…. Un oncle, générale, avec un nom commençant par une « N » et qui est assez proche du chef de l’Etat.
—Ok, donc t’as fait croire que Ndeguet était ton oncle ?elle résume. Mais pourquoi ?
—Et bah…. C’est là que tu vas rire. … Je leur ai proposé une espèce de deal, partir ou se faire arrêter par mon faux oncle. C’est drôle non. je souris sans grande conviction.
—C’est pas vrai. Elle hurle la main devant la bouche. Mais Tiya t’es complètement folle ! Les pauvres ont du avoir peur pour leur vie. Mais c’est quoi le but ? Tu n’aimes pas faire le ménage, et si j’en crois ton comportement depuis le début, je suis certaine que tu n’as pas touché une seule fois le balai, alors où est le problème si une personne le fait à ta place ? »
Je n’ai pas de souci avec ça, bien au contraire. Ça n’a rien à voir avec elles mais plutôt l’autre…
« — Tu veux le faire craquer? elle dit comme une évidence. »
Bingo !
Je continue à siroter mon n’eau, tout en détournant mon regard d’elle. Ce qu’elle prend pour un aveu.
« —Non mais, je veux bien que tu cherches à l’atteindre mais Tiya, ça ne doit pas être aux dépends de femmes qui n’ont rien demandé. Ce travail était peut-être la chance pour elles de pouvoir subvenir aux besoins des membres de leur famille.
—Oh Sainte Emeraude, ça va ! De toute façon, j’en aurais embauché aucune. La première a passé toute sa journée à faire le salon. Elle était tellement lente qu’elle n’a même pas fini. La seconde était en train de mettre des décorations dans son sac quand je suis descendue et la troisième sentait tellement la transpiration que l’odeur s’est incrustée dans les pièces qu’elle a nettoyées. A quoi ça sert de prendre une femme de ménage si c’est pour qu’elle te laisse une senteur de fauve après son passage ?
—….
—Et puis malgré tout ça, je ne les ai pas laissé partir comme ça. Je leur ai donné trois cent mille chacune ! »
Je me trouve plutôt gentille comme personne !
Au lieu de le voir de cet œil, Emeraude se rembrunit un peu plus.
« —Sérieusement Tiya, va falloir que tu te calmes sur tes agissements. Tu es dans une situation inconfortable d’accord, mai…
—Ce n’est pas qu’une « situation inconfortable », je la corrige durement. Je suis marié à un mec que je connais ni d’Eve, ni d’Adam. Si tu avais été à ma place comment aurais-tu réagi ? Hein ? Si on t’avait imposé un autre homme qu’Héritier ? D’accord il n’a pour le moment pas tenté de me toucher, mais qu’est-ce qui l’en empêcherait ? Ça a beau dire qu’on est dans une démocratie, il n’en demeure pas moi qu’ici un homme a plus de droit que moi, sa parole compte plus que la mienne ! J’aurais pu m’accommoder de ce fait et encore, s’il s’agissait d’un homme que j’aurais choisi, mais ce n’est pas le cas ! »
Je suis haletante, comme si je venais de courir un marathon. Ça m’irrite tellement d’entendre que l’on minimise ce qu’il m’est arrivé sous prétexte que c’est coutumier, que je ne suis pas la première ni la dernière. Ça fait un peu plus d’un mois que je suis dans cette galère, et déjà le discours d’Emeraude a changé. Pourtant elle me connait, elle connait mes craintes et mes aspirations, ma façon d’être. Elle devrait comprendre mieux que personne, que ma situation actuelle m’est difficile à vivre, que je prends beaucoup sur moi pour ne pas craquer, que j’ai besoin de son soutien et non de l’entendre réduire à « une situation inconfortable », ce qui est un calvaire pour moi.
« —Je suis désolée, je…
—Pas autant que moi. je la coupe en prenant mon sac laissé sur le comptoir. Je vais m’allonger, je n’ai plus très faim, tu pourras avancer ton rendez-vous chez la coiffeuse. »
Je m’affale sur son lit, retire mes talons et ferme les yeux, l’ignorant royalement quand elle vient me proposer de rester avec moi pour durant l’après-midi. C’est avant que j’aurais aimé qu’elle manifeste son soutien…
« —J’aurais pas du dire ça. Je me suis mal exprimée. elle dit en s’allongeant derrière moi. Ce que je voulais dire, c’est que… Tout n’est pas soit blanc ou noir. Il y a aussi le gris et ses nuances. D’accord tu es avec une personne que tu n’as pas voulu, mais, tu n’es pas brimée. La preuve, tu passes ton temps à fulminer des plans plus rocambolesques les un que les autres, et à par gueuler, il ne fait rien d’autres. Puis tu passes le plus clair de ton temps ici. Il ne te demande pas de lui rendre des comptes…. Ça va peut-être te prendre du temps, mais je suis certaine que tu trouveras une solution pour divorcer, en attendant, tout ce que je veux c’est que t’essaies de voir tes avantages et pas que tes inconvénients parce que c’est en prenant connaissance des points forts, en les étudiant que tu pourras les réunir pour peut-être trouver une solution. Tu me comprends ?
—…..Il est pas si calme que ça. je marmonne. Il serait capable de me violenter, j’en suis certaine.
—Avec tous les coups que tu fais, qui ne le voudrait pas ?elle demande un rire dans la voix.
Je me retourne pour lui faire face.
« —Je suis sérieuse Emo ? Il en serait capable
—On pourra jamais affirmer ou infirmer ta pensée puisque d’ici là, on aura trouvé une solution.
—En attendant, pense à ce que je viens de te dire et surtout, évite d’inclure des personnes dans tes plans foireux.
—Mais je les ai payées ! je grogne, boudeuse.
—Même ! Bon allons manger, ensuite on ira chez la coiffeuse, puis on ira te chercher une jolie tenue pour samedi.
—Parce que tu penses sérieusement que je vais y aller ? »
Elle acquiesce tout simplement, avec un petit sourire en coin.
*
* *
« —Tu…tu comptes rester habillé de cette fa…façon ? il bégaie en me regardant.
—Pourquoi, il y a un problème ?
—Tu peux pas rester comme ça, ta tenue est indécente !
—Pour qui ?je demande le regard rivé au sien. »
Ses cernes sont creusées, sa mine pale et son air las. Il est à bout, je remarque satisfaite. Les conseils d’Emo étaient plus judicieux que je ne l’aurais imaginé.
Une semaine que je m’attèle à le pourrir lui, et seulement lui, sans inclure personne d’autre dans l’espoir qu’il finisse par craquer, par m’annoncer qu’enfin, il mettra un terme à ce mariage. J’ai bon espoir.
« —Tiya, mes parents seront présents et il est hors de question que tu leur manques de respect en te baladant en mini haut et micro-short !
—Et elle ne va pas rester comme ça. intervient Emo. »
Il lâche un soupir bref de soulagement, lui renvoie un timide sourire de remerciement puis empreinte la direction de son bureau, tandis qu’Emeraude m’attrape par le bras et m’oblige à la suivre dans ma chambre. Il a compris qu’Emeraude était la seule personne qui pouvait me faire plier et se repose bien trop sur elle depuis le début de la journée. Ça a commencé ce matin, les ordres qu’il avait donné à sa nouvelle « gouvernante », ordres qui ne m’arrangeaient pas, et que j’ai annulés. Au vu de la crise qu’il a piqué, ça ne lui a vraiment pas plus, et Emeraude est intervenue pour le calmer et lui proposer un compromis. Puis ça a été avec le menu proposé aujourd’hui, inspiré de Dylan et qui ne me plaisait absolument pas. La encore, Emeraude est intervenue et lui a proposé une alternative… En sa présence, je n’insiste pas trop dès lors qu’elle intervient, et ça, il l’a compris. Mais ce n’est qu’en sa présence. Qu’il profite d’elle, demain, elle ne sera pas là.
« —On avait choisi une robe !elle lance en refermant la porte derrière elle.
—Ouais mais, j’ai l’impression qu’elle me boudine. J’ai du prendre quelques kilos durant la semaine.
—Tiya, il est totalement épuisé, les traits de son visage sont marqués, tu peux pas lui laisser un peu de répit ? A ce diner, il y aura les membres de sa famille, donc tout ton sabordage de ce matin ne lui est pas seulement adressé. Ce qui veut dire … ?
—….
—Ce qui veut dire... elle répète.
—….Que je dois me tempérer. je soupire. »
Il faut sérieusement que j’arrête de lui faire des promesses, je me dis en la voyant me tendre le sac contenant la robe que nous avons achetée ensemble.
Parce que je ne suis pas prête à me montrer si « disposée » que ça, je prends le temps qu’il faut pour me rafraîchir, enfiler la robe, me maquiller puis me coiffer. Ce qui me prend trois bonnes heures.
Quand je rejoins Emeraude au salon, les frères et sœurs de Dylan sont déjà là, papotant dans une ambiance joyeuse.
« —Mais ça pouvait être qui d’autres que Drew. Souffle une jeune femme.
—Franchement ya Lisa, j’en pouvais plus. J’étais entre le rire et la gênée, je ne savais plus où me mettre !
—Non, mais Drew, t’as vraiment retiré la perruque d’une femme en pleine rue ? A Brazza ? demande Dylan.
—Ya D, je pouvais pas savoir. Tout ce que je voulais, c’était l’intercepter parce qu’elle avait fait tomber son mouchoir.
—Un mouchoir usagé. complète la jeune fille qui raconte l’histoire.
—Oui, mais. Il balaie son propos d’un geste de la main. C’est un détail. Bref, je voulais tirer sur son t-shirt et comme elle était de dos et que ses cheveux, enfin ses faux cheveux étaient au vent, ils se sont retrouvés emprisonnés dans mon poing, et quand j’ai tiré…bah…. »
Dylan secoue la tête abasourdie, et les autres éclatent de rire. J’en aurais probablement fait autant dans un autre contexte.
« —Tiya, t’es là ! lance Emeraude qui vient de me remarquer. »
Tous les regards se convergent vers moi, s’attendant à ce que je vienne vers eux, mais après avoir murmuré un « oui comme tu peux le voir » à peine audible, je me dirige vers la cuisine.
On m’a demandé d’être présente, de me montrer disposée, pas de taper la discussion avec des inconnus de surcroît en jouant le rôle de une épouse modèle épanouie. C’est trop me demander, puis je ne sais pas le faire, jouer le rôle de la gentille épouse modèle.
« —Vous avez besoin de quelques choses ? me demande la gouvernante.
—Oui, d’un verre de wisky et un billet pour Paris. je réponds du tac au tac.
—Ah…Pour le billet je ne peux pas faire grand-chose, mais pour le verre je peux agir. Avec ou sans glaçons ?
—Je vais le faire moi-même. je réponds en me dirigeant vers le placard contenant les verres. Pourquoi vous êtes encore là ?
—Je finissais de préparer les desserts que votre mari a demandés. Je m’en vais. A lundi.
—…. »
Puis j’entends la porte de la cuisine se refermer.
J’aurais peut-être du laisser Murielle préparer mon verre, je me dis sans réussir à trouver une quelconque liqueur.
Je n’ai pas essayé de lui faire le coup de la prison. Principalement à cause de la promesse faite à Emeraude mais aussi parce qu’elle est pas mal comme gouvernante. Beaucoup plus âgée que les précédentes, il lui a fallu une demi-journée pour remettre cette maison en ordre. Même si je ne mange pas ce qu’elle prépare, les effluves qui me parviennent et la rapidité à laquelle l’autre engloutit ses plats, me confirment qu’elle est bonne cuisinière. Je lui aurais sûrement demandé de me donner quelques cours de cuisine si les circonstances avaient été différentes…
« —Même saluer les gens c’est trop te demander ?
—Oui ! je réponds en brandissant une bouteille.
—Tiya !
—Quoi Emeraude ? Tu m’as demandé d’être cool et là, à cet instant, j’ai envie de tout sauf d’être cool alors je me retire. Tu devrais me dire merci et applaudir plutôt que de venir m’engueuler.
—Sauf qu’il s’agissait simplement de les salu… »
Elle n’a pas le temps de finir sa phrase, la porte d’entrée s’ouvre sur Jesse.
C’est étrange comme ils se ressemblent sans se ressembler Dylan et lui. Physiquement, ils sont tous les deux grands, l’un Dylan, est plus clair, et plus élancé, tandis que l’autre est plus foncé et tassé, mais ils partagent beaucoup de points en communs. Leur façon de se tenir, d’arquer un sourcil interrogateur, de dissimuler une frustration… J’ai eu le temps de remarquer tout ça. De tous ses frères, c’est celui que je vois le plus, qui vient le plus souvent et qui tente vainement d’introduire un dialogue avec moi à chaque fois qu’il me voit. Et parce qu’en le voyant, j’ai l’impression de voir son frère, je réponds à ses tentatives de la même façon que j’aurais répondu si elle venait de l’autre.
« —Bonjour Tiya. Comment vas-tu ?
—….J’vais pas bien, je te donne mes symptômes pour que tu poses un diagnostique ? »
Emeraude toussote exagérément et il me sourit doucement.
« —Tu sais…Dylan n’a pas demandé ça non plus. Il subit autant que toi. C’est mon frère et je tiens énormément à lui. J’ai fait l’effort de venir aujourd’hui parce qu’il a besoin de moi. Je te demande, d’essayer de jouer le jeu. Juste cette fois. Pas à cause de moi, mais parce que tout comme toi, il s’est retrouvé contraint.
—Il s’est retrouvé contraint ? Contraint à quoi ? Vivre dans un pays qu’il ne connait que de nom et d’histoires pas très reluisantes entendues ça et là ? Contraint de laisser sa famille, ses amis, son travail, ses repères ? Contraint à subir les décisions d’un père référencé aux abonnés absences les trois quarts de sa vie ? Oh le pauvre ! je souffle en brassant de l’air d’une main, pour sécher des larmes imaginaires.
—….D’accord à ton niveau….»
J’en ai assez entendu. Les discours du genre, je les entends de la bouche d’Emeraude et sa me suffit amplement. Nous ne vivons pas la même situation et de fait, on ne peut pas me demander la même chose qu’à lui. Même les répercussions qu’on ce mariage sont différentes pour lui et moi. Ce n’est pas juste, surtout quand s’est imposé…
Je finis mon verre cul sec puis sors de la cuisine sans lui laisser le temps de terminer son blabla et tombe nez à nez avec Dylan qui s’empresse de passer une de ses mains autour de ma taille, avant de m’attirer à lui et m’emmener vers le salon.
« —si tu veux pas avoir un aperçu de l’enfer, t’as intérêt à retirer ta main dans les secondes qui suivent.
—Depuis qu’on est mariés, je n’ai pas un aperçu de l’enfer, j’y vis alors plus rien ne peut me surprendre venant de toi, alors sourit, mes parents sont là. il siffle entre ses dents, à travers son sourire. »
Je me renfrogne. Doublement. Parce que je me retrouve encore une fois à jouer un rôle que je ne veux pas jouer, et parce qu’au lieu de ficeler un sale coup pour l’enfoncer un peu plus, je me laisse docilement guider par lui et sa main au creux de mes reins. Sa main que mon corps de traite semble reconnaitre malgré le tissu de la robe.
Fait chier.
*
* *
Putain, qu’est-ce que c’est déprimant, je me dis en balayant la pièce du regard. J’attrape une assiette, transferts les déchets dans une autre avant de la faire passer en dessous, puis répète l’opération avec toutes les assiettes. Je n’aime pas faire le ménage, je n’aime pas ranger, je déteste ça, mais je ne supporte pas de voir une pièce que j’ai vu parfaitement rangée quelques heures avant, ressembler à un champ de bataille. Ça me tape sur les nerfs et je me sens obligée de nettoyer.
« —Laisse ça, je vais le faire. lance Dylan en s’avançant vers moi. »
Je ne l’ai même pas entendu rentrer.
« —C’est bon. reprend-il. Il n’y a plus personne, je les ai tous raccompagnés, tu n’es plus obligée de jouer.
—…. »
Je poursuis mon rangement sans faire cas de ses propos. Ça m’aide aussi à évacuer puis j’allais pas l’enfoncer, encore moins après ce qu’il s’est passé durant ce déjeuner. Mais je ne ferai pas toujours preuve d’empathie.
« —Merci….pour….merci. »
Je prends la vaisselle réunie, et vais la déposer en cuisine.
Profite, demain ne sera pas aujourd’hui.