Chapitre XVII
Ecrit par Tiya_Mfoukama
Chapitre XVII
Putain, faut vraiment que je prenne un truc pour tenir, c’est plus possible. Si je me faisais une bonne nuit de sommeil, ça pourrait arranger les choses. Mais où est-ce que je vais trouver le temps de dormir ? Autant continuer avec le café pour rester éveillé.
Et la cafetière est vide, bien évidemment. C’est parti pour une autre tournée.
Je passe en revu toutes les sortes de café se trouvant dans le placard réservé pour et tombe sur un café arabica du Guatemala de la maison taillefer. Celui là n’est pas mal. C’est ma mère qui m’en a ramené de son dernier voyage à Paris, et je me souviens qu’il m’avait pas mal dopé la première fois que je l’avais pris. Il fera l’affaire pour la journée qui m’attend.
Résigné, je remplis le réservoir d’eau de la cafetière puis prends dans le placards un filtre en papier que j’humidifie légèrement avant de le placer sur le porte-filtre. Je mets une dose conséquente de café moulu puis allume la machine, et regarde comme un con le café couler dans la verseuse. Ça a le don de m’hypnotiser.
-Bonjour
Comme tous les matins depuis maintenant un semaine, elle le dit dans un murmure à peine audible. Je me retourne à moitié toujours pour m’assurer que je ne l’ai pas rêvé, puis reporte mon attention sur la coulée. Il y a de quoi remplir trois bonnes tasses.
Derrière moi, je la sens se déplacer, lentement. Je pourrais aisément décrire ce qu’elle est en train de faire. Prendre un casserole pour faire chauffer de l’eau, bien qu’il y ait un micro-onde, puis préparer une tasse avec un sachet de thé et un nuage de lait. En temps normal elle aurait pris du café, ce qu’elle faisait chaque matin, mais vu son état actuel.
J’entends le petit “clic” m’indiquant que mon café est près, et m’empare de la verseuse puis verse le café dans une tasse avant de m’installer de nouveau sur la chaise haute. Face à elle. Dans le silence, je prends mon café tandis qu’elle prends son petit déjeuner du bout des lèvres. C’est le retour de la Mayéla timide, presque effacée.
Rôle? Véritable personnalité, je ne sais pas, je ne cherche plus à savoir, ça ne change rien au fait que la voir m’insupporte. C’est moi qui est choisi cette situation, mais c'était le moindre, entre deux maux.
Quitte à me faire avoir, il fallait au moins que je tourne cette situation à mon avantage.
Je dépose ma tasse une fois que j’ai fini et vais m’installer devant la télé. Y’a rien à regarder surtout à cette heure-ci, mais c’est plus pour combler le silence, qui devient pesant. Dans ma propre maison, c’est la totale !
Son pas traînant se fait entendre dans le couloir. J’éteinds la télé, me lève et sors de la maison, succédé par elle.
Je m’installe au volant, elle sur le siège passager, et fouille dans ma mémoire pour me rappeler le trajet le plus rapide pour arriver à destination.
Une demi-heure plus tard, assis dans l’un des fauteuils qui meublent le salon des parents de Mayéla, je m’efforce de ne pas me boucher les oreilles en entendant le cri aigü et strident de sa mère lorsqu’elle annonce sa grossesse.
Elle pourrait aisément faire éclater des tympans.
Est-ce qu’on peut crier plus fort que ça?
-C’est pour ça que tu tardais à venir ? Snif à ma fille.
-Oui, mais maman, te mets pas dans cet état.
-C’est la joie yaya, snif, c’est la joie ! Répond-elle en essuyant ses larmes du revers de sa main.
-Donc votre visite aujourd’hui, a pour but de nous informer de la grossesse de Mayéla ? Intervient son père resté impassible depuis notre venue.
Voilà la question à un million.
J’ai bossé sa réponse toute la nuit, d’où mon manque de sommeil, mais là, je suis pas certain de pouvoir la donner. C’est confirmer et lancer officiellement tout ce que je ne veux pas.
Je jette un coup d’oeil rapide à Mayéla qui a la tête baissée, puis à sa mère qui a le regard pétillant et est suspendue à mes lèvres
-Pas seulement, je voudrais également vous informer de mon intention de …. prendre votre fille pour épouse et convenir avec vous d’une date afin que je puisse vous demander sa main dans le respect des traditions.
Dans son regard, je comprends qu’il est satisfait de ma réponse, quant à la mère de Mayéla, ses sanglots, à croire que les pleurs chez eux c’est génétique, ont fini de m’affirmer qu’elle était aussi satisfaite.
Les dès sont officiellement jetés.
Nous restons encore une heure-trente, puis après avoir eu une discussion en privé avec le père de Mayéla, nous remontons en voiture et je la dépose chez Taliane et Louis avant d’aller chez mes parents pour la deuxième partie.
-Ah, tu nous honores enfin de ta présence ? Me lance ma mère à l’instant même où je franchie le seuil de la maison.
-....
Je me contente de la prendre dans mes bras et déposer un baiser sur sa tempe droite.
-Tu ne m’auras pas comme ça
Bien sûr que si, ai-je envie de répondre et tu le sais.
Je vais m’installer au salon, puisqu’ils y sont tous, et accepte les remontrances de ma mère avant de prendre des nouvelles d’eux.
-Lyne n’est pas venue aujourd’hui ?
-Si, mais elle devait faire une course importante avec David. Au moins, elle a fait l’effort de venir…. ELLE
-Hummm
Et en face de toi actuellement, c’est mon spectre ?
-...Et comment va Peny ? Reprend-elle
-Aucune idée, il y a un moment que je ne l’ai pas vu. Mais tu es constamment en contact avec sa mère, tu es plus apte que moi à répondre à cette question
-Mais avec qui étais-tu alors ? Me demande-t-elle sans faire cas de ma réponse précédente
-Comment ça ?
-Lyne a dit que tu étais avec une femme. Si ce n’était pas Penéloppe, qui était-ce ?
Oh Lyne, va vraiment falloir qu’on parle tous les deux.
C’est pas plus mal qu’elle me pose la question, je trouvais pas la phrase d’introduction pour leur faire part de la nouvelle qui va sans nul doute les ravir.
Après une grande inspiration, je me jette dans l’arène et lui réponds:
-Avec ta future belle-fille.
-...
-....
Ça a la mérite de les laisser sans voix.
Je fais abstraction du fou-rire qui veut me prendre devant la mine surprise qu’emprunte ma mère et poursuis :
-Je suis d’ailleurs venu vous parler d’elle. Ce matin, nous étions ensemble chez ses parents et j’en ai profité pour convenir d’une date pour la demande officielle avec son père. Je voudrais qu’on voie ça ensemble papa
-Tu cherches à faire tourner ta mère en bourrique ou tu es sérieux ?
-Je suis tout ce qu’il y a de plus sérieux
-Mais d’où vient-elle, tu n’as jamais laissé pensé que tu avais une quelconque relation !
-Je sais bien, disons que je ne voulais pas m’étaler. Tu dois être heureuse là maman ? Ajouté-je en me tournant vers elle
Elle affiche un visage déformé par la colère, tout le contraire de ce que j’imaginais
-Tu te fous de nous n’est-ce pas ?
-Quoi, tu ne te réjouis pas ?
-Mais je vais me réjouir comment ? Tu es allée faire une promesse de mariage alors que tu es déjà marié?
-Quoi ça ? Je suis marié depuis quand ?
-Tu ne te souviens pas t’être marié à la coutume avec Pénéloppe ?
Ah oui. Ça me revient. C’est vrai que j’avais complètement oblitérer cette information, mais c’était il y a quelques années, et de mémoire, il avait été cassé puisqu’elle devait se marier avec son libanais par la suite, ce que je rappelle à ma mère qui m’informe que ça n’a jamais été le cas.
-Il n’a jamais été cassé, vous êtes toujours mariés ! M’informe-t-elle sur un ton grave
-On peut toujours le casser, ce n’est pas un problème. Intervient mon père, qui pour le coup montre de l’entrain.
-Ce serait bien qu’on le fasse assez rapidement puisque j’ai convenu une date dans trois semaines avec son père
-Mais on ne la connaît même pas, même son prénom tu ne nous l’as pas donné. Elle vient de quelle famille, de quelle ethnie est-elle ? Depuis quand êtes-vous ensemble ? Et pourquoi tu es aussi pressé ?
-Parce qu’elle est enceinte, et que je préférerai que l’enfant arrive dans le mariage. Félicitation, vous allez êtes grands-parents! Annoncé-je de but en blanc
-Ah tu nous as bien eus sur ce coup !S’empresse de me dire mon père, le sourire aux lèvres. Bravo !
Je me lève pour recevoir une forte et franche accolade de sa part.
-Tu vois Inès, tu n’avais aucune raison de t’en faire, il va se marier et être père, tu les as tes engagements.
Je me tourne vers ma mère qui garde un visage neutre.
Elle se lève lentement puis sur un ton froid et condescendant, me dit :
-Tu es stupide et je ne peux pas me réjouir d’une telle bêtise. Ne pense pas m’associer à une ânerie pareille.
Bien au moins c’est dit
*****
-Wahou..
-Je sais. Ca surprend. Il y a des matins où je me réveille et suis également surprise.
-.... On s’est pas vues depuis l’anniversaire de Louis et je te retrouver enceinte de Shomari ? D’accord, je n’étais pas très dispo mais quand même. J’ai raté combien d’épisodes là ?
-Je dirais deux saisons.
Ça ne la fait pas rire.
Je la comprends. Elle doit se sentir vexée d’être informée aussi tardivement de la relation que j’ai entretenue avec Shomari, et de découvrir de cette façon que je suis enceinte.
-On a l’après-midi pour se refaire les deux saisons, ça devrait suffire. Non ?
-....
Je ne sais pas.
Comme elle me l’a fait remarquer, ça fait longtemps que je ne suis pas venue ici. Avant c’était mon QG, je venais constamment l’embêter lorsque je n’étais pas avec Kala. Elle a été l’amie auprès de qui j’allais m’épancher lorsque j’en avais gros sur le coeur. Mais je reconnais l’avoir délaissé, ses derniers temps. Et ça aurait probablement continué si elle ne m’avait pas appelée avant hier.
Je la suis vers le salon est m’installe confortablement, comme je l’aurais fait avant, en attendant qu’elle revienne avec un plateau rempli de tout plein de bonnes choses à grignoter. C’était notre truc à nous. On s’asseyait devant un bon plateau bien garni et on discutait pendant des heures sans voir le temps passer.
-Il y a un nouveau petit venu dans notre plateau. Annonce-t-elle en le posant devant moi. J’ai appris à faire des cannolis. J’ai une recette super facile et le résultat est toujours bon. C’est pour ça que je rentre difficilement dans mon 42. Soupire-t-elle
-Et moi je dois dire quoi ?
-Bah tu dois me dire comment tu es arrivée à ta nouvelle taille. Dit-elle en s’asseyant, je veux tout savoir dans les moindre détails
-Commence d’abord, ensuite je te dirai. Fais-je pour gagner un peu de temps
-D’accord
Je me permets de me servir un cannoli avec un peu de thé pendant qu’elle me fait part de tout ce que j’ai raté dans sa vie ces derniers mois.
J’avoue que je décroche très vite et l’écoute à moitié tellement je savoure ses cannolis.
Ils sont délicieux, la crème à l’intérieur est légère et fond dans la bouge comme un nuage. C’est succulent!
-Ils sont bons hein ? Lance-t-elle en coupant son histoire
-Humm un régal, je pourrais en manger par dizaine, faut que t’éloignes ça de moi.
-C’est vraiment ce que tu veux?
Je regarde le plateau, puis elle le plateau de nouveau et secoue négativement la tête avant d’être prise d’un fou rire.
-Ça m’avait manqué nos petits moments à deux. Dis-je après m’être reprise
-Bah tu ne l’as pas montré puisque je n’ai même pas reçu d’appel, ni message ni rien !
-Je sais et je suis désolée, je te présente mes excuses… Au début, j’étais prise par l’euphorie du début de ma relation avec Shomari, c’était nouveau tout beau, il n’y avait que nous et personne autour, enfin si, ma collègue Elodie avec qui je me suis beaucoup rapprochée, mais c’est le fait qu’on se côtoyait au travail qui nous encore plus rapproché. Ajouté-je en voyant son petit rictus.
-Je me doute. Sourit-elle
-....puis y’a un peu plus d’un mois, ça a dérapé lorsqu’il a appris que j’étais enceinte.
-Comment ça ? Mais reprends du début, quand est-ce que ça a commencé ?
Je prends une grande inspiration et lui relate toute l’histoire sans rien omettre. Je la vois passer d’un visage attendrissant quand je lui parle de nos débuts, à un visage perplexe lorsque je lui parle des petits couacs que l’on a eus, puis colérique lorsque je lui raconte l’annonce de la grossesse et toutes les péripéties qui ont suivi. Du chèque à la demande étrange en mariage en passant par l’hôpital.
Il m’aura fallu plus de trois heures pour lui conter mon histoire, et au final, je me retrouve complètement vidée, probablement parce qu’en racontant, j’avais le sentiment de revivre chaque moment avec la même intensité si ce n’est plus.
-Voilà, tu sais maintenant tout. Dis-je en reposant ma tête sur le canapé.
-Okay….Wahou… Je ne sais pas trop quoi te dire.
-Vraiment?
-Enfin, si, mais je ne veux pas que tu perçoives ça comme un jugement....On a toujours été franche l’une envers l’autre alors je vais encore l’être avec toi aujourd’hui : Je suis déçue.
Je… Je ne m’attendais pas à ce que tu me dises des choses pareilles. A côté de ça, je voudrais te demander pardon, parce que c’est moi qui t’ai d’une certaine façon poussé vers lui et j’étais vraiment loin d’imaginer quel genre de personne il était. Mais avant tout, je t’en veux, à toi.
-....
-Pas parce que tu n’es pas venue me parler, ça c’est ton droit, je ne suis pas obligée d’être au courant de tout ce qu’il se passe dans ta vie, mais je t’en veux de t’être montrée aussi vulnérable et de ne pas t’être protégée face à lui. Tu es quelqu’un de sensible et en t’ouvrant, tu lui as montré tes faiblesses. Regarde ce qu’il en a fait ? Il s’en est servi pour te faire du mal. Tu aurais dû faire plus attention, tu vas être mère, ce qui implique que tu vas devoir être forte pour toi mais aussi pour ton enfant, mais si tu te laisses à chaque fois submerger par les émotions que t’infligent ses paroles blessantes, je n’ose pas imaginer comment va se finir cette histoire. Et tu m’annonces que vous allez vous marier ?
-Je sais que ça paraît gros, mais… Elodie pense que c’est une façon pour lui de présenter ses excuses. C’est certes étrange mais elle pense qu’il s’en veut et souhaite corriger le tire. Selon elle je devrais lui mener la vie dure avant de dire oui et donner une date. Mais aujourd’hui, on a vu mes parents et il a convenu d’un date avec mon père pour une demande officielle. Si tu avais vu l’état de ma mère et le regard de mon père. Je les ai senti fiers… puis si on regarde bien la situation ça permettra à mon enfant d’avoir son père et sa mère à ses côtés.
-Et tu penses que tu seras assez forte pour vivre dans un mariage avec un homme qui t’en veut d’être tombée enceinte et qui te prend pour ce que tu n’es pas ? Tu n’es qu’à trois mois de grossesses et tu as déjà deux passages à l’hôpital à ton actif et tout ça par sa faute. Tu en veux un troisième pour comprendre l’ampleur du problème ? Tu penses qu’avec un enfant sous le bras tu seras plus forte et armée pour l’entendre te dénigrer ?
-....
-Je sais à quel point tu veux plaire à tout le monde, mais Mayéla, il faut penser à toi avant tout. Si tu rentres malheureuse dans un foyer, ton enfant le sentira et le sera aussi. Si vraiment tu acceptes ce mariage, il finira par te détruire,
-Elodie pense que…
-Quand tu choisis ton conseil, tu choisis ce que tu veux entendre. Elodie dit, je dis, mais au final, c’est toi qui vis.
-.....
-Tu mérites un homme bienveillant, protecteur qui soit conscient de la valeur que tu as, qui s'attèle à faire ton bonheur. Et cette homme n'est pas Shomari, maintenant si tu finis par l'épouser, la question est de savoir si tu parviendras à supporter, parce qu'il n'y a pas d'autres mots qui me viennent en tête pour définir la relation que je vois.
Je le sais...