Chapitre XV
Ecrit par imalado
------ Amir Amokhi------
Cette fille me rend fou. Mais d’une part j’ai l’impression de ne rien savoir d’elle. Elle m’a l’air si inaccessible. Et pourtant je perds mes moyens quand je la sais près de moi, comme cette force surhumaine qui me pousse à passer au-dessus de tout ça et à profiter de l’instant présent. Je suis amoureux d’elle. C’est indéniable…
Mais comment parler d’amour en ces termes, si je ne définis pas vraiment notre relation ? On s’est embrassé deux fois, et c’est venu tout naturellement…
Je plonge les mains dans les poches et inspire un bon coup, quand j’entends des pas sur le gazon.
- Je peux me joindre à toi, mon fils ?
- Bien-sûr maman (en lui tirant une chaise) Qu’est-ce qui te tient éveillée si tard ?
- Athan est encore sorti… Bref, je préfère aussi passer du temps avec toi. Alors qu’est-ce qui te tient si éloigné de la terre mon fils, dis-moi tout.
- Ce n’est rien, je réfléchissais c’est tout.
- Ah oui ? Et comment s’appelle-t-elle ? Celle qui est fait objet de toute cette réflexion ?
- Maman…
- Chéri je suis ta mère, pour que ta tête te donne l’impression d’un satellite survolant Mars, il faut bien que ce soit pour une fille, sinon je m’inquiéterais…
- Belinda… Elle s’appelle Belinda…
- Un si joli prénom en plus. Et tu l’aimes Amir ?
- Oui je crois… Enfin c’est juste que… Je… Je ne sais pas maman…
- Ecoute, on n’est jamais sûr d’avoir trouvé la bonne personne, alors si tu doutes c’est tout à fait normal, mais si, elle te fait rire et t’apporte assez de lumière dans le cœur, c’est que c’est la bonne. Ne cherche pas loin.
- Même si c’est celle qui occupe un bureau à quelques mètres du mien ?
- La nouvelle collaboratrice ? Comme ça on fricote au boulot ? Athan en parle souvent avec Noel, c’est qui cette jeune femme ? Tout se passe bien à la société ?
- Oui, elle-même. Ah oui ? Mal en point, si on ne trouve pas de l’argent vite fait, on va devoir la liquider… Au fait, Belinda, oncle Noel l’a appelée Naya Oyoko.
- Naya ? Tu es sûr de toi ? Ils ont bien dit Naya Oyoko ?
- Oui… Dis, tu la connais maman ?
- Non, non jamais vu. Seulement s’il te plait mon chéri, soit bien prudent… Tu es tout ce que j’ai…
Elle pose une bise sur mon front avant de partir sans que je n’aie eu le temps de placer un seul mot. Encore cette Naya Oyoko ! Qui es-tu bon sang ?!
Quelques jours plus tard ------Belinda Ottawi------
Cela fait deux jours qu’on assiste à des allers et venues des hommes de police dans la société. Je fais l’étonnée comme tout le monde, mais je ne le suis pas. Noel est sur la pente raide. C’est tout simple et oui, je suis derrière tout ça.
Il y’a de cela quelques jours, j’ai placé les micros dans son bureau, et l’attente ne fut pas longue.
Une jeune femme a été retrouvée morte aux bords d’un entrepôt pour déchets d’ordures. Elle était complètement méconnaissable. Sofiane m’a dit que le légiste a confirmé qu’il y’avait des traces de drogue dans son sang mais pas seulement. Elle portait aussi ce tatouage à son annulaire, le chiffre 17. Et ce n’était que la suite d’une longue série de corps de jeunes femmes reçus à la morgue ces huit derniers mois. Comme par magie, portées disparues par leurs familles.
Mais comment relier Noel à cela ? C’est simple. Ayant placé la caméra dans son bureau, je suis la seule à lire la vidéo, Sofiane n’a vraiment pas le temps et n’y a pas accès sauf pour ce que je veux bien lui en montrer.
L’un des hommes de main de Noel n’est autre que le frère cadet de son chauffeur. C’est donc ce dernier qui était en charge du transport du corps sans vie de la jeune fille.
Il y’a de cela quelques jours, j’ai surpris une conversation au téléphone entre Noel et le jeune homme, à qui il donnait des instructions quant au lieu et l’itinéraire du convoi comme quoi pour déjouer les postes d’arrêt de la ville. Je n’avais plus qu’à trouver le moyen qu’il commette une bourde pour le faire prendre. Et se faire poursuivre par une voiture de police.
Ecoutant la discussion, j’ai appelé la police pour signaler un faux accident, car le fauteur avait pris la fuite et j’ai donc donné le signalement de la dite voiture. Un avis avait été émis, et ce n’est qu’en faisant sa ronde habituel qu’un agent de police reconnaît la voiture décrite et tombe nez à nez avec le pauvre jeune homme en train de jeter le corps hors de la voiture. Paniqué, celui-ci a d’abord ouvert le feu sur l’agent de police avant de se compromettre en laissant des empruntes pour la toute première fois sur la scène.
Sofiane et ses hommes l’ont arrêté et ce type les a mené jusqu’à Noel, pour se trouver une couverture. Mais Athan est bien prévenant, il charge tout simplement Noel pour tout ce qui est de se salir les mains.
- Désolé je n’ai pas frappé.
- Ce n’est pas grave.
Il contourne et me retrouve derrière le bureau en me massant les épaules et en m’embrassant de temps à autres mon cou.
Je n’explique pas vraiment ma relation avec Amir. Jusque-là on s’en est tenu à ça. A s’embrasser dans les locaux de la société dépassant souvent quelques limites, à s’envoyer des messages chaque quart d’heure loin l’un de l’autre. Mais rien d’officiel. J’en avais placé un mot à Mira et elle me semble réticente comme quoi une relation dans cette situation ne m’est en rien favorable, surtout avec le fils adoptif de celui que je veux détruire…
J’y ai réfléchi mais Seigneur, je ne peux m’y
résoudre. Sa présence seule, suffit à me décharger de toute pression. J’ai
l’impression de voir ailleurs que ce monde, tellement il m’amène loin étant si
près de lui… -
Ne suis-je pas
la plus chanceuse que d’avoir un masseur professionnel à mon bureau ? -
C’est cela jeune
dame (en tournant mon fauteuil et en me regardant dans les yeux) Je crois… Je
crois ne plus pouvoir me passer de toi, pas un seul instant…
J’ai le cœur qui bat. Et c’est vrai, on a sauté l’étape des déclarations pour atteindre les bras l’un de l’autres. Je ne trouve pas de mots pour décrire cet instant. Jusqu’ici je n’avais jamais risqué mon cœur pour un homme, je ne m’étais jamais laissée séduire de la sorte, mais là, tout vient naturellement.
Je crois que cette peur de me voir séparer des personnes que j’aime, a longtemps primé sur tout le reste…
- Et si je t’invitais pour un diner ?
- Un rencard ? (l’air moqueur)
- Le tout premier, juste toi et moi, si mademoiselle veut bien me faire cet honneur ?
- Laisse-moi réfléchir… Monsieur mérite-t-il une soirée ?
Il s’approche de moi et s’emparent de mes lèvres, je sens la chaleur envahir mon cœur. Il me libère le temps que j’ouvre les yeux et emprisonne encore mes lèvres pour un autre baiser.
- Mon argument est-il convainquant ?
- Tricheur ! D’accord pour le diner et tu passes me prendre à 19h.
- D’accord. Et je te préviens ce ne sera pas un restaurant 5 étoiles, au cas tu as prévu une robe Dior.
J’éclate de rire et lui somme de quitter mon bureau. Avec lui je n’arrive à rien faire…
------Athan Akué------
- Soit tu t’entraines à être stupide soit tu le fais exprès ! Mais bon sang, Noel ! Comment cela a-t-il pu arriver !?
- Je… Je ne sais pas. C’est cet imbécile qui a vite cédé aux menaces et aux interrogations de la police !
- Je t’ai toujours dit de faire attention ! Comment depuis toutes ces années, on traite de cette façon-là, personne n’a été arrêté ! Comment la police a-t-elle pu identifier la voiture comme celle en fuite après un accident !? Accident qui n’a pas eu lieu !
- Je reste confus…
- Tu as une taupe dans ton équipe, tu dois faire le ménage !
- Je vais m’en occuper.
- Je l’espère bien Noel. Sinon on peut dire adieu à cette vie ! On a bossé dur pour ça et j’ai l’impression qu’on perd tout !
J’éclate face à Noel qui se contente de me répondre par des hochements de tête avant de prendre la porte.
Je suis sidéré par la situation de mes affaires. Tout s’écroule. Mon réseau de prostitution qui jusque-là n’avait aucun problème, m’a fait déplacer pour rien. Les filles que j’avais envoyées en Tunisie comme aide-ménagère, boulot étant une couverture, ne me créent que des soucis. Elles cherchent à s’enfouir et à faire partir mes clients. J’ai donc opté pour une solution radicale : j’en ai abattue une devant les autres pour leur montrer ce qu’elles risquent si jamais elles désobéissent.
Ce qui me met lourdement dans le rouge, si jamais ces flics remontent à ça, je suis un homme fini…
Et cette affaire de la jeune femme retrouvée morte n’est autre qu’une de mes « poudres de joie ». Cette idiote aurait dû se tenir tranquille au moment où on l’opérait pour retirer les poches de drogue !
Des filles à te créer toutes sortes de problèmes !
Mais le plus important, il faut que je trouve le moyen de sauver cette société, sinon peine perdue pour mes autres affaires. Et je ne néglige pas la proposition de Josué. Même si, je reste tout de même sur mes gardes, je pense bien l’accepter. Cette jeune femme peut-être vraiment nous aider…
------Josué Akué------
Je me fais tout petit depuis ces derniers temps. Il se passe trop de choses dans ma tête et en moi. Il y’avait au départ mon père, pour son voyage d’affaires dont il ne mentionne rien, leurs réactions face à Belinda, la relation entre elle et Amir, maintenant cette histoire de meurtre avec Noel et pour finir l’énigme à millions : qui est cette Naya Oyoko ?
J’ai comme ce mauvais pressentiment à propos de la société et de Belinda. Je ne dis rien, mais je prends le temps d’analyser. Même si c’est vrai que je me sens assez faible, je n’ai pas pris le temps de passer voir un médecin. Signe de fatigue avec tout ce boulot qu’on abat pour tenter de trouver de nouveaux projets rentables.
Je regarde ma montre et elle m’affiche dix heures. Je ne peux pas attendre la pause avant de passer voir maman. J’avais zappé sur elle ce week-end pour me retrouver à l’hôtel avec Iris, cette folle refuse de me laisser mais j’avoue qu’elle met fait du bien souvent…
Je ferme mon ordinateur et m’empresse de retrouver les clés de ma voiture, direction chez l’ex madame Akué, ma mère. Elle habite un quartier chic de la capitale appelé la Cité du Niger, qui n’accueille que des villas huppées de riches. Elle s’en est bien tirée avec le divorce, ça en valait le coup.
J’arrive à peine qu’elle me fait un sermon sur mon teint pâle que je cale sans détour en la taquinant sur ses rides, histoire de l’occuper avec son miroir. On s’installe sur la véranda du jardin en compagnie de Rox, son chien, sans quoi elle mourrait d’ennuie…
- Chéri tu dépéris ! Dois-je m’inquiéter mon trésor ?
- Non maman, et puis je t’ai toujours demandé d’arrêter de m’appeler ainsi…
- Petit ingrat, tu es mon fils et je t’appelle bien comme je veux. Alors dis-moi, tu as arrêté les fêtes ? Je suis bien heureuse de te voir t’assagir Josué ! Cette pauvre Iris qui pense tirer le jackpot avec toi, elle est mal tombée !
- Heureux de te voir t’assagir aussi maman, je vois que tu as finalement changé le jeune homme qui te servait de jardinier « tout terrain »
- Je ne suis pas toute vieille et ridée, non pas encore, je peux bien avoir quelques hommes pour m’égayer la vie et réchauffer mon lit, tu ne crois pas ?
- Oh non pitié, pas ça, je ne veux rien savoir.
- Tu l’as bien cherché pourtant… Et ton obsédé de père avec sa coincée de femme ?
- Quelle délicatesse ! La famille se porte à merveille maman, merci de t’en soucier… Je voulais te demander quelque chose ?
- Tout ce que tu veux trésor !
- C’est qui Naya Oyoko ?
Ok. Soit il est écrit quelque part que ce nom est celui du diable, ou qu’il en porte les fruits. Ma mère amoche dans le cendrier la cigarette qu’elle tenait, avant de finir son verre d’un trait.
- Qui t’a parlé d’elle, Josué ? C’est Athan qui t’a parlé de Naya ?
- Non, je veux juste savoir qui est cette femme ?
Elle racle sa gorge et rallume d’une main maladroite une autre cigarette, dont elle tire un bout avant de la laisser elle aussi s’échouer dans le cendrier.
- C’est le passé de ton père, pourquoi ne pas lui demander directement ?
- Parce qu’il a tous les problèmes du monde avec la société actuellement, je ne veux pas le déranger… Maman, s’il te plaît ?
- Naya… Naya Oyoko est l’ex fiancée de ton père avant qu’il ne m’épouse. Mais aussi, la fille cadette de Robéri Oyoko, celui qui a bâti cette société…
- Ce n’est pas papa qui a créé la société ?
- Tu m’en demandes trop Josué, parle donc avec ton père ! Il m’a dit qu’il l’a racheté avec Naya, à la mort du père de la dernière… Je n’en sais pas plus.
- Ils avaient peur maman… Papa a fait une crise cardiaque en la voyant, ce n’est pas normal…
- Voir qui ? Naya ?
- Non, une jeune femme qui lui ressemblait…
- Seigneur ! Sois en protéger mon fils ! De tout ce qui va suivre, car crois-moi, une tempête est toute proche…
Ma mère divague souvent. Je préfère croire cela, pour m’éviter de dire folle, parce que cette femme est complètement folle. Mais certainement celle qui depuis toujours m’a été d’un soutien fou.
Je vais passer la journée à ses côtés même si au fond, je sais qu’elle ne me dira pas un mot de plus.
------Noel Anju------
Je suis dans une salle, enfermé, assis sur une chaise en face d’une table vide. J’attends que le policier vienne à moi, me poser enfin ses questions. Je suis avec mon avocate, une femme qui a l’air d’avoir passé la nuit éveillée tellement elle ne ressemble à rien, mais elle reste quand même douée.
- Ne stressez pas Mrs Anju, et je vous demanderais de ne pas placer un seul mot, contentez-vous de garder le silence jusqu’à ce qu’on quitte cette pièce. Ils n’ont rien sur vous, ou sinon il vous aurait définitivement inculpé. Arrêtez de jouer avec vos doigts, vous allez donner l’impression d’avoir quelque chose à cacher et à moi, vous me donnez une migraine avec ce bruit que vous faites avec vos pieds, laissez cette table de grâce !
- Cette attente est insoutenable !
- C’est fait exprès. Et si vous étiez seul, ils auraient fini avec vous. Tout ça fait partie d’une technique d’interrogation. Et vous allez avoir droit aux méchants et gentils flics.
A peine a-t-elle fini de parler que se présente devant moi, un jeune homme bien bâti qui tends vers la trentaine, rasé de près et une chemise à manches remontées. Il sourit et salue poliment, ça doit être lui dans le rôle du gentil flic. Mais non, il est seul et referme la porte derrière lui, demandant à mon avocate de s’assoir.
- Ce n’est pas la peine, j’exige que vous libériez mon client tout de suite, à moins que vous ayez un motif légalement valable pour le retenir ainsi ! Il peut porter plainte !
- Mademoiselle Keita ? Quarante ans et toujours célibataire, ça doit vous irritez… Vous devriez peut-être changer de méthode, les hommes n’aiment pas la routine. Et là c’est ce que vous faites, un tas de vacarmes pour rien comme à chaque fois. Votre client est cité par un homme inculpé de meurtre, on se doit de l’interroger. Et comme il l’a ouvertement refusé à son bureau pour les deux fois où mon équipe a été le chercher, j’ai décidé de l’amener au poste pour une interrogation. Et s’il refuse Maître Keita, je me ferais une joie d’arrêter votre client pour entrave à une affaire criminelle, le temps d’obtenir un mandat.
- Ah alors vous allez devoir attendre le mandat !
- Non pas de mandat, je ne demande pas à fouiller son armoire à culottes, je veux juste lui poser des questions ! Vous exagérez Maître…
- Vous vous foutez royalement de mon client et moi, je demande à traiter avec votre supérieur !
- Pas de chance, vous allez devoir me supporter ! Je suis Le supérieur…
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