Chapitre XIII
Ecrit par Tiya_Mfoukama
Chapitre XIII
Je la sonde du regard pour être certain d’avoir bien entendu sa proposition. Je ne m’y attendais absolument pas. Rien ne laissait présager que… Avec ce qu’il y a eu dans le passé, je ne suis pas certain que ce soit une bonne idée, mais au lieu de le lui rappeler, je m’entends dire :
-C’est vraiment, ce que tu veux ?
Elle fait passer une mèche derrière son oreille, et acquiesce en secouant sa tête
-Oui, sauf si tu es engagé ailleurs
-Non. Ai-je répondu vivement. Je te l’ai dit, je n’ai aucun engagement.
-Okay
Ça ne semble pas la réjouir plus que ça, comme si elle s’était forcée à me le proposer. Je lui dirais bien qu’on peut toujours faire marche arrière, mais encore une fois, je ne fais rien, si ce n’est la tirer vers moi et l’embrasser, pour sceller notre accord.
C’est quand ma langue recherche énergiquement un ballet avec la sienne que je m’aperçois que j’ai attendu ce moment durant toute l’après midi, chez ma mère, au restaurant, en voiture. ici.
Je lui retire prestement son chemisier, avant d’en faire autant avec toutes les pièces qui composent son habillement du jour. Je ne pensais pas qu’on coucherait ce soir, je ne voulais pas, j’en ressentais pas le besoin, jusqu’à ce que je l’embrasse.
Ses soupirs, ses halètements, ses petits gémissements qu’elle pousse quand elle ressent une vague de plaisir. J’aime les entendre, et je me surprends à toujours les rechercher lorsque je suis avec elle, en elle. Et l’image qui se dessine pour illustrer ma pensée me fait doucement peur: un camé ! Je me fais l’effet d’un camé à la recherche de sa dose.
C’est peut-être un peu trop fort mais, on est pas si loin de ça.
Va falloir que je redéfinisse mes priorités.
-Je suis épuisée. Soupire-t-elle en se blottissant contre moi
-Je t’ai fatigué à ce point ?
-Non monsieur le ventard. Au contraire, ça m’a relaxé, mais la journée a été fatiguante avec cette réunion familiale. Puis je suis sortie après avec Elo.
-Humm
-....Ça va être étrange d’assister au mariage de Kala sans y jouer un vrai rôle. Soufle-t-elle comme pour elle-même
-C’est déjà étrange de se dire que ta cousine va se marier. Après tout ce qu’elle a fait. Je suis sûr qu’elle a piégé le type avec sa grossesse. C’est très bas mais ça lui ressemble beaucoup
-...
Je me tais quand je me souviens que Mayéla reste très attachée à Kala et supporte assez mal d’entendre ce genre de critiques, quand bien même elles sont le reflet de la vérité.
-Je suis désolé, c’est ta cousine mais, ça n’enlève rien à ce que je pense d’elle et de toutes ces femmes qui se servent de leurs grossesses pour arriver à leurs fins.
Et quand j’y pense, je me réjouie de ne pas avoir pu la sauter le soir où elle est venue à la maison. J’aurai pu être ce malheureux qui va se retrouver dans un mois marié à une vipère et père dans quelques mois. Rien que la pensée du mariage et la paternité me donnent des frissons dans le dos. Je suis vraiment pas prêt pour ses conneries encore moins avec le genre de femmes comme Kala. Ce serait la pire des tortures, et je pense que c’est pour ça que je plains le futur marié. Il ne sait pas dans quelle merde il va se foutre. En plus avec un môme !
-Tu sais, elle n’a pas voulu ça. Me dit-elle avec une petite voix.
-Elle n’a pas voulu quoi ? Le mariage, la vie de reine qu’elle va avoir et les innombrables domestiques qui prendront soin d’elle et de son gosse qu’elle laissera pendant ses voyages à travers le monde pour dilapider l’argent durement gagné de son époux? Oui j’image qu’elle n’a pas voulu de ça. Pauvre Kala !
Elle ne rajoute plus rien, puis se lève et va dans la salle de bains.
Je l’ai encore une fois attristée mais ce n’est pas de ma faute, face à des Kala, je ne sais pas rester calme.
On va mettre cette affaire de côté au lieu de se prendre la tête bêtement.
Je ferme les yeux et m’assoupie un moment.
Je sens le lit s’affaisser, signe que Mayéla est de retour puis entends après quelques secondes de silence :
-....Au fait, tout à l’heure, la cousine au mec d’Elo, Sylvia, nous a rejoint. Elle nous a dit t’avoir vu au jardin des saveurs. Elle s’est souvenue de toi puis il paraîtrait qu’une des personnes à ta table portait le même prénom qu’elle.
J’ouvre les yeux pour les poser sur elle. Le ton sur lequel elle m’a posé ça question parait indifférent, mais, son visage lui semble tendu, pleins d’appréhensions. Ça sent le doute à plein nez. Tout ça à cause d’une “Sylvia”.
Je déteste ce prénom, Sylvia, ça rime avec congossa, kpapatoya, et même le sobriquet Sysy rime avec songui-songui, c’est pour dire!
Toutes les Sylvia que je connais passent leurs vies à colporter, à croire qu’il n’y a rien de mieux à faire dans la vie, et jusqu’à preuve du contraire, je n’en ai trouvé aucune pour incarner l’exception qui confirme la règle. Pire, j’ai trouvé la chef de gang dans la personne de “ Sylvia”, la mère de Peny. Quand elle s’y met, elle fait passer cette tare pour un sport olympique.
Je suis certain que même en enfer, parce qu’il n’y a pas de place pour les commères au paradis, depuis leur hôtel avec vu sur les flammes, elles feront des commentaires. Tssss !!
A coup sûr la Sylvia est partie donner une version bien remixée de ce déjeuner. Je ne comptais pas lui en faire part mais les interrogations qui se cachent derrière ce “au fait” m’y obligent. Je prends donc un air assez surpris et lui répond sur un ton détaché:
-Elle ne me dit pas grand chose la Sylvia mais en effet, j’y étais avec ma mère, une de ses amies, et la fille de son amie. C’est justement l’amie de ma mère qui s’appelle Sylvia. C'était un déjeuner bien emmerdant, puis la batterie de mon téléphone était à plat ce qui l'a rendu encore plus emmerdant.
-Hummm
Comme je suis presque sûr qu’en bonne “Sylvia” qu’elle est, elle a dû lui raconter le déjeuner dans les moindre détails, je rajoute que:
-je suis rentrée pour justement le charger et j’en ai profité pour raccompagner la fille de Sylvia qui était fatiguée.
-Ah okay, effectivement, elle a rajouté que tu étais partie avec une jeune femme.
Qu’est-ce que je disais ? Sylvia-congossa.
Pas besoin de lui dire que la fille de Sylvia est mon ex, qu’elle m’a proposée de prendre sa place et devenir mon plan cul attitré, que j’ai, un peu hésité -l’espace de deux secondes- avant de refuser pour son bien et parce qu’elle mérite tout sauf un connard comme moi. Ce qu’il ne faut pas comprendre par Mayéla mérite un connard, puisque la situation est différente. Ici c’est moi qui ai besoin de Mayéla... mais j'en ai besoin à des conditions précises.
J’aime ce que j’en ai fait SEXUELLEMENT, et je ne me vois pas laisser mon oeuvre à un autre. La seule chose qui me dérange, c’est la relation qu’il y a autour, elle ressemble bien trop à celle d’un couple lambda, ce que je ne veux pas. Je suis un homme libre ! Puis cette dépendance que je commence à sentir me dérange également, mais je vais faire en sorte d’y remédier...
-Je suis pas assez fatigué pour dormir. Dit-elle en passant une main sur mon bas-ventre.
-Attends, je vais te murmurer une histoire. Fais-je en l’écrasant de tout mon poids.
… y remédier après ça. pensé-je en mordant le lobe de son oreille .
C'est l'effet rassurant de mes propos, et je vais pas me gêner pour en profiter.
Le lendemain, c’est un message de ma mère, m’informant d’un brunch familial auquel je suis convié, qui me tire de mon sommeil. Ce n’est nullement mentionné mais j’ai plutôt intérêt à y aller, si je ne veux pas la voir débarquer chez moi et ne pas m’y trouver.
-Tu reviens ce soir ? Me demande Mayéla quand je passe devant la cuisine
Elle est en train de faire du pain perdu que je prendrais bien avec un café, et une omelette aux herbes.
-Oui normalement. Ai-je répondu en prenant un pain perdu.
-D’accord, à ce soir.
-Humm
Un pain perdu dans une main, mes clés de voiture dans l'autre et un échange de baisers plus tard, je prends ma voiture, direction la maison familiale.
J’y trouve une trentaine de minutes plus tard mes parents et ma soeur, attablés autour d’un brunch plus que consistant.
-Tu en as mis du temps. Me fait remarquer ma mère lorsque je prends place à ses côtés.
-Tu connais ta ville et son trafic… On attend d’autres personnes ?
-Non. Me répond mon père.
-Snif...snif… Mais tu sens la vanille et le coco ! Lance ma mère en me reniflant.
-Quoi ? Non ! Protesté-je
-Mais si, humm, snif, snif, oui oui, tu sens la vanille et le coco
-Maman… maman, arrête de me renifler!
-Maintenant que maman le dis, quand tu t’es penché vers moi, j’ai effectivement senti un parfum de vanille. Fait Lyne.
-Commence pas toi !
-Hummm
Elle se met à sourire en coin, puis lance un regard entendu à mon père.
Je comprends qu’elle pense que j’ai passé la soirée avec Peny. Si elle savait.
Je décide de me taire et la laisser penser que j’ai effectivement passé la nuit avec elle, ça m’évitera d’avoir à chercher un mensonge pour expliquer mon odeur.
Et il faut que je pense à déposer un de mes gels douche chez Mayéla, parce qu’à la longue, son vanille- coco je ne sais pas quoi, va finir par me causer des soucis.
-Chéri, que je te rajoute encore un peu ? Demande ma mère à l’attention de mon père
-Non, merci. C’est bon comme ça.
-D’accord. N’oublie pas de prendre tes médicaments. Je vais te les chercher. Dit-elle en joignant le geste à la parole.
Elle revient à table cinq minutes plus tard avec un sachet de médicaments qu’elle ouvre et prépare. Elle s’assure qu’il les prenne bien, puis retourne à sa place après un échange de regard plein de tendresse.
Plus de trente ans d’union et ils semblent toujours aussi amoureux l’un de l’autre. A certains moments il m’arrive d’envier la complicité qu’ils ont, ce dialogue silencieux qu’ils échangent avec le regard, cette attention particulière qu’ils ont l’un pour l’autre... J’aurais aimé être à leur place, mais il faut être réaliste, je suis pas né à la bonne époque.
-Je te sers un peu de salade de fruit papa ? Demande ma mère.
-Oui, un peu seulement.
-Et moi, tu ne me sers pas ? La taquiné-je.
-Tu as une femme bien, qui t’aime et qui ne demande qu’à te servir mais tu refuses.
-Maman…
-Ah, tu as cherché ! La vie dans le mariage n’est pas pleine de contraintes comme tu sembles le penser. Oui tu vas devoir faire des compromis, peut-être même des sacrifices mais ce sera pour ta famille, celle que tu auras crée et tu les feras avec plaisir. Mais tu te rendras compte de tout ça lorsque tu auras ta propre famille…. Tu ne rajeunis pas avec l’âge Shomari, il est temps que tu prennes tes responsabilités.
Et c’est reparti pour son discours !
Je l’écoute d’une oreille distraite comme toujours. Elle se répète tel un vieux disque rayé depuis un moment. Elle devrait suivre l’exemple de mon père. Pourquoi ne dit- il rien ? Parce qu’il me connaît et sait que quoi qu’il dise, il ne peut pas me forcer à faire ce que je ne veux pas. Elle aussi le sait, mais comme toutes les femmes, face à un homme qui adopte un comportement différent de ce qu’elles espèrent, elle pense qu’elle réussira à me changer.
Hormis ces petits instants où ma mère rebondit sur chacune de mes phrases pour me balancer son discours, je passe un agréable moment en famille que je décide de prolonger en restant avec eux toute la journée.
J’arrive tardivement chez mayéla, fatigué et le ventre plus que pleins de toutes les bonnes choses que j’ai mangées. Elle est assise à même le sol de son salon, en train de vernir ses pieds et tout ça accompagné par un air “d’obsesion” d’Aventura, qu’elle fredonne.
-Hey
-Coucou, ça va ? Me demande-t-elle en continuant de s’appliquer du vernis.
-Ouais. Souflé-je en m’affalant sur le canapé.
-Ça a été ta journée?
-hum hum
-...Je te serre à manger maintenant où tu veux d’abord aller prendre une douche ?
-Non, j’ai manger chez mes parents, je suis plein là. Fais-je en tapotant mon ventre
-Okay
C’est maintenant les notes de Maria Maria de Santana qui s’échappe de la petite stéréo qui trône sur le buffet du salon.
-....T’as l’air bien détendu
-Y’a rien de mieux qu’une bonne pédicure dans une ambiance relaxante pour se détendre !
C’est vrai que la musique couplée à la décoration de la pièce et faiblement éclairée par la lumière de la lampe crée une ambiance feutrée, propice à la relaxation.
-Tu veux que je t'en fasse une ? Ça te détendrait à coup sur et enlèverait tes vilains traits tirés.
-Non merci.
-Ça enlèverait tes vilains traits tirés mais tu garderais toute ta virilité, je te l’assure.
Je souris.
-Allez, tu vas adorer ! Si tu n’aimes pas, je ne te le proposerai plus. Alors ?
-C’est vrai que je n’ai rien à perdre, et personne ne verra mes pieds. Mais évite le vernis !
-Ne t’en fais pas. Attends-moi, j’arrive !
Elle se lève puis revient dix minutes plus tard avec une bassine d’eau et une grosse trousse de toilettes.
-Qu’est-ce que c’est ?
-De l’eau chaude, tu vas mettre tes pieds à tremper pour qu’il flétrisse. J’ai plus de shampoing doux, et je croix que la javel sera trop brute pour toi alors on va le faire avec le bain de bouche. Juste quelques bouchons pour que la peau morte de tes pieds soit plus facile à retirer.
Elle verse deux bouchons de bain de bouche mentholé dans la bassine en même temps qu’elle me présente les produits qu’elle va utiliser et la façon dont elle va procéder.
Ce n’est vraiment pas déplaisant, c’est même tout le contraire. Je savoure chaque soin qu’elle me prodigue.
-Ça va un peu te chatouiller, je vais utiliser une brosse à dent pour bien nettoyer entre tes doigts de pieds.
-Hummm
Je suis à moitié endormi, et ne lutte pas pour rester éveillé.
J’ai une pensée pour ma mère et son discours du matin.
J'aurais aimé qu'elle soit là pour qu'elle comprenne qu'actuellement, j’ai tout ce dont j’ai besoin sans les contraintes, alors pourquoi j’irai me faire chier à épouser une femme ?
*****
“C’est à dire que le jour de mon mariage, la décoration, le repas, l’ambiance, TOUT sera IR-RE-PRO-CHABLE ! On va sentir que oui, Kala se marie ! ”
Je me remémore ces paroles tenues par Kala il y a quelques années. Elle passait son temps à me décrire l’organisation de son mariage dans les moindre détails et je devais me tenir à ses côtés. Calmer son stress lorsqu’elle appréhenderait, essuyer ses larmes lorsqu’elle pleurerait, attraper le bouquet de fleur comme on l’avait prévu lorsqu’elle le lancerait. On avait prévu tellement de choses, et aujourd’hui, je me dirige vers ce grand chapiteau sous lequel se déroulera la soirée de réception, telle une simple cousine, voire une invitée quelconque.
Je mentirais si je disais que ça ne me faisait rien. Mais c’est déjà moins lourd que tout à l’heure, à la mairie, quand debout au fond de la salle, je l’ai regardée prendre son engagement, avec à ses côtés Vanessa, un cousine, qui s’est présentée en qualité de témoin.
Elle devait être mon témoin et moi le sien... Mais ça c'était avant.
Ça ne sert à rien de ressasser le passé, alors d’un soupir, je balaie toutes ces pensées et entre dans le chapiteau.
Wahou !
Je suis ébahie par la beauté du lieu. Les tentures de couleur corail, beige et blanc habillent les hauteurs et les murs du chapiteau créant une magnifique lumière de jour. Les tables rondes, disposées en “U”, possèdent toutes de grands soliflores faisant office de centre de table, avec autour des petits bocaux ronds à moitié remplis d’eau et où des pétales de fleurs et des bougies flottent à la surface. Le rendu est tout simplement magnifique et laisse penser que de grands moyens ont été investis pour l’avoir. Mais je sais que ce n’est pas le cas.
Contrairement à ce que Shomari pensait il y a quelques semaines, Kala n’épouse pas un bel homme riche dont elle va s’amuser à dilapider l’argent. Non. Du moins à ses yeux. Serge est le prototype même du congolais moyen qui travaille honnêtement pour gagner sa vie. Puis physiquement, il est aux antipodes de ce que Kala pourrait apprécier; petit de taille, les épaules voûtées, il est à la même taille qu’elle sans talons, son crâne légèrement dégarni annonce un début de calvitie précoce, et les traits de son visage ont été pendant longtemps les sources des moqueries de Kala.
La savoir aujourd’hui unie à lui est assez ironique.
-Mayéla ! Tu fais quoi là ? M’interpelle ma mère. Depuis tout à l’heure, on te cherche !
Pour faire ce que je fais de mieux, aider en cuisine, je sais.
-Je viens d’arriver maman. Où est-ce que je peux déposer mon sac, il y a mes vêtements pour la réception. Fais-je en brandissant ledit sac.
-Donne, je vais mettre ça dans la voiture de Manuel
-Okay
Je remets mon sac à ma mère et sors du chapiteau pour aller dans la maison attenante, qui appartient à une "tante" et où une partie de la nourriture a été entreposée. En cuisine, j’y trouve des tantes à Kala, du côté de son père, et des grandes-tantes, les plus jeunes étant sûrement en train de se préparer.
Je n’ai pas besoin de proposer mon aide puisqu’à peine arrivée, on me dédie des tâches. Heureusement pour moi, j’avais pensé à passer à la maison pour troquer le tailleur que j’ai porté à la mairie contre un t-shirt noir et un jean.
Je m’installe et m'attelle à exécuter les différentes tâches données dans une ambiance plutôt bonne, les grandes-tantes étant de vraies pipelettes, jusqu’aux moments où Elodie m’appelle.
Je lui explique que je suis en cuisine, et bien évidemment, elle me crie son mécontentement, estimant que je devrais tout comme les cousines être dans la salle.
-J’arrive, je viens de finir de mettre les derniers poissons au four
-Tu exagères Mayé. Bon, je t’attends à l’entrée
“Clic”
J’annonce mon départ imminent de la cuisine puis rejoins Elodie devant le chapiteau.
Mince, elle est magnifique dans sa robe rose bustier à paillete.
-Tu es magnifique Elodie ! la complimenté-je
-Et je peux même pas faire semblant de te retourner le compliment. Grimace-t-elle. Tu sens la friture à deux kilomètres, tes cheveux ressemblent à rien, tes vêtements et ton maquillage…
-Ça va, j’ai des yeux pour voir. Ai-je répondu irritée.
J’ai l’impression que je vais encore détonner dans le paysage, au milieu de toutes ces personnes
-Excuse-moi, tu sais que je t’embête.
-Je sais bien. Je vais aller chercher les clés de voiture de mon cousin, mes affaires sont dans son coffre. Dis-je en me dirigeant vers l’entrée du Chapiteau, sous le regard interrogateur des convives qui se trouvent à l’extérieur.
-Attends, attends, mais tu ne vas pas rentrer comme ça toi aussi ! M’arrête Elodie. Il ressemble à quoi ton cousin, je vais y aller pour toi.
-Je te remercie, c’est gentil de ta part, mais je ne sais pas comment il est vetû, le connaissant, il porte une tenue différente de celle qu’il portait à la mairie ce matin. Demande à ma mère de te l’indiquer.
-D’accord, je reviens.
Elle s’éloigne de moi, et je vais l’attendre un peu à l’écart en discutant par message avec shomari. Il est loin d’être prêt à arriver et ça m'arrange. Il est en train de rentrer chez lui, mais d’ici une heure, il devrait être présent. J’angoisse un peu parce que d’une certaine façon, il va rencontrer ma famille.
Je me demande encore qu’est-ce qui m’a pris quand je lui ai proposé de m’accompagner au mariage. Surement une grande dose de courage que je regrette aujourd'hui. Ce n'est pas tant le fait qu'il vienne qui me dérange, je ne veux simplement pas qu’il me voie dans cette environnement, face aux membres de ma famille. Toujours en position de faiblesse.
-Tiens. Me dit Elodie en me passant les clés de la voiture de Manuel
-Merci
-Mais pourquoi tu as pris tes affaires puisque tu vas retourner chez toi ?
-Non, je ne retourne pas chez moi, je vais rapidement m’apprêter chez ma tante. Dis-je en allant vers la maison.
Et c’est ce que je fais, après que ma tante m’ait indiqué où se trouvait la douche, je laisse Elodie dans le salon et vais rapidement me doucher avant de mettre ma crème, puis passer la robe que j’ai sélectionné. Elle est blanc cassé, de type athénien avec une ceinture dorée, qui marque la taille. Je la porte sur des scandales à talons, à brides de chevilles. Je l'ai trouvé magnifique sur moi lorsque je l'ai essayée et je me félicite de l'avoir prise.
Ne sachant pas comment me maquiller et arranger mes cheveux, je rejoins Elodie et lui demande une coupe ainsi qu’un maquillage express.
-Wahouuu, tu es vraiment magnifique ! Crie-t-elle en posant un dernier coup de gloss sur mes lèvres.
-Arrête ça ! Je dois être….oh ! Mince !
Elle vient de me présenter mon reflet dans le miroir et je dois avouer que, je suis pas mal. C’est très changeant, et j’ai, le temps d’un instant l’impression de voir une autre personne. C’est déroutant. Elle m’a maquillée dans les tons naturels et elle a crée des ondulations dans mes cheveux mais j’ai le sentiment d’avoir subi un ravalement de façade.
J’en rigole avec elle pendant quelques minutes avant de l’inviter à quitter la maison au plus vite afin de prendre place sous le chapiteau.
-Nous, nous courrons partout pour permettre à Kala de vivre le mariage de ses rêves pendant que d’autres qui ne se sentent visiblement pas concernés, prennent le temps de se coiffer, maquiller et pouponner. Lance maman Delphine en me voyant à l’entrée du Chapiteau. Moninga abali sépela, le mauvais coeur et la jalousie ne paient pas.
-Vraiment. Acquiesce certaines cousines attroupées autour de maman Delphine.
Et pourtant, je viens de passer mon après midi en cuisine, ai-je envie de lui répondre, mais je ne peux pas, c’est ma tante, grande soeur de ma mère et à ce titre, je ne peux pas lui répondre.
Si ses mots m’ont blessé, ce qui est le cas, je ne le montre pas et entre sous le chapiteau la tête haute. J’en ai assez de toujours subir sa méchanceté injustifiée, mais surtout de lui donner du poids en lui montrant que cela m’affecte.
Après avoir trouvé les places où nous sommes sensées être installées, je m’occupe de faire les présentations entre mes cousins partageant la table avec nous, et Elodie, en attendant l’entrée des mariés.
Elle arrive une dizaine de minutes plus tard, précédée par un beau cortège d’hommes et de femmes, la plus part d’entre elles sont mes cousines, en pagne et tissu corail.
Kala et Serge entrent en dernier, vêtus des mêmes vêtements qu’à la mairie.
Après leur entrée, ils se retrouvent entourés de leur convives chantant des louanges pour eux.
-Ils sont beaux, ça fait rêver et donne envie de se marier !Murmure Elodie. Peut-être qu’Ari et toi êtes les prochains qui sait !
N’importe quoi ! C’est vrai que tout cela donne envie mais, c’est “l’effet mariage” ! Ca fait rêver, ça donne envie de convoler en juste noce, mais il y a ce moment où le rêve se termine, et où l’on revient à la réalité. Avec Ari on est sur la même longueur d’onde, on s’entend très bien, mais ce n’est pas son truc. Je le sais parce qu’il le répète subtilement, assez souvent, et qu’il a cette attitude réfractaire lorsqu’il s’agit d’engagement. Je me demande souvent ce qui l’a poussé à passer le cap avec moi, vu ses réactions quand on parle d’engagement.
-Je vous vois bien à leur place ! Ajoute-elle
-Et tu ne commences pas par te voir avec monsieur ?
-Pfff, laisse-le, lui c’est un professeur diplomé de l’université “viens on reste” il connait seulement délivrer les diplômes type doctorat, agrégation et tout ça, mais le mariage là… Quand tu fais semblant de parler de ça, le gars tombe en brousse pendant même un mois voire deux
-Et bien je pense qu’il a fait ses études avec Shomari. Dis-je en riant ! Ca ne fait pas longtemps que je suis avec lui mais déjà, je le sens réticent lorsqu’on évoque un quelconque engagement.
-Non, Ari est plus sérieux que ça, je suis quasiment certaine que dans quelques mois, allez, un an grand max, il va se présenter chez toi.
-Je ne sais pas, je ne parierais… Tiens, en parlant du loup.
Mon téléphone se met à vibrer, affichant le numéro de Shomari qui m’informe qu’il est arrivé.
Toujours en le gardant en ligne, j’avertis Elodie, puis vais chercher Ari à l’entrée.
Mon dieu, ce qu’il est beau ! Si je n’étais pas si intimidée et n’avais pas autant de retenue, je lui aurait probablement sauté dessus.
-Bonsoir mademoiselle, permettez-moi de vous dire que vous êtes particulièrement élégante ce soir, mais sauriez-vous où je peux trouver Mayéla ?
-Très drôle ! Je ne suis pas si méconnaissable que ça ?
-C’est une question à laquelle je dois répondre sincèrement ?
-Ari !
-Ca va, je plaisante ! Je te trouve ravissante mwana, j’aime beaucoup ce que tu as fait avec tes cheveux.
Tout en parlant, il s’approche de moi, me lance un regard où je lis du désir, en jouant avec une mèche de cheveux.
Je détourne automatiquement la tête, replace derrière l’oreille la mèche avec laquelle il joue et m’éloigne de lui. Je suis toute chose lorsqu’il est aussi près de moi. Pourtant je suis habituée à ses marques d’affection, à ses regards troublants, mais en privé. En public, j’ai beaucoup plus de mal, surtout lorsqu’une partie de ma famille est présente.
-On y va? Fais-je faussement décontractée
-Je te suis
Je nous conduis jusqu’à notre table, où il n’a aucun mal à s’intégrer au groupe.
La soirée se passe plutôt bien, même si je me lève de temps en temps pour apporter mon aide, sans pour autant trop en faire non plus. A plusieurs reprises je sens des regards posés sur moi mais je tente de ne pas me focaliser dessus.
Je suis en train de ravitailler un plateau de boissons pour un dernier tour entre les tables avant d’aller m’asseoir quand Serge vient me trouver. C’est vrai que je ne l’ai pas encore félicité, ce que je corrige dès qu’il arrive à ma hauteur
-Félicitation YA SERGE !
-Oh toi aussi, y’a pas de ça entre nous.
-Je sais, je te taquine. Alors qu’est-ce que ça fait d’être marié?
-Ça creuse les poches !
-J’imagine !
-... Mais je suis heureux. Je sais que…. les conditions qui ont amené ce mariage sont étranges, que tout le monde n’aurait pas fait ce que j’ai fait, mais moi, je ne regrette rien. Je ne pouvais pas la laisser tomber.... ça ne s’explique pas.
-Et je ne te demande pas de t’expliquer. Si tu es heureux c’est l’essentiel.
-Je le suis et j’ose croire que j’arriverais à la rendre heureuse. Il me faudra du temps mais j’y parviendrais. Tout comme je suis sûr que votre relation renaîtra de nouveau…. Tu lui manques tu sais
-C’est ce qu’elle t’a dit ?
-Non, c’est la façon dont elle te cherche du regard qui me l’a dit.
-....
C’était donc elle…
-Mais je l’ai dit. Il faudra du temps.
-On verra. Quoi qu’il en soit, je te présente encore une fois mes félicitations. Fais-je en le prenant dans mes bras.
“La où l’amour vit, il ne fait jamais nuit”
Les premières notes de “Dulcinée” de Koffi, se font entendre et un sourire vient étirer mes lèvres. C’est risible, mais c’est l’effet que me procure cette chanson depuis que je l’ai entendue chanter par Shomari. Il me l’a chantée, ou pour être plus exacte, il l’a interprétée un soir, alors que je m’étais assoupie en voiture. Sa voix a raisonné dans l’habitacle mais aussi dans mon coeur. J’en ai eu des frissons ! Je me suis laissée transporter par elle, par les paroles et par l’atmosphère qui régnait. Depuis, à chaque fois que je l’entends, elle sonne différemment à mon oreille.
J’ai coulé un regard vers ma table, où Shomari m’observait. Il m’a fait un clin d’oeil, que je lui ai rendu par un sourire, avant de reporter son attention sur un de mes cousins avec qui il semble être en grande discussion.
Mon esprit, se me met voyager, modifiant certains détails du chapiteau, comme les couleurs, les tenues des demoiselles d’honneur, la robe de la mariée, la mariée elle même, et le temps d’un instant, le temps d’une chanson, le temps de cette chanson, je me surprends à m’imaginer être la suivante.