CHAPITRE XIV : L'inéluctable divorce
Ecrit par dotou
Les derniers amis et connaissances quittaient le cimetière où reposait à présent pour l’éternité Madame Olivia Kéty.
Dean se tenait entre sa femme et son beau-père. Celui-ci avait jusqu’à présent l’impression de ne pouvoir sortir de ce cauchemar qui durait depuis qu’il avait appris que sa femme était condamnée. Alors qu’Ali lui donnait l’accolade, il perdit son self-control. Ce fut un homme brisé par la douleur qui suivit Ali et Cadia qui entreprirent de le raccompagner.
A présent seule avec son mari, Andréa fixa d’un œil sans expression la tombe de sa mère.
- Viens Andréa. Il faut maintenant partir.
- Je ne la verrai donc plus jamais.
- Il te reste les bons souvenirs Andréa, et je suis sûr qu’elle n’aurait pas aimé te voir baisser les bras. Viens.
Docilement, elle le suivit vers la voiture qui était garée près de la porte d’entrée du cimetière. Dean lui suggéra une fois sur le chemin de proposer à son père de s’installer chez eux pour un temps. Mais le lendemain lorsqu’Andréa fit part de la proposition de Dean à son père, il déclina l’offre.
- Tu te sentiras seul dans cette grande maison.
- Tu oublies que Carmen est là, rappela son père parlant de la vieille gouvernante.
- Tu as raison. Elle aussi était tellement attachée à maman.
- J’ai un projet en tête Andréa, continua Nathaniel Kéty après un instant d’hésitation.
- Lequel ? S’enquit sa fille.
- Voyager, faire le tour du monde. C’était notre rêve à tous les deux, ta mère et moi ; mais les restaurants ne m’en ont jamais laissé le temps. Je souffre tant d’être obligé de m’éloigner afin de me réconcilier avec moi-même.
- Mais que feras-tu des restaurants ?
- C’est ton héritage ma chérie. J’irai voir le notaire afin de mettre au point les papiers avant mon départ que je prévois pour la semaine prochaine.
- Papa, c’est trop de travail pour moi seule. Il y en trois, plus celui que je gère actuellement, cela fait un total de quatre.
- Eh alors ! Je te connais Andréa, et je sais que tu en es capable.
- C’est énormément de travail. Gérer quatre restaurants à la fois demande une énergie constante.
- J’en suis conscient, mais les gérants sont compétents et ont de l’expérience. De plus, tu auras l’aide de ton mari. Son flair en affaires est redoutable.
- Papa, entre Dean et moi, ça ne marche pas très fort.
- Il y a un problème ? S’inquiéta son père.
- On n’aurait jamais dû se marier. C’était une grosse erreur.
- Tu ne l’aimes plus ?
- Non ! Je le respecte, je l’estime, et j’ai beaucoup de tendresse à son égard, mais je n’éprouve plus l’amour qu’une épouse doit ressentir pour son mari.
- Et c’est maintenant que tu t’en rends compte ? As-tu pensé à ce qu’il ressentirait ? A sa douleur ?
- Il ne m’aime pas d’amour.
- C’est une absurdité, s’écria son interlocuteur.
- Je t’assure papa. C’est Cora qu’il a toujours aimée sans vouloir se l’avouer.
- Mon Dieu ! Te rends-tu compte de ce que tu me dis ? Cora est sa sœur !
- Sa sœur adoptive. Ils n’ont aucun lien de sang. Cora est la fille à des amis aux parents de Dean qui sont décédés.
- Ah oui ! J’avais oublié cette histoire. Sa mère serait décédée à sa naissance et son père enlevé quelques jours plus tard dans un accident de la circulation.
- Oui, c’est bien cela.
- Bien triste histoire. Mais elle a reçu des Worou le meilleur. Ils l’ont magnifiquement élevée. Mais, quelle est ta décision ?
- Demander le divorce à Dean. C’est la meilleure solution si l’on ne veut pas arriver à se détester.
- Andréa, je veux ton bonheur, mais celui de Dean aussi. Réfléchissez bien tous les deux avant de prendre cette douloureuse décision.
- Je te le promets.
- Mais je voudrais te poser une question indiscrète.
- Je te répondrai en toute franchise papa.
- As-tu un autre homme dans ta vie ?
- Je ne pourrai pas te répondre avec exactitude, car je ne sais pas ce que pense l’intéressé. On ne s’est rien déclaré, je ne dois pas oublier que je suis encore mariée à Dean.
- Je t’approuve. Mais qui est cet homme ?
- Le Docteur Nicolas Agossou.
- Tout mon souhait est que vous preniez tous les deux la bonne décision. Je t’en conjure, ne pose pas un acte que tu regretteras plus tard.
- Je te le promets.
- Merci. Carmen aussi pense partir quelques temps. Elle compte aller rester avec sa sœur qui est au nord. Tu lui verseras un an de son salaire. C’est peu en comparaison de tout ce qu’elle a fait pour nous durant toutes ces longues années.
- Elle est presque une seconde mère pour moi. Je lui proposerai de venir vivre avec moi à son retour de voyage.
- Voilà une bonne idée.
- Papa, promets-moi de m’appeler toutes les semaines.
- Tu as ma parole. Pour rien au monde je ne voudrais te causer des soucis supplémentaires.
- Merci papa. Je vais te laisser, mais je t’appellerai ce soir.
- J’attendrai alors ton coup de fil.
En revenant au domicile conjugal, elle constata que Dean n’était pas encore rentré. Mélancolique, elle prit un dîner solitaire et se coucha sans parvenir à s’endormir. Une heure plus tard, Dean apparut et se coucha après lui avoir souhaité une bonne nuit. Ils n’étaient l’un pour l’autre plus que des étrangers. Andréa se dit une fois de plus que la meilleure solution pour eux était de se séparer. Elle prit la résolution de parler à son mari dès le lendemain.
A son réveil le lendemain matin, Dean était déjà parti à son travail. Elle en ressentit de l’amertume car aux premiers mois de leur mariage, il ne partait jamais sans l’avoir réveillée, embrassée et souhaitée une agréable journée. Elle savait que leur couple se trouvait à un point de non-retour. Il n’y avait entre eux ni disputes, ni rancœurs, mais simplement une indifférence froide, blessante.
A la suite du décès de sa mère, elle prit quelques jours de repos et déambula toute la journée dans la maison, telle une âme en peine. Comme un signe du destin, Dean rentra ce soir-là très tôt. Andréa était installée dans le séjour, plongée dans ses pensées.
- Bonsoir Andréa. Et ta journée ?
- Moche, répondit la jeune femme laconique.
- Ah ! Je vais prendre une douche.
- Je t’apprête ton dîner ?
- Non merci, je n’ai pas très faim.
La veste négligemment déposée sur une épaule, son attaché-case dans une main, il s’éloignait déjà.
- Dean, peux-tu m’accorder quelques instants ? J’ai à te parler.
- Je te rejoindrai juste après la douche. Je dois me détendre, ma journée a été très chargée.
Sous le jet bienfaisant de l’eau, Dean se débarrassa de la tension accumulée. Il se vêtit d’un léger polo et d’un short et s’installa à son bureau. Il s’épancha sur l’étude d’un dossier ayant totalement oublié la requête de son épouse. Absorbé par son travail, il ne put cacher son étonnement lorsqu’il vit Andréa pénétrer dans le bureau et dire d’un ton réprobateur :
- Je t’attends depuis une demi-heure ! J’avais demandé à te parler.
- Flûte ! S’exclama l’homme désolé avant de refermer son dossier. Excuse-moi. Installe-toi ou préfères-tu qu’on aille discuter au salon.
- Non, répondit la jeune femme jugeant l’atmosphère austère de la pièce plus propice au genre de discussion qu’ils devaient mener.
- Je t’écoute alors.
- Tu sais Dean, j’ai vraiment réfléchi à notre relation, notre mariage. Tu dois avoir remarqué comme moi que cela ne marche plus très fort entre nous. N’est-ce pas ?
Il hocha affirmativement la tête mais garda le silence.
- J’aimerais qu’on discute tous les deux ce soir en toute franchise. J’ai fait le point à mon niveau. Il est vrai que tous les couples connaissent des moments de crise, mais le nôtre est plus profond.
- Qu’as-tu sur le cœur Andréa ? D’habitude tu es plus directe, j’ai l’impression que tu tournes autour du pot.
- Je t’aime énormément et je veux ton bonheur.
- C’est réciproque.
- Je sais Dean, continua la jeune femme la voix soudain enrouée. Mais nous deux, on n’est plus heureux ensemble. De plus en plus, j’ai l’impression de vivre avec un étranger. On n’aurait jamais dû se marier.
- Tu as rencontré quelqu’un d’autre, n’est-ce pas ?
La jeune femme soupira mais ne lui donna aucune réponse.
- J’ai raison, n’est ce pas ? Insista Dean.
- Ce n’est pas ce que tu crois. Depuis notre mariage, je t’ai toujours été fidèle, même si cela m’a parfois coûté. Dès le début, je me suis sentie reléguée au second plan, délaissée.
- Ne dis pas des sottises.
- Ce ne sont pas de sottises et tu le sais, s’enflamma soudain la jeune femme. Je passe après tout pour toi, Cora, tes affaires, tes parents ; en fait, je suis devenue pour toi un ornement, un bien acquis.
- Ce n’est pas exprès.
- Je sais et c’est pour cette raison qu’on n’aurait jamais dû se marier. C’était une erreur.
- Quelle est alors ta décision ?
- Je ne sais pas ce qu’il en est à ton niveau, mais je préfère qu’on se sépare avant que cela ne soit trop tard. Avant qu’on ne se déteste.
- Andréa, j’ai aussi beaucoup réfléchi ces derniers temps et je suis parvenu à la même conclusion.
Dean sentit alors un lourd poids quitter sa poitrine. Malgré toute l’estime qu’il avait pour Andréa, il se sentait à bout de forces. Il lui devenait de plus en plus difficile de continuer cette vie. Une vie vide, d’hypocrisie, sans amour auprès d’une femme alors que son cœur se consumait pour une autre. Comme tous les hommes mariés, il aurait voulu éprouver cette joie de retrouver sa femme le soir après une journée de travail. Ils devaient éprouver le plaisir de se raconter leur journée, s’embrasser, ressentir l’envie de se blottir l’un contre l’autre. Vouloir des enfants ensemble, sujet que ni l’un ni l’autre n’avait jamais abordé et il ne savait même pas si sa femme en désirait. Des larmes silencieuses roulaient sur les joues d’Andréa et il se sentit tout à coup coupable de n’avoir pas fait plus d’effort, de ne pas lui avoir accordé plus de temps et surtout de n’avoir pas su lui apporter le bonheur qu’elle méritait.
- J’aurais voulu que cela marche entre nous Andréa, avoua Dean d’un ton peiné.
- Moi aussi, hoqueta la jeune femme. Tu es d’accord pour qu’on se sépare ? Demanda Andréa après une profonde inspiration.
- Sèche tes larmes ma chérie, elles me déchirent le cœur. Si tu veux, on en reparlera après. Dean contourna son bureau pour la prendre tendrement dans ses bras.