ChapitreIII
Ecrit par Chouchou26
Après mon test, aussi désastreux qu'il soit, je regardais le bon côté des choses. Il y avait une université qui m'attendait, les bras ouverts. Je ne serais pas allée dans l'université du choix de mon père mais j'aurais quand même été dans une université. Je m’installais dans la cour, sous un arbre, je dévorais mon
bouquin tout en attendant le fameux jeune homme dont j’ai parlé. On avait
rendez-vous. C’était la troisième fois qu’on se voyait et j’aimais bien
discuter avec lui, j’apprenais des choses avec lui et c’était quelqu’un de très
ouvert. Il m’amena chez lui et on discuta un bon moment. Lecteur… pour tout te
dire, il essaya de me connaître plus en intimité mais n’obtenant pas de
consentement de mon côté, il se ressaisissait sans rechigner. Je passais deux
bonnes heures à échanger avec lui.
Lecteur je t’épargne les détails inutiles. Ce jeune homme et
moi avons fini par sortir ensemble quelques temps après notre première
rencontre. Laisse-moi te dire ce qui m’attirait chez lui ; c’était son calme,
il était calme quand il le fallait, il ne me jugeait pas. J’aimais cette
ancienneté en lui… Tu en découvriras plus sur lui dans les prochains
paragraphes.
Au fil du temps, il m’a éduqué comme un père éduquerait sa
fille, m’a protégé comme un frère protègerait sa sœur et a été un véritable ami
pour moi. C’était la personne devant laquelle j’aurais baissé ma garde, c’était
la personne qui me nourrissait d’espoir, c’était la personne à laquelle je
pensais lorsqu’on me demandait si je savais sur qui compter si jamais mes parents
n’étaient plus là. Mon amour pour ce jeune homme était inconditionnel,
incommensurable.
Une fois les résultats proclamés, je n’ai pas été surprise
d’apprendre que je n’avais pas été admise même si j’avais une once d’espoir. J’ai
décidé de rentrer à Bamako, je ne me sentais plus à l’aise à Dakar bien que je pusse
opter pour l’autre université. J’avoue que je n’ai pensé qu’à moi quand je
prenais cette décision et elle était aussi appuyée par l’idée de me rendre en
Afrique du Sud pour mes études supérieures, ce qui m’excitait mais en même
temps suscitait de la peine en moi car ça voudrait aussi dire quitter mon bien
aimé. Nous avons alors décidé de garder correspondance et pendant deux ans on se
rapprochera de plus en plus, développant notre complicité avec beaucoup
d’épanouissement.
Je disais donc…
Pendant ce temps chez ma grand-mère, il fut cette épaule
dont j’avais tant besoin.
Le tribunal a brisé nos cœurs, a piétiné notre dignité en
faisant ce qu’ils ont fait. Je ne pourrais jamais oublier le visage de cet
huissier qui était présent du début à la fin, celui qui nous a le plus manqué
de respect. Je ne pourrais non plus jamais oublier comment les voisins du
quartier assistaient à la scène sans lever le petit doigt, le petit doigt pour
nous porter assistance, ils étaient là en train de nous regarder les yeux hagards,
affichaient une mine d’incompréhension tandis que la nôtre était déconfite. Je
voyais plein de visages autour de moi, des sourires au coin des lèvres, des
visages inexpressifs… Moi ?
J’étais là, le visage animé de courroux. J’ai déversé cette
colère sur l’un des jeunes qui aidaient à vider la maison et cela n’a fait qu’attiser
ma haine au lieu de m’apaiser, ça ne leurs a pas non plus empêché de tout
mettre dehors, tout… On était là, maintenant dehors. Chaque voisin avait sa conclusion,
pour certains la maison ne nous appartenait pas, pour d’autres mon père nous avaient
fait expulsé de la maison… Que l’Homme peut être pitoyable !
Nous avons, par la suite débarqué chez ma grand-mère. Pour
tout te dire lecteur, par rapport à ce que j’ai vu, je pense que la famille de
ma mère n’a pas assez pensé à ce qu’elle pouvait ressentir, à ses émotions.
Je veux dire que notre société a trop normalisé le fait de
souffrir dans nos foyers. Il est bien beau d’accepter que l’homme soit le chef
de la famille, de parler et de se taire quand il faut, de veiller à ce que la
paix et le respect règnent dans la famille mais il serait aussi bien beau de ne
pas se laisser ancrer dans la tête que le mariage est une fin en soi, de ne pas
suivre la société africaine quand elle dit que les enfants d’une femme qui ne
souffre pas dans son foyer ne seront rien. La femme est certes, le pilier de la
famille mais elle reste un être humain et chacun ayant son niveau de tolérance,
il serait illogique voire égoïste de forcer une femme à subir tout ceci et cela
même en l’absence d’amour.
Cela dit, je pourrais dire que j’étais la seule qui
comprenais ma mère, je voyais ce que tout le monde voyait et ce que tout le
monde ne voyait pas. Pendant de longues années, malgré les problèmes au sein de
son couple, malgré la pression incessante de la société qu’elle subissait,
malgré la présence non perpétuelle de mon père, elle n’a jamais flanché, je ne
l’ai jamais surpris même une seule fois entrain de pleurer ou de se plaindre,
elle pouvait tout abandonner, et nous ses enfants et sa vie, pour se réfugier
dans son travail et se reconstruire. Maïmouna. Je ne veux pas avoir hérité que
de son visage, je veux être ma mère, c’est mon modèle. J’admire cette dame, son
stoïcisme m’impressionne, calme quand il le fallait et expressive quand il le
fallait. Je ne pourrai jamais la remercier d’avoir fait le choix de rester et
de se battre pour nous. Cette femme est celle qui me fera toujours craquer, lecteur,
un livre ne serait pas assez pour la décrire…