Chapitre1

Ecrit par Eli

« Vous avez beau avancer dans la vie et faire chaque année ou chaque mois ou chaque jour de nouvelles rencontres, rien ne remplace les amitiés tissées dans l’enfance et qui ont survécu au passage à l’âge adulte. » Robert Walser


Chapitre 1


Octobre 2007


Je me retrouve avec ma mère et ma grand-mère dans la cour de cette imposante bâtisse  qui dans quelques minutes deviendra à la fois ma résidence et mon école. 


C’est dimanche aujourd’hui et c’est le jour de la rentrée à l’internat.


J’ai obtenu mon BEPC y a quelques mois et au vu de mes bons résultats je me suis vu offrir une bourse pour la poursuite de mes études dans cet établissement dont la renommée n’est plus à faire au Bénin et surtout dans la ville de Cotonou. Je me remémore la joie qui m’a animé quand j’ai reçu la nouvelle, malgré le fait que  cela impliquerait quitter ma mère que j’aime tant et avec qui j’habitais à plein temps dans la belle ville de Grand-Popo, et surtout poursuivre mes études dans un établissement autre que celui de confession catholique avec toutes les rigueurs qui vont avec où j’étais inscrit.


Je m’étais présenté dans le bureau du directeur de l’établissement pour finaliser les diverses conditions qu’impliquait ma bourse et quelle ne fut pas ma surprise d’apprendre que l’une d’elles impliquait que je sois interné. 


Depuis qu’elle a appris pour la bourse, ma chère daronne en était toute aussi heureuse mais je sentais qu’elle se serait mieux portée si cela n’impliquait pas que j’aille à Cotonou, surtout qu’il aurait fallu que soit j’habite seul (trouvez une mère qui laisse son seul enfant de 13ans aller prendre un appartement seul dans une ville pareille et elle sera convaincue), soit avec mes cousins (réticence mais possible), soit, et là c’était hors de question pour elle, que j'aille vivre avec mon père.


Lui apprendre que finalement ce serait l’internat était comment dire, jouissif un genre là. Si elle avait su que ce ne serait pas son adorable petit garçon qui lui reviendrait, elle aurait vite déchanté.


Et donc me voici entrain de remplir les dernières formalités d’admission en compagnie des 2 plus importantes femmes de ma vie. 


Il y a un brouhaha énorme. Normal. Beaucoup d’autres parents venus raccompagner leurs rejetons sont également présents. 


Une fois les papiers remplis et signés, c’est le moment de la fouille des valises. Je suis vite délesté de mon téléphone et de mon couteau. Pour ma défense, je l’avais gardé officiellement juste pour pouvoir tartiner mes brioches et couper le pain, ne me voyez pas en Dexter version black oooh.


Pendant qu’on attend la fin des fouilles, je fais le plein de conseils en tout genre de maman et mémé. Vraiment les mères africaines et leurs conseils, qu’est-ce qu’on serait devenus sans. La partie qui me waze c’est celle où elles me donnent des conseils sur la vie à l’internat comme si elles y avaient vécues. 


Ces moments où on se retrouve dans un environnement qui nous est nouveau, on a souvent tous un même réflexe surtout nous les mecs (je suis sûr que c’est pire chez vous les filles). On prend la pleine mesure de la situation en se la jouant les durs. Ce n’est pas mon fort. J’ai besoin de me sentir à mon aise dans tous les endroits où je me trouve. Je fais donc rapidement connaissance avec quelques-uns de mes futurs codétenus lol. Ils sont comme moi en Seconde et c’est également leur première année à l’internat. Ils sont super sympas et déjà je me plais de plus en plus ici. On remarque immédiatement les « habitués ». Eux sont zen, tapent des barres de rire entre eux et sont tellement relax avec les « maîtres d’internat ». Ça s’annonce super bien.


Une fois toutes les formalités remplies, le top est donné par les maîtres. Faut qu’on monte s’installer dans nos dortoirs respectifs. 


Non mais l’africain est mauvais. 


Le bâtiment fait 5 étages et les dortoirs sont situés au 4ème et 5ème. Je regarde mes 2 grosses valises, je refais le compte des étages, je maudis l’architecte, tourne la tête et tombe sur ma pauvre mémé à qui je demande d’attendre en bas avec maman qui elle veut par contre m’accompagner. On finit par monter les affaires tant bien que mal et je me retrouve dans le même dortoir que Steeven et Andy, mes 2 nouveaux potes que je me suis fait plus tôt ainsi que 2 autres mecs. On a 3 lits superposés disposés dans la chambre et des placards individuels, le strict minimum syndical.


On redescend tous faire nos au revoir aux parents et on remonte finir de s’installer. Une fois fait on se présente tous les uns aux autres.


Steeven B, 15ans, élève en Seconde B, béninois, physiquement imposant avec une carrure à la bodybuilder, très marrant 


André « Andy » S., élève en Seconde A, Togolais, comment le décrire ? vous voyez un peu Sheldon de The Big Bang Theory, pensez à une version africaine de lui. :D


Alex T., Seconde B également, Gabonais vivant au Bénin depuis 2ans déjà. 


Joachim A., 17 ans, gabonais également, 1ère D. c’est sa 2ème année ici. Physique assez sportif et à l’entendre je crois qu’on a notre Gandhi.


Pour finir y a moi, Eli ABIOLA, Seconde C (je vous dis déjà que je suis une grosse tête). Je suis le plus jeune du lot par contre je ne fais pas mon âge, je fais un peu plus vieux (même 17ans tu doutes, je fais plus). Que voulez-vous, ma mère est un cordon arc-en-ciel. Un peu trop d’ailleurs. Physiquement je ressemble au bonhomme Michelin avec une moustache. 


Ça me fait bizarre de qualifier mon camarade garçon mais les gars ont de la classe, ils « dosent » comme on dit. 


On discute un peu de tout et de rien tout en rangeant et en spéculant sur la nationalité de notre prochain et dernier co-chambrier. On ne voit pas le temps passer. La nuit est déjà tombée et c’est une sirène qui vient de retentir qui nous interrompt. Joachim nous fait comprendre que c’est l’heure du dîner et qu’il faut que l’on descende avec nos assiettes nous faire servir. Une fois le repas terminé et les règles de vie que nous devions respecter données par les maîtres, nous regagnons notre dortoir. 


J’en ai presque oublié le changement de cadre. On a tous déjà eu cette sensation une fois au moins dans notre vie où la crainte du changement est tellement grande qu’elle paraît n’avoir jamais existée en nous dès que ce dernier s’opère. Je me sens bien avec mes nouveaux « frères ». La première impression ne doit jamais définir notre opinion sur une personne mais dans le cas présent, je fais abstraction à cette règle. Je suis chanceux d’être tombé sur des mecs envers qui j’ai une empathie aussi grande et avec qui le courant passe si bien. 


Demain les cours débutent et il faut que je prépare les affaires dont j’aurai besoin. 


Moi : Faut que je sorte mon uniforme de la valise et le mette sur un cintre


Alex : ouais t’as raison mani, surtout avec les fers à repasser interdits ici, y a de fortes chances que notre swagg en prenne un coup. 


Joachim : hahaha !!! Vous êtes trop marrants. On vous a pas dit qu’on s’approprie son cadre pour mieux s’en servir ? Donc pour vous les prises sur les murs sont là pour l’ornement quoi.. Lol. J’ai ce qu’il nous faut pour ce souci-là, nous dit-il en se levant et en nous montrant un fer électrique qu’il a sorti de l’une de ses valises. 


On s’est tous mis à pousser des cris de joie que Joachim a très vite fait d’interrompre pour qu’on n’attire pas l’attention de l’un des maîtres. 


On riait tous à présent quand la porte s’ouvrit et laisse apparaître un …. Euuuuuhhh… attendez je regarde mieux… Ok c’est pas un internat mixte donc c’est certain que c’est un homme, ou alors c’est une fille dont les attributs ont décidé de par sortir, ou alors c’est un mélange des deux.


Nouvel arrivant : Salut les cocos, ça bouge ici on dirait.


Anyembé (oui oui je suis aussi gabonais c’est quoi)!!! La voix du boy est juste…. Wandafut !!! Megdeuuh (camerounais et fier). 


Pause. 


Je vous décris un peu. Le gars est mal mince, le genre qui ferait valablement la parfaite définition de mon opposé, brun (clair de peau), il porte un teesh brillant comme les cheveux de ma cousine lors de sa 1ère communion, le jeans…., huuuuuuum, imaginez un jeans qui moulerait la plus mince fille que vous connaissez et réduisez le encore plus, une paire de Superstar Adidas avec toutes les couleurs, même celles que je connaissais pas encore, et la crème de la crème !! La gestuelle !! 


Pour une fois je pouvais mettre une image sur le mot efféminé. Non non.. Je pouvais mettre une vidéo sur le mot efféminé. 


Je regarde la grosse valise que le gars a porté seul et son maigre corps et tout de suite je bloque le rire qui a failli sortir. Y a une chanson qui dit je crois « quand tu vois quelqu’un de mince, faut chercher si c’est naissance ou maladie » Lol


Je remarque que je ne suis pas le seul entrain de cogiter mais je vois rapidement un sourire se dessiner sur leurs visages.


Alex : bienvenue man. Donc tu faisais ta princesse quoi !! Tu te pointes quand on a fini de récurer la chambre et de recycler la poussière avec nos poumons. Tu as intérêt à avoir assez de cartons de corn flakes dans ta valise pour te faire pardonner hein.


On est tous mort de rire. Je vais vivre avec des fous.


Notre retardataire se présente enfin et on découvre tous un mec très sympa, même si on a tous dit « Niet » (Non en russe. Blasez-vous de mon immense savoir) quand il a voulu qu’on l’appelle Willchou (sa version du diminutif de Wilfried). 


On finit par s’endormir très tard. Il était temps. Demain est un autre jour et je débute un nouveau chapitre de ma vie.

Eli