Chapitre XXIV
Ecrit par Tiya_Mfoukama
Chapitre XXIV
Je sens un rayon de soleil me chatouiller le visage, probablement dans l’espoir que je me lève, mais je l’ignore et plisse un peu plus mes yeux en l’implorant de me laisser tranquille. Quand son intensité et sa douce chaleur s’atténuent, me faisant crois qu’il a répondu favorablement à ma demande, je laisse aller mes paupières avant de me reprendre le rayon en pleine face. Mon sommeil est définitivement irrécupérable…
-shit! Je grogne, les yeux à mi-clos.
Je me demande encore pourquoi j’essaie de dormir.
Je me lève péniblement du lit, entre dans la salle de bains attenante et appuyée sur le bord du lavabo, j’envisage de me laver… Ou pas. ..
Retirer mes vêtements, aller sous la douche, ouvrir l’eau et tout le reste, je sais pas si j’en ai la force. La flemme qui s’est accaparée de mon corps depuis un petit temps me dit que non tandis qu’ une petite voix s’apparentant à celle de ma mère me hurle qu’elle n’a pas élevé de femmes sales.
Je ris de cette réflexion en retirant mon t-shirt et mon short.
Maman.
Elle me manque, pourtant elle ne vit pas si loin que ça. Notre dernière rencontre remonte à il y a un mois, et était autour d’un déjeuner. J’étais heureuse de la voir et de pouvoir discuter avec elle, même si elle s’était plaint les trois quart du temps qu’a durée notre rencontre, de « la façon dont je la néglige ». Je lu avais promis de faire des efforts, d’être plus présente et je comptais vraiment tenir ma promesse, mais… Avec tout ce qu’il s’est passé.
Face à elle, j’ai du mal à cacher mes émotions, elle arrive à percevoir quand je ne suis pas bien, quand quelque chose me tracasse, que je veuille le lui cacher ou non, elle joue parfaitement son rôle de mère en somme. Et parce qu’elle le joue bien, je sais qu’elle sera desceller l’état dans lequel je suis, qu’elle se posera mille et une questions, et qu’elle s’attendra à ce que j’y réponde, et ça….je n’ai pas envie.
Alors je ne l’appelle pas…
Je soupire puis me place sous la pomme de douche.
Pour une personne qui ne voulait pas se doucher, je mets quand même une demi-heure sous la douche avant de rejoindre une Emeraude endimanchée assise dans le salon.
« —Tu vas où comme ça ? je demande en allant m’asseoir à ses côtés.
—La question est plutôt, d’où est-ce que je viens et la réponse est de l’église.
—…..
—Tu sais, cet endroit où tu vas remercier celui qui se trouve en haut et qui te permet de te réveiller chaque matin ? Tu vois un peu de qui je parle ? »
Oui, oui. Tu parles de celui qui m’a laissé me fourrer dans une merde pas possible et qui reste silencieux alors que j’ai besoin qu’il m’éclaire. Ouais, je vois. je dis intérieurement.
« —Qu’est-ce que tu viens de te dire ? elle me questionne en me regardant de travers. Je n’espère pas que tu as pensé en mal de lui, parce que je lui ai déjà demandé pardon pour toi, il ne faut pas en rajouter tout de suite. »
Je souris devant l’air qu’elle prend et secoue négativement la tête.
« —….C’est vraiment étrange de te voir dans cette situation. elle dit après un moment de silence. »
Je me tourne vers elle, le visage interrogateur et l’invite à poursuivre sa pensée en haussant un sourcil.
« —J’ai bien compris que tu ne voulais pas me parler de ce qu’il s’était passé entre Dylan et toi, mais j’ai l’impression que ça te ferait du bien.
—Je t’ai déjà dit. je souffle en m’enfonçant un peu plus dans le canapé. Je lui ai mal parlé, on s’est pris la tête et je suis venue ici.
—Tu lui as mal parlé et c’est lui qui vient s’excuser ?
—….. »
On se dit tout Emeraude et moi. Absolument tout. Je suis dois probablement être proche d’elle, comme elle l’est avec sa sœur jumelle et encore, mais je n’arrive pas à lui parler de ce que j’appelle « incident ». Elle est celle qui me conseille le mieux et celle qui est attachée à mon bonheur. A coup sûr, son opinion de Dylan changerait dans la seconde qui suivrait mes révélations et ça, je ne veux pas.
Je ne sais pas pourquoi, mais je ressens le besoin de le protéger à ma façon, de ne pas l’exposer….
« —Je me doute que ça ne s’est pas vraiment passé comme tu le prétends mais je ne vais pas te forcer à parler encore une fois. C’est comme tu le sens, mais n’oublie pas que je suis là. elle ajoute face à mon silence. »
Je la prends dans mes bras puis la serre aussi fortement que me le permette mes bras.
Les amis sur lesquels on peut compter lorsqu’on est au plus bas sont tellement importants, et ceux devenus des membres à part entière de la famille, sont si précieux qu’on devrait plus souvent les remercier d’être à nos côtés. Je devrais la remercier d’être à mes côtés…
« —Je t’aime tu sais ?
—C’est toi Tiya qui viens de dire ça ?
— Non, je réponds en desserrant mon étreinte.
—C’est bien ce que je me disais. Je vais aller préparer à manger, parce qu’on dirait que la faim me joue des tours. »
Après qu’elle soit passée dans la chambre pour enfiler des vêtements plus appropriés, je la suis dans la cuisine, plus pour lui tenir compagnie qu’autre chose, et l’interroge à mon tour sur sa situation amoureuse. Elle se montre beaucoup plus éloquente que moi, même si finalement, elle est tout aussi troublée et incertaine que je le suis.
« —D’un côté, je voudrais pouvoir m’expliquer avec Jesse mais il ne répond pas, et de l’autre j’ai Héritier qui joue sensiblement avec ma culpabilité pour être certain que je ne le laisserai pas et… ça commence à marcher.
—….
—Si seulement ça pouvait être facile. »
Ça l’est. Enfin c’est ce que les gens disent. Il paraît que nous sommes à l’origine de la complexité de nos vies…Toujours selon les gens.
« —Je ne sais pas quoi te dire. je lance peinée.
—Mais y’a rien à dire… Tôt ou tard, la situation finira pas se décanter. elle dit en me jetant un coup d’œil. »
Je ne suis pas certaine qu’elle vient de prononcer cette phrase simplement pour elle, mais je fais comme si.
Nous avons accordé trop de temps aux sujets épineux, et je nous lance dans une discussion plus futile et plus relaxante pour elle que pour moi.
Nous sommes interrompues par la sonnerie de son téléphone, posé sur le plan de travail.
« —Mince, mince mince. elle marmonne en essuyant ses mains sur son pagne à la vas vite. Allô ?
—….
—Oui maman, ça va et toi ? »
Je vais jeter un coup d’œil dans le frigo en attendant qu’elle termine sa discussion.
C’est le moment que choisit mon estomac pour me rappeler que je n’ai pas manger correctement depuis un peu plus de trois jours. Il joue les impatients, et ne semble pas vouloir attendre la fin de la cuisson du plat d’Emeraude. Pour lui montrer que je suis sensible à ses gargouillis, je me sers d’un peu de tout ce qui me tente, et fini par me retrouver avec deux plateaux pleins qui me font sourire comme une petite fille.
« —Tiya ?
—Hein ? je lance en levant mes yeux vers elle.
—C’est maman. elle me dit en me tendant son portable.
—La tienne où la mienne ? je murmure la main sur le combiné.
—La tienne. »
Aie ! Je suis mal barrée. Et dire que ce matin, je pensais à elle. J’aurai du l’appeler, je me dis en prenant le téléphone, prête à me faire incendier.
« —Bonjour maman… »
*
* *
Non mais elle se paie ma tête celle-là où quoi ? Je lui ai déposé la fiche client en notant en rouge sur un post-it qu’il manquait les informations concernant le client et elle me redonne la même fiche sans les éléments manquants. Et quand je vais aller lui faire la remarque, elle sera la première à dire à qui voudra l’entendre que je ne suis qu’une chieuse qui en demande trop, mais aujourd’hui, je m’en fous un peu plus que d’habitude. Alors….
Je me lève de mon siège, sors de mon bureau pour aller me poster en face de celui de Babette.
« —Tu peux m’expliquer ce que c’est ? je lui demande en lui tendant la fiche.
—C’est la fiche client….
—Okay. Je te l’ai remise ce matin avec une petite note n’est-ce pas ?
—…Euh….Oui….
—Bien, tu peux me rappeler ce qu’il y avait écrit sur la note ? »
Elle balaie son bureau des yeux, à la recherche de ladite note qu’elle trouve près de son ordinateur, puis la lit à haute voix avant de lever les épaules l’air de ne pas comprendre. J’attire son attention sur la partie de la fiche correspondant à l’emplacement dédié aux coordonnées du client à l’aide de mon index.
« —Ah. J’ai confondu avec une autre fiche. elle tente de se justifier en souriant faiblement.
—Je ne t’ai pas remis d’autres fiches.
—….
—J’ai besoin de ces informations au plus vite, donc fais en sorte que je puisse les avoir avant la fin de l’après-midi. je lui dis avant de retourner dans mon bureau.»
La porte refermée derrière moi, je retourne à mon siège imaginant sans mal tout ce qu’elle inventera dans quelques minutes, lorsqu’elle déjeunera avec les autres assistantes. Mais encore une fois, ça m’est égal. Je veux que les dossiers de mes clients soient impeccables, qu’aucune erreur de procédure ou autres ne viennent entraver leur affaire et pour cela, il faut que tout soit parfaitement réalisé. Et ça passe par cette foutue fiche. C'est peut-être chiant pour elle, mais moi ça m’assure de bien gérer derrière, parce que c’est la seule chose que je gère encore totalement; mon job. Le reste….
« Bizz-bizz »
La sonnerie de mon téléphone me tire de mes pensées, et je décroche en essayant de faire ressortir un semblant de sourire dans ma voix.
« —coucou maman !
—Mais où es - tu ? Je t’attends depuis vingt minutes !
Okay…
Ce n’est pas exactement ce que je m’attendais en décrochant…
« —Euh… De quoi tu parles ?
—Nous devions déjeuner ensemble, toi et moi.
—.....
—Tu ne t’en souviens pas?
Nous devions déjeuner ensemble, je me questionne intérieurement avant d’écarquiller les yeux et me frapper le front quand ça me revient en tête. En effet, elle n’est pas en train de s’inventer une vie, comme j’étais déjà en train de le penser, nous devions effectivement déjeuner ensemble et je suis même celle qui a initié ce déjeuner hier, alors qu’elle me faisait culpabiliser. Je m’étais dit que je la rappellerai aujourd’hui, en fin de matinée pour lui raconter un petit mensonger et ainsi lui faire faux bond pour le déjeuner mais. Je ne l’ai pas fait, ça m’était complètement sortie de la tête, avec tous les dossiers qui se rajoutent à ma pile heure après heure, m’empêchant de retenir quoi que ce soit.
« —Oh, c’est vrai, tu as raison ! excuse-moi, ça m’était sorti de la tête. je soupire en massant une ride imaginaire sur mon front.
—Donc tu ne viens pas? elle demande avec une petite voix.
—Euh....Bah…
J’avise l’heure sur ma montre puis regarde la pile de dossiers sur mon bureau, me demandant si ca vaut le coup de perdre trois quart d’heure?
« —Je suis la dans dix minutes. Je dis avant de raccrocher. »
Il me faudra bien plus que trois quart d’heure pour terminer tous ces dossiers, donc autant y aller. Puis ça ne peut que me faire du bien de déjeuner avec elle. Ça ne peut jamais être du temps perdu.
Après avoir mis mon ordinateur en veille, je retrouve ma mère assise dans les extérieurs d’un restaurant situé à moins de dix minutes de l’entreprise.
Je me réjouie de retrouver son visage illuminé et ses traits joyeux qui la caractérisent tant. Ils sont communicatifs et ont le don de me redonner le sourire, un vrai cette fois-ci.
Je vais la prendre dans mes bras, et la serre un peu plus longtemps qu’il ne le faut, heureuse de pouvoir m’imprégner de son odeur.
« —Et bien ! Quel accueil ! elle lance, visiblement surprise.
—Tu m’as manquée. je me justifie en prenant place à ses côtés.
—Si tu répondais plus souvent à mes appels, je ne te manquerai pas autant. »
Je lève intérieurement les yeux au ciel tout en souriant. Ça allait me sembler beau qu’elle ne fasse aucune remarque, ni aucune pique sur ce point. Je fais cependant mine de ne pas avoir suivi et m’enquiers de ses nouvelles. Ça a l’air d’aller pour elle, même si je constate que dans tout son récit, elle n’évoque à aucun moment son mari avec qui elle vit depuis qu’elle est arrivée. Et ce n’est pas pour me déplaire. Je n’ai aucune nouvelle de lui et je n’en veux aucune. Je me contente d’être courtoise en l’évitant les rares fois où je suis amenée à le voir.
Il est et restera à mes yeux, un simple géniteur. Et on ne parle pas des géniteurs.
« —Avant que je n’oublie ! Voilà pour toi. »
Elle se penche vers un tote bag suspendu à sa chaise et en sort un petit pot semblable à un pot de confiture, qu’elle me tend avec un sourire.
« —Du chutney à la poire et aux airelles ! je m’exclame ravie. Ça fait tellement longtemps que je n’en ai pas mangé ! »
Je ne suis pas le genre à faire des chichis culinaires, en même temps je n’en ai pas vraiment les moyens, mais il y a certaines petits plaisirs, qui doivent être parfaitement préparés. Comme le chutney, cette espèce de confiture acide et sucrée, qui accompagne parfaitement un bon foie gras ou une viande rouge bien tendre. Je suis très exigeante sur sa préparation, et jusqu’à présent, seul ma tante Madeleine a réussi à le préparer comme je l’aime. J’ai fini par ne manger que le sien. Et le bocal que j’ai entre les mains à indéniablement sa marque de fabrique sur le petite étiquette de présentation.
« —Dans le sac. elle poursuit en me tendant le tote bag. Tu trouveras du foi gras pour accompagner tout ça.
—Oh merci maman ! T’es la meilleure ! je crie en la prenant dans mes bras.
—Je suis la meilleure à cause de la nourriture ? Humm tu ne changes décidément pas ! »
Je lui réponds par mon plus beau sourire et entreprends de regarder ce qu’il y a dans le sac. Et ce ne sont que des bonnes choses qui me manquent un peu quand j’y pense. Quoi qu’il en soit, ce soir, je vais pouvoir me régaler !
« —Et sinon, toi ?! m’interroge ma mère. Comment est-ce que tu vas, tu n’as pas l’air très en forme. »
Je range tout ce que j’ai déballé dans le tote bag, puis le suspend à mon siège avant de me parer de ce masque que je garde toujours près de moi et que je présente quand on me demande comment je vais.
« —Disons qu’au boulot ça ne va pas très fort. J’ai une pile de dossiers qui ne fait que s’allonger, heure après heure. Résultat : je dors moins, je bosse plus et j’ai une mine affreuse. j’ironise, un sourire aux lèvres. »
J’ai en face de moi ma mère, celle qui me connait parfaitement, et le sourire faiblard qu’elle affiche, que je peux traduire par un « je sais que ce n’est pas ce qui te met dans cette état », me le rappelle. Elle me sonde de ses yeux en amandes, pendant un temps qui me paraît long et j’essaie de me concentrer sur le plat de poisson que l’on vient de m’apporter, sans lui montrer la gêne qu’elle fait naitre en moi. Mais c’est peine perdu puisque je l’entends me demander d’une voix doucereuse.
« —Et si tu me disais ce qui n’allait vraiment pas chérie ?
—Comment ça ? je tente de dire, l’air de ne faussement pas comprendre où elle veut en venir. »
Le regard toujours fixé sur moi, elle penche sa tête sur les côtés et les sourcils froncés par l’inquiétude, elle me lance un « chérie », comme pour m’inciter à parler.
« —….Disons que…que ça ne va pas très fort avec Dylan…. On s’est un peu pris la tête et….
—Et c’est pour ça que tu as quitté votre maison, pour aller t’installer chez Emeraude ? »
Surprise par sa réponse, je l’interroge à mon tour du regard.
« —J’ai récupéré le colis de maman Madeleine samedi et je me suis dit que je passerai chez toi dimanche après l’église pour te le remettre. Je n’avais pas pris la peine de t’appeler plus tôt puisque je voulais te faire une surprise, mais lorsque je suis arrivée Dylan m’a expliqué que tu n’étais pas là et que tu étais chez Emeraude. C’est suite à cela que j’ai appelé Emeraude.
—Ah. Je vois.
—Que c’est-il passé pour que tu en viennes à partir ?
J’attrape mes couverts avec plus de fermeté et m’approche de mon assiette, la tête plongée dans mon plat. Je me crispe. A elle aussi, je n’ai pas envie de raconter ce qu’il s’est passé. Elle se montrera probablement plus conciliante qu’aurait pu l’être Emeraude, mais …je ne dis toujours rien. Je me contente de lui sortir le même discours qu’à Emeraude, celui qui explique vaguement un de mes débordements qui nous aurait conduit à une dispute.
« —C’est étrange, il m’a dit être à l’origine de ce « débordements » comme tu dis…
—….. »
Ah.
« —…. C’était autant de sa faute que de la mienne. je finis par dire.
—….
—J’ai…j’ai agi stupidement, et ….et il en a fait autant. je bégaie, le regard fuyant.
—Et est-ce que ça nécessité que tu quittes cette maison ? »
Sur l’instant, j’ai estimé que oui. Je ne me suis pas sentie en danger, je n’avais pas peur de lui, d’ailleurs il n’était pas là. Mais, je ne savais pas comment agir, comment gérer ce qu’il venait de se passer. Rester là et me retrouver face à lui le lendemain… Je ne l’envisageais pas.
Après tout ce qu’on a eu à dépasser, j’imaginais pas qu’on pouvait encore retourner en arrière. Si vite, sans que je ne comprenne comment.
Je voulais m’éloigner, essayer de comprendre et maintenant… C’est confus.
« —Tu sais, il y a quelques temps, j’avais regardé un film américain où la femme gagnait beaucoup d’argent et le mari était professeur de sport, mais il vivait bien tous les deux. Du moins en apparence. Parce que le jour où la femme a eu un accident de voiture, et n’a plus été en mesure de travail, les lacunes de leur couple ont commencé à resurgir.
—Je connais ce film. je dis en trifouillant dans mon assiette. Mais pourquoi tu m’en parles ?
—Parce que dans un mariage, c’est toujours lorsque les choses ne vont pas que les lacunes et les problèmes surgissent. Et tu sais qu’elle est le meilleur allié de tous les couples dans ces moments là ? La communication. Elle est la base de tout ! Il y a des couples qui traversent des moments difficiles avec une force époustouflante et en ressortent plus soudés parce qu’ils auront pris le temps de mettre leur allié, la communication en avant…
Je soupire fortement, et m’enfonce dans mon siège.
« —Dans ton cas, je sais comme ça peut être doublement difficile. Tu n’es pas du genre à favoriser le dialogue, à discuter. Tu préfères tout garder pour toi, et laisser les choses s’envenimer si elles doivent s’envenimer. Puis tu dois probablement te dire que ce mariage, tu ne l’as pas voulu et que tu n’es pas obligée de faire des efforts. Sauf que des efforts Tiya, tu dois en faire. Non pas pour les autres mais pour toi avant tout, pour tes relations quel qu’elles soient. Tu dois apprendre à t’exprimer, à discuter, à dire ce que tu ressens et non t’obstiner à agir sous l’impulsion des coups de sang du moment.
—….
—Sans connaitre la raison de votre dispute, ne penses-tu pas que vous auriez pu en discuter ? Même si c’est quelques jours plus tard ? Le temps que les choses s’apaisent ? »
Probablement, je reconnais intérieurement, mais je n’étais pas disposée….
« —Je suis certaine que si. elle poursuit toujours sur un ton doucereux. Quoi qu’il en soit, partir de chez toi n’était pas une bonne idée. Tu as déjà du entendre cette phrase, le mariage c’est comme un bateau qui navigue sur la mer. Que ce soit sous les tempêtes, ou sur une mer calme, qu’il pleuve ou qu’il vente, le bateau se doit de continuer la traversée et s’il arrive qu’il y a des fissures, ou des troues, c’est à l’équipage à bord de veiller à réparer pour que le bateau puisse poursuivre l’aventure. Mais en aucun cas, on ne quitte le navire. Tu comprends.
—…. »
*
* *
Oh mais ce n’est pas possible ! C’est moi où y’a encore plus de dossiers, je soupire en regardant la pile en face de moi.
« —Oh, la femme qui pense qu’elle est la seule à travailler ici. Comment tu vas ? me demande Samuel en entrant dans mon bureau.
—Pas aujourd’hui Sam’. je souffle en me massant la tête. »
S’installe dans un des sièges en face du mien et observe la pile de dossiers en fronçant des sourcils.
« —C’est ce que tu dois traiter ?
—Ouais, et j’ai l’impression que la pile ne fait qu’augmenter d’heure en heure, c’est à ni rien comprendre. J’ai même pas eu de débriefing avec le nouveau manager. Il ne fait que m’envoyer dossier sur dossier.
—Tu fais partie de ceux qui ont été envoyé dans l’équipe de Louango ?
—Hummm.
—Parait qu’il n’est pas facile. »
Pas facile ? C’est un doux euphémisme. Ce type est un mur de marbre ave lequel on ne peut pas discuter. Il pense qu’il peut diriger son équipe comme bon lui semble et qu’il n’a ni besoin de questionner qui que ce soit, encore moins de s’interroger sur les membres de son équipe pour produire un meilleur travail. Sa façon de manager me laisse perplexe, mais j’ai découvert avec beaucoup d’étonnement il y a quelques jours que son management, n’avait fait l’objet d’aucune remise en cause.
« —Je suis fatiguée, j’en peux plus. je soupire faiblement. Ça ne peut pas durer, faut qu’il m’explique.
—Où est-ce que tu vas ? me demande Samuel alors que je me lève de mon siège.
—Le voir. Il va m’expliquer ce qu’il attend réellement de moi.
—Il est en réunion. il m’informe en pivotant son siège vers moi. C’est Clarissa qui m’a informé quand je venais. »
Argh !
Je me rassis lourdement sur mon fauteuil, puis après avoir balayé mon bureau du regard, décide qu’il est temps pour moi de partir. Pourtant je viens de rentrer de pause déjeuner, mais là, je ne peux plus rien faire. Du moins dans cet état. J’ai besoin de faire le vide dans ma tête, de régler ce qui me préoccupe et de souffler, sinon je vais finir par craquer.
J’ai eu le temps de repenser à mon déjeuner avec ma mère durant toute la nuit dernière et j’ai fini par lui concéder plusieurs points. Le premier étant l’urgence pour moi d’apprendre à communiquer. Ça n’a jamais été mon fort mais j’ai pris compris que ça pouvait m’aider à décanter beaucoup de situations.
J’ai donc décidé d’abonder dans son sens, en rentrant, puis en essayant de discuter avec Dylan. Parce qu’en y repensant, ma mère avait raison, c’est de ça dont nous avons besoin.
Dans l’état où je suis, on ne peut plus rien tirer de moi, alors je préfère rentrer, me reposer et tirer un maximum de force d’une sieste que j’espère réparatrice avant d’entamer une discussion avec Dylan.
« —Tu prends ton aprem ?
—Ouais. je réponds en rangeant mes affaires. Mais son on te demande où je suis, dis simplement que je suis aux toilettes. »
Il éclate de rire puis fait un signe de cinq sur cinq, notre code pour dire qu’il accepte de me couvrir.
Je vais discrètement récupérer ma voiture et roule jusqu’à la maison, avec appréhension. J’ai en tout et pour tout fait trois semaines sans y mettre les pieds et je ne sais pas comment, je vais être accueil.
Il est 15h, et je me laisse l’après-midi pour anticiper toutes les situations et mettre de l’ordre dans mes idées, du moins c’est ce que je me dis avant d’apercevoir la voiture de Dylan dans la cour.
Je n’avais pas prévu qu’il rentre plus tôt mais je prends la résolution de ne pas me laisser démonter, encore moins de faire demi-tour. De toutes les façons, il faut bien que nous puissions régler cette histoire.
Après avoir pris le temps d’inspirer et d’expirer profondément, je tourne la poignée de la porte d’entrée…. Et me retrouve en face de lui.
J’essaie de garder contenance face à lui, en canalisant la valse des sentiments et d’émotions, qui est en train de tourbillonner en moi simplement parce qu’il est là, devant moi. C’est incroyable de voir à quel point mon corps et tout ce que je suis sont réceptifs à sa présence. Pourtant, il n’a rien de particulier, il est seulement…lui.
Dealer avec ses réactions que je n’ai jamais ressenties jusqu’à présent devient de plus en plus difficile je me dis en avançant d’un pas, pour pouvoir prendre appui contre le mur.
« —Bonjour. j’articule en me triturant les mains. Est…. Est-ce qu’on pourrait parler ? »
Il acquiesce en secouant sa tête, puis se positionne face à moi, les mains dans les poches.
Je me vois me hisser sur la pointe des pieds et lui voler un baiser à la commissure des lèvres pour le faire sourire et ainsi dérider son visage mais je me retiens pas certaine que ce geste, que j’ai pris l’habitude de faire, soit interprété comme il faut…
« —Je voudrais qu’on soit clair, par rapport à… à ce qu’il s’est passé… Je …J’ai eu le temps d’y repenser….Et j’aurais pas dû…. Enfin j’étais dans une phase que….Euh c’était étrange parce que….. »
En commençant à débiter un tas de propos sans queue ni tête, je me dis qu’il aurait vraiment fallu que je prenne quelques heures pour remettre mes idées en ordre afin de lui sortir un discours cohérent. Là, je passe pour plus stupide et irréfléchie que je ne suis.
Je finis par me taire, irritée contre moi-même.
« —Et me voilà qui n’arrive même pas à te dire les choses. Je dis, le regard fuyant.
—Je pense avoir compris ce que tu veux dire. J’ai eu le temps de repenser à tout ça moi aussi, et encore une fois, je te réitère mes excuses. Je me suis laissé emporter par la colère en oubliant une chose, ce n’est que sur les papiers que nous sommes mariés et rien d’autres. Quand on s’est expliqués il y a quelques mois, on s’est entendus sur le fait qu’on se devait un respect mutuel. Et moi, je suis allé au-delà de ça. Je m’en excuse. Tu disposes de ton corps comme bon te semble, et je n’ai rien à redire dessus. On sait tous les deux que ce mariage ne tiendra pas plus de deux ans, alors on va faire en sorte de rester courtois, respectueux et surtout discret vis-à-vis de l’extérieur. Je pense que de cette manière, on réussira à tenir, le temps que les choses se tassent et qu’on puisse introduire une procédure de divorce. »
Il y a une chose que j’apprécie énormément chez moi ; c’est ma capacité à être stoïque, à ne pas montrer mes émotions face à des situations qui me laissent coites, un peu comme à cet instant où je sens une vive douleur se répandre à travers mon corps.
J’étais loin, mais très loin de vouloir tenir des propos similaires aux siens. Je venais lui expliquer combien de fois j’ai été confuse, combien de fois je n’ai pas voulu mettre de nom sur ce que je ressentais, combien de fois ça m’était difficile de dealer avec ses sentiments naissants. Je venais lui demander d’être patient avec moi, parce que j’avais envie d’essayer, de voir ce que ça pourrait donner. Parce que tous ces petits changements qui ont opéré dans ma vie, je ne les trouve plus aussi gênants. Ce qu’il fait naître en moi me trouble énormément, mais j’avais envie d’apprendre à l’apprivoiser… Je venais pas pour l’entendre me dire implicitement qu’il… Qu’il laisse tomber.
Il ne peut pas me dire une chose pareille…. Pas après avoir compris qu’il avait mon cœur entre ses mains.
« —Ça te convient ? je l’entends me demander en me tendant sa main comme pour sceller un accord face à ce qu’il vient de dire. »
Non. non ça ne me convient pas, mais totalement troublée, je finis par lui tendre ma main également.