Chapitre XVI

Ecrit par Tiya_Mfoukama

Chapitre XVI :


Je me concentre sur ma respiration, ça ne sert à rien de s’énerver. Tout ça, ça ne me regarde pas, j’ai pas à me sentir coupable. J’inspire, et expire à plusieurs reprises, puis je tente de me remettre dans l’étude du dossier que j’ai sous les yeux… En vain. Ma conversation avec ya Annie, n’arrête pas de tourner en boucle dans ma tête. « T’es qu’une égoïste et si tu avais un minimum de considération pour maman, tu lui présenterais tes excuses et tu chercherais à arranger la situation avec lui ». 
Présenter mes excuses à Dylan ? Je préfère être enterrée vivante. Il ne les mérite pas, après tout il a également été odieux avec moi. Et s’il y a vraiment une personne qui mérite des excuses dans cette histoire, c’est bien moi !

« —Miss Obame, future épouse N’Goma, comment vas-tu ? Tu n’as pas l’air bien.
—Si, je vais bien. je réponds en passant ma main sur ma nuque dégagée. »

Samuel, mon collègue qui jure qu’il m’épousera dans quelques années, n’a pas l’air de croire un mot de ce que je dis, malgré le sourire que j’affiche. 

« —Qu’est-ce qui ne va pas princesse ? il me demande en s’asseyant sur un des angles de mon bureau.»

Soupir.
Rien, absolument rien ne va. Tout part en vrille !
Pourtant, après ma discussion avec Emeraude, il y a un peu plus d’un mois, j’avais décidé de rentrer pour me retrouver seule, et revenir avec de meilleures intentions. L’entendre énoncer tous ces coups que j’ai pu faire, les paroles que j’ai pu tenir et les comportements que j’ai eus, m’a fait prendre conscience qu’elle avait raison, j’avais changé. J’étais devenue horrible, non pas qu’avec elle, mais avec tout mon entourage également. Je ne me reconnaissais pas dans la Tiya qu’elle était en train de décrire, alors je lui ai annoncé que je partais, pour me retrouver, retrouver celle que j’ai toujours été. Je voulais même arranger les choses avec Dylan, mais, il y a eu la scène de la cuisine, et les propos qu’il a tenus dans la chambre. 
Je pense qu’il m’est déjà arrivé de blesser des personnes, mais jamais de cette façon, encore moins avec la conscience de savoir que je vais violemment blesser la personne. Je n’ai jamais fait ça. Mais lui si, et il avait l’air fier de lui, fier de m’avoir touchée en plein mille.
Il n’est même pas revenu par la suite pour me présenter ses excuses, signe qu’il n’en avait absolument rien à battre. 
J’ai pris la résolution de l’ignorer, royalement. J’ai fait fi de sa présence et le poste de juriste que j’avais obtenu quelques jours plus tôt m’a grandement aidé dans la réalisation de cette décision. Ça faisait un moment que je recherchais un poste, et pour être certaine de ne pas recevoir de traitements particuliers, j’avais utilisé le nom de jeune fille de ma mère, et ça a porté ces fruits, comme je l’espérais. Le temps d’adaptation a été considérablement réduit, au vu du retard accumulé et après une semaine, je ployais sous les dossiers comme mes collègues. Je me suis accordée quelques moments de socialisation à travers mes quelques sorties avec Emeraude et Jesse, ainsi que mes quelques séances de sport avec Omari. 
Je commençais à relativiser et à trouver un certain équilibre avec mon petit train-train que Dylan a brisé avant-hier soir. 
Rien que le voir cinq secondes m’est insupportable, alors passer la soirée avec lui et sa secrétaire-vide couille, et entouré des personnes qui constituent mon monde, mon équilibre, m’a mise hors de moi. Les propos qu’il avait tenus, sont remontés à la surface et le voir avec cet air suffisant, omniprésent, c’était comme s’il me narguait et je ne l’ai pas supporté. Pour Emeraude, parce que c’était son jour, je me suis contentée de faire profil bas, d’oblitérer sa présence, mais il était hors de question que je monte en voiture avec lui. 
Au lieu de me laisser, il a insisté, comme toujours, et puis ce qui est arrivé et arrivé. 

« —Princesse ? 
—Ça va. Je réponds encore pensive. Je suis un peu…fatiguée.»

Le nom de l’émetteur du message que je viens de recevoir et le début de son contenu qui s’affiche attire toute mon attention. Je récupère mon téléphone posé à côté de mon clavier et prends connaissance du message : 

« Bonjour Tiya, j’espère que tu vas bien. Je souhaiterais que l’on déjeune ensemble aujourd’hui, si tu le veux bien. Ça me ferait énormément plaisir. Maman. »

Je suis tentée par l’idée de l’envoyer boulet. Si ya Annie est au courant, ce n’est pas elle qui ne va pas l’être. Je suis même persuadée que c’est elle qui l’a mise au courant. Quoi qu’elle puisse me dire, je ne ferai rien, car je ne me sens pas concernée. Je m’empare de mon téléphone, puis rédige un message dans ce sens :

« Bonjour, je suis actuellement au travail et croule sous les dossiers. Peut-être une autre fois. »

Mais au moment d’envoyer le message, je l’efface et en rédige un tout autre :

« Bonjour, J’ai une pause d’une heure et demi. Dis-moi où est-ce que tu veux déjeuner. »

Je l’envoie et repose mon téléphone en retournant l’écran. 

« —Tu sais que je suis là si tu as besoin de quoi que ce soit ? 
—Oui Sam. Merci.
—Okay. Si tu as besoin de moi, tu sais où me trouver. »

Il me gratifie d’un de ces sourires et clins d’œil de tombeur dont lui seul à le secret, avant de quitter mon bureau. 
Je glisse quelques dossiers dans mon sac, afin de bosser dessus depuis ma chambre et éteins mon ordinateur quand mon téléphone se met à vibrer. 
C'est de nouveau un message de ma mère qui m’indique le lieu de notre rendez-vous. 
Même si je regrette un peu de lui avoir dit oui, je me rends quand même à l’adresse du restaurant qu’elle m’a envoyée, et la retrouve assise en terrasse.
Ses joues sont plus creusées, ses pommettes saillantes et ses clavicules apparentes. Elle a amaigri depuis la dernière fois que l’on s’est vues, à la soirée de fusion. Je lui aurais sorti en rigolant qu’elle avait enfin réussi à perdre les kilos qu’elle voulait tellement perdre, mais les poches qu’elle a sous les yeux et la situation tendue qui prévaut m’en empêchent. 

« —Bonjour. je marmonne en prenant place en face d'elle.
—Oh bonjour, je ne t’ai même pas vu arriver. »

Je me convaincs d’avoir rêvé son visage s’illuminer en me voyant, les propos véridique de Dylan refaisant surface. Elle en a rien à cirer de moi.

« —Tu as été rapide !
—Je travaille pas très loin et je connais ce resto.
—Oh d’accord. Donc tu as pu trouver un travail, c’est bien. Tu t’y plais ?
—Je n’avais pas vraiment le choix. Quant à m’y plaire, c’est relatif. Je fais ce que je sais faire, pour faire passer le temps… »

Je laisse la fin de ma phrase en suspens, mais elle a compris où je voulais en venir…
Un lourd silence s’installe rapidement comblé par la venue de la serveuse, mais réinstallé dès son départ. Je n’ai pas l’intention de la facilité en lui parlant de la raison évidente pour laquelle elle m’a fait venir. 
Nos plats arrivent assez rapidement, et allonge ce silence, que ma mère finisse par briser :

« —Tu n’as pas trop de travail ?
—Ça va… j’arrive à gérer. je réponds en coupant ma viande.
—Tu arrives à gérer….Donc tu es bien ? Tout…Tout se passe bien ? elle insiste en me regardant droit dans les yeux. 
—Je ne sais pas pourquoi il convoque cette réunion. je finis par dire en reposant lourdement mes couverts. Je ne suis au courant de rien, donc le coup du resto pour me voir et essayer de me tirer les verres du nez, c’est un peu loupé. 
—Parce que tu penses que c’est pour cette raison que je cherche à te voir ? elle me demande tristement. »

Son regard se voile, et ses épaules s’affaissent. Elle pose à son tour ses couverts puis fouille dans son sac. Elle sort son portefeuille, dépose un billet de mille avant de reporter son attention sur moi :

« —C’est la vingtième fois que je te propose de déjeuner avec moi. Comme nous le faisions souvent avant. elle commence en portant la lance de son sac à son épaule. Je t’avoue que néanmoins, à la suite de l’appel qu’a reçue ton père, je souhaitais plus que les fois précédentes que tu répondes favorablement. Non pour te « tirer les verres du nez » comme tu le dis, mais pour m’assurer que tu allais bien. C’est tout ce qui m’importe Tiya, que tu ailles bien, le reste je m’en contre fiche, mais si tu n’arrives pas à le comprendre, je ne peux rien y faire. Fais attention à toi Tiya, on se voit samedi.»

Elle se lève de son siège, toujours avec cet air contrit et se dirige vers la sortie, me laissant un sentiment de culpabilité.

*
* *

« —Mais t’as pas d’idée du pourquoi de cette réunion ? 
—Non, j’en sais rien Emo. je soupire fatiguée.
—Et qui est convié à cette réunion ?
—Je ne sais pas non plus. 
—Et tu ne cherches pas à savoir ? Je vais questionner Jesse. Dylan a sûrement dû lui en parler. C’est pas des choses à prendre à la légère. 
—Ce n’est qu’une réunion, que crois-tu qu’il puisse se passer?
—Pleins de choses Tiya. Ça peut, très vite mal tourner et je ne rigole pas !
—…. Il vient d’arriver, je réponds en entendant le moteur de sa voiture. je te rappelle plus tard. »

Je raccroche avec Emeraude, et vais me servir un verre d’eau dans la cuisine, avant de revenir dans le SAS, où s’est arrêté Dylan, le nez plongé dans son téléphone. 

« —Il parait que tu as convoqué une réunion ?je lance tout de go »

Il lève les yeux vers moi, puis replonge de son téléphone, l’air de rien.

« —Tu aurais pu m’en parler étant donné que tu as convoqué mes parents.
—… Ils ton visiblement tenu au courant, ça revient au même. il marmonne.
—Et… Qu’elle est son objet ? 
—……. Notre divorce. il répond en levant enfin ses yeux vers moi. »

Je devrais me réjouir de cette annonce, que je n’espérais plus, mais le regard qu’il affiche et le même qu’il affichait dans la chambre, à Sibiti. Ce regard qui m’annonce qu’il va se faire un malin plaisir à me démolir là où je ne l’attends pas. C’est sa spécialité, blesser, impacter rien qu’avec les mots. Ça touche plus profondément, ça se soigne doucement, et ça laisse parfois de grosses séquelles, et c’est beaucoup plus « compris » des personnes comme moi. Du moins, c’est ce qu’il doit se dire.

« —Devant nos deux familles, tes parents, les miens, tes oncles et tantes paternelles et maternelles, et les miens là aussi, je relaterai TOUT CE QU’IL S’EST PASSE ces neufs derniers mois, preuve à l’appuie, et je ne doute pas qu’après ça, personne ne verra un inconvénient à ce que l’on divorce et que ma famille récupère la dot qu’elle a versée. il ponctue son pitch avec un sourire.
—Bien que ça m’arrange, j’imagine que ton but premier était de me rendre la monnaie de ma pièce. Sauf qu’en convoquant toute ma famille et la tienne, ce n’est pas moi que tu vas toucher.
—Pas si certain que ça…. »

D’abord perplexe, je finis par réaliser et comprendre où il veut en venir.
Et voilà le coup de massue. Je ne l’ai pas vu venir et je ne m’attendais pas à ce qu’il soit aussi violent ! 
Je m’en contre fiche qu’il raconte ce qu’il s’est passé durant ces derniers moi, il peut même écrire un roman en plusieurs tomes, ça me serait égal, mais qu’il le fasse devant ma mère et mes tantes paternelles, ce n’est pas possible. 
Je sais combien les sœurs de mon père détestent ma mère, elles ne se sont jamais cachées de leur animosité à son égard. Si elles venaient à assister à cette réunion, elles se feraient un malin plaisir à l’accuser elle et l’éducation qu’elle m’a donnée, d’être à l’origine de l’échec de ce mariage avant de lui jeter l’opprobre. 
En plus de subir cette humiliation, elle devra également porter le déshonneur que sa famille jetterait sur elle et qu’assurément, elle serait la seule à porter.
Mais ça, je n’ai pas besoin de le lui dire, il le sait déjà. 

« —Tu ne peux pas faire ça. C’est ma mère qui va tout prendre. »

Il me toise en passant près de moi et entreprend de monter les marches, mais je le retiens par le bras.

« — Je te dis que c'est ma mère qui va en subir les conséquences ! Je répète le cœur battant à tout rompre. 
—Ça m’est complètement égale. Il article lentement les yeux rivé dans les miens avant de se dégager de mon emprise et poursuivre sa marche. »

Les battements de mon cœur sont tellement désordonnés et violents, que je pourrais jurer que mon coeur va sortir de ma poitrine dans la minute. 
Elle ne va pas le supporter, elle ne va vraiment pas le supporter. C’est une femme forte, qui s’est toujours battue pour ses enfants et qui n’a jamais manqué de courage, du moins devant nous, mais ça…. Elle ne le supportera pas ! 
Mon corps est parcouru de tremblements rien qu’à l’idée de l’imaginer subir les conséquences de ce que j’ai créé.
Il ne peut pas faire une chose pareille, non Dylan ne peut pas. Je l’ai vu avec ses frères, et je sais quel genre de relation il entretient avec sa mère. Il ne pourrait pas faire une chose pareille, Il faut que je le convainque. 

*
* *

Je lui ai présenté mes excuses, fait la promesse qu’il n’aurait plus à subir mon sale comportement, lui ai demandé ce qu’il voulait que je fasse de plus pour annuler cette réunion, mais il n’a rien voulu savoir absolument rien. Il s’est terré dans un silence depuis mercredi, et semble décidé à aller jusqu’au bout de sa démarche. 

« —Mais tu t’es vraiment excusée Tiya, parce qu’on sait comment tu présentes tes excuses aussi ! »

Je balaie les propos d’Emeraude d’un geste de la main, et continue de marcher de long en large à travers la cuisine, à la recherche d’un plan, d’une idée, d’une illumination, en bref tout ce qui pourrait me sortir de cette merde.

« —Je vais lui envoyer un message et lui demander de ne pas venir. je dis en sortant mon téléphone de la poche arrière de mon jean. 
—Elle va venir si elle n’est pas déjà en route. »

Elle a raison, ma mère viendra quoi que je tente de faire pour la dissuader de venir mais, je lui envoie quand même le message. 
De façon assez confuse, je lui demande de ne pas venir à la réunion. Je choisis maladroitement mes mots, d’ailleurs, après une rapide relecture, mon message n’a pas vraiment de sens mais je l’envoie comme tel. 

« —Et Jesse, il lui a parlé ?
—Oui. Oui il lui a parlé, mais Dylan, lui a demandé de ne pas rentrer dans cette histoire encore moins lui poser des questions. Ce qu’il a respecté parce qu’ils ont une règle entre eux. Je suis désolée. »

Pas autant que moi…
Je me masse le front du plat de la main, et vais m’asseoir sur une des chaises se trouvant autour de la petite table à manger. 
J’ai le cœur qui tambourine mais ça, je ne m’en inquiète pas. J’ai réussi à m’y faire depuis le début de la semaine. La chose qui m’inquiète vraiment, c’est ma mère et la réaction qu’elle va avoir face à tout ce monde. 
J’ai vu toutes ses sœurs ainsi que celles de mon père, et tous mes oncles, franchir le seuil de la maison, un air faussement attristé et inquiet sur leur visage, mais pas assez pour cacher leur demi-sourire machiavélique. 
Je me demande comment on en est arrivés là ? A guetter le moindre échec de son frère ou sa sœur. C’est encore plus horrible venant des femmes. Comment on est arrivés nous femmes à se réjouir du malheur d’une autre? Nous sommes au vingt-et-unième siècle, nous vivons dans des sociétés où l’homme prime toujours au détriment de la femme, les droits des femmes sont bafoués, ce qu’elles sont, leurs apports est minimisés, les violences à leur égards banalisés quand elles ne sont pas justifiées et au lieu de s’entraider, nous sommes les premières à nous enfoncer des poignards dans le dos et bien souvent dans le cœur. 

« —Tiya !
—Oui tonton ?je réponds à mon oncle Maty qui vient d’entrer dans la cuisine
—Toutes les personnes qui ont été convoquées pour cette réunion sont installées dans le salon, nous allons commencer. il m'informe
—Maman est là ?je demande d’une voix que je veux neutre.
—Oui, elle vient d’arriver avec ton père. »

Mon cœur se serre….

« —Okay, j’arrive…. Et Dy…Dylan est là ?
—Oui, il est venu s’excuser pour son retard. Il est entré dans son bureau déposer ses affaires.
—Okay, okay.»

Je souris autant que je peux avant de me lever de ma chaise et suivre ses pas puis investir le bureau de Dylan au lieu de prendre place dans le salon. Il faut que j’essaie de le convaincre encore une fois, je me dis en le voyant contourner son bureau. 

« —Dylan, je t’en prie, ne fais pas ça ! S'il te plait. je l’implore presque.
—…
—je te demande cela pas pour moi mais pour ma mère. Parce qu’elle ne mérite pas ça. Ce que tu veux faire va aller bien au-delà de cette histoire de mariage ! Les personnes assises dans ce salon ne veulent pas son bien. Ils vont se faire une joie de la voir à terre, et n’hésiteront pas à la lui tirer dessus malgré tout ! 
—….Tu as fini ? »

Il passe à côté de moi, puis sort de la pièce, je me retiens d’éclater en sanglots et le suis dans le salon, le cœur en suspens.
Je vais prendre place aux côtés d’Emeraude et Jesse, puis écoute d’une oreille distraite tonton Djé-djé, le grand frère de ma mère, prendre la parole et poser une question à laquelle un des oncles de Dylan répond avant de lui laisser la parole.
Je détourne le regard pour ne pas lui faire face et fixe ma mère, qui à son tour ne le lâche pas des yeux. 

« —Je vous remercie, tous autant que vous êtes d’avoir fait le déplacement jusqu’ici. Je sais que certains viennent de loin et je les remercie d’avoir fait le déplacement…… Ça fait maintenant un peu plus de neuf mois que je suis marié à Tiya. Les choses se sont faites dans la précipitation, qu’il s’agisse de la dot, ou du mariage à la mairie. Beaucoup n’ont pas compris l’empressement qu’il y a eu et nous ont demandé d’attendre avant de nous unir. Ce conseil était avisé… »

Des murmures se font entendre, mais je garde les yeux toujours rivés sur ma mère, tendue à l’extrême. Le dos droit, la tête relevée, elle est attentive à la moindre parole qu’il prononce, tout comme ses frères et sœurs, j’en suis certaine. Je voudrais me lever et partir m’asseoir à ses côtés pour lui demander pardon, pardon pour tout le mal que j’ai pu lui faire, qu’il soit intentionnel ou non. Je voudrais la remercier pour tous les sacrifices qu’elle a fait pour mes sœurs et moi, pour le soutien indéfectible qu’elle a toujours été, pour cette force qu’elle m’a toujours insufflée, et le courage qu’elle a eu d’élever une teigne comme moi. Je voudrais lui dire tout ça…J’aurais du lui dire tout ça…

« —Ce conseil était avisé…pour un autre couple que le notre. »

Un peu comme si elle venait d’apprendre qu’une bombe près d’elle venait d’être désamorcée, elle lâche un soupir bref, laisse retomber ses épaules, puis ferme les yeux comme pour remercier le Dieu là haut, celui qui n’oublie jamais ses enfants. 

« —J’ai tenu a vous réunir aujourd’hui, pour vous remercier d’avoir été présents lors de notre union, mais également durant les mois qui ont suivi. Je tenais devant vous à remercier mon épouse, Tiya. »

Je me tourne vers lui pour lui faire face.

« — J’ai découvert plusieurs facettes de ta personne, et aujourd’hui, je voulais te montrer que tout comme toi, je dispose également de plusieurs facettes. Et sache une chose, je suis capable d’aller bien plus loin. Merci d’être celles que tu es, et de tenir les promesses que tu as faites. il me dit avant de détourner son regard vers les membres de ma famille maternelle. Je voudrais vous remettre ceci. Ce n’est rien en comparaison de tout ce que ma femme m’apporte, mais prenez le comme l’un des nombreux symboles de respect et de considération que j’ai pour votre famille. Maman tu as élevé une femme extraordinaire et je te remercie de m’avoir permis de faire d’elle ma femme.»

Ma mère tente d’écraser la rafale de larmes qui cheminent sur ses joues, et je me précipite à ses genoux pour les essuyer.

« —Je te demande pardon maman. je marmonne pour qu’elle soit seule à l’entendre.
—Je t’aime mon bébé. elle me susurre à l’oreille avant de déposer un de ses doux baiser à ma tempe. »

*
* *

« —On se voit demain et on pourra correctement parler d’accord ?
—Oui maman, rentre bien. »

Je la prends encore une fois dans mes bras, et la serre aussi fort que me le permettent mes bras, avant de la relâcher à contre cœur. J’en fais autant avec Emeraude qui me rappelle discrètement de ne rien dire ou faire pour énerver Dylan. Ce qui est pour moi une évidence.
Il a montré aujourd’hui de quoi il était capable et m’a bien fait comprendre à travers sa parabole qu’il pouvait aisément faire pire. 
Je ne tiens pas à me retaper une semaine de stress et d’anxiété comme je viens de connaitre celle qui s’est écoulée. Là, la seule chose que je veux c’est prendre une douche, m’écouler dans mon lit et tomber dans un profond sommeil réparateur. 
Ce que je vais pouvoir faire puisqu’il n’y a plus personne, toutes les personnes conviées étant toutes parties, avec un rictus et le visage amer pour ceux qui s’attendaient au pire. 

Je monte dans ma chambre, retire mes vêtements puis passe une demi-heure sous le jet d’eau pour savourer le massage qu’il me procure. De temps à autre, je regarde le cheminement de l’eau sur mon corps jusqu’à la bouche d’évacuation. Et je m’imagine que ce sont mes soucis qui s’en vont. 
Je me résous à sortir quand je vois mes doigts fripés. 
Je me sèche le corps à l’aide ma serviette puis y passe de la crème quand des coups retentissent contre ma porte.

« —C’est moi…. Je peux entrer ? 
—Oui. je réponds en réajustant ma serviette autour de ma poitrine. »

Je la joue tempérée cette fois, pour suivre les conseils d’Emeraude, et m’assurer qu’il ne sera plus tenté de me refaire un coup pareil.

« —On peut parler deux minutes ? »

J’acquiesce en hochant vivement la tête et l’invite à poursuivre d’un geste de la main.

« —Je ne veux pas avoir à planifier de nouveau une réunion comme celle qui vient de se dérouler. J’ai détesté ça mais c’est ton comportement qui m’y a obligé. Tout comme toi, ce mariage je ne l’ai pas voulu, mais je n’ai pas cessé d’avoir du respect pour toi. Tout ce que je te demande c’est la pareille. Du respect et de la courtoisie. Est-ce que tu penses que c’est possible ? 
—Oui.
—Bien….» 

Il fait un pas vers la porte avant de se raviser et d'ajouter :

« —Je voulais également, m’excuser pour les propos que j’ai pus avoir. Je suis allé loin à certains moments et...... je le reconnais. 
—Okay.»

Il me tend sa main, pour sceller cet accord, puis me retrouve entre ses bras, les lèvres collées aux siennes la seconde d’après.
La poitrine écrasée contre son torse, je me laisse emporter par une chaleur bienfaisante qui irradie mon corps à mesure que l’on approfondit ce baiser. Je sens une de ses mains enlacer fermement ma taille, tandis que l’autre empoigne fermement l’une de mes fesses. Je gémis entre ses lèvres.
Alors que sa main s’aventure sous ma serviette, je fais courir mes doigts jusqu’à la boucle de sa ceinture que je défais prestement, avant de le faire asseoir sur le bord du lit, lui retirer son polo et glisser ma main dans son boxer. La pression sur ma fesse s’accentue, au rythme des caresses que j’effectue sur sa verge dorénavant tendue et étroitement enfermée. Je la libère avant de me laisser tomber entre ses jambes et la mettre en bouche. 
J’ai toujours détesté faire des fellations. Avec mes anciens partenaires, je trouvais toujours une parade pour ne pas avoir à le faire. Je glissais un glaçon dans ma bouche, puis le plaçais au bord de mes lèvres avant de parcourir leur pénis, ou je m’appliquais à ce que mes doigts reproduisent la même sensation que ma bouche. Pour ce faire je mélangeais du gel à eau et de l’huile de massage chauffante, frictionnais mes mains entre elles puis enserrais la bête et jusqu’à présent ça avait toujours marché. Je n’avais pas eu à faire de fellations jusqu’à Dylan. Avec lui aucune de mes techniques n’a marché. Que je leur apporte de petites variantes épicés ou pas. J’ai du me résoudre à le faire. Et je me rends compte que ce n’est pas la seule chose que j’ai du ma résoudre à faire à cause de lui.
Je n’aime pas cette façon qu’il a de me faire faire ce qu’il désire sans avoir à me le demander mais je ne sais pour quelle raison, après avoir tout essayé, je finis toujours par obtempérer…

« —Huuuuuuummmm. »

Ses gémissements font ralentir le passage de ma bouche et les caresses sur son bas ventre. Il est gainé à l’extrême et ne va pas supporter longtemps cette douce torture.
Sans m’y attendre, je me sens porter puis déposer au centre du lit. Mes jambes s’écartent d’elles mêmes pour le laisser s’installer. Ce qu’il fait après avoir totalement retiré son pantalon et son boxer. Mais il enfuit sa tête entre mes jambes au lieu de s’insérer en moi. 
Je le regarde vicieusement faire danser sa langue jusqu’à ce que je sois prise de spasmes, et que je l’implore de se retirer. Il passe de petits coups de langue, et me mordille, tandis que je cris de douleur et de plaisir.
Quand il en a assez, il se glisse enfin en moi, et m’arrache un long soupir. 
Pendant une minute je ne fais rien, absolument rien. Je joue les étoiles de mer, ahanant à chacun de ses coups de reins, et exaltant face à la sensation que me procure le contact de sa peau contre la mienne. Ça aussi je ne l’avais jamais fait ; coucher avec un homme sans préservatif. C’est lui qui m’a initiée, la première fois que nous avons couchée ensemble. Le préservatif s’est craqué, il s’est retiré lorsque j’étais sur le point de partir et il n’en avait pas d’autres. En temps normal, j’aurais grincé des dents, dis deux trois mots à mon partenaire avant de partir, mais pas avec lui. Je me suis tournée vers lui et lui ai demandé s’il était clean, puis l’ai laissé me pénétrer de nouveau après qu’il m’ait donné une réponse positive. Je n’ai jamais été aussi inconsciente et hors de tout contrôle que lorsque je me retrouve avec lui. Que ce soit dans la vie de tous les jours, quand je finis par capituler, ou dans un lit, quand je gémis sous ses assauts. 
Ça ne va pas continuer éternellement. Je vais bien finir par trouver une solution à toute cette connerie, mais pour le moment, j’ai besoin d’évacuer, j’ai besoin qu’il me baise jusqu’à ce que ça en devienne douloureux, que mon corps soit tremblant, que je sois repue de lui.

Les jeux du destin