Chapitre XII

Ecrit par imalado

------Belinda Ottawi------

J’ai déjà fait mes cartons et Jonathan m’a promis de passer les récupérer à la maison ce matin. J’ai pris soin d’arranger mes autres affaires dans le grenier, la chambre est comme devenue vide… Je ne veux pas laisser de traces, car on ne sait jamais.

Je fais attention à être impeccable aujourd’hui. C’est le grand jour : l’arrivée d’Athan. Je porte une jupe noire taille haute jusqu’aux genoux, sur laquelle j’enfile une veste en tissu wax sur de hauts talons. J’ai pris soin d’alléger mon maquillage et de lâcher mes cheveux qui ont pris du volume à cause de ses boucles prononcées. Je suis prête.

Je passe par le Broadway café pour prendre deux cafés à emporter. Vous pouvez déjà deviner à qui je dois le second. Je ne suis pas vraiment en retard.

Je patiente dans ma voiture, le temps de passer un appel à Maître Ayo pour lui demander la somme qu’il a pu négocier et je suis assez satisfaite de ce qu’il m’annonce. Il ne me reste plus qu’à voir avec la suite.

-         Bonjour.

Seigneur il est beau. Il m’accueille d’un regard qui en dit long et m’offre son sourire-là. Il a tout le charme qu’il faut…

-         Bonjour jolie demoiselle…

-         Flatteur… Tiens c’est pour toi. Un café bien corsé, sans crème et sans sucre.

-         Comment tu sais tout ça ?

-         S’il faut s’excuser, faut bien le faire, (clin d’œil) et puis le GPS est bien renseigné…

Il éclate de rire en se relevant et fait le tour de son bureau. Il se tient à présent en face de moi, me regardant comme s’il allait me prendre à la place du café.

Tu es très en beauté Belinda et merci pour le café (qu’il me murmure à l’oreille puis un bisou sur la joue avant de retourner s’assoir)

Je sens encore à cet instant sa joue frôler la mienne, et mon cœur ne fait qu’un tour plus fort. Pushhh c’est quoi ça encore Belinda ? Ressaisis-toi.

-          Je suppose qu’avec votre oncle vous allez parler du dossier avant de le présenter au conseil ? Ils ont leur mot à dire ?

-         On peut dire ça comme ça. Athan occupe à lui seule la majorité des voix en plus d’être actionneur majoritaire.

-         Comment ça ?

-         Il prend toutes les décidions, car en plus de ses actions, il a celui de Noel, de Josué et du mien.

-         Je vois. Vous avez des actions mais pas l’autonomie pour la prise de décision.

-         C’est ça. Dis Belinda ? On peut déjeuner ensemble aujourd’hui ?

-         Oui, pourquoi pas ?

Je souris et sors de son bureau. J’ai surement mieux à faire que de fondre devant l’enfant adoptif de mon géniteur.

------Athan Akué------

Après ce petit voyage, j’ai hâte de reprendre le boulot. Même si je gagne assez avec mes autres « affaires », cette société me sert à blanchir tout cet argent. Et on peut dire qu’elle est sur la pente raide ces temps-ci. La gestion devient difficile.

Déjà une trentaine de minute que je suis assis dans mon bureau, j’attends que Noel vienne me faire le point durant mon absence.

-         Oui entrez…

-         Bon arrivée mon frère.

Merci Noel. Assieds-toi donc et raconte-moi les nouvelles.

Dans l’ensemble la société se porte bien, à ses dires, si jamais on réussit à faire une bonne présentation au gouvernement pour Siby, on est sûr de tenir un bon bout de temps avant que le navire ne coule.

-         Il y’a autre chose Athan.

Son visage à cet instant se durcit. Je connais Noel, il prend cet air-là quand les choses tournent mal.

-         Tu viens de me dire que tout allait bien ?

-         On a une nouvelle collaboratrice Belinda Ottawi. Ce nom ne te dit rien ?

-         Non. Ça devrait ?

-         Si son nom ne te dit rien, son visage devrait…

-         C’est-à-dire ?

-         Je te laisse voir par toi-même, tu décideras après ce qu’il faut en faire. Je vais la chercher.

------Belinda Ottawi------

Depuis ce matin je tente de revoir le dossier de Siby et tout bien réfléchi ceci pourrait bien être la solution. Si jamais le gouvernement refuse, Ethan se sera bien obligé de vendre des parts pour avoir des fonds et faire marcher la société. Je pourrais toujours les racheter.

         Je sors de mes pensées quand on frappe à ma porte. Noel. Sa vue me rappelle l’arrivée d’Athan et mon cœur prend un coup, sans rien laisser paraître, je me lève pour le recevoir.

-         Noel ? C’est pour la réunion ?

-         Non, je voudrais te présenter Mrs Athan Akué. Le président directeur général de la société.

Maman si seulement tu pouvais te tenir près de moi à cet instant.

-     Le temps de me préparer et je t’y rejoins.

Je sens que mes pieds ne me soutiennent plus. Je m’agrippe à la table. Jusque-là j’avais minimisé le jour je me tiendrais en face de lui. J’avais choisi de rien savoir de lui, mais la mort de ma mère m’y a contraint. Je ne sais pas ce que je cherchais en voulant la vérité. Je ne pensais pas trouver en lui une figure paternelle, loin de là. Seulement que je le veuille ou non cet homme est ce qu’on appelle pour moi : un père dans un jargon mal défini je crois.

C’est cela : un père. Je n’ai jamais manqué de rien et jamais je n’ai ressenti son manque même quand la fête des pères pointait son nez et que les autres enfants s’extasiaient. Oui, j’aurais voulu qu’il soit là malgré tout. J’aurais voulu savoir que je n’étais pas seulement un dommage collatéral dans son plan de ruiner ma mère, une tache sur sa route vers le sommet. J’aurais voulu être ce sommet-là pour lui. J’aurais voulu que malgré tout il tienne la place que la nature avait choisie pour lui, car moi non plus je n’ai pas choisi d’être de son sang…

Je me surprends à sécher les larmes qui débordaient mon visage. J’allais voir en face l’homme qui se présentait comme un être quelconque dans ma vie depuis près de 23ans. Athan Akué. Serais-je seulement capable d’y faire face ?

J’essuie mes larmes et tente de me remettre d’aplomb. Je ne veux pas que les émotions m’assaillent à cet instant décisif de mon plan. Je rejoins Noel qui m’attendait dans le couloir.

-         Est-ce que ça va ?

-         Oui, désolée j’ai dû me remaquiller, la première impression est toujours la bonne.

Je passe mes mains dans les cheveux, respire un bon coup et me lance à travers la porte que Noel tenait. Tout se joue à cet instant précis !

------Athan Akué------

Par tous les esprits sains de la terre et de je ne sais où, ce ne peut-être elle. Du haut de mes 53 ans, si tout ce par quoi je suis passé m’a appris, c’est de garder mon sang froid. Même face à cette inconnue qui ressemble étrangement à celle que j’appelle mon jackpot mais aussi mon passé.

Elle me fixe de ses yeux comme si elle tentait de déceler les failles de mes émotions. Mais rien.

Je me lève et m’approche tout doucement d’elle, les mains dans les poches sans ôter mes yeux des siens. Et elle le maintient tout aussi ce regard et ce silence. Je veux voir jusque dans les traits de son visage ce qui peut la trahir ou même me donner une raison de douter.

Après un moment, je me surprends à saisir la chaise à ma droite pour m’y agripper. Je sens que mes pieds me lâchent et mon cœur qui s’emballe. Tout doucement ma respiration tente de se faire toute petite. Je manque d’air. Tout devient flou et je tombe aux pieds de cette inconnue dont je ne vois à présent que les chaussures pointues avant de perdre connaissance.

------Belinda Ottawi------

Je suis comme qui dirait figée. Athan vient de faire une crise. Et en bon riche qu’il est, son médecin personnel le suit partout.

Je reste là à le regarder étendu sur le sol, sans mot ni geste de compassion ou même ce petit reflexe qui vous vient quand vous voyez une personne s’écrouler devant vous. Rien. Juste la voix de Noel, qui me bouscule sans me tenir réveillée de mon état « second ». Il le saisit par les épaules, criant son nom et le secouant : Athan, Athan réveilles-toi. Mes yeux se remplissent de larmes sans me l’expliquer.

Mais non. Il ne faut pas qu’il meurt. C’est trop facile ça. Trop simple, trop juste pour le laisser partir ainsi. Il n’a pas souffert. Je sors de la pièce pour parler à sa secrétaire, son médecin doit venir. Et puis tout s’accélère…

Josué et Amir se trouvent à présent dans la pièce avec Noel et le médecin. Je suis de trop et j’ai l’impression de m’étouffer. Je cours me réfugier dans les toilettes avant de fondre en larmes. Et en bon sauveur de, la jeune demoiselle que je suis, Amir se présente avant de refermer les portes des toilettes après lui.

-         Il a fait une crise, il est vieux mais il ne va pas mourir maintenant. Je sais à quel point ça peut te bouleverser si tu n’as jamais été face à cette situation.

Je ne sais pas ce qui me pousse à me jeter dans ses bras pour chercher réconfort, mais à cet instant je n’ai besoin que d’une épaule sur laquelle me reposer. Et il était là. On reste un long moment silencieux.

Le médecin dit qu’il va bien et qu’il lui faut prendre sa journée mais il refusa. Je me garde bien de retourner dans son bureau.

Amir nous a fait livrer le déjeuner dans son bureau. Et il se garda bien de me demander quoi que ce soit, une belle attention.

-         J’espère que tu aimes manger chinois, ils ne livrent que ça.

-         Dis plutôt que tu adores chinois et tu n’as pas pu résister !

-         C’est cela, tu m’as grillé. (en riant)

-         Merci pour tout à l’heure, je suis restée scotchée, je n’avais jamais vu quelqu’un faire une crise…

-         Je sais, et tu as été géniale. Tu as pensé prévenir le médecin. Ça va maintenant au moins ? ça remonte le moral aussi de manger chinois.

-         T’es un marrant. Et je suppose qu’on n’y résiste pas aux plats chinois…

-     Rarement… (en secouant la tête)

------Noel Anju------

Je suis dans le bureau avec Athan et ça fait plus d’une heure qu’il se tient devant la fenêtre de son bureau, sans mot. Après sa crise, il n’a pas voulu rentrer chez lui comme le médecin le lui a recommandé. Je le sens bouleversé.

-         Noel. Fais la revenir s’il te plaît et cette fois-ci tu nous laisseras seuls.

-         Athan ? Tu es sûr ?

-         Pourquoi ne m’as-tu rien dit ? (En se retournant) Tu aurais pu me prévenir, je me serais préparé. Et si cette fille n’est pas ce qu’elle dit être, elle m’aura cru faible.

-    Je vais la chercher.

Je ne veux pas attirer la colère d’Athan à cet instant. Je vais donc l’appeler de nouveau dans le bureau d’Amir.

------Athan Akué------

Cette fois mon cœur tiendra le choc. Cette fois je ne faillirais pas. Dans mon cœur je sais que ce n’est pas Naya. Celle que je connais, malgré toute la haine qu’elle peut bien me porter, ce serait jetée sur moi en bien ou mal. Elle aurait réagi de toutes les manières.

Trop de choses me viennent en tête. Et cela fait 23 ans. Je l’imagine dans cette robe devant l’autel. Et vous savez quoi ? Me voir là, me tenir dans ce bureau me fait penser que je n’ai pas regretté mon choix. On ne gagne pas toujours. Et je refuse que mon passé refasse surface.

-         Je ne vous dérange pas ?

Seigneur, elle a ses yeux, chaque trait de son visage me fait penser que le miracle existe.

-         Vous allez bien Mrs ? Vous nous avez fait peur ce matin. Je me présente Belinda Ottawi.

Je sens ma langue lourde et peine à l’actionner comme muet. Ceci est-il tout simplement possible ?

-         Mrs Akué ?

-         Désolée jeune demoiselle. Je viens de loin. Trop de choses en tête. Asseyez-vous. Vous prenez quelque chose ?

-         Non merci.

-         Qui êtes-vous Belinda ? D’où venez-vous ? J’aime connaître ceux que j’engage.

-         Je suis de la capitale. Je suis orpheline. C’est tout ce qu’il y a à savoir sur moi.

-         Pas de famille ? De parents proches ?

-         Non, je suis seule.

-         Mademoiselle, connaissez-vous Naya Oyoko ?

-         Non, ce nom ne me dit rien. Noel m’avait déjà demandé.

-         Je vois. Et qu’est-ce qui vous a poussé vers Green Goal ?

-         Je cherche du travail. J’ai besoin de ce travail Monsieur.

Je suis tenté de croire ce qu’elle me dit, je ne sais pas pourquoi mais cette fille semble sincère. Mais de mes métiers, je sais que l’apparence est bien souvent trompeuse…  

-         Mrs Akué excusez-moi mais il y’a Mrs Kodio qui veut s’entretenir avec vous.

-         Faites-le rentrer j’ai fini. Merci Belinda, à présent je dois accueillir l’un de nos actionnaires.

Les larmes des liens