Chapitre XII
Ecrit par Tiya_Mfoukama
Chapitre XII
« —Ça va ? me demande Emeraude.
—Ouais…
—T’as pas l’air bien. »
Je suis simplement exténuée. J’avais oublié que passer la nuit à jouer les acrobates pouvait donner des courbatures.
« —Naan, juste un peu fatiguée. Je dis en ajustant ma capuche sur ma tête.
—Okay, si tu le dis.
—Je le dis… Sinon, tu peux me rappeler ce qu’on fout ici ?je demande pour changer de sujet, en regardant l’entrée devant moi.
—On est ici pour soutenir une amie. »
Amandine n’est pas une de mes amies, j’ai envie de lui dire, mais le regard qu’elle me lance m’en empêche.
Je soupire bruyamment et pousse la lourde porte qui nous sépare de l’intérieur.
Nous nous retrouvons dans un petit couloir, surplombé de trois portes, où est installé un semblant de bureau sur notre droite, avec une hôtesse un peu trop souriante derrière.
« —Bonjour mesdames. Vous êtes venues assister au cours de…
—Oui. La coupe rapidement Emeraude. Amandine nous a invitées. Nous devons être sur la liste. Tiya Mfoukama et Emeraude Nzozi.
—Humm… Oui, en effet. C’est la porte juste derrière vous. Le cours n’a pas encore commencé mais faites vite, ça ne devrait plus tarder.
—Okay. Merci…. Après toi madame. »
J’entre d’un pas trainant dans la salle, et manque de défaillir quand je comprends où nous sommes.
« —Tu te fous de ma gueule ?
—Installons-nous là. m’indique Emeraude.
—Tu t’installes où tu veux, mais moi, il est hors de question que je reste ici.
—Tiya on a dit qu’on faisait un truc ensemble aujourd’hui.
—Oui du sport ! Pas du yoga. Je réponds en désignant les tapis de sol en grimaçant.
—C’est aussi un sport.
—Pour les gros nazes. Je reste p…. »
La fin de ma phrase est coupée par l’effet que me procure celle que j'identifie comme la « prof » de sport. Putain mais butez-moi une bonne fois. C’est tout à fait le genre de prof que je peux pas blairer. Filiforme, dreadlocksée, avec des cauris et des fils de couleur dans les cheveux, un petit visage ovale et des lèvres noires qui retiennent l’attention. Mais ce n’est pas l’effet d’un rouge à lèvres. Je parierais dix contre un que c’est le résultat d’une longue cure de weed qu’elle s’efforce de prolonger un peu plus chaque jour. Ça se voit que c’est le genre à fumer jusqu’à ce que les esprits lui parlent. Moi je refuse de suivre un cours donné par une personne qui pense que le calumet de la paix est la solution contre les guerres.
« —Bonjour à toutes. J’espère que vous êtes toutes prêtes. Je vois quelques nouveaux visages parmi nous. Je vais donc me présenter pour toutes celles qui viennent d’arriver, puis je demanderai à chacune d’entre vous d’en faire autant. Je m’appelle Wema, et je suis votre professeur …. »
Wema ! Bah voyons ! Une fumeuse de weed avec un prénom aussi pompeux, on en a jamais vu, j’ironise intérieurement.
« —C’est à votre tour. Vous vous appelez ? »
Les regards sont tous tournés vers moi et je comprends que c’est à moi qu’elle s’adresse. Elle me sourit, en remuant légèrement sa tête pour m’encourager et le visage d’un mec qui se faisait appeler Afroman, et qui fumait de gros pétards se dessine à la place du sien. Lui aussi il hochait doucement la tête comme elle le fait… Non, mais même avec toute la bonne volonté du monde, je me dis que je vais pas pouvoir rester.
« —Kwaheri ! je balance avant de tourner les talons sous le regard courroucé d’Emeraude. »
C’était plus fort que moi, j’ai pas pu me retenir ! J’éclate de rire quand j’arrive dans le couloir principal, heureuse de ne pas avoir à justifier ce fou-rire à l’hôtesse d’accueil. Des séances de yoga à Brazzaville, on importe vraiment tout et n’importe quoi de nos jours. Je me dis avant de rire de nouveau en me rappelant ma sortir. « je m’appelle au revoir », je ricane encore. A coup sur, Emeraude va vouloir me tuer !
Je réussis à reprendre un semblant de sérieux quand je me rappelle que mes affaires sont restées dans la salle et qu’il ne me reste que mon téléphone.
Pas très emballé à l’idée de rester sous le soleil pendant une heure, je pousse la première porte qui se présente à moi, pour tomber sur une salle de musculation plutôt bien équipée, qui me surprend agréablement.
« —Bonjour, je peux vous aidez ? »
Oui, si vous me faisiez un enfant pour commencer ? je me dis en faisant face à l’homme qui vient de parler. Il passe sous mon scanner rétinien en moins de 5 secondes et reçoit un 4/5. Environs un mètre quatre vingt-dix, une gueule de connard à souhait, et un corps tout en muscle souligné par un t-shirt près du corps. Je me demande depuis quand les hommes sont aussi beaux à Brazza ?
« —Vous appréciez ce que vous voyez ?
—Pardon ? je demande en sortant de ma rêverie. »
Il me rend un sourire éclatant avant de passer sa langue sur sa lèvre inférieure, un peu trop lentement..
« —Je vous demandez si je pouvais vous aidez. »
Et il me prend pour une conne, en plus de ça.
« —Non, vous ne pouvez pas m’aider et non, je n’apprécie pas ce que je vois. je réponds les yeux braqués dans les siens.
—Ouuuh, ça fait mal. il lance la main sur le cœur. Je peux au moins savoir ce que vous faites là ?
—Pourquoi, cette salle vous appartient ? je dis la voix pleine de sarcasme.
—D’une certaine façon, je suis le coach qui entraine ici. C’est mon lieu de prédilction. Omari Haw. il se présente en me tendant la main. »
Je regarde sa main tendu dans le vide, pendant de longues secondes avant de l’ignorer royalement et hocher simplement la tête pour accueillir la nouvelle, ce qui le fait encore sourire.
« —Désolée d’avoir squatté votre salle monsieur Haw.
—Y’a pas de mal… Vous avez peut-être ressenti le besoin de vous entrainer. »
D’abord Dylan puis lui. Je vais sérieusement commencer à mal prendre ces allusions sur mon poids.
« —Vous me trouvez grosse ? je le questionne. Vous trouvez que je devrais faire du sport.
—On devrait tous faire du sport, rien que pour le maintien de notre santé aussi bien physique que morale.
—Vous n’avez pas répondu à ma première question.
—Parce que la réponse me semble évidente.
—Pas pour moi. »
Il sourit encore une fois, à croire qu’il ne fait que ça. Puis se dirige vers une machine, qu’il se met à régler.
Je le regarde faire. Rectification, je regarde ses muscles se dessiner un peu plus à chaque portée de pièces lourdes qu’il prend. Le spectacle est assez hypnotique.
« —On va commencer. Vous devriez enlever votre pull. il dit en revenant vers moi.
—Qui vous dit que j’ai envie de faire du sport ?
—Qu’est que vous faites encore là ? il me demande sur le même ton que j’emploie.
—Vous répondez toujours aux questions que l’on vous pose par des questions ? »
Il me nargue ouvertement en arquant un sourcil, les mains enfoncées dans les poches.
Son petit côté « j’en ai vu des plus teigneuses que toi et je les ai dressées » me fait doucement rire et je décide de rester, pour lui montrer qu’en toute chose, je reste une exception. Je ne suis pas les autres, on ne me compartimente pas, on ne me dresse pas…
« —Par quoi on commence ? »
D’un geste de la tête, il m’indique la machine qu’il était en train d’arranger plus tôt, et tout en marchant vers elle, il me détaille son utilité, et la façon dont je dois l’utiliser.
Pendant un peu plus d’une heure, je suis ses recommandations, avec légèreté le premier quart d’heure puis avec plus d’intérêt les trois quart d’heure suivants.
Je suis au bord du malaise, presque en train de suffoquer et de m’étouffer, le cœur battant à tout rompre quand enfin il estime que je peux quitter la machine.
« —Ne t’arrête pas comme ça, continue à marcher. L’arrêt ne doit pas être brutal.
—Je voudrais bien mais mon corps lui…. Il ne m’obéit plus. je dis en retirant mon sweat et mon t-shirt pour me retrouver en brassière.
—Mais ce n’était rien ça, c’était juste un échauffement ! »
Quoi ? Il plaisante là ? Si ça ce n’est qu’un échauffement, je n’ose même pas imaginer à quoi doit ressembler la séance. Mais une chose est certaine, je ne tiendrai pas une seconde de plus. Encore un peu, et je vais cracher mes poumons !
Mais quelle idée j’ai eu de vouloir suivre Emeraude. Entre la nuit que j’ai passée et ça, mon corps va me le faire payer !
« —Je suis morte, j’ai plus d’énergie, même pas dans un orteil.
—La prochaine fois tu préviendras ton homme que tu comptes assister à une séance de sport, de cette façon tu t’économiseras.
—Quoi ? De quoi tu parles ? je lui demande les mains sur les hanches.
—Les suçons dans le cou. il désigne leur emplacement en montrant la zone sur son cou à lui. Et les morsures… là…. »
Je passe ma main sur les différents endroits qu’il désigne, confuse. J’avais complètement oublié ces petits détails. Ils sont la raison pour laquelle j’ai porté un sweat alors qu’il fait 26 degré à l’ombre et que l’air est lourd. Emeraude m’aurait questionnée, et je ne me voyais pas lui expliquer comment je me suis fait ça.
D’ailleurs, je ne sais même pas comment l’expliquer.
« — Ce n’est pas mon homme qui m’a fait ça…. Je n’en ai pas. j’ajoute un sourire en coin.
—Ah. Je vois … C’est bon à savoir. il répond d’une voix grave et étouffée. Je vais te montrer quelques positions pour t’étirer, sinon demain, tu risques de sentir…toute cette activité.»
Je fais semblant de ne pas comprendre le double sens de sa remarque et le laisse me positionner comme il le faut pour étirer mes muscles. La petite teigneuse en moi, vois là l’occasion parfaite pour le provoquer un peu, mais il se montre moins facile qu’il en à l’air. Si je n’avais pas croisé ce genre d’hommes dans le passé, j’aurais juré avoir imaginé ces petites allusions et moments de flirt. En réalité, il me fait le coup du mec inintéressé et de la fille qui se fait de fausses idées, pour paraître plus conne et surtout plus vulnérable.
« —Tiya ! »
La tête entre mes jambes, je la pivote vers la porte d’entrée où se tient Emeraude, avec de gros yeux.
« —Qu’est-ce que tu fais ?
—Ça se voit pas assez ? je m’étire ! Je viens de passer une heure à faire du VRAI SPORT avec un VRAI PROF MOI ! »
Et comme pour appuyer mes propos, et surtout s’assurer de me revoir Omari intervient, se présente à Emeraude et confirme l’information que je viens de donner.
« —Nous n’avons pas fait toute la séance mais j’ose espérer que tu comptes revenir.
—Oui… Je vais prendre un abonnement.
—Bien… »
C’est moi où l’air vient subitement de se charger d’une tension loin d’être électrique…
« —Keuf ! Keuf ! »
Les toussotements volontaires d’Emeraude, mettent rapidement fin à notre petit jeu, et nous prenons congé de lui après un dernier échange.
*
* *
Je coule un regard vers Emeraude, qui a les yeux rivés sur la route, un air concentré qu’elle se force à avoir. Si je ne la connaissais pas aussi bien, je jurerai qu’elle est simplement concentrée, mais ce n’est pas le cas. Elle fulmine de rage, et je me demande quelle option elle va prendre. Se lâcher sur moi dès que j’ouvrirai la bouche ou ne rien dire et m’ignorer pendant quelques jours ? J’opterai pour la première raison. Ce n’est pas parce que j’ai refusé d’assister à son cours qu’elle va me faire la tête… Puis si elle ne dit rien, ce ne sera pas plus mal, je suis lessivée et je n’ai pas envie qu’une prise de tête avec elle s’inscrive à l’ordre du jour.
« —Ça va quoi, tu ne vas quand même pas m’en vouloir pour une histoire aussi stupide !
—….
—Tu sais très bien que je n’aime pas les conneries comme le yoga, j’allais pas…
—Il ne s’agit pas de ça et tu le sais très bien !elle hurle. Me prends pas pour une conne !
—Quoi ! Mais …
—Qu’est-ce qui va pas avec toi sérieux ! Tiya qu’est-ce qui ne va pas avec toi ? Je comprends pas ton attitude ! En agissant ainsi tu penses que tu fais du mal à qui d’autres que toi ? Hein !
—Pardon ? A cause d'une séance de yoga…
—Coucher avec un mec que tu viens à peine de rencontrer ! Non mais ….. ! Punaise quoi ! C’est pas un jeu Tiya ! La première fois que tu l’as fait, je me suis dit okay, elle a déconné c’était son anniversaire, mais là ! Là c’est quoi ton excuse ? Ton mariage ? Ta relation avec ton père ! Ta mère ! C’est quoi ? Et puis tu le connais même pas ! C’est peut-être un malade, tu sais même pas à quoi ressemble son bilan de santé ! Non mais t’es vraiment inconsciente ! »
C’est à mon tour d’ouvrir de gros yeux ronds, comprenant enfin de quoi elle est en train de parler, enfin ce qu’elle est en train d’imaginer.
« —Attends tu penses que je viens de baiser avec le coach ? Mais n’importe quoi !
—Je te dis de ne pas me prendre pour une conne ! elle hurle comme une hystérique. Je t’ai retrouvé en sueur avec des suçons et des morsures sur le corps, je parle même pas des ecchymoses ! Tu vas encore dire que je dis n’importe quoi ?
—C’est Dylan qui m’a fait ça ! j’hurle sur le même ton qu’elle avant de plaquer mes mains devant ma bouche. »
Elle se tourne lentement vers moi, puis me regarde comme si j’étais un extraterrestre venu d’une autre planète, avant de psalmodier à plusieurs reprises «c’est pas vrai».
« —Tu…Vous avez couché ensemble ? Quand ?
—…
—Tiya …
—Cette nuit. .. Mais c’est de ta faute aussi ! je rajoute devant son air ébahi. C’est toi qui m’a demandé d’être plus gentille avec lui !
—Et plus gentille pour toi ça veut dire écarter tes jambes et libérer la chose ? Je pensais que tu ne pouvais pas le blairer ?
—Et je ne peux toujours pas me le blairer, c’est juste que… Il a parlé de cette histoire de sorcière et je m’en suis rappelée et …C’était étrange. Je termine en frissonnant. »
Les yeux tourner vers la vitre, je m’entoure les bras de mes mains et me frictionne énergiquement les bras pour faire passer cette sensation étrange que je ressens bien trop souvent quand je m’attarde à le regarder un peu trop longtemps ou a me rappeler les moments que j’ai passés avec lui. Je n’ai pas eu l’occasion de trop le ressentir trop souvent, mais les peu de fois où je les ai senti sont déjà de trop. Je l’ai ressenti pour la première fois dans son lit, alors qu’on s’y était simplement allongés. Il avait le visage creusé, l’air épuisé comme hier soir, et je n’avais qu’une envie effacer toute trace de fatigue, d’épuisement…
C’est beaucoup plus facile de lui rendre la vie difficile quand il est en étant d’encaisser mes coups… Pas quand il est aussi affaibli…
« —Mais de quoi tu parles ? »
Je finis par lui parler de notre première rencontre et lui avoue enfin qu’il était l’homme avec qui j’ai couché le soir de mon anniversaire. J’omets volontairement de lui parler de cette sensation étrange que j’ai ressenti la première fois que je l’ai vue, et qui s’est de nouveau manifestée hier. Et lorsqu’elle souhaite savoir pourquoi je l’ai fait, je lui réponds simplement que c’était une envie que j’ai assouvie la première comme la seconde fois.
« —Wahou, je ne sais même plus quoi penser…. Avec tout ça, tu veux toujours…pas essayer ?
—On a couché ensemble que deux fois Emeraude ! C’est pas un engagement !
—Mais tu sais que l’âme s’attache ? Et puisqu’il semble que vous vous entendiez plutôt bien sur le plan sexuel, vous pourriez essayer de…
—Je t’arrête tout de suite. Je la coupe en levant une main devant son visage. Il baise très bien, mais je peux t’assurer que ni mon esprit, ni mon âme, ni mon vagin s’attacheront à quoi que ce soit venant de lui !
—….hummm »
Notre discussion se termine au moment même où nous arrivons devant le portail. Alors que je tente d’ouvrir la portière, elle m’annonce qu’elle l’a verrouillée et ne la déverrouillera qu’à la condition que je lui promette de ne rien entreprendre avec le coach « parce que je te connais », elle ajoute. Je lui fais la promesse, sors de la voiture puis ouvre la petite porte menant à la cour.
« —Qui est là ? je demande à Ismaël, le gardien.
—Le patron, et la ménagère madame. »
J’acquiesce en grimaçant, et pénètre dans la maison en retirant mon sweat. Il est humide à certains endroits et sens la sueur…
« —Bonjour madame.
—Bonjour Murielle.
—Je vais laver quelques vêtements de monsieur, vous voulez aussi que je lave ça ? elle me questionne en désignant mon sweat.
—Non ça ira, je vais le faire.»
Elle n’est pas surprise par ma réponse, et semble s’en accommoder contrairement à il y quelques semaines.
Depuis qu’elle travaille ici, je refuse qu’elle fasse quoi que ce soit pour moi, de la nourriture au linge en passant pas le nettoyage de ma chambre. Je ne reconnais aucun lien, aucune relation avec Dylan, pour qui elle travaille. Partant de là, je refuse qu’elle fasse quoi que ce soit pour moi. C’est un raisonnement poussé, et extrême, et c’est la seule que j’ai trouvé à donner quand on me demande pourquoi je ne la sollicite pas. La vraie raison, c’est qu’elle pourrait être ma mère et que je ne me vois absolument pas lui donner plus de travail, qu’elle en a déjà, même si elle le fait de façon volontaire. Donner cette explication à Dylan, pourrait le laisser penser que j’ai un peu de cœur, et ça… je ne veux surtout pas !
« —Vous savez où est Dylan ?
—Il est dans le salon, il y a passé toute l’après-midi. »
Il a passé l’après-midi où ça ? Non, elle doit se tromper ! Ce mec est un bourreau de travail, je suis certaine qu'il ne sait même pas ce que signifie le mot « vacances », et qu’il sait encore moins comment on l’épelle. Elle doit probablement s’être trompée, je me dis en allant au salon où….je retrouve Dylan en train de dormir dans le canapé.
Il a une main posé au dessus de sa tête et l’autre sur la télécommande posée sur son ventre. Ses lèvres sont légèrement entrouvertes et je me surprends à sourire. Il ressemble à ses petits enfants qui ont passé la journée à courir dans tous les sens et qui épuisés, finissent pas s’endormir comme des masses, vidées de toute énergie. Je vais m’agenouiller près de lui, et tente de lui prendre la télécommande des mains…
« —Qu’est-ce que tu fais ! il sursaute en bloquant ma main. »
Je ne me vois pas lui dire que je ne voulais pas déranger son sommeil, et que je trouvais plus judicieux de baisser le volume de la télévision, alors je lui donne la réponse la plus évidente.
« —J’ai un truc à regarder et t’as la télécommande. »
Il baisse les yeux sur son ventre, prends la télécommande et me la tend avant de se relever et prendre une position assise.
« —J’ai besoin d’argent. je balance, en m’asseyant lourdement à ses côtés.
—Pourquoi faire ? il me demande en se frottant les yeux.
—Ça ne te regarde absolument pas. File-moi juste de l’argent. je réponds en zappant les chaines. Un voire deux millions devrait suffire.
—Pardon ?
—J'ai besoin d'un voire deux million, je pourrais faire mes courses tranquillement. »
Il se met à rire, d’un rire incontrôlable pendant cinq bonnes minutes.
Trois cent mille est la somme dont j’ai besoin, mais pour le faire chier j’ai demandé plus. Je m’attendais à ce qu’il se mette en rogne mais il semble qu’il ait opté pour une nouvelle façon d’appréhender ses réactions face à mes demandes… J’aurais pas du le laisser se reposer !
« —Okay, tu sais quoi ? je vais te passer les deux millions, non non, deux millions c’es quoi ? C’est rien, dix millions, ce sera plus rapide ! On anticipera mieux tes courses !
—…
—Et puis non, tout ça prendrait bien trop de temps. Je vais te passer ma carte, mes coordonnées bancaires et tout ce que je possède. Reste là, je vais les chercher. Surtout ne bouge pas ! Ne bouge pas ! il dit en se levant. Ça arrive !
Il se lève, puis se dirige vers les escaliers, qu’il enjambe trois par trois, le sourire aux lèvres.
Je me retiens d’éclater de rire parce que pour une fois… Ça riposte est marrante. Je prends mon téléphone est consulte mes messages pour ne pas finir par rire avec lui.Tiens, une notification de message provenant de Ya Annie :
« On s’appelle ? »
Je regarde le message, à plusieurs reprises, ainsi sors de l’application, sans y répondre, avant d’y revenir, un rédiger un simple « ok ».
Il est peut-être temps que je discute avec elle.
*
* *
« —Tu m’entends ?
—Oui je….
—Allô ? Ya Annie ?
—…. »
Grhhh, c’est pas possible !
Je retire mon téléphone de mon oreille et regarde le statut que m’indique l’application… En reconnexion. Whatsapp et ses choses ! Ça fait une éternité que je n’ai pas parlé de vive voix avec ya Annie, ma grande sœur, et quand j’en ai l’occasion, l’application que j’utilise me fait des siennes. Pour la énième fois, je raccroche, change de position et d’endroit avant de relancer l’appel.
« —Tu m’entends mieux ?
—Oui, là c’est parfait !
—Top. je soupire soulagée. Ça me fait tellement plaisir d’entendre ta voix !
—Moi aussi ça me fait plaisir de t’entendre madame je suis fâchée contre la terre entière. »
Je grimace à sa réflexion et lève les yeux au ciel.
Il est vrai que depuis le mariage, je n’ai parlé à pratiquement aucune de mes sœurs, principalement parce que j’ai appris qu’elles étaient toutes les deux au courant, et qu’elles n’ont rien fait pour m’avertir. Par la suite ma mère m’a avoué leur avoir interdit de me dire quoi que ce soit et je les ai trouvées encore plus méchantes de ne pas passer au dessus de l’interdiction. Je l’aurais fait pour elle…
« —Vous ne m’avez rien dit Abi et toi et je vous en voulais énormément. Vous auriez pu, vous auriez du me le dire. Même si elle avait donné l’ordre contraire. Ça aurait été Abi ou toi, je l’aurais fait sans hésiter et tu le sais…. Je me suis sentie lâchée par vous.
—Sauf que là, tu ne peux pas nous en vouloir, ni à Abi et moi, ni même à maman. Je n’approuve absolument pas ce que papa a fait, mais Tiya, si toute ces choses ont pu se produire, c’est par ta faute. Tu passes ton temps à défier les gens, à passer au-delà des conseils, et règles que l’on te donne Pour toujours tenter de montrer que les autres ont tort et toi tu as la science infuse. Maman voulait que tu comprennes que toute actes, toute décision à des conséquences, et qu’il en grandissant, il ne suffit plus de dire, ok, je laisse tomber ou je m’en vais. Y’a des décisions qu’on prend et qu’il faut assumer jusqu’au bout. Elle nous avait toutes prévenues, mais toi Tiya, au lieu d’écouter, tu as préféré n’en faire qu’à ta tête, comme toujours. Tu ne peux en vouloir qu’à toi-même.
—Je ne t’ai pas appelé pour entendre une connerie pareille. Je pensais plus entendre tes excuses. En temps que grande sœur t’es sensée me protéger et pas me laisser courir dans la gueule du loup. je m’emporte durement contre elle. Tu trouves que c’est une bonne leçon de se retrouver mariée à un homme que je ne connais pas ? Et si était un psychopate, un homme violent, ou même un tueur qui prévoyait de me tuer tu dirais toujours la même chose ? Y’avait vraiment pas d’autres moyens pour me faire comprendre ça ?
—Parce que toi tu comprends les choses Tiya ? Quand on te parle tu écoutes ? Combien de fois maman a parlé ? Combien de fois ? Est-ce que tu l’as écouté ? Je te parle pas seulement par rapport à cette histoire de mariage, mais en général. Il faut qu’on fasse quoi ? Je suis désolée mais je n’ai pas à te présenter mes excuses pour la merde où tu t’es volontairement mise. Et sache que moi aussi, je ne voulais pas qu’on s’appelle pour se crier dessus mas à un moment, faut remettre les points sur les « i ». Tu as merdé, ce n’est pas les autres qui ont merdé, il faut assumer tes choix et tes fautes ! Arrête d’essayer de te faire passer pour la victime. »
J’en crois pas mes oreilles, c’est ya Annie qui me dit ça ! Celle qui a toujours dit qu’elle me protègerait de tout. Je ne sais même pas si elle prend conscience de ce qu’elle est en train de droit. Mais depuis que toute la famille commence à se faire à l’idée et accepter enfin sa relation avec Romuald, le reste n’a plus d’importance, et est minimisé.
« —Le pire dans tout ça, c’est que tu te rends même pas compte de tout ce que maman fait pour toi. Elle n’est toujours pas revenue à cause de toi, parce qu’elle veut s’assurer que tu ailles bien, le temps qu’elle trouve une solution.
—D’accord. Bon, je vais devoir te laisser.
—Non, tu ne vas pas raccrocher, pas comme ça. Je te l’ai dit, je ne voulais pas qu’on s’appelle pour se prendre la tête. Ma déjantée de petite sœur me manque et j’ai besoin de parler avec elle, de retrouver ma relation avec elle. »
Fallait y passer avant de te décider de ne rien me dire, un mariage ça change, j’en envie de rajouter.
« —Tiya, s’il te plait, range un peu ton orgueil et tes griffes….
—….. Je vais vraiment devoir y aller, on s’appelle une prochaine fois. Prends soin de toi, et moi j’essaierai de faire au mieux de mon côté sans jouer les victimes.
—Ti… »